C. REDRESSER L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT
Le
projet de loi de programmation stipule que «
les crédits de
paiement du ministère de la défense afférents aux
dépenses en capital, inscrits en loi de finances initiale aux titres V
et VI, s'élèveront
, en moyenne annuelle
,
sur la
durée de la loi de programmation, à 14,64 milliards d'euros
2003
».
L'annuité 2003
est fixée à
13,65 milliards
d'euros 2003
. Un effort financier supplémentaire sera
réalisé
en 2004
avec une
annuité portée
à 14,60 milliards d'euros 2003
. Au-delà, le taux de
croissance des annuités sera de 0,8 % par an.
EVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE 2003 À 2008
(en milliards d'euros 2003)
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
13,65 |
14,60 |
14,72 |
14,84 |
14,96 |
15,08 |
A ces
crédits s'ajoutent ceux que prévoit, pour la gendarmerie, la loi
d'orientation et de programmation sur la sécurité
intérieure.
En outre, «
ces crédits seront actualisés à
compter de 2004 par application de l'indice des prix à la consommation
hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des années
considérées
».
Contrairement à la précédente loi de programmation, qui
définissait une annuité constante et équivalente
d'autorisations de programme et de crédits de paiement, le
présent projet de loi
se réfère uniquement au montant
des crédits de paiement
. Cette modification est logique dans la
mesure où le recours à la procédure des commandes
globales, qui implique un volume d'engagements beaucoup plus important, rend
moins pertinente la définition d'annuités d'autorisations de
programme.
L'enveloppe de crédits d'équipement retenue pour la
période 2003-2008 représente un
redressement très
significatif
par rapport au budget d'équipement atteint en 2002
(+ 18 %) et au niveau des dépenses en capital de ces
dernières années.
LES
CRÉDITS D'ÉQUIPEMENTS PROGRAMMÉS DE 2003 À
2008
Quelques éléments de comparaison
L'annuité moyenne programmée (14,64 milliards
d'euros
2003) représente
:
- une
augmentation de 17 %
par rapport à l'annuité
moyenne réalisée de 1997 à 2002 (12,5 milliards d'euros
2003),
- une
augmentation de 10 %
par rapport à l'annuité
moyenne des lois de finances de 1997 à 2002 (13,3 milliards d'euros
2003),
- une
augmentation de 7 %
par rapport au niveau arrêté
lors de la revue de programmes (13,7 milliards d'euros 2003),
- une
augmentation de 5,3 %
par rapport au projet de loi de
programmation déposé en 2001 par le précédent
gouvernement (13,9 milliards d'euros 2003),
- une
augmentation de 2 %
par rapport au niveau initialement retenu
par la précédente loi de programmation (14,35 milliards
d'euros 2003).
Les éléments ci-dessus soulignent
l'ampleur de l'effort
financier
décidé par le Président de la
République et le gouvernement, au regard des six années
passées, tout en le relativisant. En effet, il apparaît clairement
que le projet de loi permet avant tout de
renouer avec les objectifs
définis en 1996
qui avaient progressivement
« écornés », au fil des lois de finances
successives.
Aussi doit on parler de rattrapage, plus que d'accentuation de l'effort de
défense
, étant entendu que
ce
rattrapage est
d'ordre financier et non d'ordre capacitaire
,
les retards pris dans
l'équipement des forces ne pouvant être effacés
.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées considère que
ce redressement était
doublement indispensable
:
pour
faire face aux besoins
financiers
générés par les programmes
d'équipement déjà engagés d'une part, pour replacer
notre budget de défense à la hauteur que justifie le
nouvel
environnement international
d'autre part.
Elle souhaite rappeler que
cet effort ne prendra son sens que dans la mesure
où la loi de programmation sera rigoureusement traduite par les lois de
finances successives
et pleinement réalisée en
exécution budgétaire,
les années 2003 et 2004
étant à cet égard décisives.
Elle estime néanmoins qu'en dépit de l'effort accompli,
déjà considérable au regard de la situation des finances
publiques, et en raison du poids des retards accumulés,
certaines
lacunes persisteront
alors que
les besoins nouveaux ne seront que
partiellement pris en compte.
1. Un redressement indispensable
Tout en permettant de faire face à des besoins croissants , l'enveloppe prévue par le projet de loi bénéficiera de gains en pouvoir d'achat grâce à une clarification du périmètre budgétaire . Enfin, plusieurs pistes sont évoquées en vue de permettre une dépense d'équipement plus efficace .
a) Une enveloppe qui permet de faire face à des besoins de paiement croissants
La
conjonction dans le temps de l'arrivée en phase de production de
plusieurs grands programmes d'équipements appelle des moyens de paiement
accrus. Si par le passé, l'habitude a été prise de
repousser régulièrement la
« bosse» des
dépenses d'équipements
, comme l'ont baptisée les
spécialistes des affaires financières de défense, il est
désormais indispensable de rompre avec cette dérive. Les
pratiques de décalage des programmes et de ralentissement des cadences
de livraison ont atteint leurs limites, avec leurs conséquences
dommageables en terme capacitaire, industriel et de coût définitif
des programmes. De surcroît, le recours à la
procédure
des commandes globales
, source d'économies et de meilleure
visibilité, a multiplié les engagements pluriannuels qui imposent
le respect des échéances de paiement.
Si la précédente loi de programmation a souffert d'une
exécution médiocre en crédits de paiement, elle s'est en
revanche caractérisée par une
« sur-exécution » en autorisation de programmes, du
fait des commandes globales. Aussi, les engagements, qui n'étaient que
de 12,2 milliards d'euros en 1997, ont atteint 16,4 milliards d'euros
en 2000, 14,7 milliards d'euros en 2001 et devraient approcher
17 milliards d'euros en 2002.
Le « reste à couvrir », c'est-à-dire le
montant des paiements découlant, à un moment donné, des
engagements contractés, a progressé d'environ 35 % de 1997
à 2002.
La construction du projet de loi de programmation 2003-2008 devait donc
impérativement tenir compte de cet
échéancier de
paiements d'ores et déjà établi
et résultant
des engagements passés, et provisionner au niveau requis les moyens
financiers permettant de faire face à des besoins plus importants.
Sur une annuité moyenne,
la part des crédits
d'équipement découlant des engagements antérieurs
représente plus de 85 % des dotations
, seule la part
résiduelle offrant réellement une marge de manoeuvre pour des
engagements nouveaux.
Ainsi, pour une large part,
l'accroissement très substantiel des
crédits d'équipement au cours des années 2003 et 2004 ne
fait qu'entériner des passations de commandes antérieures
. Il
traduit le passage d'une loi consacrée au développement des
principaux matériels majeurs du modèle 2015, à une loi qui
doit désormais en assurer la
fabrication
.
En dehors des programmes d'armement, les autres postes de dépenses du
titre V appellent eux aussi un effort financier accru.
C'est le cas de
l'entretien programmé des matériels
,
compte tenu du niveau de disponibilité inquiétant atteint par
certains types d'équipements et des besoins que génèrent
l'arrivée de matériels plus sophistiqués d'une part, et la
prolongation de matériels vieillissants d'autre part. L'annuité
moyenne représentera 2 379 millions d'euros 2003, soit 8% de plus que le
niveau plancher atteint en 2001.
C'est également le cas des
dépenses d'infrastructure
, et
notamment de celles qui concourent directement au bon fonctionnement de
l'armée professionnelle, comme les logements des militaires du rang.
Enfin, les
dépenses de recherche
ont fait l'objet d'une
compression excessive ces dernières années. Il est absolument
impératif d'inverser cette tendance préoccupante pour l'avenir de
nos capacités technologiques. Le projet de loi retient un
montant
global de 3 815 millions d'euros 2003 pour l'effort de recherche et
technologie,
c'est à dire les crédits d'études amont,
sur la période 2003-2008, ce qui représente un relèvement
supérieur à 16% par rapport à la précédente
loi de programmation.
b) Un périmètre en partie clarifié
Le
projet de loi de programmation définit
plusieurs principes
relatifs au périmètre du budget de la défense et de
l'enveloppe prévue pour les années 2003-2008, qui se traduiront,
par rapport aux années passées, par un
gain en pouvoir
d'achat
.
Le premier de ces principes est que
le périmètre de chaque
annuité exclut la recapitalisation des entreprises publiques.
Cette
mention figurait explicitement dans la loi précédente, mais son
rappel est indispensable puisqu'en pratique, ce principe a été
privé d'effet, les recapitalisations successives de GIAT-Industries
ayant été largement gagées par des annulations sur le
titre V du budget de la défense. Il y a donc lieu de demeurer vigilant
en ce domaine, tant en ce qui concerne GIAT-Industries que DCN,
transformée en société nationale au début de
l'année 2003 et dont il faudra à ce titre assurer la
capitalisation initiale.
Deuxièmement, le périmètre de la loi de programmation
exclut également le
fonds de développement de la
Polynésie française.
De 1997 à 2002, ce sont plus de
500 millions d'euros qui ont été inscrits à ce titre au
budget de la défense. Cette dépense, qui s'élèvera
à 150 millions d'euros en 2003, a été
transférée au budget des charges communes.
Une troisième clarification porte sur les dépenses de
démantèlement des installations de production de
matières fissiles de la vallée du Rhône.
Un
fonds
spécifique
sera mis en place avant l'été 2003, afin de
financer la plus large part de ce programme appelé à se
poursuivre au moins jusqu'en 2007 pour l'usine d'enrichissement d'uranium de
Pierrelatte, et sur une période beaucoup plus longue pour l'usine de
production de plutonium de Marcoule. A compter de 2003, ce fonds financier doit
contribuer aux charges de démantèlement à hauteur de
79 millions d'euros
par an. Votre rapporteur souhaite que soit
très rapidement précisées les modalités de
constitution de ce fonds. Une cession de participations de CEA-Industries
pourrait être envisagée ainsi qu'une solution reposant sur le
fonds mis en place en 2001 pour le démantèlement des
installations civiles dont l'objet serait élargi. Il est par ailleurs
souhaitable que cette procédure permette une
accélération d'opérations
dont le coût est
grevé d'importants frais fixes.
Enfin, le projet de loi précise que les crédits programmés
sur la période 2003-2008 n'incluent pas ceux prévus, pour la
gendarmerie nationale
, par la loi d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure et qui s'élèvent
à 1 milliard d'euros pour la période 2003-2007.
Sur deux autres points,
l'effort de clarification a cependant
été poussé moins loin
. Le rapport annexé
précise en effet :
« Au-delà de 2003, la part
du
budget civil
de recherche
qui relève de la
défense et les charges afférentes à la
restructuration
de la Direction des constructions navales
, à l'exclusion de la
recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions
budgétaires annuelles. »
S'agissant du
budget civil de recherche et développement (BCRD)
,
la formulation est en retrait par rapport à celle retenue par la
précédente loi, qui excluait formellement son imputation sur les
crédits de programmation. Mais chacun sait que cette prescription a
été battue en brèche, le titre V ayant dû contribuer
au BCRD, de 1997 à 2002, à hauteur de plus de 1,1 milliard
d'euros transférés au Centre national d'études spatiales.
L'actuel gouvernement a pour sa part fait en sorte que les sommes inscrites au
budget de la défense en 2003 au titre du BCRD (191 millions d'euros),
soient neutralisées par une ouverture de crédits
équivalente dans la loi de finances rectificative pour 2002. Tout en se
félicitant de cette décision, votre rapporteur regrette qu'
une
incertitude subsiste au-delà de 2003
, étant rappelé
que le niveau des dotations inscrites au budget de la défense en vue
d'un transfert au BCRD ont été par le passé sans commune
mesure avec le bénéfice que les armées étaient en
droit de pouvoir retirer des actions ainsi financées. Lors de l'examen
par l'Assemblée nationale du présent projet de loi, le 28
novembre dernier, le ministre de la défense a précisé que
son ministère avait obtenu de pouvoir négocier le montant et
l'affectation des transferts au BCRD, afin de ne financer que les programmes
qui intéressent directement la défense. Il s'agirait là
d'un progrès important par rapport aux années passées.
En ce qui concerne
DCN
, le gouvernement a indiqué à
plusieurs reprises que le Conseil de défense avait retenu le principe de
la
neutralité fiscale
du passage au statut de
société, l'enveloppe budgétaire de la Marine ne devant pas
être ponctionnée par l'application de la TVA aux livraisons et
prestations de DCN. Il reste toutefois à clarifier les conditions de
mise en oeuvre de ce principe. De même se posera la question du
financement d'autres
charges liées à la
restructuration
: mise à niveau des infrastructures des ports
transférées à la Marine, transferts de personnels vers les
services de l'Etat, dépollution de certaines zones, maintien au sein de
DCN de certaines tâches étatiques (gestion du personnel sous
statut), versement des rentes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.
Globalement, l'effort de clarification opéré par le projet de loi
mérite d'être salué car il élimine pour une large
part des pratiques qui avaient lourdement pesé, ces dernières
années, sur un budget d'équipement lui même en
réduction.
c) Dépenser mieux : des pistes intéressantes qu'il faudra concrétiser
Le
projet de loi de programmation esquisse plusieurs pistes en vue de donner
à la dépense d'équipement militaire une plus grande
efficacité :
- la
mise en cohérence des efforts consentis en matière de
sécurité intérieure et extérieure
,
concrétisée par la complémentarité entre loi de
programmation militaire et loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure,
- le
renforcement de l'approche interarmées
, qui portera sur des
«
sujets fédérateurs comme le commandement, le
soutien, la formation des personnels et l'organisation
» ;
un
établissement public interarmées
regroupant les
activités d'achat des commissariats dans le domaine des vivres sera
créé en 2003, avec vocation, à terme, à intervenir
pour l'ensemble des prestations relatives au
soutien de l'homme
(alimentation, habillement, ameublement) ; la pratique des
prestations
croisées entre armées
, déjà mise en oeuvre au
niveau local en matière de transport terrestre, de dépannage
routier et de prestations alimentaires, sera développée ;
- la
modernisation de la gestion
, notamment par la
généralisation du contrôle de gestion,
l'amélioration de la démarche qualité dans la conduite des
programmes d'armement, le développement d'un portail d'achats sur
Internet, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de
finances ;
- le
développement de l'externalisation
, afin de décharger
les armées des tâches ne présentant pas un caractère
opérationnel et non essentielles en temps de crise ;
- enfin, l'
expérimentation de nouvelles procédures
d'investissement
, sous la forme notamment d'alternatives à
l'acquisition patrimoniale ; des «
solutions
innovantes
», s'appuyant sur des expériences
françaises ou étrangères, seront recherchées tant
pour les programmes d'armement et les opérations immobilières
qu'en matière d'achat de prestations et de capacités.
Votre commission approuve pleinement ces orientations. Elle estime qu'
il
faudra rapidement passer des orientations générales à la
mise en oeuvre pratique
.
S'agissant du
renforcement de l'approche interarmées
, la mise en
place de structures intégrées de soutien commence semble-t-il
à produire des résultats. Le secteur des
systèmes
d'information et de communication
pourrait, aux yeux de votre rapporteur,
justifier une démarche comparable, car il met en jeu
l'interopérabilité entre les différentes armées,
indispensable dans un tel domaine. De surcroît, la superposition de
nombreux programmes conduits parallèlement par chacune des armées
aboutit à une situation complexe, peu lisible, qui pourrait utilement
être rationalisée. À cet égard, le projet de
direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des
systèmes d'information (DIRISI), en cours de constitution, mérite
un suivi attentif.
Votre rapporteur estime également que les modalités de mise en
oeuvre de
financements innovants
, en particulier les formules de
location de capacités sur une longue durée, doivent être
prioritairement étudiées pour
rechercher activement les moyens
d'avancer l'acquisition d'équipements ou de capacités
, dans
les secteurs où les lacunes sont parfaitement identifiées comme
le transport stratégique, l'aéromobilité, le
ravitaillement en vol, voire même les véhicules de combat. Seule
une impulsion politique forte est de nature, en la matière, à
pousser un peu plus loin les investigations pour dépasser des habitudes
solidement installées qui ne répondent pas toujours aux
impératifs de réactivité et d'efficacité.
Au-delà, se pose la question de la
poursuite des réformes de
l'organisation du ministère de la défense
, et en particulier
de la
délégation générale pour l'armement
(DGA)
.
Des progrès ont été accomplis
ces dernières
années. La procédure des commandes pluriannuelles a
été développée et sera poursuivie. Le
contrôle de gestion a été généralisé
et les méthodes de conduite des programmes d'armement ont
été revues, avec le souci de réduire les
spécifications et d'associer plus étroitement les
états-majors, les industriels et la DGA. Cette dernière a
réduit ses effectifs et son coût d'intervention. La
réduction du coût des programmes a été
systématiquement recherchée et des résultats notables ont
été obtenus.
Très significative au regard de ce qu'était la DGA au
début de la dernière décennie, cette évolution
l'est moins si on la compare à celles intervenues à
l'étranger. Certes, les expériences étrangères ne
peuvent être systématiquement transposées et il y a lieu
d'en évaluer soigneusement les résultats, qui ne sont pas
toujours probants, mais l'exemple britannique, avec la
Defence procurement
agency
et le
smart procurement
, montre qu'
il est sans doute
possible d'aller plus vite et plus loin
dans l'allègement et la
simplification de l'organisation et des structures, et dans la modernisation
des méthodes d'acquisition qui paraissent toujours très lourdes
et soumises à de nombreuses contraintes réglementaires et
administratives.
On peut regretter que le projet de loi de programmation, il est vrai
élaboré en un temps très court, demeure trop discret sur
l'évolution de la DGA et sur le rôle qu'elle doit jouer pour
optimiser les dotations qui seront allouées lors des six prochaines
années.
2. Une crédibilité conditionnée à la traduction fidèle de la loi de programmation
Si la
mauvaise exécution de la loi de programmation précédente
entraînait un risque de rupture du modèle d'armée, la
réalisation de ce dernier sans nouveau retard, et a fortiori
l'intégration de capacités nouvelles liées à
l'évolution des besoins actuels de sécurité, sont
entièrement conditionnés à la bonne réalisation du
présent projet.
Cette bonne réalisation suppose trois conditions.
a) L'entrée dans la programmation
La
première condition est liée à
« l'entrée » dans la programmation
.
Celle-ci s'effectue dans des conditions satisfaisantes puisque le projet de
loi de finances pour 2003 s'aligne sur l'annuité prévue. D'autre
part, l'exercice 2002 aura été celui de la meilleure
réalisation budgétaire des six dernières années.
Compte tenu des deux collectifs budgétaires de l'année, le bilan
prévisible de 2002 se solderait, au titre V, par des crédits
disponibles inférieurs d'à peine 10 millions d'euros
à ceux inscrits en loi de finances initiale, alors que le titre III a
été fortement majoré pour couvrir les dépenses
d'opérations extérieures et le financement du plan
d'amélioration de la condition militaire.
S'il offre un contraste saisissant avec les années 1997-2001, ce tableau
comporte cependant
quelques zones d'ombre
que votre rapporteur se doit
d'évoquer. D'une part, 190 millions d'euros ont été
ouverts en fin d'année pour couvrir des dépenses à venir
en 2003, à savoir le transfert d'une somme équivalente au BCRD.
Ces 190 millions d'euros ne doivent donc pas être
considérés comme des crédits disponibles en 2002. D'autre
part, l'annulation de 321 millions d'euros opérée par l'article 9
de la loi de finances rectificative a quelque peu brouillé l'analyse.
Ces crédits n'étaient-ils plus susceptibles d'emploi avant la fin
de l'année 2002, comme cela a été annoncé,
où restaient-ils nécessaires compte tenu de la forte reprise des
besoins de paiement ? Dans cette dernière hypothèse, un
report de charges pèserait sur la gestion 2003, avec le
risque
d'amputer dès la première année le redressement de
l'effort d'équipement
.
Enfin, l'annonce d'une
régulation budgétaire
dès le
début de l'année 2003 suscite bien des interrogations. Sans
contester le fondement d'un contrôle de l'évolution de la
dépense publique, votre rapporteur rappelle que l'annuité 2003
correspond rigoureusement aux besoins de paiement, en forte augmentation, de la
défense pour cette même année, et que ceux-ci doivent donc
être pleinement pris en compte sous peine de fragiliser de nouveau
l'équipement de nos armées.
Face à ces interrogations, votre rapporteur croit utile de rappeler les
précisions apportées devant le Sénat, le
5 décembre dernier, par Mme Michèle Alliot-Marie
,
ministre de la défense, en réponse au président de notre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, M. André Dulait :
« Vous avez parlé ... de l'importance du budget et de votre
souci de surveiller son exécution. Je vous remercie, car je partage
cette préoccupation. Je considère que, à partir du moment
où la nation fait un effort aussi important que celui qui est inscrit
dans la loi de programmation militaire et dans ce budget pour 2003, il est de
la responsabilité du ministère de la défense d'utiliser au
mieux ces crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai
décidé d'instituer des contrôles de gestion, des
contrôles trimestriels de l'exécution
mais aussi de mettre
en oeuvre des procédures nouvelles pour faciliter, voire
accélérer la réalisation d'un certain nombre de programmes
dans le cadre de ce budget.
Cette façon de procéder m'a amenée ... à rendre au
Premier ministre des crédits de paiement dont nous n'avions pas
l'utilisation avant le 31 décembre. J'ai ainsi remis voilà quinze
jours à la disposition du Gouvernement
321 millions d'euros de
crédits de paiement
qui étaient destinés à des
opérations dont le paiement n'interviendra que dans le courant de
l'année 2003. M. le Premier ministre m'a envoyé une lettre
m'informant que ces crédits me seraient, bien entendu
,
restitués en 2003 dans la première loi de finances
rectificative
: je pense qu'en l'occurrence notre démarche est
exemplaire.
»
Votre commission entend demeurer vigilante sur les conditions de
réalisation de la loi de programmation.
Elle se félicite particulièrement des propos tenus le 7 janvier
dernier par le
Président de la République
qui a
considéré que la nouvelle loi de programmation portait un coup
d'arrêt à la dégradation de notre outil militaire et qui a
assuré qu'il
veillerait «
à ce que ce signal fort
soit respecté pendant l'exécution de cette
loi
»
.
b) L'annuité 2004 : une nouvelle « marche » indispensable
C'est
dans les tout prochains mois que sera préparé le projet de loi de
finances pour 2004. Le projet de loi de programmation prévoit une
nouvelle progression de 7 % du budget d'équipement
, qui
devra atteindre 14,6 milliards d'euros, soit le niveau de l'annuité
moyenne retenue pour les six prochaines années.
Si l'annuité 2003 permet un redressement déjà très
substantiel, elle ne représente guère qu'un retour au niveau que
retenait la « revue des programmes » de 1998. C'est bien la
« deuxième marche » prévue en 2004 qui
donne toute sa signification au projet de loi
, en revenant à un
niveau proche de celui fixé en 1996, seul de nature à permettre
la réalisation du modèle d'armée et son adaptation aux
impératifs actuels de sécurité.
La réalisation de cet effort supplémentaire conditionne donc le
succès de la loi. Elle replacera notre budget de défense au
niveau requis pour assurer un rythme convenable de renouvellement et de
modernisation des équipements.
c) Le financement des Opex ne doit plus peser sur les crédits d'équipement
Enfin,
la bonne exécution de la prochaine loi de programmation implique que
soit mis un terme aux annulations de crédits d'équipement
destinées à gager les ouvertures de crédits
nécessaires au financement des opérations extérieures.
La charge que représentent les opérations extérieures tend
désormais à se pérenniser à un niveau
élevé, variant assez peu d'une année sur l'autre. Il n'y a
aucune raison pour que cette charge vienne grever le budget courant des
armées, et encore moins ses dotations d'équipement.
L'Assemblée nationale a précisé dans le rapport
annexé au projet de loi qu'une
« ligne
budgétaire spécifique aux opérations extérieures
sera créée en loi de finances initiale
»
.
Une mission confiée conjointement à l'Inspection
générale des finances et au contrôle général
des armées doit proposer des solutions de nature à mieux prendre
en compte ce besoin de financement.
Votre rapporteur estime que l'inscription en loi de finances initiale d'une
provision permettant de couvrir les charges prévisibles
d'opérations extérieures
, qui représentent la plus
large part de la dépense, peut contribuer à éviter le
retour aux errements du passé. Cette provision, de même que les
ouvertures de crédits destinées à la compléter en
cours d'année, ne doivent en revanche
en aucun cas ponctionner
l'enveloppe prévue par la loi de programmation
, qui a
été définie pour couvrir des besoins de toute autre nature.