C. REDRESSER L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT

Le projet de loi de programmation stipule que « les crédits de paiement du ministère de la défense afférents aux dépenses en capital, inscrits en loi de finances initiale aux titres V et VI, s'élèveront , en moyenne annuelle , sur la durée de la loi de programmation, à 14,64 milliards d'euros 2003 ».

L'annuité 2003 est fixée à 13,65 milliards d'euros 2003 . Un effort financier supplémentaire sera réalisé en 2004 avec une annuité portée à 14,60 milliards d'euros 2003 . Au-delà, le taux de croissance des annuités sera de 0,8 % par an.

EVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE 2003 À 2008

(en milliards d'euros 2003)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

13,65

14,60

14,72

14,84

14,96

15,08

A ces crédits s'ajoutent ceux que prévoit, pour la gendarmerie, la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure.

En outre, « ces crédits seront actualisés à compter de 2004 par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des années considérées ».

Contrairement à la précédente loi de programmation, qui définissait une annuité constante et équivalente d'autorisations de programme et de crédits de paiement, le présent projet de loi se réfère uniquement au montant des crédits de paiement . Cette modification est logique dans la mesure où le recours à la procédure des commandes globales, qui implique un volume d'engagements beaucoup plus important, rend moins pertinente la définition d'annuités d'autorisations de programme.

L'enveloppe de crédits d'équipement retenue pour la période 2003-2008 représente un redressement très significatif par rapport au budget d'équipement atteint en 2002 (+ 18 %) et au niveau des dépenses en capital de ces dernières années.

LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENTS PROGRAMMÉS DE 2003 À 2008
Quelques éléments de comparaison

L'annuité moyenne programmée (14,64 milliards d'euros 2003) représente :

- une augmentation de 17 % par rapport à l'annuité moyenne réalisée de 1997 à 2002 (12,5 milliards d'euros 2003),

- une augmentation de 10 % par rapport à l'annuité moyenne des lois de finances de 1997 à 2002 (13,3 milliards d'euros 2003),

- une augmentation de 7 % par rapport au niveau arrêté lors de la revue de programmes (13,7 milliards d'euros 2003),

- une augmentation de 5,3 % par rapport au projet de loi de programmation déposé en 2001 par le précédent gouvernement (13,9 milliards d'euros 2003),

- une augmentation de 2 % par rapport au niveau initialement retenu par la précédente loi de programmation (14,35 milliards d'euros 2003).

Les éléments ci-dessus soulignent l'ampleur de l'effort financier décidé par le Président de la République et le gouvernement, au regard des six années passées, tout en le relativisant. En effet, il apparaît clairement que le projet de loi permet avant tout de renouer avec les objectifs définis en 1996 qui avaient progressivement « écornés », au fil des lois de finances successives.

Aussi doit on parler de rattrapage, plus que d'accentuation de l'effort de défense , étant entendu que ce rattrapage est d'ordre financier et non d'ordre capacitaire , les retards pris dans l'équipement des forces ne pouvant être effacés .

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère que ce redressement était doublement indispensable : pour faire face aux besoins financiers générés par les programmes d'équipement déjà engagés d'une part, pour replacer notre budget de défense à la hauteur que justifie le nouvel environnement international d'autre part.

Elle souhaite rappeler que cet effort ne prendra son sens que dans la mesure où la loi de programmation sera rigoureusement traduite par les lois de finances successives et pleinement réalisée en exécution budgétaire, les années 2003 et 2004 étant à cet égard décisives.

Elle estime néanmoins qu'en dépit de l'effort accompli, déjà considérable au regard de la situation des finances publiques, et en raison du poids des retards accumulés, certaines lacunes persisteront alors que les besoins nouveaux ne seront que partiellement pris en compte.

1. Un redressement indispensable

Tout en permettant de faire face à des besoins croissants , l'enveloppe prévue par le projet de loi bénéficiera de gains en pouvoir d'achat grâce à une clarification du périmètre budgétaire . Enfin, plusieurs pistes sont évoquées en vue de permettre une dépense d'équipement plus efficace .

a) Une enveloppe qui permet de faire face à des besoins de paiement croissants

La conjonction dans le temps de l'arrivée en phase de production de plusieurs grands programmes d'équipements appelle des moyens de paiement accrus. Si par le passé, l'habitude a été prise de repousser régulièrement la « bosse» des dépenses d'équipements , comme l'ont baptisée les spécialistes des affaires financières de défense, il est désormais indispensable de rompre avec cette dérive. Les pratiques de décalage des programmes et de ralentissement des cadences de livraison ont atteint leurs limites, avec leurs conséquences dommageables en terme capacitaire, industriel et de coût définitif des programmes. De surcroît, le recours à la procédure des commandes globales , source d'économies et de meilleure visibilité, a multiplié les engagements pluriannuels qui imposent le respect des échéances de paiement.

Si la précédente loi de programmation a souffert d'une exécution médiocre en crédits de paiement, elle s'est en revanche caractérisée par une « sur-exécution » en autorisation de programmes, du fait des commandes globales. Aussi, les engagements, qui n'étaient que de 12,2 milliards d'euros en 1997, ont atteint 16,4 milliards d'euros en 2000, 14,7 milliards d'euros en 2001 et devraient approcher 17 milliards d'euros en 2002.

Le « reste à couvrir », c'est-à-dire le montant des paiements découlant, à un moment donné, des engagements contractés, a progressé d'environ 35 % de 1997 à 2002.

La construction du projet de loi de programmation 2003-2008 devait donc impérativement tenir compte de cet échéancier de paiements d'ores et déjà établi et résultant des engagements passés, et provisionner au niveau requis les moyens financiers permettant de faire face à des besoins plus importants.

Sur une annuité moyenne, la part des crédits d'équipement découlant des engagements antérieurs représente plus de 85 % des dotations , seule la part résiduelle offrant réellement une marge de manoeuvre pour des engagements nouveaux.

Ainsi, pour une large part, l'accroissement très substantiel des crédits d'équipement au cours des années 2003 et 2004 ne fait qu'entériner des passations de commandes antérieures . Il traduit le passage d'une loi consacrée au développement des principaux matériels majeurs du modèle 2015, à une loi qui doit désormais en assurer la fabrication .

En dehors des programmes d'armement, les autres postes de dépenses du titre V appellent eux aussi un effort financier accru.

C'est le cas de l'entretien programmé des matériels , compte tenu du niveau de disponibilité inquiétant atteint par certains types d'équipements et des besoins que génèrent l'arrivée de matériels plus sophistiqués d'une part, et la prolongation de matériels vieillissants d'autre part. L'annuité moyenne représentera 2 379 millions d'euros 2003, soit 8% de plus que le niveau plancher atteint en 2001.

C'est également le cas des dépenses d'infrastructure , et notamment de celles qui concourent directement au bon fonctionnement de l'armée professionnelle, comme les logements des militaires du rang.

Enfin, les dépenses de recherche ont fait l'objet d'une compression excessive ces dernières années. Il est absolument impératif d'inverser cette tendance préoccupante pour l'avenir de nos capacités technologiques. Le projet de loi retient un montant global de 3 815 millions d'euros 2003 pour l'effort de recherche et technologie, c'est à dire les crédits d'études amont, sur la période 2003-2008, ce qui représente un relèvement supérieur à 16% par rapport à la précédente loi de programmation.

b) Un périmètre en partie clarifié

Le projet de loi de programmation définit plusieurs principes relatifs au périmètre du budget de la défense et de l'enveloppe prévue pour les années 2003-2008, qui se traduiront, par rapport aux années passées, par un gain en pouvoir d'achat .

Le premier de ces principes est que le périmètre de chaque annuité exclut la recapitalisation des entreprises publiques. Cette mention figurait explicitement dans la loi précédente, mais son rappel est indispensable puisqu'en pratique, ce principe a été privé d'effet, les recapitalisations successives de GIAT-Industries ayant été largement gagées par des annulations sur le titre V du budget de la défense. Il y a donc lieu de demeurer vigilant en ce domaine, tant en ce qui concerne GIAT-Industries que DCN, transformée en société nationale au début de l'année 2003 et dont il faudra à ce titre assurer la capitalisation initiale.

Deuxièmement, le périmètre de la loi de programmation exclut également le fonds de développement de la Polynésie française. De 1997 à 2002, ce sont plus de 500 millions d'euros qui ont été inscrits à ce titre au budget de la défense. Cette dépense, qui s'élèvera à 150 millions d'euros en 2003, a été transférée au budget des charges communes.

Une troisième clarification porte sur les dépenses de démantèlement des installations de production de matières fissiles de la vallée du Rhône. Un fonds spécifique sera mis en place avant l'été 2003, afin de financer la plus large part de ce programme appelé à se poursuivre au moins jusqu'en 2007 pour l'usine d'enrichissement d'uranium de Pierrelatte, et sur une période beaucoup plus longue pour l'usine de production de plutonium de Marcoule. A compter de 2003, ce fonds financier doit contribuer aux charges de démantèlement à hauteur de 79 millions d'euros par an. Votre rapporteur souhaite que soit très rapidement précisées les modalités de constitution de ce fonds. Une cession de participations de CEA-Industries pourrait être envisagée ainsi qu'une solution reposant sur le fonds mis en place en 2001 pour le démantèlement des installations civiles dont l'objet serait élargi. Il est par ailleurs souhaitable que cette procédure permette une accélération d'opérations dont le coût est grevé d'importants frais fixes.

Enfin, le projet de loi précise que les crédits programmés sur la période 2003-2008 n'incluent pas ceux prévus, pour la gendarmerie nationale , par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et qui s'élèvent à 1 milliard d'euros pour la période 2003-2007.

Sur deux autres points, l'effort de clarification a cependant été poussé moins loin . Le rapport annexé précise en effet : « Au-delà de 2003, la part du budget civil de recherche qui relève de la défense et les charges afférentes à la restructuration de la Direction des constructions navales , à l'exclusion de la recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions budgétaires annuelles. »

S'agissant du budget civil de recherche et développement (BCRD) , la formulation est en retrait par rapport à celle retenue par la précédente loi, qui excluait formellement son imputation sur les crédits de programmation. Mais chacun sait que cette prescription a été battue en brèche, le titre V ayant dû contribuer au BCRD, de 1997 à 2002, à hauteur de plus de 1,1 milliard d'euros transférés au Centre national d'études spatiales.

L'actuel gouvernement a pour sa part fait en sorte que les sommes inscrites au budget de la défense en 2003 au titre du BCRD (191 millions d'euros), soient neutralisées par une ouverture de crédits équivalente dans la loi de finances rectificative pour 2002. Tout en se félicitant de cette décision, votre rapporteur regrette qu' une incertitude subsiste au-delà de 2003 , étant rappelé que le niveau des dotations inscrites au budget de la défense en vue d'un transfert au BCRD ont été par le passé sans commune mesure avec le bénéfice que les armées étaient en droit de pouvoir retirer des actions ainsi financées. Lors de l'examen par l'Assemblée nationale du présent projet de loi, le 28 novembre dernier, le ministre de la défense a précisé que son ministère avait obtenu de pouvoir négocier le montant et l'affectation des transferts au BCRD, afin de ne financer que les programmes qui intéressent directement la défense. Il s'agirait là d'un progrès important par rapport aux années passées.

En ce qui concerne DCN , le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises que le Conseil de défense avait retenu le principe de la neutralité fiscale du passage au statut de société, l'enveloppe budgétaire de la Marine ne devant pas être ponctionnée par l'application de la TVA aux livraisons et prestations de DCN. Il reste toutefois à clarifier les conditions de mise en oeuvre de ce principe. De même se posera la question du financement d'autres charges liées à la restructuration : mise à niveau des infrastructures des ports transférées à la Marine, transferts de personnels vers les services de l'Etat, dépollution de certaines zones, maintien au sein de DCN de certaines tâches étatiques (gestion du personnel sous statut), versement des rentes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Globalement, l'effort de clarification opéré par le projet de loi mérite d'être salué car il élimine pour une large part des pratiques qui avaient lourdement pesé, ces dernières années, sur un budget d'équipement lui même en réduction.

c) Dépenser mieux : des pistes intéressantes qu'il faudra concrétiser

Le projet de loi de programmation esquisse plusieurs pistes en vue de donner à la dépense d'équipement militaire une plus grande efficacité :

- la mise en cohérence des efforts consentis en matière de sécurité intérieure et extérieure , concrétisée par la complémentarité entre loi de programmation militaire et loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure,

- le renforcement de l'approche interarmées , qui portera sur des « sujets fédérateurs comme le commandement, le soutien, la formation des personnels et l'organisation » ; un établissement public interarmées regroupant les activités d'achat des commissariats dans le domaine des vivres sera créé en 2003, avec vocation, à terme, à intervenir pour l'ensemble des prestations relatives au soutien de l'homme (alimentation, habillement, ameublement) ; la pratique des prestations croisées entre armées , déjà mise en oeuvre au niveau local en matière de transport terrestre, de dépannage routier et de prestations alimentaires, sera développée ;

- la modernisation de la gestion , notamment par la généralisation du contrôle de gestion, l'amélioration de la démarche qualité dans la conduite des programmes d'armement, le développement d'un portail d'achats sur Internet, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ;

- le développement de l'externalisation , afin de décharger les armées des tâches ne présentant pas un caractère opérationnel et non essentielles en temps de crise ;

- enfin, l' expérimentation de nouvelles procédures d'investissement , sous la forme notamment d'alternatives à l'acquisition patrimoniale ; des « solutions innovantes », s'appuyant sur des expériences françaises ou étrangères, seront recherchées tant pour les programmes d'armement et les opérations immobilières qu'en matière d'achat de prestations et de capacités.

Votre commission approuve pleinement ces orientations. Elle estime qu' il faudra rapidement passer des orientations générales à la mise en oeuvre pratique .

S'agissant du renforcement de l'approche interarmées , la mise en place de structures intégrées de soutien commence semble-t-il à produire des résultats. Le secteur des systèmes d'information et de communication pourrait, aux yeux de votre rapporteur, justifier une démarche comparable, car il met en jeu l'interopérabilité entre les différentes armées, indispensable dans un tel domaine. De surcroît, la superposition de nombreux programmes conduits parallèlement par chacune des armées aboutit à une situation complexe, peu lisible, qui pourrait utilement être rationalisée. À cet égard, le projet de direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI), en cours de constitution, mérite un suivi attentif.

Votre rapporteur estime également que les modalités de mise en oeuvre de financements innovants , en particulier les formules de location de capacités sur une longue durée, doivent être prioritairement étudiées pour rechercher activement les moyens d'avancer l'acquisition d'équipements ou de capacités , dans les secteurs où les lacunes sont parfaitement identifiées comme le transport stratégique, l'aéromobilité, le ravitaillement en vol, voire même les véhicules de combat. Seule une impulsion politique forte est de nature, en la matière, à pousser un peu plus loin les investigations pour dépasser des habitudes solidement installées qui ne répondent pas toujours aux impératifs de réactivité et d'efficacité.

Au-delà, se pose la question de la poursuite des réformes de l'organisation du ministère de la défense , et en particulier de la délégation générale pour l'armement (DGA) .

Des progrès ont été accomplis ces dernières années. La procédure des commandes pluriannuelles a été développée et sera poursuivie. Le contrôle de gestion a été généralisé et les méthodes de conduite des programmes d'armement ont été revues, avec le souci de réduire les spécifications et d'associer plus étroitement les états-majors, les industriels et la DGA. Cette dernière a réduit ses effectifs et son coût d'intervention. La réduction du coût des programmes a été systématiquement recherchée et des résultats notables ont été obtenus.

Très significative au regard de ce qu'était la DGA au début de la dernière décennie, cette évolution l'est moins si on la compare à celles intervenues à l'étranger. Certes, les expériences étrangères ne peuvent être systématiquement transposées et il y a lieu d'en évaluer soigneusement les résultats, qui ne sont pas toujours probants, mais l'exemple britannique, avec la Defence procurement agency et le smart procurement , montre qu' il est sans doute possible d'aller plus vite et plus loin dans l'allègement et la simplification de l'organisation et des structures, et dans la modernisation des méthodes d'acquisition qui paraissent toujours très lourdes et soumises à de nombreuses contraintes réglementaires et administratives.

On peut regretter que le projet de loi de programmation, il est vrai élaboré en un temps très court, demeure trop discret sur l'évolution de la DGA et sur le rôle qu'elle doit jouer pour optimiser les dotations qui seront allouées lors des six prochaines années.

2. Une crédibilité conditionnée à la traduction fidèle de la loi de programmation

Si la mauvaise exécution de la loi de programmation précédente entraînait un risque de rupture du modèle d'armée, la réalisation de ce dernier sans nouveau retard, et a fortiori l'intégration de capacités nouvelles liées à l'évolution des besoins actuels de sécurité, sont entièrement conditionnés à la bonne réalisation du présent projet.

Cette bonne réalisation suppose trois conditions.

a) L'entrée dans la programmation

La première condition est liée à « l'entrée » dans la programmation . Celle-ci s'effectue dans des conditions satisfaisantes puisque le projet de loi de finances pour 2003 s'aligne sur l'annuité prévue. D'autre part, l'exercice 2002 aura été celui de la meilleure réalisation budgétaire des six dernières années. Compte tenu des deux collectifs budgétaires de l'année, le bilan prévisible de 2002 se solderait, au titre V, par des crédits disponibles inférieurs d'à peine 10 millions d'euros à ceux inscrits en loi de finances initiale, alors que le titre III a été fortement majoré pour couvrir les dépenses d'opérations extérieures et le financement du plan d'amélioration de la condition militaire.

S'il offre un contraste saisissant avec les années 1997-2001, ce tableau comporte cependant quelques zones d'ombre que votre rapporteur se doit d'évoquer. D'une part, 190 millions d'euros ont été ouverts en fin d'année pour couvrir des dépenses à venir en 2003, à savoir le transfert d'une somme équivalente au BCRD. Ces 190 millions d'euros ne doivent donc pas être considérés comme des crédits disponibles en 2002. D'autre part, l'annulation de 321 millions d'euros opérée par l'article 9 de la loi de finances rectificative a quelque peu brouillé l'analyse. Ces crédits n'étaient-ils plus susceptibles d'emploi avant la fin de l'année 2002, comme cela a été annoncé, où restaient-ils nécessaires compte tenu de la forte reprise des besoins de paiement ? Dans cette dernière hypothèse, un report de charges pèserait sur la gestion 2003, avec le risque d'amputer dès la première année le redressement de l'effort d'équipement .

Enfin, l'annonce d'une régulation budgétaire dès le début de l'année 2003 suscite bien des interrogations. Sans contester le fondement d'un contrôle de l'évolution de la dépense publique, votre rapporteur rappelle que l'annuité 2003 correspond rigoureusement aux besoins de paiement, en forte augmentation, de la défense pour cette même année, et que ceux-ci doivent donc être pleinement pris en compte sous peine de fragiliser de nouveau l'équipement de nos armées.

Face à ces interrogations, votre rapporteur croit utile de rappeler les précisions apportées devant le Sénat, le 5 décembre dernier, par Mme Michèle Alliot-Marie , ministre de la défense, en réponse au président de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. André Dulait :

« Vous avez parlé ... de l'importance du budget et de votre souci de surveiller son exécution. Je vous remercie, car je partage cette préoccupation. Je considère que, à partir du moment où la nation fait un effort aussi important que celui qui est inscrit dans la loi de programmation militaire et dans ce budget pour 2003, il est de la responsabilité du ministère de la défense d'utiliser au mieux ces crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'instituer des contrôles de gestion, des contrôles trimestriels de l'exécution mais aussi de mettre en oeuvre des procédures nouvelles pour faciliter, voire accélérer la réalisation d'un certain nombre de programmes dans le cadre de ce budget.

Cette façon de procéder m'a amenée ... à rendre au Premier ministre des crédits de paiement dont nous n'avions pas l'utilisation avant le 31 décembre. J'ai ainsi remis voilà quinze jours à la disposition du Gouvernement 321 millions d'euros de crédits de paiement qui étaient destinés à des opérations dont le paiement n'interviendra que dans le courant de l'année 2003. M. le Premier ministre m'a envoyé une lettre m'informant que ces crédits me seraient, bien entendu , restitués en 2003 dans la première loi de finances rectificative : je pense qu'en l'occurrence notre démarche est exemplaire.
»

Votre commission entend demeurer vigilante sur les conditions de réalisation de la loi de programmation.

Elle se félicite particulièrement des propos tenus le 7 janvier dernier par le Président de la République qui a considéré que la nouvelle loi de programmation portait un coup d'arrêt à la dégradation de notre outil militaire et qui a assuré qu'il veillerait « à ce que ce signal fort soit respecté pendant l'exécution de cette loi » .

b) L'annuité 2004 : une nouvelle « marche » indispensable

C'est dans les tout prochains mois que sera préparé le projet de loi de finances pour 2004. Le projet de loi de programmation prévoit une nouvelle progression de 7 % du budget d'équipement , qui devra atteindre 14,6 milliards d'euros, soit le niveau de l'annuité moyenne retenue pour les six prochaines années.

Si l'annuité 2003 permet un redressement déjà très substantiel, elle ne représente guère qu'un retour au niveau que retenait la « revue des programmes » de 1998. C'est bien la « deuxième marche » prévue en 2004 qui donne toute sa signification au projet de loi , en revenant à un niveau proche de celui fixé en 1996, seul de nature à permettre la réalisation du modèle d'armée et son adaptation aux impératifs actuels de sécurité.

La réalisation de cet effort supplémentaire conditionne donc le succès de la loi. Elle replacera notre budget de défense au niveau requis pour assurer un rythme convenable de renouvellement et de modernisation des équipements.

c) Le financement des Opex ne doit plus peser sur les crédits d'équipement

Enfin, la bonne exécution de la prochaine loi de programmation implique que soit mis un terme aux annulations de crédits d'équipement destinées à gager les ouvertures de crédits nécessaires au financement des opérations extérieures.

La charge que représentent les opérations extérieures tend désormais à se pérenniser à un niveau élevé, variant assez peu d'une année sur l'autre. Il n'y a aucune raison pour que cette charge vienne grever le budget courant des armées, et encore moins ses dotations d'équipement.

L'Assemblée nationale a précisé dans le rapport annexé au projet de loi qu'une «  ligne budgétaire spécifique aux opérations extérieures sera créée en loi de finances initiale » . Une mission confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et au contrôle général des armées doit proposer des solutions de nature à mieux prendre en compte ce besoin de financement.

Votre rapporteur estime que l'inscription en loi de finances initiale d'une provision permettant de couvrir les charges prévisibles d'opérations extérieures , qui représentent la plus large part de la dépense, peut contribuer à éviter le retour aux errements du passé. Cette provision, de même que les ouvertures de crédits destinées à la compléter en cours d'année, ne doivent en revanche en aucun cas ponctionner l'enveloppe prévue par la loi de programmation , qui a été définie pour couvrir des besoins de toute autre nature.

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