B. LA DISSUASION NUCLÉAIRE : CONTINUITÉ ET COHÉRENCE DE LA MODERNISATION DE NOS FORCES STRATÉGIQUES

Continuité et cohérence sont les deux caractéristiques majeures du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 dans le domaine de la dissuasion nucléaire. La continuité inspire les évolutions prévues pour les six prochaines années, qui découlent directement des grandes options définies en 1996, à savoir une réduction significative du format allant de pair avec une modernisation de nos forces nucléaires. La cohérence résulte de l'adéquation forte entre notre posture, adaptée au nouveau contexte stratégique, et les moyens dévolus à la dissuasion nucléaire, dimensionnés dans une logique de stricte suffisance.

Dans ces conditions, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ne peut que réaffirmer son approbation des orientations arrêtées en 1996 et de leur traduction, pour la période 2003-2008, telle quelle figure dans le présent projet de loi.

Votre rapporteur se limitera donc à développer les raisons qui conduisent la commission à pleinement adhérer à ces orientations en répondant à trois questions :

- en quoi la dissuasion doit-elle rester un élément central de notre stratégie ?

- avec quels moyens la France entend-elle maintenir la crédibilité de sa dissuasion nucléaire dans les années à venir ?

- quelles sont, pour les six prochaines années, les implications financières de ces choix ?

1. La dissuasion nucléaire doit demeurer un élément central de notre stratégie

La montée des menaces asymétriques et du terrorisme de masse alimente un débat sur le rôle de la dissuasion nucléaire aujourd'hui. Dans un environnement radicalement nouveau, instable et imprévisible, marqué par l'émergence d'acteurs, étatiques ou non, n'observant pas les règles traditionnelles du jeu stratégique, celle-ci conserve-t-elle encore sa pertinence ?

LES CAPACITÉS NUCLÉAIRES DANS LE MONDE - DES ACTEURS PLUS NOMBREUX -
UNE STABILITÉ STRATÉGIQUE MOINS ASSURÉE

Etats-Unis et Russie : des engagements bilatéraux moins contraignants, des arsenaux plus réduits mais plus modernes

Le traité de Moscou du 24 mai 2002 retient l'objectif d'une réduction des deux-tiers des arsenaux américain et russe, ramenés à une « fourchette de 1.700 à 2.200 têtes nucléaires fin 2012 ». Toutefois, il n'impose aucun démantèlement des têtes excédentaires, qui pourront être éventuellement réactivées, et ne conserve aucun effet contraignant à partir de 2013. Il rend donc caduc l'accord Start II qui interdisait les têtes multiples sur les missiles intercontinentaux et les limitait pour les missiles emportés par les SNLE.

Aux Etats-Unis , la « Nuclear Posture Review » de janvier 2002 confirme l'objectif de modernisation et d'amélioration qualitative de l'arsenal nucléaire américain. Elle n'exclut pas l'hypothèse d'une reprise des essais nucléaires. Elle traduit une volonté d'adapter l'outil nucléaire au nouveau contexte stratégique, en particulier la prolifération des armes de destruction massive.

La Russie , grâce au traité de Moscou, pourra maintenir des têtes nucléaires multiples et réduire dans une plus forte proportion le nombre de ses vecteurs. Elle ambitionne la construction d'un SNLE de nouvelle génération et le développement de missiles sol/sol plus performants (SS27-Topol).

Chine : un arsenal en voie d'accroissement

La Chine , qui ne possède actuellement qu'une vingtaine de missiles intercontinentaux, doit se doter d'engins balistiques à propulsion solide, de portée accrue. Elle développe des SNLE de nouvelle génération et modernise sa flotte de bombardiers stratégiques.

Les nouveaux Etats nucléaires

Si Israël n'a jamais officialisé sa capacité nucléaire, simplement supposée, celle de l'Inde et du Pakistan a été confirmée, l' Inde ayant réalisé une campagne d'essais nucléaires en 1998 et annoncé son intention de se doter d'une triade nucléaire, avec dans un premier temps un missile balistique sol-sol (Ag ri  2). Le Pakistan a lui aussi réalisé des essais nucléaires en 1998 et développe des missiles balistiques intercontinentaux.

La révélation du programme nucléaire militaire de la Corée du Nord ouvre une crise nouvelle en matière de prolifération. La situation de l' Irak , qui dispose de l'expertise nécessaire, reste à clarifier dans le cadre des inspections en cours. L' Iran vient d'accepter des inspections de l'AIEA à la suite des interrogations suscitées par sa coopération avec la Russie pour la centrale nucléaire de Bouchehr.

Plus globalement, alors que 25 pays disposeraient de missiles balistiques, en particulier au sein d'un « arc de la prolifération » allant de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l'Asie du Sud et de l'Est, le risque de voir s'élargir les pays à capacité nucléaire est réel compte tenu de la diffusion des technologies, de la difficulté à contrôler d'éventuels trafics de matières fissiles ou des transferts de scientifiques, en particulier en provenance de l'ex-URSS.

Des instruments multilatéraux en crise

Les instruments multilatéraux de désarmement et de non-prolifération traversent une véritable crise. Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ne peut entrer en vigueur du fait de l'absence de signature de l'Inde, du Pakistan et de la Corée du Nord, et du refus des Etats-Unis de le ratifier. Les discussions sur l'élaboration d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles (cut-off) sont enlisées. Le programme de renforcement des garanties de l'AIEA, indispensable au contrôle du respect du traité de non-prolifération, connaît une mise en oeuvre extrêmement lente et laborieuse depuis son adoption en 1993, la plupart des pays sensibles n'ayant pas souscrit de protocole additionnel à leur accord de garanties.

Face à ce débat, il faut rappeler que les menaces nouvelles s'ajoutent, bien plus qu'elles ne se substituent, aux menaces plus traditionnelles, et qu'il serait dangereux, au gré de crises qui se succèdent sans nécessairement se ressembler, de perdre de vue les facteurs permanents de l'environnement stratégique.

Le projet de loi de programmation réaffirme que « la dissuasion nucléaire reste notre garantie fondamentale ».

Il la place « au coeur des moyens garantissant à la France l'autonomie stratégique qui est l'un des fondements de la politique de défense ». Il y voit « un facteur important de la stabilité internationale ».

Au-delà de sa contribution au statut de la France sur la scène internationale, le projet de loi rappelle que la dissuasion nucléaire « constitue la garantie fondamentale contre toute menace de nos intérêts vitaux », qu'elle émane de puissances militaires majeures animées d'intentions hostiles, ou de puissances régionales dotées d'armes de destruction massive.

Ainsi se trouve rappelée la double fonction de notre dissuasion.

D'une part, sur le moyen et le long terme, seul horizon pertinent en la matière, la réapparition d'une menace majeure sur nos intérêts vitaux ne saurait être totalement exclue , notamment du fait de la subsistance dans le monde d'arsenaux militaires conséquents, au demeurant en accroissement dans certains pays. La dissuasion nucléaire demeure la garantie ultime de notre survie face à toute puissance majeure hostile et dotée de moyens de mettre en cause notre existence même.

D'autre part, elle répond aux menaces d'un autre type que feraient peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d'armes de destruction massive . Cette fonction, soulignée dans le Livre blanc de 1994, a depuis lors été précisée par nos autorités politiques.

En 1995, le Président de la République affirmait que « seule la force de dissuasion garantit la France contre l'éventuel recours à des armes de destruction massive, quelle qu'en soit la nature ». Le Premier Ministre rappelait en 1999 que l'arme nucléaire permettait à la France « de faire face aux risques liés à l'existence d'armes de destruction massive et de vecteurs balistiques, en préservant notre liberté de manoeuvre face à une menace contre nos intérêts vitaux». Dès lors, la modernisation de l'arsenal nucléaire français devait « désormais prendre en considération les armes balistiques et de destruction massive dont se dotent certaines puissances ».

Cette inflexion de notre doctrine effectuée dès la fin de la guerre froide a été confirmée avec force et précision le 8 juin 2001 par le Président de la République qui a notamment déclaré :

- que nos forces nucléaires devaient nous donner la capacité d'infliger des dommages inacceptables à tout Etat qui s'en prendrait à nos intérêts vitaux, « en toute circonstance et quelles que soient la localisation ou la nature de la menace » ;

- qu'en cas de menace émanant d'une puissance régionale dotée d'armes de destruction massive , « le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays ou l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur des centres de pouvoir, politique, économique et militaire ».

Il apparaît clairement, au travers de ces déclarations, que notre dissuasion ne s'exerce pas exclusivement à l'égard d'Etats dotés d'armes nucléaires, conformément d'ailleurs au droit inaliénable à la légitime défense consacré par l'article 51 de la charte des Nation unies.

Les choix opérés en 1996 ont pleinement intégré cette analyse de l'évolution du contexte stratégique, notre concept ne se résumant plus à la dissuasion anti-cités mais évoluant vers une dissuasion adaptée à la nature et à la variété des menaces. Cette volonté d'adaptation inspire les programmes de modernisation de nos deux composantes. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 précise à cet égard que notre dissuasion nucléaire, toujours caractérisée par un concept de non-emploi, « implique de disposer de moyens diversifiés permettant d'assurer sa crédibilité face aux évolutions des menaces, quelles que soient leur localisation et leur nature . »

Concrètement, il s'agit d'être en mesure de menacer de manière crédible une plus large gamme d'objectifs, grâce à la variété des types de vecteurs et à l'amélioration de leur portée et de leur précision, ainsi qu'au renforcement de la capacité de pénétration des têtes nucléaires, voire à la modulation de leur puissance explosive.

Ces différents éléments sont au coeur des enjeux de la modernisation des forces nucléaires au cours des quinze prochaines années.

2. Les moyens d'une dissuasion adaptée à la nature et à la variété des menaces

Le projet de loi de programmation rappelle qu'en matière de dissuasion, l'objectif est de « disposer, en toutes circonstances, d'une capacité autonome et suffisante pour faire peser sur tout agresseur potentiel une menace de frappe nucléaire crédible ». Il souligne la nécessité de maintenir le niveau d'invulnérabilité de nos deux composantes et d' améliorer la souplesse de choix des objectifs .

Ce « contrat opérationnel » passe par la poursuite de la modernisation des deux composantes, dont la complémentarité permet d'offrir au Président de la République le maximum de souplesse et de possibilités :

- une force océanique stratégique dotée de sous-marins nucléaires de nouvelle génération emportant un missile plus performant, le M 51,

- une composante aérienne à la fois plus visible et plus souple d'emploi, elle aussi dotée d'un nouveau missile, l'ASMP/A.

Il passe également par des moyens de simulation qui garantissent la fiabilité, et donc la crédibilité des armes nucléaires en l'absence d'essais de vraie grandeur.

a) La composante océanique

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 poursuit la mise en oeuvre des deux grands objectifs définis en 1996 pour la force océanique stratégique .

Il s'agit tout d'abord d'achever le remplacement des SNLE de type « Redoutable » par 4 sous-marins lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) caractérisés notamment par une invulnérabilité et une mobilité accrues du fait de leur discrétion acoustique. Ce format à 4 bâtiments est considéré comme le minimum indispensable pour assurer, compte tenu des cycles d'entretien, la permanence à la mer de 2 bâtiments si nécessaire, et ce afin de parer la neutralisation éventuelle de l'un d'entre eux.

Après l'entrée en service du Triomphant en 1997 et du Téméraire en1999, l'admission au service actif des deux derniers SNLE-NG est prévue fin 2004 pour le Vigilant et en juillet 2010 pour le Terrible, commandé en 2000.

Le deuxième objectif est, à l'horizon 2010, le remplacement du missile balistique M 45 par un missile plus performant, le M 51 . Le 4 ème SNLE-NG, le Terrible, sera directement équipé du M 51. Les trois autres bâtiments seront adaptés au nouveau missile à partir de 2010, à l'occasion de leur période d'entretien majeur.

Le missile M 51 se caractérisera par une portée, avec un chargement complet en têtes nucléaires, de l'ordre de 6 000 km, contre 4 000 km pour le M 45, ce qui permettra d'augmenter les zones de patrouille. Les missiles M 51 seront équipés dans un premier temps de la tête nucléaire TN 75 actuellement en service sur le missile M 45 et des aides à la pénétration de ce dernier, puis, à partir de 2015, de la nouvelle tête nucléaire océanique (TNO) et d'un nouveau système d'aide à la pénétration.

b) La composante aéroportée

La composante aéroportée de notre force de dissuasion constitue le complément nécessaire de la composante sous-marine et se caractérise par une mobilité et une souplesse d'emploi permettant de diversifier les modes de pénétration . Mise en oeuvre depuis le sol ou depuis le porte-avions, elle peut contribuer de manière plus visible à l'exercice de la dissuasion.

La composante aéroportée repose sur trois escadrons de Mirage 2000-N de l'armée de l'air et sur les flottilles de Super-Etendard modernisés de l'aéronavale, qui emportent le missile air sol moyenne portée (ASMP), dont la portée varie de 300 km en haute altitude à 80 km en basse altitude et qui est équipé de la tête nucléaire TN 81.

La composante aéroportée sera entièrement renouvelée à partir de 2007 par l'entrée en service des Rafale Marine et Air , le remplacement de l'ASMP par l' ASMP amélioré (ASMP-A) et le remplacement de la TN 81 par la nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA) .

Les tête nucléaires TN 81 commenceront à être retirées du service en 2007 pour être remplacées par les TNA.

La livraison du vecteur ASMP-A devrait intervenir à partir de 2007. Il se caractérisera par une portée et une capacité de pénétration des défenses nettement supérieures à celles de l'ASMP.

L'ASMP-A équipera dans un premier temps un escadron de Mirage 2000-N, le missile étant adapté à cet appareil. Dès 2008, un escadron de Rafale Air sera équipé de l'ASMP-A, ainsi que la flottille des Rafale marine. Le deuxième escadron de Rafale air sera mis en service en 2015 et le troisième en 2017.

c) Le programme de simulation

La mise en oeuvre du programme de simulation constitue un impératif pour notre force de dissuasion car il conditionne la garantie de la fiabilité et de la sûreté des armes futures.

De l'ensemble des puissances nucléaires reconnues, la France se distingue en ayant à la fois renoncé juridiquement aux essais nucléaires, en ratifiant le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, et renoncé matériellement et de manière irréversible à sa capacité d'effectuer de tels essais, en démantelant les installations du Centre d'expérimentations du Pacifique.

Or, les armes nucléaires vieillissent, du seul fait de l'évolution naturelle des matériaux nucléaires qui les composent, ce qui conduit à limiter la durée de vie de ces armes. Il est désormais nécessaire d'assurer leur renouvellement sans recourir aux essais de vraie grandeur.

Le programme simulation

Un pôle d'excellence pour la recherche française

Eléments clés du programme de simulation, les moyens numériques Tera et les moyens expérimentaux comme le laser mégajoule et son prototype, la ligne d'intégration laser (LIL), constituent des réalisations exceptionnelles à la fois par leurs caractéristiques techniques et par leurs performances. Ces performances seront mises à la disposition de la communauté scientifique européenne conformément à la politique d'ouverture approuvée fin 2001 par le ministère de la défense.

Il est ainsi prévu de favoriser, autour du centre CEA-DAM d'Ile de France, le développement d'une « vallée d'excellence » sur le calcul haute performance rassemblant scientifiques et industriels ( projet « Valcim » : vallée pour le calcul intensif et la modélisation).

De même, en Aquitaine, le CEA cherche à favoriser l'établissement de liens cohérents entre les installations laser, le milieu industriel, le monde de la formation et l'environnement scientifique dans le cadre du projet « route des lasers » dans lequel le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 13 novembre 2002 vient d'officialiser l'engagement de l'Etat.

Le projet Valcim

La machine Tera, en service sur le site de Bruyères-le-Châtel, est aujourd'hui le calculateur le plus puissant en Europe (le 7 ème au monde). Cette capacité a d'ores et déjà été mise à profit pour effectuer des calculs sur le génome en juillet 2002 dans le cadre du projet Teraprot. Ce projet qui réunit la puissance de calcul de Tera (indispensable pour ces calculs), les performances du logiciel Lassap TM d'analyse des génomes complets et l'expertise en bio-informatique de l'université d'Evry constitue la première concrétisation de la volonté de faire bénéficier la communauté scientifique des compétences et des moyens du programme simulation . Cette collaboration a été formalisée par la signature, le 5 juillet 2002, d'une convention entre le CEA et l'université d'Evry Val d'Essonne.

La décision de regrouper autour de Tera, dans le cadre de la vallée numérique, les moyens de calculs haute performance pour toutes les activités du CEA fournit l'opportunité de développer de nouveaux partenariats avec des acteurs scientifiques, industriels, régionaux , ayant des besoins dans ce domaine.

Le projet « route des lasers »

La LIL sera, dès fin 2003, le laser le plus puissant en Europe
en terme d'énergie délivrée jusqu'à l'entrée en service du LMJ qui deviendra à la fin de la décennie, avec le NIF (National Ignition Facility) américain, le laser le plus puissant au monde.

Ces installations permettront d'étendre le domaine de la physique accessible en laboratoire. Elles intéressent ainsi les chercheurs concernés par la physique des très hautes températures et des très hautes densités. Elles constituent, en effet, un moyen unique pour simuler des phénomènes qui se manifestent sous des conditions extrêmes comme celles que l'on rencontre dans les étoiles (protoétoiles ou supermovae) ou dans les noyaux planétaires (milieux chauds et denses).

La politique d'ouverture à la communauté scientifique dans les domaines de l'optique, des lasers et des plasmas s'est traduite par des discussions entre le CEA, l'université de Bordeaux I et le CNRS, qui vont se concrétiser par la création, début 2003, de deux entités :


une structure régionale de recherche , nouvelle unité mixte de recherche (UMR) qui effectuera des travaux en collaboration ouverte entre des personnels du CEA, de l'université et du CNRS sur des thèmes précis dans les domaines des plasmas denses et chauds d'une part, de l'optique et des lasers d'autre part ;


• une structure de coordination nationale, l'institut lasers et plasmas (ILP) , point d'entrée pour les relations avec les communautés civiles et les expériences « ouvertes » sur la LIL et le LMJ, organisant le recueil et l'évaluation des propositions d'expériences issues soit directement des chercheurs de l'ILP, soit de la communauté extérieure par un comité de programme indépendant.

La direction de l'ILP sera installée dans l'environnement bordelais de façon à accentuer son couplage avec les installations en Aquitaine.

Indépendamment des programmes défense, la communauté scientifique s'accorde pour estimer que la recherche sur les plasmas bénéficierait grandement du couplage entre la LIL et un laser petawatt (10 15 watts) délivrant des impulsions très courtes. Ce projet, porté par la région Aquitaine qui en étudie actuellement le financement, permettrait de constituer une installation unique (LIL + Petawatt) plaçant la France dans une position remarquable pour aborder des secteurs de la physique aujourd'hui inexplorés comme les phénomènes fortement non linéaires et la fusion par allumage rapide.

Le programme de simulation constitue l'un des volets d'une stratégie visant à garantir la fiabilité et la sûreté des armes futures, et reposant sur trois éléments indissociables :

- le concept de charges robustes , moins soumis aux effets du vieillissement et testé lors de l'ultime campagne d'essais, qui caractérisera les futures têtes nucléaires océaniques et aéroportées ;

- la validation, grâce à des outils de simulation , des faibles écarts dus à la « militarisation » de la charge nucléaire ou susceptibles d'apparaître au cours de la durée de vie de l'arme ; elle justifie le développement des moyens expérimentaux et des capacités de calculs prévus par le programme de simulation ;

- enfin, la certification , par les concepteurs actuels ayant connu les essais nucléaires, des équipes nouvelles qui seront appelées, au seul moyen de la simulation, à évaluer les conséquences de modifications du comportement des charges sur le fonctionnement ou la sûreté des armes ; cette exigence de passage de relais entre générations conditionne le calendrier du programme simulation .

La mise en oeuvre du programme de simulation repose sur de puissants moyens de simulation numérique fournis par des ordinateurs beaucoup plus performants que ceux actuellement en service, et sur des installations expérimentales permettant de valider les modèles physiques décrivant les phénomènes essentiels du fonctionnement des armes nucléaires : la machine radiographique Airix pour la visualisation détaillée du comportement dynamique de l'arme, et le laser Mégajoule pour l'étude des phénomènes physiques, notamment thermonucléaires.

Dans le cadre du projet Tera , le CEA s'est doté fin 2001 d'une machine « 5 terapflops » (5 milliards d'opérations par seconde) qui multiplie par 100 sa capacité de calcul par rapport à 1996 et en fait le premier centre européen de calcul. Deux autres machines devant être livrées d'ici 2009 pour atteindre une puissance de calcul de 100 teraflops.

La machine radiographique AIRIX , située à Moronvilliers dans la Marne, est opérationnelle, dans sa version initiale, depuis la mi-2000. Elle est vouée à l'analyse de la dynamique des matériaux et permet d'étudier le fonctionnement non nucléaire des armes, à l'aide d'expériences au cours desquelles les matériaux nucléaires sont remplacés par des matériaux inertes. L'ensemble complet devrait être opérationnel en 2011.

Enfin, le laser Mégajoule qui sera installé au Barp, en Gironde, est destiné à l'étude du domaine thermonucléaire. Il permettra de déclencher une combustion thermonucléaire sur une très petite quantité de matière et de mesurer ainsi les processus physiques élémentaires. Le développement du projet doit s'effectuer en plusieurs étapes. La ligne d'intégration laser (LIL) , prototype à 8 faisceaux du futur laser qui en comportera 240, a été mise en service en avril 2002 , ce qui devrait permettre à la fin de cette année la validation des grands choix technologiques de la chaîne laser de base du laser Mégajoule. La mise à disposition du laser mégajoule à pleine puissance est prévue pour 2009, les premières expériences d'ignition et de combustion thermonucléaire étant envisagées pour fin 2011.

D'ores et déjà, les premières capacités fournies par les premiers moyens expérimentaux et de calcul du programme simulation contribuent au développement de la future tête aéroportée.

3. L'impact financier de la dissuasion nucléaire dans l'effort de défense

Les crédits affectés à la dissuasion nucléaire ont atteint en 2001 leur point historiquement le plus bas, avec une dotation de 2,37 milliards d'euros courants représentant 18,7 % des crédits d'équipement de la défense.

L'année 2002 a été marquée par un net redressement des dotations, poursuivi en 2003.

Le projet de loi de programmation affecte à la dissuasion nucléaire une enveloppe représentant, sur 6 ans, environ 17 milliards d'euros, soit une annuité moyenne de 2,85 milliards d'euros .

Evolution des crédits de la dissuasion nucléaire de 1990 à 2008

Crédits de paiement

Domaine nucléaire

Titres V et VI défense

Part

milliards d'€ courants

milliards d'€ 2003

milliards d'€ courants

milliards d'€ 2003

nucléaire

1990

4,89

5,94

15,57

18,91

31,4%

1991

4,73

5,58

15,72

18,55

30,1%

1992

4,55

5,27

15,69

18,15

29,0%

1993

4,03

4,55

15,69

17,74

25,7%

1994

3,31

3,68

14,47

16,09

22,9%

1995

3,16

3,46

14,47

15,83

21,9%

1996

2,97

3,20

13,56

14,62

21,9%

1997

2,87

3,06

13,52

14,39

21,2%

1998

2,53

2,67

12,27

12,94

20,7%

1999

2,53

2,66

12,97

13,61

19,5%

2000

2,42

2,52

12,92

13,45

18,7%

2001

2,37

2,44

12,72

13,05

18,7%

2002

2,65

2,68

12,27

12,40

21,6%

2003

2,96

2,96

13,64

13,64

21,7%

2004

3,03

3,00

14,75

14,60

20,5%

2005

3,02

2,96

15,02

14,72

20,1%

2006

2,93

2,84

15,29

14,84

19,2%

2007

2,81

2,70

15,57

14,96

18,0%

2008

2,76

2,63

15,85

15,08

17,4%


Le tableau ci-dessus replace en perspective le budget programmé pour la dissuasion nucléaire d'ici 2008. Trois observations s'imposent :

- en monnaie constante, l'enveloppe affectée à la dissuasion nucléaire pour la période 2003-2008 (environ 17 milliards d'euros 2003) sera supérieure d'environ 6,6 % à celle attribuée lors de la précédente loi de programmation (environ 16 milliards d'euros 2003) ;

- pour autant, la dissuasion nucléaire ne représentera plus que 19,5 % de l'effort d'équipement militaire sur la période 2003-2008, contre 20 % en moyenne de 1997 à 2002 ;

- enfin, l'annuité moyenne lors de la prochaine loi de programmation est inférieure de 40 % environ au niveau de l'effort financier consacré à la dissuasion sur la période 1990-1996 .

Au-delà de ces variations, votre rapporteur souhaite souligner que, dans le domaine de la dissuasion nucléaire plus que dans tout autre, le niveau des besoins financiers découle directement des options politiques définies pour notre posture : maintien de deux composantes, adaptation de ces dernières aux exigences de crédibilité, mise en oeuvre de la simulation à la suite de l'arrêt des essais.

La cohérence d'ensemble de nos choix implique nécessairement une cohérence budgétaire . Celle-ci n'a pas été rompue au cours de ces dernières années, malgré des abattements financiers qui ont entériné certains décalages et réduit toute marge de manoeuvre. Elle est également respectée avec le niveau de ressources prévu par le projet de loi de programmation pour la période 2003-2008.

Sur la période, environ 2 milliards d'euros seront consacrés au programme SNLE-NG, 2,8 millards d'euros au missile balistique M 51, 800 millions d'euros au missile aéroporté ASMP/A et 2,3 milliards d'euros au programme simulation.

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