Rapport n° 121 (2002-2003) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 janvier 2003
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AVANT-PROPOS
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 121
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Rattaché au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2002 Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 janvier 2003 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres),
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.
Voir le numéro :
Sénat : 364 (2001-2002).
Traités et conventions. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 22 avril 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Cette convention fiscale a été négociée dès 1995 afin de remplacer la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985, dont le maintien ne paraissait ni possible ni souhaitable.
I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE L'OUZBÉKISTAN ET LES RELATIONS BILATÉRALES AVEC LA FRANCE
L'Ouzbékistan est un Etat d'Asie centrale dont la superficie est d'environ 450.000 km², et dont les pays voisins sont le Turkménistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Afghanistan. Ses 23,7 millions d'habitants, sont à 71 % des Ouzbeks, et à 88 %, de religion musulmane.
A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
1. La situation politique
L'Ouzbékistan est un Etat indépendant depuis le 31 août 1991. Il est dirigé depuis cette date par le président Islam Karimov, qui a été réélu lors du scrutin présidentiel du 9 janvier 2000 avec 91,9 % des voix (après 99,6 % des voix en 1995 et 86 % en 1991), en l'absence de toute opposition, et après que les partis de la mouvance présidentielle eurent largement remporté les élections législatives du mois de décembre 1999. Les ouzbeks ont ensuite approuvé par référendum, le 27 janvier 2000, la prolongation de 5 à 7 ans du mandat présidentiel, ainsi que la création d'une chambre haute, d'ici à l'année 2004.
L'instauration d'un multipartisme de façade a été de pair avec l'élimination des mouvements d'opposition, en particulier des partis nationalistes, interdits dès 1992. Le président de la République s'appuie sur une nomenklatura héritée de l'ancien régime (parti communiste, devenu le parti populaire démocratique), le service de sécurité (SNB) et les allégeances régionales, qui continuent à jouer un rôle important. Par ailleurs, la presse et la société civile en général sont soumises à un contrôle important.
Dans ce contexte, le fondamentalisme islamique constitue la principale menace pour un régime qui se réclame officiellement de valeurs laïques. L'Ouzbékistan, dont la population est majoritairement sunnite, de rite hanéfite, est, avec le Tadjikistan, le pays d'Asie centrale où la religiosité est la plus forte. Depuis l'indépendance du pays, de nombreuses formations politiques se réclamant de l'islam ont fait leur apparition, et sont bien implantées dans certaines régions, comme la vallée de la Ferghana.
Initialement cristallisée dans les mouvements Adolat (« Justice » ou « Soldats de l'islam »), Taouba (« repentir »), tous interdits, la mouvance islamiste s'est radicalisée. Contraints à la clandestinité, de nombreux islamistes ouzbeks se sont réfugiés au Tadjikistan, combattant aux côtés des islamistes tadjiks pendant la guerre civile, de 1992 à 1997. Le soutien du régime afghan des talibans a encouragé l'émergence en 1998 du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (MIO). Celui-ci est tenu pour responsable de l'attentat commis à Tachkent contre le président Karimov, le 16 février 1999. A la suite de cet attentat, 130 membres du MIO avaient été arrêtés.
Par ailleurs, le MIO procède régulièrement, sous la conduite de son principal chef de guerre, Djourna Namangani, à des incursions armées dans les zones frontalières du Tadjikistan et sur le pourtour de la vallée du Ferghana. L'écrasement du régime taliban a cependant amoindri les capacités opérationnelles de ce mouvement.
Pourtant, compte tenu du contexte politique (impopularité du régime, répression, absence d'opposition politique modérée, montée de la pauvreté et du mécontentement social, environnement régional instable, phénomènes mafieux liés en particulier au trafic de drogue), les mouvements islamistes bénéficient toujours d'un terrain propice à leur expansion. Ainsi, le parti Hizb-ut-Tahrir, qui partage les mêmes objectifs que le MIO (soit le remplacement des Etats laïques existants par un Califat, ainsi que l'instauration de la Charia), mais récuse la lutte armée, est durement réprimé par le gouvernement ouzbek.
La situation des droits de l'homme est préoccupante. Reconnaissant ces difficultés, le président de la République d'Ouzbékistan, Islam Karimov, a indiqué, lors d'une visite aux Etats-Unis, sa détermination à oeuvrer en faveur des réformes. Les tensions sociales sont cependant de plus en plus sensibles.
2. La situation économique
L'Ouzbékistan est un pays essentiellement agricole, qui dispose également d'importantes ressources minières (gaz, métaux non ferreux). Les exportations sont constituées, pour les deux tiers, par des matières premières. La situation économique du pays est stable mais fragile. Après l'indépendance, le président Karimov a fait le choix d'une stratégie de réforme graduelle visant notamment à atteindre l'autosuffisance énergétique et alimentaire. La croissance de l'économie s'est élevée à 4 % environ en 2000 et en 2001, mais le développement de l'économie a été freiné par la diminution de la production de coton liée à la sécheresse.
L'Ouzbékistan a moins souffert du choc de la transition que les pays voisins, et a retrouvé à peu près le niveau de son PIB de 1991. L'indépendance énergétique a été obtenue en 1997, grâce notamment à la mise en service de la raffinerie de Boukhara, construite par le groupe français Technip. L'Ouzbékistan est le premier producteur de gaz en Asie centrale, avec 59 milliards de m annuels, mais n'a pas accès à des marchés concurrentiels.
Un des objectifs prioritaire du gouvernement est d'assurer durablement l'autosuffisance alimentaire du pays. Les surfaces consacrées à la culture de céréales représentent 45 % des terres arables, ce qui a permis à l'Ouzbékistan de produire 3,8 millions de tonnes de céréales en 1998, niveau de production qu'il n'a cependant pas réussi à atteindre depuis.
a) Le processus de privatisation
Le processus de privatisation a été organisé en trois phases par une loi du 19 novembre 1991, mais il se révèle assez lent, et n'a pas obtenu les résultats escomptés en matière d'accueil des investissements étrangers.
La première phase concernait les habitations et les petites entreprises ayant essentiellement une activité de service. La deuxième phase, engagée en 1996, a reposé sur les fonds d'investissements qui acquièrent des participations dans le capital des moyennes entreprises pour les revendre ensuite. D'après les informations recueillies auprès de la mission économique française en Ouzbékistan, ces fonds d'investissement représenteraient encore près de 30 % du capital dans 80 % des entreprises privatisées. Selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), seulement un tiers du PIB de l'Ouzbékistan provenait du secteur privé en 1997.
La troisième phase du processus de privatisation, visant les grandes entreprises, a été engagée en 1998 avec le soutien de la Banque mondiale. La privatisation de 258 entreprises était prévue, avec des parts d'investissements étrangers souvent minoritaires. Le nombre d'entreprises à privatiser a été réduit à 162, avec des possibilités de prises de participation majoritaires étrangères plus nombreuses, mais les résultats obtenus sont restés largement en-deçà des attentes du gouvernement.
Un nouveau programme de privatisation sur deux années a été décidé au mois de mars 2001.
b) Un intérêt nouveau de la communauté internationale
Le regain d'intérêt des pays occidentaux et l'augmentation de l'assistance internationale depuis les attentats du 11 septembre 2001 devraient permettre de soutenir l'économie ouzbèke au cours des prochaines années. Les Etats-Unis auraient accordé à l'Ouzbékistan une aide de 160 millions de dollars, dont un tiers de crédits bonifiés ; la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) a accordé un crédit de 116,5 millions d'euros ; la Banque mondiale, un prêt de 36 millions de dollars, la Banque asiatique de développement s'engageant pour un montant identique, susceptible de tripler en 2003. Ces apports semblent avoir convaincu les dirigeants ouzbeks d'accélérer les réformes structurelles.
c) Des finances publiques équilibrées
Le déficit public primaire de l'Ouzékistan est limité (environ 3 % du PIB en 2001), grâce notamment à un montant de recettes fiscales relativement élevé (environ 30 % du PIB). Du fait d'une régulation stricte des importations, la balance commerciale est traditionnellement excédentaire, tandis que les exportations de services devraient s'accroître à terme, le gouvernement souhaitant valoriser le potentiel touristique de la « route de la soie ». La dette extérieure garantie par le gouvernement s'élève à 4,6 milliards de dollars, et le service de la dette, qui a atteint en 2001 environ le tiers des recettes d'exportation, devrait diminuer à terme. Il convient de souligner que l'Ouzbékistan a toujours honoré ses engagements vis-à-vis des institutions financières internationales, des créanciers bilatéraux et des banques.
d) Le commerce extérieur et les investissements directs étrangers
Les résultats du commerce extérieur ouzbek sont tributaires de la production de coton (qui représente 27,5 % des recettes d'exportation), et dont l'Ouzbékistan est le cinquième producteur et le deuxième exportateur mondial. L'or constitue la deuxième source de rentrée de devises, avec une production annuelle de 80 tonnes.
Les principaux partenaires commerciaux de l'Ouzbékistan sont la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et l'Union européenne. La première absorbe environ 35 % des échanges, et la seconde, 18 %. La Russie est le premier fournisseur et le premier client de l'Ouzbékistan (avec une part de marché de, respectivement, 16 % et 17 %). S'agissant des fournisseurs, la Corée du sud arrive au second rang avec 9,8 %, suivie par les Etats-Unis et l'Allemagne, avec 8,7 %.
L'Ouzbékistan détient l'un des stocks d'investissements directs étrangers les plus faibles parmi les pays de la CEI, avec 956 millions de dollars en 2001. Cette faible performance s'explique par l'enclavement géographique du pays, mais aussi par un cadre légal peu favorable aux investisseurs étrangers. Ainsi, l'Ouzbékistan a durci sa politique en matière de contrôle des changes depuis 1997, en attribuant des quotas trimestriels de devises étrangères aux sociétés ouzbèkes titulaires d'une licence de convertibilité de la Banque centrale. En 1999, le président s'est engagé à libéraliser rapidement le marché des changes. Par la suite, il a reporté cet engagement, et plusieurs taux de change continuent d'exister. L'accès aux devises demeure donc très restreint, ce qui constitue de facto une barrière à l'accès au marché.
B. LES RELATIONS BILATÉRALES
1. Les relations politiques et culturelles
Le ministère des affaires étrangères indique que « l'évolution des relations politiques [entre la France et l'Ouzbékistan] reflète une volonté partagée de diversification et d'approfondissement de la coopération bilatérale ».
Un traité d'amitié et de coopération a été conclu entre la France et l'Ouzbékistan en octobre 1993. Depuis, plusieurs accords ont été conclus entre les deux pays. On notera également la conclusion en juin 2000 d'un accord instaurant une coopération entre Air France et la compagnie aérienne nationale ouzbèke.
De nombreuses visites officielles ont eu lieu entre les autorités françaises et ouzbèkes : le Président de la République française, M. François Mitterrand s'était rendu en Ouzbékistan en avril 1994 ; le Président de la République ouzbèke, M. Islam Karimov, a effectué deux visites en France, et son premier ministre a effectué une visite de travail en France en juin 2000 ; le ministre de la défense ouzbek, M. Goulamov, a présidé la première commission mixte d'armement en janvier 2001 ; enfin, le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Renaud Muselier, s'est rendu en Ouzbékistan au mois de novembre 2002. Par ailleurs, des délégations parlementaires se rendent régulièrement en Ouzbékistan.
a) La coopération militaire
Un accord de coopération en matière de défense a été signé à Tachkent en décembre 1999. Après une visite du ministre de la défense M. Alain Richard en Ouzbékistan, une commission mixte d'armement a été instituée, dont la première réunion s'est tenue à Paris en janvier 2001. L'Ouzbékistan a sollicité l'assistance de la France pour la réforme de son outil de défense (formation et armement). Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les demandes ouzbèkes mettent l'accent sur des projets importants (modernisation des hélicoptères de combat Mi-24, construction d'une usine de munitions, défense antiaérienne, communications). La France et l'Ouzbékistan ont souhaité développer leur coopération en matière de lutte antiterroriste et en faveur d'un règlement politique de la question afghane. En revanche, lors de la campagne militaire menée contre le régime des talibans durant l'hiver 2002, la France n'a pas réussi à obtenir un accord pour le déploiement d'unités sur la base ouzbèke de Karchi-Khanabad, et a privilégié les pays voisins, Tadjikistan et Kirghizstan, avec qui des accords ont été conclus pour l'accueil de troupes françaises, respectivement le 8 et le 28 décembre 2001.
b) La coopération culturelle
Un nombre élevé d'étudiants apprennent le français, ce qui constitue un héritage de la période soviétique. Les autorités locales souhaitent également développer l'apprentissage du français dans divers milieux professionnels. L'ouverture à Tachkent, en 1993, de l'Institut Français d'Etudes sur l'Asie centrale, à vocation régionale, a été vivement appréciée par les autorités locales et a suscité une coopération active. La coopération en matière de police et de sécurité devrait également se renforcer grâce à la création, à l'automne 2001, d'un poste d'attaché de police à vocation régionale.
Les crédits consacrés à la coopération culturelle, linguistique, scientifique et technique avec l'Ouzbékistan Le montant total des crédits d'intervention consacrés en 2002 au dispositif de coopération permanente (inscrits au titre IV - interventions) s'élève à 412.400 euros, dont 47 % pour la coopération culturelle et le français, 30 % pour la coopération universitaire et la recherche, 19 % pour la coopération technique et 4 % pour la coopération audiovisuelle et de communication. La création d'un établissement à autonomie financière à Tachkent qui regroupe les activités de l'Alliance française et la coopération linguistique a conduit à la mise en place d'une subvention de fonctionnement de 90.000 euros sur le titre III (fonctionnement). A ces crédits s'ajoutent les financements d'un projet pluriannuel adopté dans le cadre du COCOP 1 ( * ) pour un montant de 54.000 euros (projet semencier). Un effort particulier est consacré à la coopération dans le domaine des sciences sociales et de l'archéologie : créé en 1993 à Tachkent, l'Institut Français d'Etudes sur l'Asie centrale est un établissement de recherches en sciences sociales à vocation régionale, dont le rôle est fondamental pour le développement des coopérations universitaires et de recherche de haut niveau. Il bénéficie d'une subvention annuelle de 1.125.000 francs (plus de 160.000 euros) du ministère des affaires étrangères. Source : ministère des affaires étrangères |
2. Les relations économiques
a) La coopération économique
La coopération économique bilatérale s'est développée avec la création d'un groupe de travail économique franco-ouzbek (dont la première réunion s'est tenue à Tachkent en juillet 2001) et l'inscription de l'Ouzbékistan sur la liste des pays susceptibles de bénéficier des facilités offertes par la Réserve Pays Emergents (RPE) pour des projets bénéficiant de cofinancements. Cette décision vient compléter le dispositif régional d'appui aux projets de soutien au développement, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan étant déjà bénéficiaires de la RPE. Un premier financement, portant sur un concours financier d'un montant record de 34 millions d'euros, a été accordé récemment dans le cadre d'un projet de réhabilitation de la cascade de pompage de Karshi (irrigation d'une région agricole de 1,5 million d'habitants).
b) Les échanges
L'Ouzbékistan représente pour la France le quatrième marché de la CEI après la Russie, l'Ukraine et le Turkménistan. Les exportations françaises se sont élevées en 2001 à 121 millions d'euros (en hausse de 66 %), tandis que les importations ont régressé de 64 à 61 millions d'euros, permettant de dégager un solde commercial positif de 60 millions d'euros, en progression de 50 %. La part de marché de la France est cependant très faible (2,3 % en 1999). La structure des exportations françaises est dominée par les ventes de biens d'équipement (mécanique, matériel électrique et électronique), ce qui favorise les grands contrats au détriment du commerce courant. Le recul des importations françaises est lié à la chute de la production de coton, qui constitue l'essentiel des achats français.
c) Les investissements et les perspectives d'investissement des entreprises françaises
Le Président de la République ouzbèke, Islam Karimov, considère le secteur de l'eau comme prioritaire, et préconise depuis 1998 une politique de désengagement financier à moyen terme de l'Etat pour les services publics de distribution d'eau. Un contrat d'assistance technique de 27 millions de francs a été signé en septembre 1998 par les entreprises françaises Degrémont et Safège, visant à rationaliser la production et la distribution d'eau dans la ville de Samarcande. Ce contrat de deux ans, financé sur un prêt concessionnel inscrit au protocole franco-ouzbeke de 1998, permet l'installation de gros équipements et le maintien d'une présence technique française. Le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux réalise pour sa part des études de faisabilité sur d'autres villes (Tachkent, Namagan, Boukhara) afin de se préparer à répondre aux futurs appels d'offre internationaux de privatisation ou de contrats d'opération-maintenance.
Dans le secteur énergétique, l'entreprise TESSAG-France a reçu en février 2001 confirmation de l'octroi de garantie souveraine pour le projet de centrale électrique de Navoïazot, en association avec des Japonais (Mitsui/Kawasaki), qui financeraient une partie des prestations françaises. De son côté, l'entreprise Alstom négocie la construction d'une centrale électrique près de Tachkent.
Les projets dans le secteur des transports sont nombreux, mais leur mode de financement n'est pas encore déterminé. Enfin, le secteur des équipements de défense offre des perspectives intéressantes, mais est soumis à une concurrence internationale accrue depuis le 11 septembre 2001. Les principaux projets concernent les entreprises Thales (moyens de télécommunication, modernisation de la défense aérienne) et SAGEM (modernisation des hélicoptères Mi-18 et Mi-24).
II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE LA CONVENTION
A. L'HISTORIQUE DE LA CONVENTION FRANCO-OUZBÈKE
La convention fiscale entre la France et l'Ouzbékistan a été négociée dès 1995, afin de remplacer la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985. Le ministère des affaires étrangères indique que cette négociation n'a pas posé de difficultés particulières. Le texte de la convention a pu être signé le 22 avril 1996 lors de la visite en France du président ouzbek, M. Karimov.
Le ministère des affaires étrangère indique que l'Ouzbékistan n'était pas en mesure de produire un texte en langue ouzbèke, et que la convention n'avait alors été signée qu'en langue française, bien qu'un accord sous forme d'échange de lettres annexé à la convention précisait que la convention devait être également signé en ouzbèke, agrée préalablement par la France par voie diplomatique.
L'Ouzbékistan n'a été en mesure de fournir un texte qu'en novembre 1998, et la mise en concordance des deux versions ne s'est achevée qu'en février 1999. La France a fait part de son agrément par lettre au ministère des affaires étrangères ouzbek, le 9 juin 1999. L'Ouzbékistan a pris le 7 juillet 1999 un décret de ratification de la convention fiscale.
B. UNE CONVENTION GLOBALEMENT CONFORME AU MODÈLE DE L'OCDE
La convention fiscale entre la République française et la République d'Ouzbékistan est conforme dans ses grandes lignes au modèle de convention de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), et comporte les aménagements généralement retenus dans les conventions conclues par la France.
Le ministère des affaires étrangères indique que la France a pu obtenir de nombreuses concessions de la partie ouzbèke par rapport aux demandes initiales de celle-ci : des précisions ont été introduites dans le projet de convention concernant l'imposition des revenus immobiliers, des plus-values de cession de parts, actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière et de la fortune, afin que la convention ne fasse pas obstacle à l'application de la législation fiscale française en la matière. Les paragraphes suivants présentent les dispositions qui s'écartent le plus du modèle de l'OCDE.
1. Les définitions
La définition du trafic international comprend non seulement les trafics aériens et maritimes, mais également les transports routiers et ferroviaires, ainsi que le prévoit également la convention conclue par l'Ouzbékistan avec le Royaume-Uni. Cette demande a été acceptée par la France. S'agissant du transport ferroviaire, la question fait l'objet de discussions dans le cadre de l'OCDE, et l'administration française a considéré que ce moyen de transport devrait être couvert par l'article relatif au trafic international. Le transport routier ne posait pas de problème de principe, et sa portée pratique devrait être limitée dans les relations entre la France et l'Ouzbékistan.
Concernant la définition du bénéfice des entreprises, l'article de la convention est globalement conforme au modèle de l'OCDE. Toutefois, la délégation française a accepté d'ajouter à l'article 7 une disposition rédigée conformément au modèle de convention fiscale de l'Organisation des nations unies (ONU). Cette disposition porte sur les règles de détermination des bénéfices imposables pour les établissements stables, s'agissant de la déduction des paiements effectués par l'établissement stable au profit de son siège central, et réciproquement, de la comptabilisation des paiements reçus du siège par cet établissement. Cette disposition est conforme aux commentaires du modèle de l'OCDE, et ne présente donc pas de difficultés.
2. Les dividendes
La convention prévoit l'application de deux taux de retenue à la source :
- 5 % du montant brut des dividendes sur les produits d'investissement, lorsque le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement une participation égale ou supérieure à 10 % dans le capital de la société distributrice (au lieu d'une participation minimale de 25 % dans le modèle de l'OCDE) ;
- 10 % du montant brut des dividendes dans les autres cas (au lieu de 15 % dans le modèle de l'OCDE).
Ces dispositions sont favorables aux investisseurs français.
3. Les intérêts
La France a obtenu que le taux de retenue à la source soit limité à 5 % pour les intérêts versés aux résidents de l'autre Etat (au lieu de 10 % dans le modèle de l'OCDE).
Elle a également obtenu que soient exonérés de retenue à la source :
- les intérêts versés à l'un des deux Etats, à l'une de leurs collectivités locales ou personnes de droit public, ou payés par l'un des deux Etats, ou l'une de leurs collectivités ou personnes morales de droit public ;
- les intérêts payés au titre de créances ou prêts garantis, assurés ou aidés par l'un des deux Etats ou par une personne agissant pour le compte de ces derniers. Cette clause couvre notamment le cas des prêts garantis par la COFACE ;
- les intérêts payés en liaison avec une vente à crédit ou un prêt consenti par un établissement bancaire.
Ces dispositions sont favorables aux investisseurs français. Aussi, une disposition a été introduite à l'article 11 afin de prévenir les utilisations abusives des avantages conventionnels.
4. Les redevances
L'Ouzbékistan a demandé que soit appliquée une retenue à la source de 15 % sur les redevances, mais la partie française a obtenu l'exonération de toute retenue, conformément au modèle de l'OCDE.
A l'instar de l'article 11, l'article 12 relatif aux redevances contient également une disposition destinées à prévenir les utilisations abusives des avantages conventionnels.
5. La clause de la nation la plus favorisée
La France a obtenu l'introduction d'une clause de la nation la plus favorisée qui a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse où l'Ouzbékistan, dans le cadre de conventions fiscales conclues avec d'autres Etats membres de l'OCDE, accepterait d'accorder à un partenaire économique des taux d'imposition à la source plus faibles que ceux convenus dans la nouvelle convention avec la France sur les revenus passifs (dividendes, intérêts et redevances).
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa séance du 9 janvier 2003, la commission a procédé, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, à l' examen du rapport relatif à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres), sur le rapport de M. Jacques Chaumont, rapporteur .
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a indiqué que la convention fiscale signée entre la France et l'Ouzbékistan le 22 avril 1996 était destinée à se substituer à la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985, dont les dispositions étaient inadaptées, et, sur certains points, imprécises.
Il a indiqué que cette convention était globalement conforme au modèle de l'organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), et a précisé que les dispositions qui s'en écartent résultaient, dans la majorité des cas, soit de demandes de la partie française liées aux spécificités de notre modèle de convention fiscale, soit de demandes ouzbèkes qui ont été acceptées par la France dans la mesure où elles correspondaient aux clauses figurant dans les conventions signées avec les principaux pays de cette zone géographique.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a noté que la convention entre la France et l'Ouzbékistan s'écartait du modèle de l'OCDE sur les points suivants :
- la définition du trafic international comprenait, non seulement les transports aériens et maritimes, mais également les transports routiers et ferroviaires, à la demande de l'Ouzbékistan. La portée pratique de cet ajout devrait cependant être limitée.
- la définition du bénéfice des entreprises reprenait une disposition du modèle de convention fiscale élaboré par l'ONU, s'agissant des règles de détermination des bénéfices imposables pour les établissements stables.
- les taux de retenue à la source sur les dividendes étaient plus favorables aux investisseurs français que ceux prévus par la convention de l'OCDE. M. Jacques Chaumont, rapporteur, a indiqué que la France avait par ailleurs obtenu une réduction du taux de retenue à la source pour les intérêts versés aux résidents de l'autre Etat, ainsi qu'une exonération de retenue à la source pour les intérêts versés à l'un des deux Etats, ou l'une de leurs collectivités ou personnes morales de droit public ; pour les intérêts payés au titre de créances ou prêts garantis, assurés ou aidés par l'un des deux Etats ou par une personne agissant pour le compte de ces derniers, par exemple, pour la France, la COFACE ; enfin, pour les intérêts payés en liaison avec une vente à crédit ou un prêt consenti par un établissement bancaire.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a estimé que ces dispositions étaient toutes plus favorables aux investisseurs français que celles figurant dans le modèle de l'OCDE.
S'agissant des redevances, il a indiqué que l'Ouzbékistan avait demandé que soit appliquée une retenue à la source de 15 %, mais que la France avait obtenu leur exonération, conformément au modèle de l'OCDE.
Enfin, il a noté que la France avait obtenu l'introduction d'une clause de la nation la plus favorisée, qui a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse où l'Ouzbékistan accepterait, dans le cadre de conventions fiscales conclues avec d'autres Etats membres de l'OCDE, d'accorder des taux d'imposition plus faibles que ceux figurant dans la convention conclue avec la France.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a souligné que l'Ouzbékistan constituait aujourd'hui, pour la France, le 4 ème marché de la communauté des Etats indépendants (CEI) après la Russie, l'Ukraine et le Turkménistan, mais que la part de marché de la France restait faible, bien qu'en forte progression.
Il a indiqué que les principaux investissements français concernaient le secteur de l'eau et de l'énergie, et que des perspectives intéressantes existaient en matière de transport et d'équipement militaire. Enfin, il a souligné que l'assistance offerte à l'Ouzbékistan, par la communauté internationale, s'était considérablement renforcée depuis les attentats de septembre 2001, l'Ouzbékistan étant considérée comme un point d'appui dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international.
Il a estimé que l'entrée en vigueur de cette convention permettrait d'assurer des conditions favorables au développement des relations économiques entre la France l'Ouzbékistan.
Sur proposition de M. Jacques Chaumont, rapporteur , la commission a décidé de proposer au Sénat d'approuver l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale franco-ouzbèke du 22 avril 1996 .
* 1 Comité d'orientation, de coordination et de projets.