H. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL
Les
attaques perpétrées simultanément et en plusieurs points
du sol américain, le 11 septembre 2001, ont mis en relief la
vulnérabilité actuelle des puissances occidentales -en
l'occurrence la plus puissante d'entre elles- à ce type de frappes.
Certes, ce type d'action suicide compte parmi les plus difficiles à
prévenir et à déjouer. Mais une meilleure maîtrise
du milieu aérospatial compte parmi les priorités
immédiates pour le renforcement de la protection du territoire national.
Or, la position de la France-comme celle de l'ensemble de ses partenaires
européens- est assez faible en ce domaine, et des améliorations
notables nécessiteront du temps, et la mobilisation d'importantes masses
financières.
Les priorités retenues dans ce secteur par la loi de programmation sont
les suivantes :
-
l'acquisition, à l'horizon 2010, d'une première
capacité de protection de site
de déploiement de
forces
face à des menaces découlant de missiles balistiques
disposant d'un rayon d'action maximal de 600 km ;
-
le renforcement de la capacité française de
supériorité aérienne
par la mise en service des
premiers
Rafale
polyvalents, associés aux
Mirage 2000-5
de
défense aérienne équipés de missiles MICA, la
modernisation des systèmes de détection et de commandement
aéroporté (SDCA), et par le
développement
européen d'un missile d'interception à domaine élargi
(MIDE)
(adapté notamment au Rafale) ;
-
l'amélioration de la composante sol-air
, avec la mise en
service du système FSAF/SAMPT. Cette composante permettra, à
l'issue de la programmation, de disposer d'une première capacité
de défense antimissile ;
- la poursuite de la dotation de l'armée de l'air en
hélicoptères Cougar EC 725
, spécialisés
dans le sauvetage au combat des équipages des aéronefs.
Les volumes financiers suivants seront affectés à ces
actions :
(M€ 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total
|
CP |
600 |
718 |
688 |
817 |
855 |
822 |
4 500 |
AP |
861 |
1 927 |
659 |
950 |
994 |
668 |
6 059 |
MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL - PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global (M€) |
Coût unitaire (M€) |
CP 2003 -2008 |
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
1430 missiles MICA |
Missile air-air de défense aérienne et d'autodéfense des avions de combat |
1 929 |
0,59 |
624,9 |
Commandes achevées en 2006 ; 770 livraisons de 2004 à 2008 |
MBDA
|
. |
400 missiles Météor |
Missile air-air d'interception à grande distance de cibles aériennes |
|
|
130 |
- 300
missiles pour l'armée de l'air
|
MBDA
|
Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède |
12 systèmes (575 missiles) sol-air moyenne portée, terrestre (SAMP/T) |
Missile de défense sol/air incluant une capacité de défense antimissiles de théâtre à compter de 2008 |
3 458 |
- |
686,7 |
Achèvement des commandes en 2007 et 4 systèmes livrés de 2006 à 2008 |
Thalès, MBDA, Alénia Marconi Systems |
Italie |
Modernisation du système de détection et de
conduite aéroportée)
|
Radar aéroporté de détection des cibles aériennes et maritimes |
290 |
- |
290
|
Modernisation du système d'ensemble |
Boeing
|
- |
4 radars Giraffe |
Défense aérienne à très basse altitude |
35 |
8,75 |
35 |
1
livraison en 2003
|
Ericsson |
- |
1. La montée en puissance des missiles d'interception
Deux
types de ces missiles, le MICA et le MIDE-Meteor, sont mis en oeuvre ou en
cours de développement.
. Le MICA
Le missile MICA (Missile d'Interception, de Combat et d'Autodéfense)
constitue l'armement principal du Rafale dans ses missions de défense
aérienne, ainsi que son armement d'autodéfense dans ses missions
d'attaque air-sol. Il arme également le Mirage 2000-5.
Equipé d'un autodirecteur électromagnétique
actif
20(
*
)
(version MICA EM) ou
infrarouge (version MICA IR), d'un propulseur à poudre, d'une
référence inertielle, d'une fusée de proximité
électromagnétique et d'une charge militaire de 12 kg, il
confère à l'avion équipé du système
adéquat des capacités « tire et oublie ».
D'une portée maximale en interception face à face de 60 km, il a
une limite courte en combat de 900 m, et une résistance accrue aux
contre-mesures.
Le lancement du développement du MICA remonte au mois d'avril 1987, et
les premières livraisons ont eu lieu en France en décembre 1999
pour équiper les Mirage 2000-5F.
La livraison de 1 430 missiles est prévue, dont 1 070 pour
l'armée de l'air (370 EM, 700 IR), et 360 pour la marine (170 EM,
190 IR). Le projet de loi prévoit d'affecter 624 millions d'euros de
crédits de paiement à ce programme de 2003 à 2008, pour
520 missiles livrés à l'armée de l'air et 250 à la
Marine.
. Le Meteor
Le MIDE (Missile d'interception à Domaine Elargi)-Meteor
21(
*
)
est un missile air-air à
moyenne portée, complémentaire du MICA ; il est
destiné aux interceptions de tout type de cible aérienne, et sera
équipé d'une propulsion à base d'un statoréacteur
et d'un autodirecteur électromagnétique actif
dérivé de celui du MICA. Associé au système d'armes
adéquat, il procurera des capacités « tire et
oublie ». Sur le Rafale, sa portée sera supérieure
à 120 km.
Le MIDE/Meteor devrait équiper en priorité les escadrons de
Rafale à vocation de défense aérienne de l'armée de
l'air et les flottilles de la marine.
L'objectif est un total de 400 missiles, dont 300 pour l'armée de l'air,
et 100 pour la marine.
L'évaluation financière de ce programme est estimée, pour
la Marine et l'Armée de l'Air, à 130 millions d'euros pour le
développement, et à 273 millions d'euros pour la fabrication. La
présente programmation prévoit les sommes nécessaires au
lancement du développement.
Le programme Meteor est conduit en coopération entre le Royaume-Uni
(leader du programme avec 34,6 %), l'Allemagne (21 %), l'Italie (12 %),
l'Espagne (10 %) (pour l'Eurofighter), la Suède (10 %) (pour le Gripen)
et la France (12,4 %) (pour le Rafale).
Les implications de la décision allemande, annoncée en
décembre 2002, de réduire ses commandes de 1 490 à
600 missiles ne sont pas encore évaluées. Il semble cependant
probable que cette réduction ait été anticipée par
les partenaires de l'Allemagne, et ne soit pas de nature à remettre en
cause ce programme.
2. Un développement des capacités de défense anti-missiles
Dans
un contexte international marqué par la prolifération des
missiles balistiques, et celle des armes de destruction massive, le projet de
loi de programmation retient l'objectif d'
acquérir à l'horizon
2010 une première capacité de protection des forces
déployées en opérations
.
Cette capacité s'appuiera sur un
système d'interception
-
le missile sol-air moyenne portée/terre (SAMP/T) constitué par
l'
Aster 30
- et plusieurs sous-ensembles dont le développement
reste à confirmer : un
système d'alerte lointaine
, un
radar d'acquisition et de poursuite
(
M3R : modular, mobile,
multifunction radar
), et un
système de gestion de
l'engagement
(
BMC3 : battle management command, control and
communication
) intégré aux structures de commandement et de
contrôle des opérations aériennes.
A l'horizon 2010, notre première capacité comporterait, outre
l'Aster 30 (missile SAMP/T) livré en 2006 à l'armée de
terre et en 2010 à l'armée de l'air, un système
d'acquisition et de poursuite de type M3R commandés en 2007 et
livrés en 2010 et l'adaptation du système de commandement des
opérations aériennes. Les informations relatives à
l'alerte avancée seraient traitées à partir des
données fournies par un programme américain (
SEW : shared
early warning
).
En ce qui concerne la coopération internationale, l'
OTAN
, par une
étude de faisabilité, et l'
Europe
, par les conclusions
d'un groupe ad-hoc dans le cadre du programme ECAP (European Capabilities
Action Plan), ont décelé des lacunes capacitaires importantes
à combler dans ce domaine. La France participe à ces forums de
réflexions internationaux et il apparaît qu'une coopération
politique et opérationnelle est indispensable, du fait des
caractéristiques (long rayon d'action, faible préavis) de la
menace découlant des armes de destruction massives.
Une première coopération pourrait se concrétiser autour du
radar M3R ou d'un équivalent, avec l'Allemagne ou la Grande-Bretagne,
qui ont comme la France, des projets, accompagnés de calendriers
compatibles.
En ce qui concerne plus précisément le
programme sol-air
moyenne portée (SAMP/T)
, il s'intègre dans la famille de
systèmes sol-air futur (FSAF) qui repose sur les missiles Aster 15 et
30, conçus dès l'origine pour intégrer une capacité
antimissiles. Il est développé en commun par les armées de
terre et de l'air, pour répondre à un besoin en moyenne
portée (remplacement du système Hawk).
Le programme est conduit en coopération avec l'Italie. Pour la France,
la cible du programme est de 12 sections dotées de 4 lanceurs
chacune (6 sections armée de l'air, 6 sections armée de
terre) et 575 missiles Aster 30 (300 armée de l'air, 275 armée de
terre).
Le programme sera développé en
deux étapes
.
Le SAMP/T block 1
, livrable dès 2006, doit contribuer à la
défense aérienne élargie des forces terrestres
projetées et des bases aériennes de théâtre; il
doit être capable de
faire face à l'ensemble des menaces
aérobies modernes
(avions de combat, missiles de croisière,
drones, missiles tactiques sol/sol et air/sol) dans une situation intense de
guerre électronique, ainsi que la
menace balistique dite
« rustique »
, c'est à dire constituée de
missiles mono-étage d'une portée de 600 Km, à tête
non séparable (type Scud).
Le système comprend une conduite de tir constituée
principalement du radar multifonctions Arabel
et d'un module d'engagement,
de quatre lanceurs terrestres à 8 missiles Aster 30 chacun
et de
deux systèmes de rechargement.
Le système peut engager un avion gros porteur à 80 km et
15 000 m d'altitude, un avion de combat manoeuvrant à 35 km, un
missile plongeant à 2,5 km et défendre une zone de plusieurs
dizaine de km² contre des missiles balistiques de portée 600 km.
L'avancement du programme est conforme aux prévisions. L' OCCAR devrait
notifier au début de l'année 2003 un contrat portant sur 12
systèmes/575 missiles Aster 30 (dont une tranche ferme de 2
systèmes/70 missiles) pour la France et de 6 systèmes/288
missiles pour l'Italie. En ce qui concerne la France, 4 systèmes
seraient livrés de 2006 à 2008, puis 8 autres au-delà.
Ce contrat inclut le développement complémentaire de la
capacité antimissile balistique « block 1 », qui
sera systématiquement introduite dans les systèmes et les
missiles livrés à partir de 2008 (les systèmes
livrés en 2006 et 2007 seront donc rétrofités).
La
deuxième phase du programme
, qui permettra de contrer les
missiles balistiques de théâtre d'une portée de 1 500
kilomètres, n'a pas pour l'instant fait l'objet d'un
échéancier précis.
Le projet de loi affecte 686 millions d'euros au programme SAMP/T de 2003
à 2008, les autorisations de programme nécessaires sur la
période approchant les 1,4 milliard d'euro.
Votre rapporteur se félicite tout particulièrement que les moyens
suffisants aient été dégagés pour permettre de
lancer l'acquisition de cette première capacité antibalistique.
Il s'agit là d'une réponse concrète à la
montée de la menace balistique. Ces programmes confortent en outre les
capacités technologiques acquises par nos industries dans ce domaine.
3. Le renforcement et la modernisation des données fournies par les radars.
A
l'heure actuelle, la France dispose déjà d'un
radar Graves,
utilisé pour la détection de satellites, implanté sur
deux sites
(Dijon et Apt)
. Ce système fournit des données
du niveau de celles obtenues par des systèmes comparables aux Etats-Unis.
Le
système GIRAFFE
va contribuer au renforcement de la
détection des vecteurs aériens. Il sera utilisé pour la
détection de tout objet mobile volant à basse altitude et
à basse vitesse, et ayant une faible signature radar. Sa portée
sera d'environ 100 km, et sa mobilité (camion équipé d'un
mât télescopique) lui permettra d'assurer la détection au
profit des
« bulles de protection »
d'équipements sensibles, en France comme en opérations
extérieures.
Quatre radars de ce type ont été commandés et
seront
livrés durant la période de programmation, en 2003.
Dans le
cadre des enseignements tirés après le 11 septembre,
l'acquisition de deux radars supplémentaires est prévue. En
matière de radar aéroporté, la France est
équipée de deux systèmes, le SDCA de l'armée de
l'air et le Hawkeye de la Marine (voir supra) dont un troisième
exemplaire sera livré en 2003 et qui assure des missions
équivalentes à celles des AWACS.
Le SDCA (système de détection et de conduite
aéroportée),
acronyme français de l'AWACS (Airborne
Warning and Control System), comporte quatre appareils, en service depuis 1992.
Interopérable avec les équipements de l'OTAN, ce système a
été utilisé avec profit lors des opérations dans
les Balkans. Comme tous les équipements aériens, il est
doté d'une souplesse d'emploi, et donc d'une facilité de
projection qui lui permet d'assurer une capacité d'évaluation
rapide de la situation aérienne, ainsi que de constituer un poste de
commandement.
Le SDCA comporte un radar lui permettant de déceler les cibles
aériennes, y compris à basse altitude, ainsi que les cibles
maritimes. D'une portée de 360 km en basse altitude, sa détection
s'étend jusqu'à 600 km en haute altitude.
La constante modernisation de ces équipements est nécessaire
à leur bon fonctionnement. La programmation y affecte un total de 290
millions d'euros pour mettre le système en conformité avec les
nouvelles règles de circulation aérienne, acquérir un
système de préparation de mission qui soit mobile, et
sécuriser les moyens de communication.