C. LE COMMANDEMENT, LES COMMUNICATIONS, LA CONDUITE DES OPÉRATIONS ET LE RENSEIGNEMENT (C3R) : UN RÔLE CROISSANT
La
France est certainement, en Europe, le pays qui a globalement consacré
le plus d'efforts aux différents domaines du commandement, des
communications, de la conduite des opérations et du renseignement, qui
composent le système de force « C3R ». La possession
d'une capacité nationale d'observation spatiale militaire en constitue
l'illustration la plus forte.
Il s'agit à la fois
pour la France
de
conforter ses ambitions
en matière d'autonomie stratégique
, en particulier dans le
domaine de l'appréciation de situation, et de
se doter des moyens les
plus indispensables au traitement des crises et des conflits modernes
.
Les capacités C3R concourent à toutes les fonctions de notre
défense, de la dissuasion et la prévention à la protection
et à la projection. Le nouveau contexte géostratégique
-montée de terrorisme, prolifération des armes de destruction
massive et de leurs vecteurs, renforce davantage encore le
rôle
central du renseignement
. La
maîtrise de l'information
, ainsi
que
la puissance et la rapidité des moyens de communication couvrant
des zones géographiques de plus en plus étendues
, jouent un
rôle toujours plus prépondérant dans les opérations
militaires. Après le conflit du Kosovo, un nouveau degré vient
d'être franchi en la matière lors des opérations
d'Afghanistan, au cours desquelles ont été massivement
utilisés les moyens de transmission à très haut
débit, notamment spatiaux, afin de raccourcir les délais entre le
recueil de l'information, la prise de décision et l'action sur
l'objectif.
Au cours de la période 1997-2002,
la France a réalisé
des progrès
. Un second satellite est venu compléter en 1999
le système Hélios mis en service quatre ans plus tôt. Le
programme successeur, Hélios II, a été lancé en vue
d'apporter à partir de 2004 une plus haute résolution et une
capacité d'observation de nuit. Les programmes de renouvellement de nos
satellites de télécommunications ou de nos moyens de recueil de
renseignements d'origine électromagnétique ont été
lancés. Les effectifs des services de renseignement ont
été renforcés.
Toutefois,
un retard préoccupant a été pris
en
matière de moyens de transmissions de données tactiques et
d'identification, ainsi que dans la modernisation des réseaux
d'infrastructure. Le programme Horus, qui devait permettre l'acquisition d'une
capacité d'observation tout temps par satellite radar, a
été abandonné faute de coopération possible avec
l'Allemagne.
Plus généralement,
un triple constat s'impose :
-
en dépit d'efforts méritoires,
les capacités
françaises dans le domaine C3R ne s'amélioreront que très
lentement
, du fait de moyens financiers limités,
-
l'écart déjà considérable avec les
Etats-Unis
, qui investissent massivement dans ce type de programme,
se
creuse quant à lui rapidement
, rendant de plus en plus difficile
l'interopérabilité et les conditions d'action en coalition,
-
à de rares exceptions près,
la coopération
européenne n'est pas parvenue à s'imposer
dans un domaine
où elle paraît seule à même de permettre un
changement d'échelle et l'acquisition de capacités
adaptées.
Dans ce contexte, il est heureux que le
projet de loi de programmation
prévoie un
renforcement significatif de nos capacités
,
avec la mise en service d'Hélios II, l'acquisition de drones pour le
renseignement de théâtre ou encore la mise à niveau des
moyens de commandement, même si ces avancées indispensables
laissent subsister, pour nombre d'années encore, des lacunes
évidentes.
C'est donc dans la perspective d'une
nécessaire accentuation de
l'effort dans la durée
que s'inscrivent les moyens mis en place par
le projet de loi de programmation au profit du système de forces C3R.
1. De nouveaux moyens de commandement et de communications
La prochaine loi de programmation verra l'achèvement d'une nouvelle architecture de nos moyens de commandement, dotant la France de la capacité de conduire des opérations multinationales . Dans le domaine des télécommunications, le satellite Syracuse III, améliorera nos capacités, moins que n'aurait pu le faire, cependant, une forte coopération européenne.
a) Des systèmes de commandement permettant de conduire des opérations multinationales
Le projet de loi de programmation permet de rendre « multinationalisables » les moyens de commandement de niveau stratégique ou de théâtre, qui seront dotés des systèmes d'information nécessaires à l'intégration de nos partenaires européens.
LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COMMANDEMENT OPÉRATIONNEL
La
hiérarchisation du commandement opérationnel est actuellement
définie en trois niveaux :
- le niveau stratégique : commandement de l'opération
chargé de planifier l'action militaire globale sous l'angle
politico-militaire et d'assurer le soutien logistique et opérationnel
des forces déployées :
- le niveau opératif : commandement des forces
déployées sur un théâtre, chargé de conduire
l'action militaire globale sur le terrain et de coordonner le soutien
logistique et opérationnel des composantes ;
- le niveau tactique : commandements de composantes Terre, Marine et Air
chargés respectivement de conduire l'action militaire dans les domaines
aéroterrestre, aéro-maritime, ou aérospatial.
Chacune de nos armées possède déjà la
capacité d'exercer au niveau tactique le commandement d'une force dans
le cadre d'une coalition
11(
*
)
.
Cette capacité sera prochainement étendue au niveau du
commandement interarmées de théâtre (niveau
opératif) et au niveau du commandement de l'opération
elle-même (niveau stratégique).
La création, le 1
er
septembre dernier, de la structure de
préfiguration du
centre de planification et de conduite des
opérations (CPCO)
, doit doter la France d'une capacité de
gérer une opération multinationale engageant de 40.000 à
50.000 hommes. Cette structure remplace l'actuel centre opérationnel
interarmées (COIA) et, tout en continuant à répondre aux
besoins nationaux,
pourra accueillir un état-major multinational
.
Équipée du système d'information et de commandement des
armées (SICA), elle devrait permettre dès 2003 de planifier et de
conduire, au profit de l'Union européenne, une opération de
niveau brigade, avant d'atteindre sa pleine capacité à l'horizon
2006.
Le
système d'information et de commandement des armées
(SICA)
doit contribuer à l'anticipation, au pilotage des crises et
à la conduite des opérations dans un contexte interarmées
et interallié, grâce à des services communs destinés
à tous les utilisateurs et des services spécifiques (conduite des
opérations, renseignement, logistique) adaptés à un
métier donné. Le programme prévoit la réalisation
de 1.400 postes SICA. Les premières capacités
opérationnelles ont été fournies en 2000. Le
déploiement de la totalité des postes sera achevé en 2004
et la mise au point d'une version 2 interviendra à l'horizon 2006.
S'agissant du niveau opératif, c'est-à-dire du
théâtre lui-même, une première
capacité de
déploiement d'un commandement interarmées
est
déjà acquise avec
l'Etat-major de force et
d'entraînement interarmées (EMFEIA
) créé
à Creil en septembre dernier. L'exercice Opéra, auquel votre
commission a assisté au mois de juin, en a validé le
fonctionnement sur la base d'un état-major de 150 postes. Le projet de
loi de programmation prévoit une mise à niveau, dans le cadre du
programme SICA, afin d'assurer l'interopérabilité de tous les
systèmes d'information et de commandement de niveau opératif,
ainsi qu'avec les alliés, l'objectif étant de fournir un
état-major de 500 postes en 2006. Cette exigence
d'interopérabilité est à nouveau apparue primordiale lors
des opérations d'Afghanistan.
b) Les télécommunications par satellites : des capacités accrues grâce à Syracuse III
Les
opérations d'Afghanistan ont illustré les
capacités
trop limitées qu'offrent actuellement nos liaisons satellitaires
. Il
s'agit à la fois de pouvoir assurer une couverture géographique
suffisamment vaste, dans l'hypothèse d'un engagement
éloigné de nos théâtres d'opérations
traditionnels, et de permettre la transmission rapide des données et des
images.
Par rapport à Syracuse II, dont il commencera à prendre le relais
à partir de 2003,
Syracuse III
permettra de répondre
à l'accroissement des besoins, grâce à un
débit
beaucoup plus élevé
(80 Mbits/seconde au lieu de 10
Mbits/seconde actuellement), à une
extension de la zone de
couverture
et à une
résistance accrue à la guerre
électronique
. Le nombre d'utilisateurs sera augmenté
grâce à la livraison de stations de réception
supplémentaires. La composante spatiale comportera 2 satellites en
orbite et un de secours au sol. La composante sol comportera des stations en
métropole ainsi que des stations mobiles. Le lancement est prévu
fin 2003 pour le premier satellite et en 2006 pour le second. La maîtrise
d'oeuvre est confiée à Alcatel Space et Thales.
Syracuse III couvrira les besoins de télécommunications
militaires par satellites sur la période 2004-2017.
En dépit de cette amélioration, on ne peut que regretter
l'échec de la coopération européenne
dans le
domaine des communications spatiales, après l'abandon du projet
Trimilsatcom auquel devaient participer, avec la France, le Royaume-Uni et
l'Allemagne, et ce malgré la similitude des besoins et leur relative
concordance dans le temps. Tout en permettant un allègement du
coût supporté par chaque pays, une telle coopération
européenne aurait évité une certaine redondance des
capacités dans les gammes de fréquences les plus courantes, alors
que
les besoins ne seront que très partiellement satisfaits pour la
transmission de données à haut débit
, indispensables
à la réduction des délais et au développement de
l'information en temps réel.
2. Les moyens de renseignement : un renforcement de l'imagerie
Dans le
domaine du renseignement, la période 2003-2008 sera marquée par
deux axes d'effort importants
:
- l'amélioration, avec l'entrée en service d'Hélios II, de
la
capacité d'observation par satellite
, qui dote
déjà la France d'une indépendance sans équivalent
en Europe pour l'analyse de situation stratégique,
- l'acquisition d'une première
capacité nationale en
matière de drones de reconnaissance de théâtre
, avec le
programme de drones de moyenne altitude longue endurance (MALE).
Parallèlement, l'amélioration des moyens de recueil de
renseignement propres à chaque armée sera poursuivie et les
effectifs des services de renseignements seront confortés.
Les efforts programmés méritent donc d'être
soulignés, même si l'on peut regretter que les retards pris au
cours des dernières années et l'ampleur des besoins financiers
à satisfaire pour sauvegarder la réalisation du modèle
d'armée 2015 ne permettent pas d'aller plus vite et plus loin dans un
domaine aussi crucial pour l'anticipation et la gestion des crises.
a) L'imagerie spatiale : une capacité accrue grâce à la confirmation du programme Hélios II et à la coopération européenne autour des satellites radars.
Le
système d'observation optique Hélios I est en service depuis 1995
et bénéficie, depuis décembre 1999, du
second satellite
Hélios I-B
, ce qui permet d'accroître la cadence de
renouvellement des images. Hélios I a été
réalisé en coopération avec l'Italie (à hauteur de
14,1 %) et l'Espagne (7 %). Chacun des partenaires bénéficie,
à hauteur de sa participation, d'un accès national et
confidentiel à la programmation et à l'exploitation, 20 % des
prises de vues étant toutefois communes aux trois pays.
La poursuite du programme vise à assurer la continuité du
système Hélios I par le système
Hélios
II
; le premier satellite Hélios II doit être prêt
au lancement au printemps 2004 et le deuxième satellite doit être
lancé 2008.
Hélios II
se caractérisera par des
performances bien
supérieures à celles d'Hélios I.
Les principaux
progrès seront les suivants :
- une
capacité infrarouge
permettant une observation de nuit et
par temps clair ainsi que la détection d'indices d'activités, de
jour comme de nuit ;
- une
amélioration de la résolution
(actuellement comprise
entre 1 et 2 mètres pour Hélios I) qui sera
inférieure au mètre et se déclinera selon deux modes,
la
haute résolution
et la
très haute
résolution
, permettant de reconnaître tous les objets
d'intérêt militaire ;
- une
réduction de moitié des délais d'acquisition
et de mise à disposition de l'information alors que
le nombre de
prises de vues sera multiplié par trois.
Au cours de l'année 2001, la
Belgique
puis l'
Espagne
ont
rejoint le programme Hélios II, chacun des deux pays participant
à hauteur de 2,5%.
Le
coût prévisionnel du programme Hélios II
s'établit actuellement pour le budget français de la
défense à 1,5 milliard d'euros.
Le projet de loi de programmation ne mentionne en revanche aucun financement
pour le
système successeur d'Hélios II
, dont les
premières études devraient impérativement être
lancées au cours de la période 2003-2008 afin d'assurer la
continuité du service après 2010.
En ce qui concerne l'
imagerie radar
, et après l'abandon du
programme Horus, l'
engagement allemand et italien dans des programmes de
petits satellites radar
pourrait
permettre l'accès de la
France, via ses partenaires européens, à une
capacité
d'observation « tout temps ».
La
France
et l'
Italie
ont signé en janvier 2001 un
accord général de
coopération
visant
à mettre en place un système d'observation spatiale à
vocation civile et militaire à partir des projets italiens Cosmo-Skymed
(quatre satellites radar et trois satellites optiques) et du projet
français Pléiades (deux satellites optiques
développés par le CNES).
Initialement dédié à une activité civile, le
système Cosmo-Skymed a fait l'objet d'une étude d'application
militaire. Les satellites d'observation radar devraient être mis en
orbite entre 2003 et 2005. Les satellites d'observation optique seraient
déployés entre 2006 et 2008. Le coût global du
système est évalué à 1 070 millions d'euros (
composante radar : 570 millions d'euros, composante optique :
440 millions d'euros, segment sol ; 60 millions d'euros).
Un protocole d'accord entre les ministères de la défense
français et italien sur le partage des ressources des satellites radar
italiens et l'accès au système Hélios II est en cours
d'élaboration.
L'Espagne a également exprimé sa volonté d'être
associée au projet franco-italien Cosmo-Skymed/Pléiades.
Par ailleurs, la
France
et l'
Allemagne
ont signé le
30
juillet 2002
un
accord de coopération portant sur la
fédération des systèmes Sar-Lupe et Hélios II
et sur l'
échange de droit de programmation
sur chacun de ces
systèmes.
Le
programme allemand Sar-Lupe
est un projet de système
satellitaire, composé de cinq mini-satellites munis de capteurs
d'imagerie radar. La phase de définition s'est achevée en mai
2001. L'objectif de mise en orbite du premier satellite est fixé
à 2004 et la constellation complète devrait être
opérationnelle à l'horizon 2006. Le coût
prévisionnel du programme serait de 380 millions d'euros.
L'intérêt de la coopération autour de ces projets
réside essentiellement pour la France dans la possibilité
d'acquérir ainsi un accès aux capacités d'observation tout
temps, en offrant une alternative au projet d'observation radar Horus
abandonné faute d'accord franco-allemand.
Enfin, en vue de favoriser l'émergence d'un système
européen complet de reconnaissance par satellite, un document
définissant le «
besoin opérationnel
commun
» a été signé par les chefs
d'état-major des armées français, allemand, italien et
espagnol.
Il s'agit par ce document, ouvert à la signature d'autres chefs
d'état-major européens, de préciser les performances et
les architectures requises à court et à moyen termes pour un
futur système global de défense et de sécurité
européen d'observation par satellites, dans les spectres du visible, de
l'infrarouge et du radar.
Dans un premier temps, un tel système peut fonctionner par
échanges de capacités entre systèmes nationaux, à
travers des segments sols utilisateurs. Au-delà de l'actuelle
décennie, il serait souhaitable de procéder à une commande
globale européenne.
b) Les drones de reconnaissance : vers un renforcement des capacités nationales à l'horizon 2008
Le drone
prend désormais une place croissante dans les opérations
militaires du fait de son endurance qui lui permet d'assurer des missions
répétitives, y compris dans un environnement à hauts
risques.
Le drone répond au
besoin de surveillance et de reconnaissance
image ou électronique de jour comme de nuit et par tout temps. Il permet
la
désignation et l'illumination d'objectifs
au profit des armes
guidées. Enfin, il peut constituer un
relais de communications
pour les forces engagées sur un théâtre.
En matière de
drones pour le renseignement de
théâtre
, une première expérimentation a
démarré avec l'achat, en 1995, du
drone Hunter
de
construction israélienne, dont l'endurance varie de 4 à 12 heures
et qui pourrait également être utilisé pour la
désignation d'objectif laser. Le Hunter devant être retiré
du service en 2003, l'armée de l'air doit acquérir le
système de
drone Eagle
, proposé par EADS et
l'israëlien IAI. Ce drone permettra de disposer, avec 3 engins et deux
stations sol, d'une capacité de surveillance tout temps à longue
distance.
Le système Eagle, doté d'une endurance de 12 heures à une
distance de 1000 kilomètres, constituera une capacité
intérimaire dans l'attente de la réalisation du
programme
national de drone MALE
(moyenne altitude longue endurance),
12 engins
étant commandés
au cours de la prochaine loi de programmation
pour des
premières livraisons envisagées en 2009
.
Le système MALE fournira une capacité de surveillance tout temps
à longue distance. Il doit être doté d'une capacité
de désignation laser ainsi que de transmission de données par
satellites.
D'une endurance de 24 heures à une distance de 1000 kilomètres,
le futur drone MALE opérera à une altitude de l'ordre de 15 000
mètres.
A terme, un total de 24 engins, répartis en 6 systèmes de 4
drones, et 25 stations sol sont prévus, pour un coût global de 1,1
milliard d'euros sur 15 ans. Ce programme sera conduit en coopération
avec les Pays-Bas, tout en restant ouvert à d'autres pays
européens qui voudraient le rejoindre.
Par ailleurs, un système de
drones haute altitude longue endurance
(HALE)
est désormais inscrit au modèle d'armée. Le
lancement de son développement ne fait pour l'instant l'objet d'aucun
financement et pourrait être renvoyé au delà de 2008.
Au niveau
tactique
, les
drones de l'armée de terre
(drones
rapides CL 289, drones lents Crécerelle et Sperwer) seront
renouvelés avec le programme de
drones tactiques multicapteurs
multimissions (MCCM)
, qui prévoit la fourniture de 80 drones, dont
40 seront commandés au cours de la loi de programmation et 10
livrés, avec 2 stations, en 2008.
Le coût global du programme est estimé à 450 millions
d'euros. Les drones tactiques MCCM effectueront des missions de recueil de
données de champ de bataille, de désignation d'objectifs et de
guerre électronique.
Votre rapporteur renouvelle son souhait d'une
accentuation de l'effort
d'équipement et de recherche en matière de drones
, et
souhaite que les marges de manoeuvre éventuelles dégagées
lors de l'exécution de la loi de programmation permettent
d'
accélérer et de renforcer les livraisons
par rapport
à l'échéancier actuel.
c) Les autres moyens de recueil de renseignement
En
dehors du domaine du renseignement stratégique, relevant des
systèmes d'observation satellitaire, plusieurs programmes sont
destinés à renforcer les capacités des armées pour
le recueil et l'exploitation du renseignement de théâtre ou du
renseignement tactique.
En matière de
renseignement d'origine image
, et hors contribution
d'Hélios I, nos capacités reposent actuellement sur les Mirage IV
P de reconnaissance aérienne et sur les programmes de drones.
S'agissant de la reconnaissance aérienne, le
Mirage IV P
a encore
démontré lors des opérations d'Afghanistan sa grande
utilité, en effectuant de très nombreuses missions au profit du
recueil du renseignement. Toutefois, cet appareil approche de son
échéance de fin de service. Le retrait du Mirage IV P
réduira notre capacité de reconnaissance stratégique car
cet appareil qui opère à très haute altitude et
possède un très large rayon d'action offre des avantages
jusqu'à présent inégalés par les autres vecteurs
aériens.
Cette lacune sera progressivement comblée par l'emploi de drones, mais
également par l'acquisition de 23
nacelles de reconnaissance
aéroportées
(Reco NG), dont 21 seront commandées et
9 livrées d'ici 2008. Ces nacelles équiperont tant les
appareils de l'armée de l'air que ceux de la Marine. A la
différence des nacelles du Mirage IV P, elles fourniront des
images
numériques
qui pourront être transmises en temps
quasi-réel en cours de vol.
Dans le domaine du
renseignement d'origine
électromagnétique
, le système
Sarigue-NG
(Système aéroporté du recueil d'informations de guerre
électronique de nouvelle génération), qui a
succédé au DC8 Sarigue, a été mis en service en
2002, avec un retard de l'ordre de deux ans par rapport au calendrier
prévu. Mis en oeuvre par l'escadron électronique de
l'armée de l'air, cet appareil à long rayon d'action est
voué au recueil de renseignements relatifs aux radiocommunications et
aux radars.
Le programme
MINREM
(Moyen interarmées navalisé de
recherche électronique) est pour sa part entré dans une
première phase, avec le transfert sur le Bougainville des moyens dont
disposait le Berry, retiré du service actif à la fin 1999. La
seconde phase consiste à améliorer la capacité
d'écoute de ce bâtiment, afin d'adapter la charge utile aux
signaux des émetteurs de la nouvelle génération. Quant au
nouveau bâtiment destiné à remplacer le Bougainville, sa
commande est intervenue. Il s'agira d'un
bâtiment optimisé,
dès sa conception, pour l'écoute électronique
, avec
une capacité supérieure de traitement de l'information. Sa
livraison n'est envisagée que pour 2006, soit un décalage de
2 ans par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002.
La rénovation des deux
transalls Gabriel
se poursuit et devrait
s'achever à l'horizon 2006.
Par ailleurs, les moyens d'écoute procurés par les
détachements autonomes des transmissions
relevant des
différents services de renseignement font l'objet d'opérations de
remise à niveau.
Aux moyens de recueil de renseignement de théâtre, il convient
d'ajouter les
moyens tactiques
à disposition de chaque
armée : le pod Astac équipant les Mirage F1CR, les nacelles
de reconnaissance des Super-Etendard de la Marine ou encore, dans
l'armée de terre, le système radar Horizon embarqué sur
hélicoptère Cougar qui a été engagé au
Kosovo..
d) Les services de renseignement
Les
services de renseignement, principalement la Direction générale
de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction du
Renseignement militaire (DRM) ont bénéficié durant la
période 1997-2002 d'une augmentation régulière et
significative, de l'ordre de 20 %, de leurs effectifs civils et militaires
(environ 750 postes supplémentaires pour la DGSE et 250 pour la DRM).
Le projet de loi de programmation conforte cette orientation, sans pour autant
poursuivre l'augmentation des effectifs sur un rythme aussi
élevé, la
création d'une centaine de postes
seulement étant évoquée.
Votre rapporteur se demande si cette augmentation sera suffisante compte tenu
des besoins générés par l'entrée en service de
nouveaux moyens de recueil de renseignement et par l'extension des
activités dans des domaines tels que le contre terrorisme et la lutte
contre la prolifération.
Il tient également à souligner que le renforcement quantitatif
des moyens humains devra s'accompagner d'une action visant à
préserver et renforcer l'attractivité des carrières,
tant civiles que militaires
.
Les services de renseignement éprouvent notamment des besoins
particuliers dans certaines spécialités (informaticiens,
locuteurs de langues rares), ce qui implique un effort de recrutement et de
formation. D'autre part, les militaires rejoignant ces services n'y trouvent
que rarement des perspectives de carrière comparables à celles
qu'offrent leur armée d'origine.
Il importera donc de veiller au statut professionnel et financier des
personnels des services de renseignement, notamment pour parvenir à une
meilleure réalisation des postes budgétaires.
3. De nombreux besoins encore insatisfaits qui imposent une coopération européenne accrue
Le
projet de loi de programmation militaire prévoit pour la période
2003-2008 une
stabilisation du budget spatial militaire
. Si les
crédits doivent progresser d'ici 2005, ils reviendront en 2008 à
un niveau comparable à celui du point bas atteint en 2000, le
montant
annuel moyen
du budget spatial militaire étant, comme au cours de la
période 1997-2002, de l'ordre de
450 millions d'euros
. Cette
stabilisation se traduit en réalité par une diminution de la part
des dépenses d'équipement spatial dans l'ensemble des
dépenses en capital de la défense, part qui descendra à
3 %, au lieu de 3,4 % au cours des six dernières années.
Cette évolution est pour le moins paradoxale, au moment où la
part prise par les moyens spatiaux dans toutes les grandes fonctions d'une
défense moderne est de toute évidence appelée à
s'accroître. L'illustration la plus éclairante à cet
égard étant fournie par les
Etats-Unis
qui
consacrent
au domaine spatial militaire 8 à 10 % de leur budget de la
défense
, soit
vingt fois plus que tous les pays européens
réunis
(2,7 milliards d'euros pour l'actuelle année fiscale).
Certes, la France est en Europe le pays dont le budget spatial militaire est le
plus élevé et qui dispose des capacités les plus
étendues, principalement grâce à son satellite
d'observation optique Hélios I.
Pour autant, l'effort programmé sur les prochaines années va
stagner et ne permettra que le simple maintien, par renouvellement des
matériels actuels, des capacités spatiales, auxquelles seront
apportées quelques améliorations.
C'est donc la voie de la
complémentarité européenne
qui semble aujourd'hui conditionner l'
extension des capacités
spatiales
auxquelles notre pays pourrait accéder, à
défaut de les posséder intégralement en propre.
Quelques progrès ont récemment été
enregistrés sur ce terrain, même si d'importantes lacunes
subsistent.
Le domaine de l'
alerte avancée
, constitue un axe d'effort
indispensable, à l'heure où les capacités balistiques
à courte et à moyenne portée se développent dans de
nombreux pays.
La France s'est limitée en la matière à des
études d'architecture
. Elles visent à mesurer la
valeur d'un concept d'un ou plusieurs satellites géostationnaires
dotés de détecteurs infrarouge, capables de détecter la
phase propulsive des missiles balistiques de moyenne et longue portée
(au-dessus de 1 000 km de portée). Un tel système, capable
d'effectuer dès le temps de paix des missions de renseignement et de
contrôle de la prolifération balistique, permettrait
également de confirmer l'identification du pays lanceur. En
matière de trajectographie, l'utilisation de constellations importantes
de satellites infrarouge en orbite basse observant les objets sur fond d'espace
est nécessaire.
Ces études, qui pourraient déboucher sur la réalisation
d'un démonstrateur, sont confirmées par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008 qui prévoit l'acquisition d'une
première capacité antimissile balistique.
Par ailleurs, une
étude de faisabilité concernant la
défense antimissiles des troupes en opération
a
été lancée par l'OTAN. Cette étude, qui devrait
s'achever en 2004, sera menée par deux équipes industrielles. Une
partie de cette étude portera sur les systèmes d'alerte
avancée, basés dans l'espace ou par radar basé au sol. Les
Américains proposent de partager avec l'Alliance les données
provenant de leur système d'alerte avancée satellitaire futur
(SBIRS).
En tout état de cause, et au-delà de ces études,
l'acquisition d'une capacité spatiale d'alerte avancée
apparaît désormais indispensable, mais son coût milite pour
la recherche d'une coopération européenne.
En matière d'
écoute électromagnétique,
la
France, en complément de ses moyens terrestres, navals et
aériens, a déjà expérimenté des
capacités d'écoute à partir de l'espace dans les domaines
de l'activité radar et des radiocommunications, obtenant des
informations à partir de capteurs embarqués sur les satellites
Helios I. Par ailleurs, dans le cadre du programme Essaim, le lancement de
trois micro-satellites destinés à l'écoute des
communications est prévu en 2004. Toutefois,
aucune suite n'est pour
le moment envisagée
pour ces programmes expérimentaux.
La
surveillance de l'espace
vise à détecter et identifier
tous les objets spatiaux et participe de ce fait à la prévention
de la militarisation de l'espace et au renseignement sur l'activité
spatiale militaire. Le ministère de la défense dispose du radar
expérimental Graves, l'Allemagne développant également un
radar expérimental. Toutefois, à l'issue de la « revue
de programmes », en 1998, la France a renoncé à
développer cette capacité, et ici encore, aucune perspective
n'existe en Europe pour le développement d'un système
opérationnel de surveillance de l'espace, rendant cette dernière
dépendante des données fournies par la Russie ou les Etats-Unis.
Au total, l'état-major des armées a estimé que
l'acquisition d'une capacité spatiale européenne militaire
minimale mais performante dans l'ensemble des domaines intéressant la
défense représenterait un investissement de l'ordre de 8,9
milliards d'euros, soit un flux annuel moyen de 785 millions d'euros.
Coût d'une capacité spatiale militaire européenne
Applications |
Coût du programme
|
Durée de vie du programme |
Coût annuel
|
Télécommunications |
3 100 |
15 |
207 |
Observation |
2 300 |
10 |
230 |
Écoute |
1 220 |
10 |
122 |
Surveillance espace |
760 |
10 |
76 |
Alerte avancée |
1 500 |
10 |
150 |
Total |
8 880 |
|
785 |
(Source : Etat-major des armées)
On
constate que le coût annuel d'un tel système dépasse
largement le niveau actuel du budget spatial militaire, appelé à
se situer en moyenne à 450 millions d'euros par an au cours de la
prochaine loi de programmation militaire 2003-2008.
Pour autant, s'il était réparti entre pays européens, il
deviendrait très accessible.
Il reste à savoir si une volonté politique pourra s'affirmer dans
ce domaine, d'autant qu'elle impliquerait d'accepter un plus grand partage du
renseignement.
Dans le cadre du plan d'action européen pour les capacités
(processus ECAP) destiné à mettre en oeuvre les moyens
nécessaires à la constitution de la force d'action
européenne, un groupe est plus particulièrement chargé de
définir les besoins en matière spatiale. Il serait indispensable
que les divers domaines énoncés ci-dessus, dans lesquels figurent
d'importantes lacunes, soient retenus.