I. PRÉPARATION ET MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE
Le
système de force « préparation et maintien de la
capacité opérationnelle » a pour objectif de
«
disposer de l'environnement nécessaire au personnel et
à ses équipements pour lui permettre de remplir ses missions dans
les meilleures conditions de coût et d'efficacité
».
Les principaux axes d'effort retenus dans le projet de loi de programmation
pour les années 2003- 2008 sont la
restauration de la
disponibilité des matériels
, l'amélioration de la
protection des forces contre la menace biologique
, le
développement d'outils d'aide à la décision
et la
mise à niveau de l'environnement des forces
, notamment le
service de santé des armées
.
Ces orientations répondent à la nécessité urgente
de renforcer nos moyens dans deux
domaines qui ont particulièrement
souffert au cours des années récentes
: celui de la
disponibilité des matériels
marqué par une
dégradation «
insupportable
»
, ainsi
que l'a qualifiée le Président de la République ; le
service de santé
, outil fondamental indissociable de notre
capacité de projection de forces, dont la professionnalisation s'est
accompagnée d'un fort déficit en personnels, notamment en
médecins.
En outre, l'accroissement significatif de la
menace biologique
asymétrique mérite d'être prise en compte de manière
beaucoup plus accentuée. C'est l'une des inflexions importantes
apportées par le projet de loi.
Au cours de la période 2003-2008, le système de forces
« préparation et maintien de la capacité
opérationnelle » bénéficiera d'une
annuité moyenne d'environ 5,1 milliards d'euros en crédits de
paiement, selon l'échéancier précisé
ci-après.
(en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total
|
AP |
5 966 |
5 830 |
5 752 |
5 595 |
5 484 |
5 220 |
33 848 |
CP |
4 967 |
5 069 |
5 110 |
5 358 |
5 314 |
5 104 |
30 921 |
1. La restauration de la disponibilité des matériels : un impératif urgent
Les
armées connaissent une forte dégradation des matériels
depuis cinq ans. Ces déficiences résultent en grande partie du
vieillissement de matériels qui n'ont pu être renouvelés
à temps en raison de la faiblesse, ces dernières années,
des crédits d'équipement. Elles s'expliquent également par
la réduction des crédits alloués à l'entretien
programmé des matériels entre 1997 et 2002. Elles tiennent
également à la désorganisation de la fonction
« rechanges » dans les différentes armées et
l'allongement de la durée des réparations.
La restauration de la disponibilité des matériels est l'un des
trois objectifs majeurs du présent projet de loi de programmation. Le
retour à une situation saine implique un
effort financier important
combiné avec des réformes de structure
.
a) Un effort financier conséquent
Le
projet de loi de programmation militaire prévoit de fixer
l'
annuité moyenne des crédits d'entretien programmé des
matériels (EPM) à 2 379 millions d'euros
, hors maintien
en condition opérationnelle inclus dans les programmes, soit une hausse
de 8 % par rapport à 2001.
Cet effort financier doit permettre de rattraper le retard accumulé mais
aussi de
faire face à la hausse prévisible des coûts de
maintenance
sous le double effet du maintien en service de matériels
vieillissants et de l'arrivée de matériels nouveaux et
sophistiqués.
L'analyse détaillée des taux de disponibilité montre que
plus les matériels sont âgés, plus leur
disponibilité est faible et plus leur entretien coûte cher
. De
1997 à 2002, l'armée de l'air a pratiquement augmenté de
50% les crédits d'entretiens consacrés aux Transall (+ 60
millions d'euros). Dans le même temps, leur taux de disponibilité
à chuté de 69% à 55%.
Parallèlement, l'armée de terre a constaté une
augmentation de 44 % du coût global des rechanges pour les blindés
depuis l'entrée en service du char Leclerc. Elle estime par ailleurs que
le coût d'entretien de l'hélicoptère Tigre sera quatre fois
plus élevé que celui de l'hélicoptère Gazelle.
C'est donc logiquement, que l'effort financier en faveur de l'entretien se
combinera avec l'augmentation des crédits destinés à
l'acquisition de matériels neufs permettant leur renouvellement et
évitant que, comme au cours de la précédente loi de
programmation, les états-majors soient contraints de choisir entre
l'entretien de l'existant et le renouvellement de leur parc.
b) La nécessité de poursuivre la réforme des structures de maintenance
La
faiblesse des crédits consacrés à l'entretien des
matériels n'étant pas la seule cause de la baisse de la
disponibilité, il est
impératif de poursuivre les
réformes déjà engagées des structures de maintien
en condition opérationnelle
.
Deux organismes interarmées ont d'ores et déjà
été mis en place : la Structure intégrée de
maintien en condition opérationnelle des matériels
aéronautiques de la défense (SIMMAD) en 1999 et le Service de
soutien de la flotte (SSF) en 2000.
La
SIMMAD
a la responsabilité de la maintenance de l'ensemble du
matériel aérien des trois armées et de la gendarmerie,
soit de plus de 2 000 appareils. Dotée d'un budget de 1,4 milliard
d'euros, elle gère 700 000 références, conclut 600
marchés et passe 20 000 postes de commande chaque année. L'action
de la SIMMAD semble porter ses fruits : le taux de disponibilité
des matériels aéronautiques est passé de 54,2 % en
décembre 2000 à 60 % en août 2002. L'objectif de 67 % fin
2002 paraît hors de portée. Pour 2003, l'objectif de
disponibilité attendu est de 75 %.
Les résultats du
SSF
, service constitué à
parité entre la Marine et la DGA, sont encore difficile à
évaluer. En place depuis juin 2000, il n'a pu obtenir une
évolution sensible de la disponibilité des bâtiments. Ces
difficultés s'expliquent vraisemblablement par le quasi monopole de DCN
sur l'entretien de la flotte, sur la spécificité de la plupart
des navires produits en très petite série et sur la profonde
désorganisation de la fonction rechange, qui sera reprise en main par la
marine en 2003. De fait, pour 80 bâtiments seulement, le SSF gère
800 000.
La réorganisation du maintien en condition opérationnelle dans
l'armée de terre est actuellement à l'étude. Une Structure
intégrée de maintenance du matériel terrestre (SIMMT)
pourrait être créée, pour remédier aux mauvais
résultats enregistrés ces dernières années,
à moins que ne soit privilégiées des solutions ad hoc
à travers la réforme de la direction centrale du matériel
de l'armée de terre (DCMAT).
2. Le service de santé des armées : un début de redressement à conforter
Le
service de santé est un
élément essentiel de
l'environnement des forces
. Sur le territoire national, il concourt
à la condition militaire en assurant le soutien médical des
unités. En opération, il est présent dès que des
troupes françaises sont engagées, il assure le traitement des
blessés et apporte ainsi un soutien moral déterminant aux forces
sur le théâtre. Il met en oeuvre un
concept de
« médicalisation de l'avant »
, fondé sur
le soutien au plus près du combattant et les évacuations
sanitaires précoces. Ce concept, qui a permis de limiter de
manière remarquable les pertes en opérations, est reconnu comme
l'un des points forts de l'armée française
, qui disposait
jusqu'à présent d'un avantage comparatif certain par rapport
à d'autres armées européennes.
Il est donc indispensable de préserver cette capacité essentielle
au moment où elle se trouve fragilisée. Profondément
restructuré du fait de la professionnalisation, le service de
santé doit en effet faire face à des
difficultés de
recrutement
et à la nécessaire modernisation de ses
structures
22(
*
)
.
a) Une profonde restructuration
La
suspension de la conscription a conduit le service de santé à
réduire de presque 50 % le dispositif hospitalier militaire,
passé de 5 600 à 3 200 lits, en raison de la diminution
du nombre de militaires. Neuf centres hospitaliers des armées ont
été fermés en métropole où ne subsistent que
les neuf hôpitaux d'instruction des armées (HIA). Ce dispositif,
largement ouvert à l'activité de nature civile, est
financé aux deux tiers par les dotations des régimes
d'assurance-maladie rémunérant la participation au service public
de santé.
Combinée aux restructurations, qui ont provoqué des
départs de personnels, civils ou militaires, vers le secteur civil, la
suspension de la conscription a entraîné de fortes
difficultés dans la gestion des ressources humaines du service,
confronté à un déficit important, notamment en
médecins. En effet, le service national fournissait 27 % des
médecins, 63 % des pharmaciens, 75 % des vétérinaires, 92
% des chirurgiens dentistes, 25 % des laborantins et 15 % des infirmiers.
Dans le même temps, les opérations extérieures se sont
multipliées et prolongées dans le temps, accentuant le
problème posé par le déficit en personnels.
b) Assurer la fidélisation
En
prévoyant la
création de 220 postes de médecins
supplémentaires
, le projet de loi de programmation militaire
permettra de maintenir le recrutement à l'entrée des
écoles à 150 élèves par an, pour satisfaire
à terme (9 ans minimum) les besoins du service de santé.
Jusqu'à ce que ces mesures puissent produire tous leurs effets, il
serait souhaitable que le service de santé dispose de
primes
incitatives
pour recruter des médecins récemment
diplômés. Ce type de recrutement est pour l'instant
décevant, moins de 20 % des postes proposés étant
pourvus. Il serait également souhaitable d'améliorer sensiblement
les
primes accordées aux spécialistes
et de conforter les
mesures prises dès 2003 à destination des médecins en chef
(prime de technicité, contingent supplémentaire d'échelles
lettre) pour éviter leur départ dans le secteur civil. Les
médecins peuvent en effet quitter les armées après 25 ans
de service, études comprises. De telles mesures pourront être
prises dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation.
Un effort important sera par ailleurs accompli pour
créer de nouveaux
postes de personnels militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux
des armées
(MITHA). 200 postes avaient été
créés en 2002, 200 autres le seront en 2003 et 149 en 2004. Ces
créations sont impératives pour assurer un taux d'encadrement des
lits conformes aux normes civiles. L'encadrement des lits dans les
hôpitaux militaires est en effet inférieur d'un quart à
l'encadrement dans les hôpitaux civils. Les créations attendues
permettront également de réduire le temps de travail des
personnels. Celui-ci est estimé, en moyenne, hors astreintes et
permanences, à 44 h 30, un quart des personnels assurant
48 h 30.
Pour ces personnels, la parité des rémunérations avec la
fonction publique hospitalière devrait être prochainement
assurée, en les faisant bénéficier des mesures dites
Kouchner (en application des dispositions du décret du 10 février
1994). Le problème du différentiel de rémunération
des gardes de nuit ne sera toutefois pas résolu.
c) La modernisation des équipements
La
modernisation des équipements du service de santé des
armées aura pour but au cours de la période de renforcer ses
capacités de soutien des forces projetées et ses infrastructures
sur le territoire national.
Le dispositif de médicalisation de l'avant, permettant d'intervenir au
plus près des opérations, sera renforcé par
l'
achèvement du programme d'éléments techniques
modulaires
. Il s'agit de conteneurs projetables permettant d'assurer les
différentes fonctions hospitalières et pouvant être
assemblés en fonction des besoins.
Les hôpitaux d'instruction des armées seront modernisés. Le
principal programme est la construction d'un
hôpital neuf à
Toulon
, en remplacement de l'hôpital Ste-Anne dont les
bâtiments datent du XIXe siècle. Cette opération devrait
être achevée en 2007. Par ailleurs, les hôpitaux Begin et du
Val-de-Grâce seront remis aux normes.
3. La protection contre la menace nucléaire, biologique et chimique
Face
aux menaces liées à la prolifération des armes de
destruction massive, biologiques en particulier, et à leur utilisation
possible dans le cadre d'actions terroristes, un ensemble de mesures a
été intégré, après les attentats du 11
septembre, dans le projet de loi de programmation militaire pour
améliorer la protection et la sauvegarde des forces face à une
menace nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC). Ces
mesures visent aussi bien à protéger les forces projetées
à l'étranger, que le territoire national. En effet, si une crise
de cette nature devait intervenir, les forces armées participeraient aux
plans d'urgence mis en place dans les différentes zones de
défenses par les préfets.
Un
objectif de capacité de défense biologique est
défini permettant la protection individuelle de 15 000 hommes et celle,
collective, de 10 sites projetés
contre un nombre significatif
d'agents.
Il s'agit ensuite d'améliorer les dispositifs existants en dotant
certaines unités de
matériels
supplémentaires
: tenues de protection pour la gendarmerie et
la marine, moyens de reconnaissance du risque industriel pour l'armée de
terre, acquisition de moyens de prélèvement et de transport
biologique et chimique, acquisition de nouvelles seringues d'auto-traitement
contre une intoxication chimique, développement d'appareil de
détection du risque radiologique et enfin amélioration de la
capacité d'analyse, d'accueil et de traitement des hôpitaux
d'instruction des armées et du laboratoire spécialisé du
service de santé.
L'ensemble de ces nouveaux moyens, s'il a évidemment pour
finalité la protection des forces projetées, permettra
d'
accroître les capacités d'expertise et d'analyse des
armées en cas de crise
sur le territoire. Celles-ci seront mieux
à même d'appuyer et de renforcer l'action de la défense
civile, en apportant le savoir-faire et les capacités militaires.
L'ensemble de ces mesures représentera un effort financier de 51,53
millions d'euros sur la durée de la loi de programmation.
La
défense du territoire
contre la menace nucléaire,
radiologique, biologique ou chimique :
rôles respectifs des
armées et des autorités civiles
Contrairement à la période de la guerre froide
où une attaque NRBC était possible par un adversaire
identifié, les menaces pesant sur les populations sont désormais
essentiellement de nature terroriste ou technologique.
La prise en compte de ces risques, avec le financement par le programme civil
de défense de moyens d'intervention au profit des différents
services concernés, relève du
Secrétariat
général de la défense nationale (SGDN)
. Ce programmes
est conduit dans un
cadre budgétaire impliquant sept
ministères
.
La protection des populations sur le territoire incombe à titre
principal aux ministères de l'intérieur (sécurité
civile), de la santé et de l'agriculture (santé publique et
vétérinaire).
Le
ministère de la défense
est quant à lui
responsable de la
protection des approches maritimes et aériennes
et doit être à même, sur réquisition des
préfets, de
renforcer les moyens civils
pour les missions de
secours et de protection des populations, d'aide aux services publics et de
sécurité générale. Est ainsi prévue la mise
à disposition du ministère de l'Intérieur
d'équipements de protection, de moyens de détection et
d'expertise et des moyens du service de santé des armées.
Le projet de loi de programmation prévoit l'acquisition de
capacités nouvelles, principalement pour la défense biologique,
ainsi que l'amélioration de capacités existantes dans les
domaines nucléaires et chimiques. Ces moyens répondent à
la double mission de protéger les
troupes déployées et de renforcer, en cas d'acte terroriste ou
d'incident sur le territoire national, les moyens mis en place par les
ministères civils.
Les moyens militaires interviennent dans le cadre des plans gouvernementaux
d'urgence : PIRATOME (accident nucléaire ou radiologique), PIRATOX
(attaque terroriste chimique) et BIOTOX (malveillance ou attentat biologique).
Ces plans sont activés dans le cadre des zones de défense. Leur
mise en oeuvre est dirigée par les préfets de zone de
défense qui peuvent notamment s'appuyer sur le concours d'un officier
général à la tête d'un état-major
interarmées. Les forces armées apportent également leur
concours dans les domaines de l'expertise (évaluation des
contaminations, identification des polluants), du traitement des blessés
(hôpitaux des armées et fournitures d'antidotes) et de la
dépollution des zones grâce à des équipes
spécialisées.