I. LA DÉFENSE FRANÇAISE AUJOURD'HUI : ACQUIS ET FRAGILITÉS D'UNE RÉFORME
L'outil
de défense français vient de connaître six années de
mutation sans précédent. Ses missions ont été
revues à la lumière du contexte géopolitique de
l'après-guerre froide et dans la perspective de la construction de
l'Europe de la défense. Ses capacités ont été mises
à l'épreuve lors des conflits du Kosovo et d'Afghanistan alors
que l'engagement sur les théâtres extérieurs, mobilisant en
moyenne 12 000 hommes par an, est devenu de règle. Son format, en
hommes et en matériels, a été réduit de l'ordre de
20 %, la conscription a été suspendue et les effectifs
professionnalisés. Dans le même temps, l'environnement
technologique et industriel de la défense s'est rapidement
transformé.
Au terme de cette période particulièrement dense, on ne peut
qu'être impressionné par l'ampleur de l'effort engagé et
par la contribution que tous les personnels de la défense y ont
apporté.
La
professionnalisation
, qui supposait de mener de pair
déflations d'effectifs dans certaines catégories de personnels,
créations de postes et amplification des recrutements dans d'autres,
peut être globalement considérée comme un
succès
, en dépit de réelles tensions apparues sur les
conditions de vie et de travail des militaires, auxquelles il était
urgent d'apporter des réponses.
En revanche,
les objectifs définis en matière
d'équipement n'ont pas été respectés
, alors
même qu'ils se situaient en retrait par rapport aux années
antérieures et qu'ils n'étaient en rien déraisonnables au
regard de la situation économique et financière qu'a connu notre
pays de 1997 à 2002. Cette
érosion de l'effort
d'équipement fragilise la cohérence de notre outil militaire
,
dont la modernisation prend du retard, et ne nous permet pas de répondre
autant qu'il le faudrait aux exigences de sécurité d'un
environnement plus incertain. Le recul durable de notre position relative par
rapport au Royaume-Uni en apporte l'illustration.
L'
ambition européenne
, que la plupart de nos choix visaient
à conforter,
a rencontré au moins autant de déconvenues
que de satisfactions
. Sans doute la France ne s'est-elle pas suffisamment
donnée des moyens à la mesure de son discours volontariste, mais
la difficulté à fédérer nos partenaires, dans la
durée et autour d'objectifs communs, s'est pleinement
révélée. En tout état de cause, il a
été démontré qu'il était totalement
illusoire d'attendre de l'Europe de la défense un « partage du
fardeau », celle-ci imposant au contraire à chacun un effort
accru.
Enfin, d'importantes transformations ont affecté le
secteur
industriel de la défense
. Dans plusieurs domaines
stratégiques, les compétences de nos entreprises ont pu trouver
la voie d'une consolidation dans un cadre européen. Mais ici encore, la
démarche européenne n'a pas toujours rencontré
l'écho attendu, non seulement sur les marchés extérieurs
mais également sur ceux de notre propre continent. Par ailleurs, les
entreprises d'Etat sont demeurées à l'écart de ce
mouvement, peinant à tracer leur avenir dans un environnement
très concurrentiel et en évolution rapide.
C'est donc cet état des lieux contrasté que votre rapporteur se
propose de commenter, car il éclaire les conditions dans lesquelles
s'engage une nouvelle loi de programmation et donne la mesure des défis
qu'elle doit relever.