II. LA PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008 : UNE COHÉRENCE RESTAURÉE
Au terme
de la loi de programmation 1997-2002, la situation de notre défense
appelle un double constat :
-
la mise en oeuvre globalement satisfaisante de la professionnalisation
n'exclut pas certaines nuances
sur le niveau réel des
effectifs
ou sur les
conditions de vie et de travail
des
personnels, nuances qui justifient une
action de consolidation
;
- notre niveau d'équipement s'est fragilisé, tant à court
terme, compte tenu de la dégradation de la disponibilité des
matériels, qu'à moyen terme, en raison d'une
divergence
croissante entre les besoins
générés par leur
renouvellement,
et les ressources financières
mises en place
année après année.
C'est donc un véritable
risque de rupture
qui se profilait
à l'heure de la préparation de la loi de programmation suivante
destinée à fixer le cadre de référence de notre
effort de défense sur la période 2003-2008. Ce risque de rupture
imposait des choix lourds de conséquences, l'alternative se situant
entre un relèvement substantiel des crédits ou une
révision à la baisse du modèle d'armée remettant en
cause la cohérence des choix effectués en 1996.
Dans ce contexte, le
premier projet de loi de programmation
déposé le 31 juillet 2001 par le précédent
gouvernement est apparu comme une
voie moyenne.
Il retenait le principe
d'une
stabilisation des effectifs
à leur niveau de 2002 et, pour
les dépenses d'équipement, une enveloppe financière
correspondant, en monnaie 2000, à une
annuité moyenne de
13,3 milliards d'euros
, supérieure aux crédits
effectivement alloués sur la période 1997-2002 mais en retrait
par rapport à la loi de programmation votée en 1996.
Sans formellement remettre en cause le modèle d'armée 2015, ce
premier projet de loi revenait à en
décaler
la
réalisation
dans le temps
, voire à abandonner certaines
capacités et, en définitive, à proroger de
6 années supplémentaires le niveau de ressources
établi lors de la « revue des programmes » de 1998.
En diminuant la cadence de renouvellement des matériels, en laissant en
suspens des questions aussi importantes que la permanence du groupe
aéronaval, ce projet conduisait à se résigner à un
lent mais inexorable affaiblissement capacitaire. S'il maintenait l'affichage
d'une ambition européenne marquée, il ne fournissait pas les
moyens de nature à donner à la France un rôle moteur en la
matière.
Telle était la situation au printemps 2002, lors de l'entrée en
fonction de l'actuel gouvernement. Ce dernier s'est trouvé
confronté à une forte dégradation des finances publiques
dans un climat de ralentissement de l'activité économique, mais
aussi à la nécessité d'arrêter très
rapidement ses choix financiers en matière de défense.
Dans ce contexte difficile, un
changement de cap a été
très clairement opéré.
Il s'est manifesté dès le collectif budgétaire de
l'été, qui a couvert les importants besoins financiers du titre
III sans annulations correspondantes au titre V, ce dernier étant au
contraire lui aussi majoré au bénéfice de l'entretien des
matériels.
Ce changement de cap a été pleinement confirmé par
l'adoption en Conseil des ministres, le 11 septembre dernier, du
présent projet de loi de programmation.
Ce projet a été élaboré sous une contrainte de
temps, à l'approche de l'arrivée à échéance
de l'actuelle loi de programmation, et sous une contrainte plus forte encore
d'ordre financier, liée à l'aggravation des déficits
publics.
Au vu de ces
contraintes fortes
, les choix effectués par le
Président de la République et le Gouvernement apparaissent
à la fois courageux et lucides : courageux parce qu'ils
prévoient un effort financier accru dans un contexte budgétaire
plus difficile, et lucides dans la mesure où ils reconnaissent la
nécessité d'un indispensable redressement
pour adapter
notre outil de défense aux exigences de sécurité du monde
actuel.
Le projet de loi
préserve le modèle d'armée 2015
,
dont la réalisation, toujours nécessaire, était
compromise. Il intègre également, dans la mesure du possible,
les enseignements des crises les plus récentes
, tout
particulièrement ceux liés à la lutte contre le terrorisme
international.
Il programme une
légère augmentation des effectifs
,
cohérente avec les nouveaux besoins, fixe plusieurs indicateurs en
matière de crédits de fonctionnement et de normes
d'entraînement, et dégage une enveloppe financière
destinée à consolider la professionnalisation. Il retient, pour
les crédits d'équipement, une
annuité moyenne de 14,64
milliards d'euros,
supérieure d'environ 2 milliards d'euros
à celle allouée au cours de la période 1997-2002, tout en
allégeant le budget de la défense de diverses charges qui lui
étaient jusqu'alors imputées et qui minoraient son pouvoir
d'achat.
Ce projet de loi de programmation met un terme à une érosion qui
portait en germe l'abandon du modèle d'armée que la France
prétendait construire. Le redressement qu'il engage
restaure la
cohérence
qui avait inspiré les grands choix effectués
en 1996, et les actualise au vu des évolutions des besoins de
sécurité.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées porte donc une
appréciation
extrêmement positive
sur ce projet de loi de programmation, qui
replace notre effort de défense sur la bonne trajectoire
, les
financements convergeant de nouveau avec les objectifs. Elle considère
que dans le contexte budgétaire actuel, il représente sans aucun
doute le
meilleur arbitrage qui pouvait raisonnablement être
escompté en faveur de l'équipement des armées.
Cette
inversion de tendance
, due à l'engagement politique fort
des plus hautes autorités de l'Etat, et les perspectives favorables
qu'elle ouvre, ne doivent pas pour autant masquer certaines
réalités : les retards accumulés ces dernières
années ne seront pas rattrapés, des lacunes capacitaires
persisteront et notre pays ne disposera que dans plusieurs années de
certains systèmes d'armes modernes qui comptent parmi les plus
nécessaires dans les opérations actuelles. L'étalement
excessif, au cours des années passées, des programmes de
modernisation de nos équipements, limite ainsi notre marge de manoeuvre
pour lancer rapidement les développements nouveaux que chacun sait
néanmoins nécessaires.