II. LA CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1996 : UNE RÉFORME SUBSTANTIELLE DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN D'EXTRADITION

La convention adoptée le 27 septembre 1996 vient compléter le dispositif juridique existant entre les Etats membres de l'Union européenne en matière d'extradition en modifiant les règles de fond définie notamment par la convention du 13 décembre 1957. Elle a pour but d'améliorer la coopération judiciaire en matière pénale en ce qui concerne tant l'exercice des poursuites que l'exécution des condamnations en facilitant les extraditions .

Cette nouvelle convention intervient alors même que la coopération européenne dans tous les domaines a considérablement progressé. Aujourd'hui, comme le souligne le préambule de la convention de 1996, un degré élevé de coopération en matière d'extradition est possible entre les Etats membres « dans la mesure où leurs systèmes de gouvernement sont fondés sur les principes démocratiques et où les Etats membres respectent les obligations fixées par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ».

Venant compléter les conventions existantes, la convention du 27 septembre 1996, n'affecte pas les dispositions plus favorables issues d'accord bilatéraux et multilatéraux (article 1 er §2).

A. L'ÉLARGISSEMENT DU CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION DE 1957 ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Abaissement du quantum de peine

Compte tenu des formalités que représentent une procédure d'extradition, même si la convention a pour objectif de les simplifier, les Etats membres ont souhaité continuer de la réserver aux infractions d'une certaine gravité définie par un « quantum » de peine privative de liberté. Les peines pouvant donner lieu à une demande d'extradition par l'Etat requérant doivent être passible d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins douze mois et dans l'Etat requis (à qui la demande est adressée) d'un maximum d'au moins six mois (article 2§1).

Dans la convention de 1957, il n'y avait pas de distinction entre Etat requérant et Etat requis et le quantum de peine était fixé à un an, dans le cas où l'extradition était demandée préalablement à une jugement. Dans le cas où l'extradition était demandée en vu de l'exécution d'une condamnation, celle-ci devait être une peine privative de liberté d'au moins 4 mois (article 2§1).

2. La dépolitisation de l'infraction de terrorisme

Par ailleurs l'article 5 prévoit qu' aucune infraction ne peut être considérée comme politique et donc l'Etat requis ne pourra exciper de ce motif classique pour refuser l'extradition . Il constitue donc une dérogation à l'article 3§1 de la convention du 13 décembre 1957, qui permet à l'Etat requis de ne pas accorder l'extradition s'il considère que l'infraction pour laquelle elle est demandée est une infraction de nature politique.

Chaque Etat pourra toutefois, à la suite d'une déclaration interprétative, n'appliquer le principe de dépolitisation que pour des infractions relevant du terrorisme telles que définies par la convention de 1977 et de l'association de malfaiteurs terroristes précisée par l'article 3§4 de la présente convention. La France fera une déclaration de ce type.

Par son article 5§4, la convention dispose explicitement que les Etats membres de l'Union européenne ne pourront plus, entre eux, refuser d'extrader une personne soupçonnée d'acte de terrorisme au motif qu'il s'agirait d'une infraction politique, comme le permettait les réserves que pouvaient formuler les Etats parties à la convention pour la répression du terrorisme de 1977 (article 13§1). Les infractions se rapportant au terrorisme sont donc bien « dépolitisées » au sein de l'Union européenne.

Toutefois, la convention de 1996 précise que les Etats conserveront la possibilité de refuser l'extradition, conformément aux articles 3§2 de la convention de 1957 et 5 de la convention de 1977, c'est à dire lorsque la demande d'extradition à été présentée pour des motifs liés à la race, la religion, la nationalité ou l'opinion politique ou lorsque la situation de la personne demandée risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons.

Une déclaration commune a d'ailleurs été annexée à la convention pour rappeler la présente convention ne porte pas atteinte aux dispositions de leurs constitutions respectives relatives au droit d'asile et des conventions et protocoles des 28 juillet 1951 et 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides.

3. Les infractions fiscales

La convention de 1957 est très restrictive. Elle prévoit que l'extradition est accordée « dans les conditions prévues par la présente convention, seulement s'il en a été ainsi décidé entre Parties contractantes pour chaque infraction ou catégorie d'infraction ».

La convention de 1996 assouplit considérablement ce régime (article 6). Elle prévoit que ces infractions peuvent donner lieu à extradition si « les faits correspondent selon la législation de l'Etat requis à une infraction de même nature ». Par l'article 6§2, elle exclut également certains motifs habituels de refus liés aux différences de législation et de types d'imposition.

Toutefois, à la demande du Luxembourg, le paragraphe 3 autorise un Etat à limiter la portée de l'article 6 en acceptant d'extrader au titre d'une infraction fiscale que pour les faits susceptibles de constituer une infraction en matière d'accises, de taxe à la valeur ajoutée et de douane. Les obligations de ces Etats (Grèce et Luxembourg) sont donc limitées à celles qu'ils avaient d'ores et déjà acceptées lors de la négociation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 (articles 50§1 et 63).

4. Autorisation de l'extradition de nationaux

La convention de 1996 constitue un progrès très significatif dans la coopération judiciaire en matière pénale entre les pays de l'Union européenne en instaurant une règle contraire au droit international classique qui voulait qu'un Etat n'extradait jamais ses nationaux (article 6 de la convention de 1957).

L'article 7§1 dispose que : « l'extradition ne peut être refusée au motif que la personne qui fait l'objet de la demande d'extradition est un ressortissant de l'Etat membre requis ».

Cependant, les Etats ont la possibilité d'édicter des conditions particulières à l'application de cette nouvelle règle. Ainsi la France procèdera à l'extradition de ses nationaux sous réserve de réciprocité et à condition que lorsqu'une peine privative de liberté est prononcée, elle puisse être, à la demande de la personne condamnée, exécutée sur le territoire français . L'Autriche, l'Allemagne, le Luxembourg et la Grèce ont déclaré qu'ils ne procèderaient pas à l'extradition de leurs nationaux, notamment en raison des dispositions protectrices de leur loi fondamentale. Les autres Etats l'ont comme la France soumise à conditions. De telles réserves sont valables pour une durée renouvelable de 5 ans.

Une déclaration interprétative annexée à la convention rappelle d'ailleurs que le transfèrement des personnes détenues est régi, entre les membres de l'Union européenne, par la Convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983.

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