TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 15 octobre 2002 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, sur le projet de loi n° 21 (2002-2003) , adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi .

M. François Fillon , ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi était inspiré par une idée dynamique du progrès économique, indissociable de celui de la justice sociale. Dans un monde ouvert et compétitif, l'efficacité et la solidarité doivent être réconciliées et mises au service de la relance de la croissance. Depuis près de deux ans, cette croissance s'est tarie, et le chômage n'a cessé d'augmenter depuis un an. Certes, la morosité de la conjoncture internationale y est pour beaucoup, mais il existe aussi dans notre pays des blocages qui expliquent les difficultés rencontrées.

Il a estimé que trois facteurs sont à la source du malaise économique et social français :

- d'abord, l'absence d'un dialogue social riche et constructif irriguant une société participative et confiante. Les récentes élections ont révélé l'état de doute et de crispation du corps social ;

- ensuite, la rigidité de notre organisation du travail, symbolisée par l'instauration dogmatique des trente-cinq heures, dont les conséquences sont autant économiques que culturelles avec la dépréciation de la valeur du travail ;

- enfin, la stagnation des bas salaires, qui, pour les Français les plus modestes, s'apparente à une véritable panne de l'ascenseur social. M. François Fillon a estimé que cette stagnation s'était aggravée sous les effets des deux lois relatives à la réduction du temps de travail de juin 1998 et janvier 2000 qui ont introduit, avec la multiplication des salaires minimum de croissance (SMIC), une nouvelle injustice sociale. En valeur absolue, les salariés modestes ont perdu entre un et deux points de pouvoir d'achat depuis trois ans, quand les cadres dirigeants voyaient le leur croître.

M. François Fillon a souligné que ces trois facteurs pesaient sur l'emploi : la France se situe ainsi au douzième rang en Europe en matière de chômage, en dépit des trente-cinq heures et du recours massif aux emplois aidés dans le secteur public. Il a donc indiqué que le Gouvernement souhaitait agir simultanément sur ces trois problèmes : harmonisation rapide et ambitieuse des SMIC, assouplissement des trente-cinq heures, amplification de la baisse des charges en vue d'une maîtrise du coût du travail. Annoncé en juillet dernier, ce programme volontariste, proposé au Parlement, s'inscrit dans le cadre d'une politique globale mise au service de la croissance et de l'emploi visant à :

- dynamiser le marché du travail en offrant davantage de libertés aux entreprises et aux salariés ;

- favoriser l'insertion du plus grand nombre possible de personnes dans le monde du travail, notamment celle des jeunes grâce au nouveau contrat qui leur est proposé dans le secteur privé ;

- encourager l'initiative et l'effort en réduisant le poids de la fiscalité sur les ménages, en augmentant les plus bas salaires à travers l'aménagement de la prime pour l'emploi et l'unification des SMIC par le haut, ce qui contribue à alimenter le moteur de la consommation ;

- moderniser les pratiques participatives avec le renforcement de la démocratie locale et de la démocratie sociale.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a rappelé que le projet de loi avait été élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, conformément à l'engagement du Président de la République et du Premier ministre de renouer avec la pratique du dialogue social. La Commission nationale de la négociation collective a également été consultée, notamment sur la question de la sortie des SMIC multiples, ainsi que les conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale pour ce qui relève du nouveau dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales. Jugeant ces concertations constructives, M. François Fillon a indiqué que plusieurs observations et préoccupations formulées par les partenaires sociaux avaient été prises en compte. Il a observé qu'une majorité d'entre eux partageaient un diagnostic critique sur le dossier « mal ficelé » des trente-cinq heures et celui, indéchiffrable et inéquitable, des SMIC multiples.

Il a ainsi estimé que le projet de loi était équilibré, car respectant les intérêts des entreprises et ceux des salariés, et conforme à l'intérêt national. Il a souligné que sa philosophie, contrairement à celle prévalant par le passé, était de mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité. C'était d'ailleurs déjà le cas avec la loi relative à l'emploi des jeunes en entreprise qui offrait des espaces de négociations aux partenaires sociaux.

M. François Fillon a affirmé que la France d'aujourd'hui ne pouvait plus être gouvernée comme celle d'hier, c'est-à-dire par le haut, de façon uniforme et sans considération pour la complexité des situations économiques et sociales. Il a estimé que, dans le cadre du présent projet de loi, chacun des partenaires sociaux comprenait qu'il lui fallait maintenant assumer ses responsabilités, en particulier sur les points sensibles que sont les contingents d'heures supplémentaires, leur rémunération et les règles de gestion du compte épargne temps. D'autres ajustements seront également à définir par voie d'accord, en particulier en ce qui concerne le régime des cadres.

M. François Fillon a souligné que, en assouplissant les trente-cinq heures, le texte permettait d'introduire du pragmatisme dans l'application d'une loi dogmatique et à l'évidence trop rigide. Cette rigidité a d'ailleurs entraîné, dans certains secteurs d'activité, faute de marges de manoeuvre, une flexibilité mal vécue par les salariés et une stagnation des salaires.

Il a indiqué qu'en cinq ans, la réduction du temps de travail avait permis de créer ou de préserver seulement 300.000 emplois, d'ailleurs largement imputables aux allégements de charges qui l'accompagnaient, quand, au même moment, la croissance en créait près de 1,4 million. Il a ainsi estimé que les trente-cinq heures uniformes et imposées s'étaient avérées être moins le levier structurel du plein emploi que le symbole d'un certain malthusianisme. Il a néanmoins constaté que les trente-cinq heures faisaient désormais « partie du paysage » et qu'il s'agissait, aujourd'hui, de les adapter aux réalités économiques.

M. François Fillon a insisté sur le fait que le point essentiel de la réforme s'articulait autour du régime des heures supplémentaires, dont dépendent en réalité tant le rythme de travail des salariés que l'organisation du travail au sein des entreprises. Il s'agit du coeur du dispositif sur l'aménagement du temps de travail. Le système actuel se caractérise par sa complexité, puisqu'il faut distinguer entre le contingent dont le dépassement est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail et le contingent dont le dépassement implique l'octroi du repos compensateur. L'un peut être négocié par les partenaires sociaux, tandis que l'autre est fixé unilatéralement par l'Etat par voie de décret. A cela s'ajoute un régime complexe définissant les conditions de rémunération des heures supplémentaires.

Il a donc indiqué que la réforme proposée se caractérisait par trois principes : la simplicité, la souplesse et la volonté de s'adapter à la situation de chaque branche ou de chaque entreprise, le maintien des équilibres essentiels par l'Etat.

M. François Fillon a précisé que la volonté d'uniformiser les contingents annuels d'heures supplémentaires allait dans le sens de la simplicité. Il existera désormais un contingent unique déterminant tant l'autorisation administrative que le déclenchement du repos compensateur. Ce souci de simplicité ne doit toutefois pas conduire à méconnaître la situation spécifique des petites entreprises, qui font l'objet de dispositions particulières en matière de majoration des heures supplémentaires et de repos compensateur obligatoire. En ce qui concerne les entreprises de moins de vingt salariés, à défaut d'accord de branche, le taux actuel de 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires sera ainsi maintenu jusqu'au 31 décembre 2005.

Il a également souligné que le choix de la souplesse et de l'empirisme se traduisait par le renvoi aux partenaires sociaux du soin de fixer le niveau du contingent des heures supplémentaires et les conditions de leur rémunération. Cette disposition essentielle du projet de loi va au-delà de la seule question des trente-cinq heures : elle marque la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la place de la norme conventionnelle par rapport aux dispositions législatives et réglementaires.

M. François Fillon a, toutefois, affirmé que cette orientation nouvelle ne se traduisait pas par un désengagement de l'Etat. S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui déterminera le régime de ces heures en exigeant un accord de branche étendu. La loi fixe par ailleurs une règle minimale, en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller, en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10 %.

Enfin, M. François Fillon a constaté que, tant pour la fixation du niveau du contingent que pour les conditions de rémunération des heures supplémentaires, l'Etat fixait la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord. Un décret, publié très prochainement, fixera donc, à défaut d'accord, le niveau du contingent à 180 heures. Mais le renvoi à la négociation prévu par la loi n'aurait guère de sens si, parallèlement, l'Etat fixait de manière définitive le niveau supplétif du contingent : ce serait perçu comme une forme déguisée d'intervention de l'Etat sur les discussions futures et le résultat des négociations. Aussi, le décret sera-t-il réexaminé dans dix-huit mois au vu du contenu des négociations et des pratiques. A cette échéance, le Gouvernement prendra définitivement position sur le niveau optimal du contingent devant s'appliquer en l'absence d'accord. Conformément au souhait du Premier ministre, il le fera après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social.

M. François Fillon a rappelé que cette exigence de simplicité et de souplesse inspirait également les autres dispositions plus techniques du projet. C'est ainsi que les durées horaires annuelles de travail seront calculées, comme le prévoient déjà de nombreuses conventions, sur la base d'un niveau forfaitaire annuel de 1.600 heures, et cela indépendamment des particularités propres à chaque année en ce qui concerne les jours fériés. Le seuil de dix salariés applicable en matière de repos compensateur sera porté à vingt salariés, ce qui constitue une mesure de simplification pour les entreprises mais surtout de cohérence par rapport au seuil qui avait été choisi en 2000.

Le ministre a souligné que le souci de souplesse inspirait également les dispositions relatives au compte épargne-temps : les partenaires sociaux pourront désormais prévoir que les éléments du compte seront valorisés en argent et non pas obligatoirement en temps. Enfin, une plus grande latitude sera accordée aux partenaires sociaux dans la définition des différentes catégories de cadres.

M. François Fillon a indiqué que la réforme ainsi proposée s'inspirait assez largement des accords conclus dans les branches et les entreprises entre 1998 et 2000, accords dont le gouvernement précédent n'avait pas voulu tenir compte, estimant sans doute être plus qualifié en la matière que les acteurs sociaux.

Il a insisté sur le fait que le présent projet se voulait avant tout pragmatique. L'adaptation des trente-cinq heures n'est pas un retour à une situation passée, mais une avancée résultant de l'amélioration d'un dispositif qui ne satisfaisait véritablement ni les partenaires sociaux, ni même les responsables de l'actuelle opposition qui, à l'issue des récentes consultations électorales nationales, n'ont pas eu de mots assez durs pour fustiger les effets politiques et psychologiques des trente-cinq heures. La durée légale des trente-cinq heures est donc maintenue, mais est organisée selon un mode permettant aux acteurs sociaux de l'aménager et finalement, de se l'approprier.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le projet de loi allait également permettre d'engager la convergence des SMIC.

Il a estimé que le SMIC était plus qu'une variable technique. Or, avec six salaires minima différents, ce symbole a été brouillé et il ne joue plus son rôle de référent économique et social dans le monde du travail. Le SMIC, qui concerne plus de deux millions de salariés, détermine le minimum horaire auquel doit correspondre la rémunération de tout salarié et constitue une valeur cardinale dans la fixation et l'évolution des basses rémunérations.

Le ministre a rappelé que le principe posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 était, en apparence, simple : faire en sorte que, pour les salaires les plus bas, le passage aux trente-cinq heures ne se traduise pas par une réduction de rémunération. De même, le principe de la convergence entre la garantie mensuelle et le SMIC ne semblait pas alors poser de difficultés particulières.

M. François Fillon a souligné que la réalité, maintes fois et unanimement dénoncée, était une multiplication des valeurs de référence et une complexité inextricable tant pour les salariés que pour les employeurs, complexité d'autant moins acceptable qu'elle ne permet pas d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi du 19 janvier 2000. En effet, le dispositif actuel ne permet pas d'obtenir la convergence à terme du SMIC et de la garantie minimale car toute augmentation du SMIC entraîne la création d'une nouvelle garantie, ce qui ne fait que repousser d'année en année la convergence. Il a, en outre, estimé que le dispositif en vigueur ne permettait pas davantage d'assurer la justice sociale, puisqu'il conduit au contraire à créer des disparités entre les salariés selon que leur entreprise est ou non passée aux trente-cinq heures ou selon la date du passage à un horaire collectif de trente-cinq heures.

M. François Fillon a indiqué que, sur la base de ce constat, le Premier ministre avait, dès son entrée en fonction, décidé de saisir de cette question le Conseil économique et social. A partir des travaux et des différents scenarii envisagés par le conseil, le Gouvernement propose de sortir rapidement, et par le haut, de la situation confuse et injuste des SMIC multiples. Le mécanisme de convergence, dont le terme est fixé au 1 er juillet 2005, aura pour effet une augmentation du SMIC horaire de 11,4 % en termes réels au cours des trois prochaines années. Globalement, les deux tiers des salariés rémunérés par référence à l'un des SMIC actuellement en vigueur verront leur pouvoir d'achat progresser de façon significative.

M. François Fillon a souligné que la restauration de l'unité du SMIC passait par un mécanisme volontaire de convergence. Le cycle de création, chaque année, de nouvelles garanties mensuelles est définitivement arrêté ; la dernière et cinquième garantie a été fixée à juillet 2002. A partir de là, un double mouvement de convergence sera opéré dont le point final est fixé au 1 er juillet 2005. Pendant les trois années précédant cette date, le premier mouvement de convergence concernera les garanties mensuelles qui, tout en augmentant en fonction de l'évolution de l'indice des prix, feront chaque année l'objet d'une revalorisation, afin de permettre leur alignement à la date fixée sur la garantie mensuelle la plus haute, c'est-à-dire celle de juillet 2002. S'agissant de cette dernière garantie, son pouvoir d'achat sera préservé, dans la mesure où, comme les autres garanties, elle évoluera, chaque année, et pendant cette période de trois ans, en fonction de l'indice des prix.

Il a ajouté que le second mouvement de convergence concernera le rapport entre les garanties mensuelles et le SMIC puisque celui-ci, par rattrapages successifs incluant tant l'évolution des prix que les « coups de pouce » nécessaires, rejoindra par paliers le différentiel de 11,4 % qui le sépare, en valeur réelle, de la dernière garantie mensuelle. Cette dernière convergence implique que les règles de calcul du SMIC soient modifiées mais cette dérogation ne sera que temporaire et exclusivement justifiée par les besoins de l'opération. Il y sera mis fin à l'issue de la convergence pour revenir aux règles habituelles.

M. François Fillon a précisé que l'effort ainsi consenti n'était pas neutre d'un point de vue macroéconomique : l'Etat, par la voie des allégements de charges, en supportera la plus grande part. Le nouveau dispositif d'allégement, qui montera en puissance au même rythme que la convergence des salaires minima, garantira une large compensation au niveau du SMIC mais surtout un allégement net du coût du travail pour les salaires au-dessus du SMIC jusqu'au niveau moyen de salaire des Français.

Il a indiqué que le Gouvernement proposait donc de simplifier les mécanismes actuels d'allégement en unifiant la ristourne sur les bas salaires créée en 1995 et les diverses dispositions mises en oeuvre par la loi du 19 janvier 2000. Ce nouveau dispositif d'allégement se mettra en place à partir du 1 er juillet 2003 et s'appliquera à toutes les entreprises, indépendamment de leur durée collective de travail.

Il a précisé que les allégements de charges, qui augmenteront de 6 milliards d'euros d'ici 2006 et seront compensés aux régimes de sécurité sociale, seront fortement concentrés sur les salaires modiques et moyens. Ils se traduiront par une diminution nette du coût du travail, allant jusqu'à plus de 5 % pour des salaires moyens dans neuf entreprises sur dix, la plupart étant des PME.

M. François Fillon a estimé que cette politique favorable aux bas salaires jointe aux allégements de charges permettait au Gouvernement de « servir tout à la fois la feuille de paie et l'emploi ». Elle participe d'une politique économique de soutien à la demande intérieure, nécessaire dans une période où la conjoncture est hésitante.

En conclusion, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a estimé que le projet de loi, fruit d'un juste équilibre entre l'efficacité économique et la justice sociale, traduisait la volonté du Gouvernement de faire évoluer la France sur les bases d'un progrès plus dynamique et mieux partagé.

Répondant ensuite aux questions de M. Louis Souvet, rapporteur, M. François Fillon a indiqué que l'harmonisation des SMIC allait se traduire par une forte augmentation du pouvoir d'achat des bas salaires. Cette harmonisation s'effectuant sur le niveau de la garantie mensuelle la plus élevée, elle assurera un gain de pouvoir d'achat de 11,4 % sur trois ans aux salariés rémunérés au SMIC horaire et de 6,5 % pour l'ensemble de ces salariés.

Il a également indiqué que le nouveau dispositif d'allégement de charges patronales compensera, pour une large part, soit environ les deux tiers, les effets sur le coût du travail de l'harmonisation « par le haut » des minima salariaux.

Puis M. François Fillon a précisé que le projet de loi ne privilégiait les accords de branche qu'en ce qui concerne la détermination du contingent des heures supplémentaires. Il a rappelé qu'il s'agissait du niveau traditionnel de la négociation sociale, et notamment en raison de la nécessité de réguler la concurrence au sein d'un même secteur d'activité. Par ailleurs, il a également souligné qu'il s'agissait du seul niveau de négociation possible dans de nombreux secteurs où prédominent les petites entreprises.

M. François Fillon a précisé que le projet de loi renvoyait largement à la négociation collective, les accords collectifs pouvant déterminer, en se fondant sur le critère de leur autonomie, les cadres bénéficiant du forfait en jours. Il a considéré qu'un simple renvoi aux partenaires sociaux sur ce point lui paraissait à la fois inutile et dangereux au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Il a indiqué que l'article 13 nouveau du projet de loi visait à donner aux accords conclus en application des lois précédentes leur plein effet au vu des dispositions de la nouvelle loi. Estimant que cet article 13 conduirait à l'examen des précédents accords au regard des règles posées par la loi, notamment en matière de contingent conventionnel, il a considéré que le législateur se devait d'intervenir afin de valider les accords conclus, dans la limite des 180 heures qui sera fixée par décret.

M. Gilbert Chabroux a estimé que le projet de loi se traduisait par l'allongement du temps de travail et entraînerait, de fait, l'abrogation des lois Aubry. Il s'est interrogé sur le nombre d'emplois qu'escomptait créer le Gouvernement avec son nouveau dispositif d'allégement de charges. Il a enfin regretté que le projet de loi introduise une segmentation entre les entreprises de plus de 20 salariés et les autres, et que l'Assemblée nationale ait choisi de revenir sur la définition de l'astreinte.

Après avoir observé que les syndicats de salariés considéraient le projet de loi comme un retour sur les 35 heures, M. Roland Muzeau a souligné la gravité de la modification apportée à l'Assemblée nationale au régime de l'astreinte.

M. Alain Gournac a considéré que le projet de loi était attendu, notamment par les petites et moyennes entreprises (PME) et les salariés. Il a insisté sur la nécessité de communiquer, à la fois, en direction des entreprises sur le nouveau dispositif d'allégement de charges et en direction des salariés sur la hausse du SMIC.

M. Guy Fischer a estimé que le projet de loi contenait des mesures permettant d'allonger la durée du travail et d'accentuer la flexibilité. Observant qu'il réduisait le champ législatif au profit de la négociation collective, il a considéré que ce bouleversement de la hiérarchie des normes sociales serait lourd de conséquences. Il s'est demandé s'il s'agissait d'un début de déréglementation du droit du travail.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur le refus d'agrément de l'accord de branche conclu dans le secteur de l'aide à domicile.

M. Jean-Louis Lorrain a souhaité obtenir des précisions sur le compte épargne-temps. Il s'est, à cet égard, interrogé sur l'opportunité d'offrir au salarié la possibilité de se voir directement payer les jours de repos, plutôt que de l'obliger à les placer sur le compte.

Mme Anne-Marie Payet a souhaité une meilleure coordination entre les dispositifs nationaux et les dispositifs spécifiques à l'outre-mer, et notamment une adaptation de la règle de non-cumul des allégements de charges. Elle a également évoqué les difficultés rencontrées à La Réunion en matière de réglementation du travail, celle-ci ne prenant pas suffisamment en considération la spécificité de ce département.

En réponse aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a souhaité que l'objet du projet de loi ne soit pas travesti : il ne vise nullement à supprimer les 35 heures et se contente de redonner une marge de liberté aux partenaires sociaux. A ce propos, il a fait part de sa conviction que les accords déjà conclus ne seraient pas, dans leur grande majorité, renégociés car des équilibres avaient été trouvés.

Confirmant que sa politique constituait une rupture effective avec la politique de l'emploi du précédent gouvernement, il a rappelé que la croissance constituait le moteur de l'emploi et que le projet de loi visait précisément à instituer des conditions meilleures pour l'affermissement de la croissance. Estimant que l'emploi « ne se décrétait pas », il s'est gardé, en conséquence, de chiffrer le nombre d'emplois que pourrait créer le projet de loi.

Rappelant que la segmentation entre les entreprises de plus de 20 salariés et les autres était issue des lois adoptées par le précédent gouvernement, il a fait part de sa conviction que les conditions de travail ne pourraient rester durablement différentes entre petites et grandes entreprises, notamment au vu des perspectives démographiques, et que la négociation collective permettrait progressivement de les rapprocher.

S'agissant de la place respective de la loi et de la négociation collective, il a affirmé son souci de trouver un nouvel équilibre qui ne méconnaisse pas le rôle de la loi. Sur ce point, il a fait part de son souci de s'inspirer de la position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, signée par tous les syndicats de salariés, sauf la Confédération générale du travail (CGT).

Il a, en outre, estimé que les partenaires sociaux avaient exprimé une réaction modérée à l'égard du projet de loi, car ce dernier vise à trouver un juste équilibre entre les aspirations des salariés et les contraintes de l'économie moderne.

S'agissant du régime de l'astreinte, il a observé que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale reprenait le contenu de la circulaire du 3 mars 2000 et ne remettait pas en cause l'équilibre général du régime de l'astreinte : celle-ci reste le fruit de la négociation entre partenaires sociaux qui en déterminent les contreparties.

S'agissant de l'accord de branche dans le secteur de l'aide à domicile, il a indiqué qu'il n'avait pu être agréé en l'état, du fait de l'absence de toute concertation avec les financeurs. Il a, alors, souhaité une reprise des négociations sur ce sujet.

S'agissant du compte épargne-temps, il a considéré que les dispositions du projet de loi répondaient largement au souci de donner plus de liberté au salarié pour monétariser le temps épargné.

S'agissant, enfin, de l'outre-mer, il a indiqué qu'il veillerait à assurer la meilleure coordination entre les dispositions de ce projet de loi et celle de la future loi de programmation pour l'outre-mer.

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