II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mardi 16 juillet 2002 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 351 (2001-2002) portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise .
M. Louis Souvet, rapporteur, a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent rapport).
M. Gilbert Chabroux s'est déclaré en accord avec le constat dressé par le Gouvernement et le rapporteur sur la gravité du chômage des jeunes. Il a toutefois souligné que le taux de chômage des jeunes avait fortement baissé entre 1997 et 2001 grâce notamment au rôle très important des emplois-jeunes, mais aussi du programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE). Revenant sur le projet de loi, il a souligné qu'il incluait des propositions intéressantes, en particulier la nécessité d'une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI). Mais il s'est interrogé sur les contreparties de tels allégements de charges et a déploré l'absence de contenu en formation du dispositif.
Mme Valérie Letard a observé que le projet de loi visait des jeunes en très grande difficulté qui exigeaient le plus souvent un tutorat, mais aussi une resocialisation préalable. Considérant que l'embauche de tels jeunes représentait une charge lourde pour les entreprises, elle a souhaité que le projet de loi prévoie l'existence d'un accompagnement social de ces jeunes, le cas échéant par des structures professionnalisées comme les missions locales.
M. Roland Muzeau a observé que le projet de loi allait conduire à une déréglementation accélérée du droit du travail et a regretté que la commission soit saisie de ce texte en urgence et n'ait pu organiser une consultation approfondie des partenaires sociaux. S'agissant des propositions du rapporteur, il a considéré que la neutralisation du seuil d'effectifs dans l'entreprise malmenait gravement le code du travail et que l'extension de la mesure à l'ensemble des entreprises allait entraîner des effets d'aubaine massifs. Il a estimé que les jeunes recrutés dans le cadre de ce dispositif devaient se voir reconnaître un accès à la formation identique au droit commun.
M. Jean-Pierre Fourcade a considéré que l'importance du chômage des jeunes en France s'expliquait avant tout par l'inadaptation de notre système éducatif et par le poids trop élevé des charges sociales pesant sur le travail non qualifié. Il a estimé que le projet de loi apportait des éléments de réponse. Il a notamment souligné trois éléments forts de ce texte : l'embauche en CDI, synonyme de la fin de la précarité, le soutien sous une forme de remboursement des charges, garantie de la simplicité, et la confiance faite aux entreprises en matière de formation. Il a à cet égard considéré qu'introduire une obligation de formation aurait sans doute entravé le développement du dispositif. Il a également souligné que la proposition du rapporteur de neutraliser les effets de seuil d'effectifs était tout particulièrement raisonnable et relevait plus du bon sens que d'une quelconque déréglementation du droit du travail. Il s'est interrogé sur la possibilité de renvoyer à un décret le soin de fixer le champ des entreprises concernées par le dispositif, observant que le texte du Gouvernement introduisait un traitement différent entre entreprises selon qu'elles sont organisées ou non en établissements. Il a enfin demandé des précisions sur le montant de l'aide pour les salaires supérieurs à 1,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
M. Alain Gournac s'est en particulier félicité de trois aspects du projet de loi : son application dans le secteur privé à la différence des emplois-jeunes, son extension aux associations et l'exigence d'une embauche en CDI. Il a déclaré partager la proposition du rapporteur d'étendre la mesure à toutes les entreprises quel que soit leur effectif, ainsi que son souci d'encadrer le temps partiel, de développer le tutorat et de favoriser l'accès au bilan de compétences. S'agissant de la formation, il a jugé souhaitable de renvoyer aux branches professionnelles le soin de déterminer ses modalités. Il a également insisté sur la nécessité d'un droit à expérimentation et a souligné l'importance d'une évaluation régulière du dispositif.
M. Claude Domeizel a regretté l'absence de dialogue préalable avec les partenaires sociaux pour la préparation du projet de loi. Observant que le chômage concernait également des jeunes de plus de 22 ans avec le baccalauréat, il s'est interrogé sur le champ des jeunes visés par le dispositif et s'est demandé s'il n'aurait pas été souhaitable de l'étendre. Il a fait part de son scepticisme sur l'impact du projet de loi, estimant que les entreprises n'embauchaient pas pour bénéficier d'une aide mais pour répondre à une demande.
M. André Lardeux a considéré que le projet de loi constituait une chance pour les jeunes et leur famille. Il a souligné l'inanité des critiques fondées sur l'effet d'aubaine soulignant qu'au contraire les entreprises embauchant des jeunes non qualifiés faisaient preuve d'esprit civique. Il a observé que, certes, le projet de loi ne prévoyait pas de formation obligatoire mais que, pour les jeunes les plus éloignés de l'emploi, le travail était en lui-même déjà un élément formateur. Il a également souligné que la lourdeur des charges pénalisait fortement le développement de l'emploi des non qualifiés. Il s'est enfin interrogé sur le risque éventuel d'une réorientation des projets scolaires des jeunes au regard des dispositions de la loi et sur la situation des jeunes titulaires de baccalauréats ne bénéficiant d'aucune perspective en matière d'emploi.
M. Bernard Cazeau a regretté que le projet de loi autorise l'embauche à temps partiel et se caractérise avant tout par la faiblesse de son volet de formation. Il s'est interrogé sur les effets d'une éventuelle extension de la mesure à toutes les entreprises.
M. Alain Vasselle , après avoir déclaré partager l'analyse du rapporteur, s'est demandé si le présent dispositif ne pourrait pas constituer une voie de sortie honorable pour les emplois-jeunes sans perspective professionnelle. Il a également considéré que, pour les jeunes les plus en difficulté, le travail constituait la première des formations. S'agissant d'une éventuelle suppression du seuil de 250 salariés, il s'est interrogé sur ses conséquences en termes d'effet d'aubaine et sur son coût budgétaire. Il s'est alors demandé s'il n'était pas souhaitable de moduler le niveau de l'aide selon la taille de l'entreprise.
M. Jean Chérioux a estimé que le projet de loi proposait une mesure simple et réaliste pour répondre à un problème grave. Il a considéré qu'elle ne serait sans doute pas à même de régler entièrement le problème mais qu'elle pourrait utilement y contribuer et qu'il fallait pour cela faire confiance aux entreprises mais aussi aux jeunes.
Mme Gisèle Printz a souhaité que les jeunes en situation d'échec scolaire ne soient pas stigmatisés.
M. Guy Fischer a observé que le projet de loi visait prioritairement les jeunes les plus en difficulté venant souvent des quartiers populaires. Il a considéré qu'il était nécessaire de prévenir très en amont l'apparition des difficultés en offrant plus de moyens au système éducatif.
Mme Annick Bocandé a estimé que le débat sur la formation nécessitait un changement de regard sur la formation professionnelle. Elle a ainsi observé que la formation n'était pas le seul capital du salarié mais qu'il s'agissait aussi de l'intérêt de l'entreprise. Elle a alors considéré que les entreprises qui embaucheraient des jeunes grâce au présent dispositif investiraient nécessairement dans la formation.
M. Gérard Roujas a fait part de sa conviction que le seuil de 250 salariés prévu par le projet de loi était déjà trop élevé et se traduirait par d'importants effets d'aubaine.
M. Bernard Seillier a déclaré partager le souci du rapporteur d'éviter tout effet de seuil d'effectifs. Mais il s'est interrogé sur la possibilité d'étendre la proposition du rapporteur à tout nouveau salarié embauché et non pas seulement aux jeunes visés par le présent dispositif afin de ne pas introduire de traitement particulier pour ces jeunes.
M. Nicolas About, président , a estimé que le principal effet d'aubaine de ce projet de loi concernait en définitive le jeune qui, grâce à lui, trouverait un emploi stable, sous la forme d'un CDI. Il a considéré que le projet de loi n'entraînerait pas d'effet d'aubaine pour deux raisons : le montant modéré du soutien de l'Etat et l'implication nécessaire de l'entreprise dans l'embauche et le suivi des jeunes visés par le dispositif. Il a enfin jugé que les entreprises formeront ces jeunes puisqu'il en ira de leur intérêt.
En réponse aux différents intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord rappelé que l'objet du projet de loi n'était pas l'entreprise mais le jeune. Il a considéré à cet égard que le texte apportait de très solides éléments d'insertion. Il a notamment souligné toute l'importance de l'embauche en CDI. Il a également estimé que les effets d'aubaine devraient être minimes compte tenu du nécessaire effort d'intégration que devront produire les employeurs pour accueillir les jeunes.
Revenant sur les autres dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, il a indiqué que ceux-ci avaient certes leurs mérites mais présentaient aussi de graves insuffisances : les emplois-jeunes n'ont eu aucun contenu en formation et leur pérennisation est très problématique, le programme TRACE ne concerne qu'un nombre réduit de jeunes et environ un tiers des jeunes qui sortent de ce programme se retrouvent au chômage.
Il a précisé que ses propositions visaient avant tout à renforcer la portée du projet de loi. Il a ainsi insisté sur la nécessité d'étendre le champ des employeurs concernés, considérant qu'une telle extension était réaliste compte tenu justement de la faiblesse des effets d'aubaine. Il a également souligné la nécessité de neutraliser les effets de seuil pour permettre l'appropriation de la mesure par les petites et moyennes entreprises (PME).
Il a également observé que ses propositions visaient aussi à favoriser l'insertion du jeune, rappelant qu'il proposait d'encadrer le temps partiel mais aussi d'organiser, par le dialogue social, ses possibilités d'accès à la formation.
Il a enfin constaté que les suggestions formulées par ses collègues correspondaient largement à l'esprit de ses propositions.
Puis la commission a abordé l'examen des articles.
A l'article premier (institution d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise), elle a adopté, sur proposition de M. Louis Souvet, rapporteur , outre deux amendements rédactionnels, dix-huit amendements :
- à l'article L. 322-4-6 du code du travail (public visé et nature du soutien), un amendement précisant dans le code du travail l'objet du dispositif, un amendement modifiant l'appellation de l'aide en substituant le terme « soutien » à celui d'« exonération », un amendement encadrant les possibilités de recours au temps partiel et trois amendements rédactionnels ou de précision ;
- à l'article L. 322-4-6-1 du code du travail (employeurs concernés et durée du soutien), un amendement prévoyant explicitement la possibilité d'une dégressivité du soutien dans le temps, un amendement étendant la mesure à tous les employeurs du secteur privé, hors particuliers, quel que soit le nombre de salariés, un amendement permettant à l'employeur de recruter dans le cadre du dispositif les intérimaires qui travaillaient chez lui à l'échéance de leur contrat et quatre amendements rédactionnels ou de précision ;
- à l'article L. 322-4-6-2 du code du travail (conditions particulières de rupture du contrat), un amendement de précision ;
- à l'article L. 322-4-6-3 du code du travail (gestion du dispositif), un amendement rédactionnel ;
- un amendement insérant un article L. 322-4-6-4 nouveau dans le code du travail tendant à renvoyer à un accord collectif de branche le soin de préciser les modalités dans lesquelles les jeunes bénéficient d'un accompagnement et du bilan de compétences ;
- un amendement insérant un article L. 322-4-6-5 nouveau dans le code du travail visant à neutraliser les effets de seuils d'effectifs en permettant de ne pas comptabiliser, pendant deux ans, le jeune pour le calcul de l'effectif de l'entreprise ;
- un amendement insérant un article L. 322-4-6-6 nouveau dans le code du travail visant à prendre en compte la spécificité des professions affiliées à une caisse de congés payés.
A l'article 2 (validation des acquis de l'expérience et formation professionnelle), la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement de précision et un amendement renvoyant à un accord de branche le soin de définir les conditions d'accès à la formation des salariés visés par le dispositif prévu à l'article premier.
La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.