2. Le droit de communication
Le droit de communication se définit comme le droit reconnu à l'administration de prendre connaissance et, au besoin, copie des documents détenus par le contribuable lui-même ou des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers...) en vue :
• d'obtenir des informations utiles à l'assiette ou au recouvrement d'impôts, de droits et de taxes prévus par le code général des impôts,
• ou de recouper et vérifier les renseignements déjà obtenus par d'autres sources.
Ce droit est défini et réglementé par le chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales. La redevance de l'audiovisuel n'étant pas une taxe prévue par le code général des impôts, il conviendra d'abord de rechercher s'il est ouvert au service de la redevance, et, dans l'affirmative, à quelles conditions.
a) Les droits de communication spécifiques
En outre, le service de la redevance possède des droits de communication spécifiques , fondés sur d'autres bases juridiques, et qui lui permettent :
• d'accéder au fichier des contribuables assujettis à la taxe d'habitation ou qui en sont exonérés (article L 117 A du livre des procédures fiscales) ;
• de consulter les livres de comptabilité des commerçants, constructeurs, importateurs, réparateurs et bailleurs de postes récepteurs de télévision ainsi que des officiers ministériels procédant à la vente publique de ces appareils (article 95 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle).
b) La question des droits fondés sur les article L.80 et suivants du livre des procédures fiscales
Le service de la redevance peut-il exercer le droit de communication des administrations chargées de l'assiette, du contrôle et du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts (article L 80 et suivants du livre des procédures fiscales ) ?
Le droit de communication a été institué au profit des agents chargés de l'assiette et du contrôle des impôts, puis a été étendu au profit des agents chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts (article L.81 du livre des procédures fiscales).
La redevance de l'audiovisuel n'étant pas une taxe prévue par le code général des impôts, le service de la redevance ne devrait pas pouvoir exercer le droit de communication.
Cependant le Conseil d'Etat, donnant son avis sur l'article 66 du projet de loi de finances pour 1987 qui étendait le droit de communication des comptables du Trésor au recouvrement de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision, a considéré que cet article était inutile, puisque l'article 21 du décret du 17 novembre 1982 relatif à l'assiette et au recouvrement de la redevance, alors en vigueur, stipulait qu'« après notification du commandement, le recouvrement est poursuivi comme en matière de contributions directes ».
Autrement dit, le droit de communication ouvert aux agents chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts, l'est aussi pour les taxes recouvrables comme en matière de contributions directes, au nombre desquelles figure la redevance de l'audiovisuel.
Quoique rédigé en des termes différents de l'article 21 du décret du 17 novembre 1982, l'article 20 du décret du 30 mars 1992, qui l'abroge et le remplace, maintient la règle d'exercice des poursuites comme en matière de contributions directes.
Il résulte de ceci que le droit de communication est ouvert aux agents chargés du recouvrement contentieux (poursuites) de la redevance de l'audiovisuel, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, aux comptables du Trésor détenteurs des états de poursuites extérieures émis par les centres régionaux de la redevance.
A contrario, il n'est pas possible au service de la redevance de l'audiovisuel de recourir au droit de communication dans l'exercice de ses activités d'assiette et de contrôle, comme, par exemple, la recherche des nouvelles adresses de redevables partis sans laisser d'adresse, ou la recherche de postes non déclarés.
c) Les personnes assujetties au droit de communication
Le droit de communication exercé en vue du recouvrement d'impôts ou de taxes vise les personnes physiques et morales énumérées par les articles L.83 à L.95 du livre des procédures fiscales, qui couvrent une gamme très vaste d'assujettis, notamment tous les commerçants, toutes les administrations de l'Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative.
(1) Les droits de communication spécifiques au service de la redevance
Contrairement à la situation décrite précédemment, les droits de communication propres au service de la redevance peuvent être exercés dans le cadre de sa mission d'assiette et de contrôle pour collecter l'identité et adresse des contribuables assujettis à la taxe d'habitation ou qui en sont exonérés (article L.117 A du livre des procédures fiscales) .
L'article L.117 A du Livre des procédures fiscales, qui déroge à la règle du secret professionnel s'imposant à toutes les personnes appelées dans leurs attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au Code général des impôts, autorise les services chargés du recouvrement à communiquer au service de la redevance de l'audiovisuel les nom, prénom et adresse des contribuables assujettis à la taxe d'habitation ou qui en sont exonérés.
Après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés le 19 novembre 1996, un arrêté, en date du 9 décembre 1996, du ministre délégué au budget, a mis en oeuvre les dispositions de l'article L.117 A précité en autorisant la comparaison des fichiers de l'application informatique de la redevance « RED » avec le fichier informatique de recouvrement de l'impôt direct « REC », pour ce qui concerne :
• d'une part, le fichier des personnes exonérées de la taxe d'habitation et celui des exonérées de la redevance de l'audiovisuel, afin de déterminer les personnes qui seraient exonérées de la redevance mais pas de la taxe d'habitation ;
• d'autre part, le fichier des assujettis à la taxe d'habitation et celui des assujettis à la redevance, afin de déterminer les personnes assujetties à la première mais pas à la seconde.
Dans un cas comme dans l'autre, le but est d'adresser aux personnes détectées des questionnaires destinés, soit à vérifier la validité de leurs droits à l'exonération de la redevance, soit à leur permettre de déclarer un poste récepteur qui ne l'était pas, et ainsi de régulariser leur situation sans encourir de pénalités.
Il s'agit d'un droit de communication identique à ceux des articles L.85 et L.86 du Livre des procédures fiscales dont il a été question au sujet du droit de communication en matière d'impôts et de taxes prévus par le CGI, sauf que les personnes physiques ou morales soumises à ce droit sont beaucoup moins nombreuses et limitées quant à leur activité au commerce d'appareils récepteurs de télévision, et aux ventes aux enchères de matériel de télévision.
(2) La tentative d'extension du droit de communication spécifique
À noter que le gouvernement a essayé, par le truchement de l'article 106 de la loi de finances pour 1992, d'étendre le champ d'application de ce droit de communication spécifique :
• aux diffuseurs ou distributeurs de services de télévision (câble, CANAL+), pour ce qui concerne le fichier de leurs abonnés ;
• aux gestionnaires publics ou privés d'immeubles à usage d'habitation, pour les documents de service relatifs aux raccordements aux antennes collectives de télévision ou aux réseaux câblés ;
• à l'Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics, pour tout document contenant des informations permettant aux agents assermentés de la redevance d'accomplir leurs missions.
Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 106 au motif que les dispositions qu'il contenait étaient étrangères à l'objet des lois de finances, sans se prononcer sur la validité des motifs de fond ayant provoqué sa saisine, à savoir l'atteinte à la liberté de communication et aux libertés individuelles, ainsi qu'aux principes de confidentialité des données nominatives informatisées, d'égalité et de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en oeuvre.
Le droit de communication dont il s'agit reste donc depuis cet échec borné aux commerçants et aux officiers publics ministériels vendant des télévisions.
L'inspection générale des finances, dans son rapport précité (p. 23), a relevé, que depuis 1991, la diffusion de la télévision par câble et par satellite s'était considérablement développée, puisqu'on comptait en 1999 environ 7 millions d'abonnés.
Elle proposait qu'à défaut du droit de communication refusé en 1991, les sociétés gestionnaires des chaînes à péage et de bouquets satellite soient au moins soumises à l'obligation de faire souscrire une déclaration à leurs abonnés, à l'instar des commerçants en matériels radio-électriques, et que le droit de communication soit étendu aux gestionnaires publics et privés d'immeubles en ce qui concerne le nom des personnes reliées à une antenne ou à une parabole collective ou bien encore à un réseau câblé.
Pour sa part, le service de la redevance a, chaque fois que l'occasion lui en a été donnée par des parlementaires l'interrogeant sur les mesures susceptibles d'améliorer le rendement de la redevance, préconisé l'accès au fichier des abonnés aux bouquets satellite, au câble et à canal +.
Au surplus, il ne serait pas choquant que la redevance de l'audiovisuel soit pleinement assimilée, au regard du droit de communication, aux impôts, droits et taxes prévus par le Code général des impôts, et que les services chargés de son assiette et de son contrôle possèdent un droit équivalent à celui des agents s'occupant de l'assiette et du contrôle des impôts. Il n'existe pas en effet de différence fondamentale de nature entre de nombreuses taxes parafiscales et la redevance audiovisuelle, sinon que les premières sont prévues par le Code général des impôts et que la seconde ne l'est pas.
Ainsi, il s'agirait d'un droit opposable à toutes les catégories énoncées par les articles L 83 à L 95 du livre des procédures fiscales -notamment tous les commerçants sans distinction en fonction de la nature des marchandises ou prestations vendues- assurément beaucoup plus étendu que celui de l'article 95 de la loi de 1982 sur la communication audiovisuelle, ce qui présenterait deux avantages :
• la liste des personnes assujetties au droit de communication ne se périmerait pas lorsque les techniques de diffusion et de commercialisation des images audiovisuelles évoluent,
• et les assujettis à l'obligation de communiquer, bénéficiant des garanties et procédures prévues par le livre des procédures fiscales, ne pourraient pas invoquer son caractère inquisitoire et attentatoire aux libertés individuelles alors qu'ils le tolèrent en matière fiscale.
Quelques exemples de pratiques en matière de contrôle et de droit de communication dans les pays voisins :
Dans son rapport précité, l'Inspection générale des finances cite (p. 29) différentes méthodes de lutte contre la fraude utilisées dans des pays voisins de la France, tout en soulignant qu'elles ne correspondent pas toujours au système juridique ni à la mentalité française.
Tout d'abord, la plupart des pays ont recours à des campagnes de publicité appelant au civisme ou au télémarketing personnalisé pour convaincre les mauvais payeurs.
Le droit de communication est plus étendu : en Allemagne, la G.E.Z. (agence chargée de l'assiette et du recouvrement de la redevance) achète des fichiers informatisés pour les croiser avec son fichier de redevables, et la D.R.Licens (Danemark) a accès aux informations concernant les abonnés au câble.
Au Royaume-Uni, les agents de contrôle ont à leur disposition des détecteurs manuels et des camionnettes équipées de radiogoniomètres pour dépister à distance la réception d'ondes hertziennes.