B. LA COOPÉRATION JUDICIAIRE ET LES AUTRES DISPOSITIONS
L'article 4 est relatif à la compétence territoriale pénale des États. Sa rédaction, inspirée à l'origine de la convention contre la torture du 10 décembre 1984, a été profondément amendée en raison notamment de l'élargissement du champ d'application du protocole. C'est ainsi que la compétence extraterritoriale, qui permet de poursuivre l'auteur d'une infraction en sa seule qualité de ressortissant de l'État ou parce qu'il y a sa résidence, alors même que l'infraction a été commise en dehors du territoire de cet État, est une simple faculté pour les États parties.
De même, le principe « extrader ou poursuivre » , lequel, pour éviter l'impunité de l'auteur d'une infraction, oblige l'État à la poursuivre à partir du moment où sa compétence est établie, ou bien à l'extrader, a été limité au cas où l'infraction est commise par un national (article 4, paragraphe 3).
L'article 5 inclut de plein droit les infractions citées par le protocole dans les traités d'extradition existants ou à venir conclus entre les parties.
L'article 6 pose le principe de l' entraide judiciaire la plus large possible entre les parties.
L'article 7 donne la possibilité aux États parties de prononcer la saisie ou confiscation des biens utilisés ou obtenus dans le cadre des infractions prévues par le protocole et d'ordonner la fermeture des établissements qui ont permis la commission de telles infractions.
L'article 8 prévoit une série de mesures destinées à protéger les droits et intérêts des enfants victimes tout au long de la procédure pénale.
Les articles 9 et 10 incitent les États à diverses actions de prévention, d'information et de coopération pour éviter et prévenir les pratiques prohibées par le protocole.
Aux termes de l'article 12 du protocole, « chaque État partie présente, dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole à son égard, un rapport au Comité des droits de l'enfant contenant des renseignements détaillés sur les mesures qu'il a prises pour donner effet aux dispositions du protocole.
Après la présentation de son rapport détaillé, chaque État partie inclut dans les rapports qu'il présente au Comité des droits de l'enfant, conformément à l'article 44 de la convention, tous nouveaux renseignements concernant l'application du présent protocole. »
C. LA LÉGISLATION PÉNALE FRANÇAISE ET LE PROTOCOLE
La législation pénale française est actuellement conforme aux prescriptions obligatoires du protocole , tant en ce qui concerne les incriminations que les règles de compétence territoriale.
. Les incriminations
Notre droit pénal comporte les moyens de réprimer tous les comportements qui doivent être incriminés en application du protocole, que ce soit en visant l'acte principal, la complicité ou le recel de ces infractions.
Le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins d' exploitation sexuelle de l'enfant , peut être poursuivi sur le fondement du viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), de l'agression sexuelle (articles 222-27 à 222-31 du code pénal) ou de l'atteinte sexuelle sans violence sur mineur de quinze ans (articles 227-25 et 227-26 du code pénal) pour la personne qui se livre à des actes sexuels sur le mineur. L'intermédiaire peut être poursuivi pour proxénétisme aggravé (articles 225-5 à 225-7 du code pénal) ou pour complicité de ces infractions.
Le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins de transfert d'organe de l'enfant à titre onéreux peut être poursuivi sur le fondement des articles 511-2 à 511-5 du code pénal relatifs à la protection du corps humain qui incriminent l'obtention à titre onéreux d'organes, de tissus de cellules ou de produits du corps humain, ainsi que le prélèvement de ces parties du corps humain sans le consentement de la personne.
Le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins de soumettre l'enfant au travail forcé , peut être poursuivi sur le fondement de l'infraction de condition de travail contraire à la dignité de la personne (articles 225-14 à 225-16 du code pénal) ou de la complicité de cette infraction, le travail forcé représentant nécessairement une condition de travail contraire à la dignité de la personne, et ce d'autant plus s'il s'agit d'un mineur.
L'article 227-12 du code pénal sanctionne le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'adopter un enfant et un parent désireux d'abandonner son enfant né ou à naître, si l'on considère que l'adverbe « indûment » signifie contre rémunération.
Le fait d'offrir, d'obtenir, de procurer ou de fournir un enfant à des fins de prostitution peut donner lieu à des poursuites sur le fondement du proxénétisme aggravé (articles 225-5 à 225-7 du code pénal) et de la complicité de ces infractions. Par ailleurs, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi sur l'autorité parentale, le Sénat a adopté le 21 novembre dernier, sur proposition du gouvernement, un amendement tendant à prévoir une nouvelle incrimination spécifique pour poursuivre les clients de prostitués âgés de 15 à 18 ans . Le texte proposé par cet amendement insèrerait dans le code pénal un article 225-12-1 réprimant « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ».
Le fait de produire, de distribuer, de diffuser, d'importer ou d'exporter, d'offrir , de vendre ou de détenir aux fins susmentionnées des matériels pornographiques mettant en scène des enfants est incriminé par l'infraction prévue à l'article 227-23 du code pénal ainsi que le délit de recel de cette infraction, validé par la Cour de cassation (Chambre criminelle 9 juin 1999).
Le paragraphe 2 de l'article 3 du protocole prévoit la répression pénale de la tentative et de la complicité des comportements incriminés . En droit pénal français, la complicité est prévue pour toutes les infractions. En revanche, la tentative, toujours incriminée en matière de crime, doit être prévue par la loi pour chaque délit. Celle-ci n'est pas prévue pour tous les délits visés par le protocole. Cependant, les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 paraissent subordonnées à l'état de la législation interne de l'État partie (« sous réserve du droit interne d'un État partie... »), de sorte que ces restrictions ne pourraient pas être reprochées à la France.
Enfin, le deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 3 laisse facultative la mise en jeu de la responsabilité des personnes morales . La plupart des infractions correspondant en droit interne à celles citées par le protocole prévoient la responsabilité des personnes morales. Le fait que cette responsabilité ne soit pas prévue dans certains cas (infractions d'enlèvement, de séquestration, de soustraction de mineur, de délaissement de mineur), ne place pas pour autant la législation française en défaut par rapport aux dispositions impératives du protocole.
. Les règles de compétence
La législation française remplit les exigences fixées par les paragraphes 1 et 3 de l'article 4 relatif aux règles de compétence.
Si en application de l'article 3 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, la France n'extrade pas ses nationaux, les juridictions françaises sont en mesure de connaître des infractions commises à l'étranger par un ressortissant français . Elles sont en effet compétentes pour connaître des infractions commises à l'étranger par un ressortissant français sans autre condition s'il s'agit d'un crime , et, pour ce qui concerne les délits, sous réserve que l'infraction soit incriminée dans le pays où les faits ont été commis et donnent lieu à une plainte de la victime ou à une dénonciation officielle des autorités de ce pays (articles 113-6 et 113-8 du code pénal).
Le régime de la compétence territoriale pour poursuivre les infractions commises hors du territoire de l'État signataire prévu par le protocole dans le paragraphe 2 de l'article 4 dépasse, pour partie, le régime français actuel. Cependant, ce régime n'étant que facultatif, la législation française n'est pas en défaut sur ce point.
Le protocole paraît prévoir une compétence de l'État sans condition dès lors que l'un de ses ressortissants est l'auteur ou la victime de ces comportements. Or, selon le régime général, la compétence de la France pour juger les auteurs français de délits commis à l'étranger est conditionnée par le fait que ce délit soit réprimé dans l'État où il a été commis (article 113-6 du code pénal) ainsi que par des exigences procédurales (article 113-8 : plainte de la victime ou dénonciation officielle de l'État dans lequel les faits ont été commis) qui sont également nécessaires pour retenir la compétence française lorsque la victime d'un délit commis à l'étranger est française.
Le protocole prévoit en outre la compétence de l'État pour les infractions commises à l'étranger par une personne de nationalité étrangère mais résidant habituellement sur le territoire de l'État. Ce chef de compétence territoriale n'existe pas dans le régime général de la compétence territoriale. Une exception est toutefois déjà prévue par l'article 227-27-1 du code pénal, pour certaines des infractions qui seraient utilisées pour sanctionner les comportements réprimés par le protocole. En effet, afin de lutter contre le tourisme pédophile, cet article prévoit la suppression des conditions préalables à l'engagement des poursuites concernant les auteurs français de certains délits commis à l'étranger (corruption de mineurs, pornographie enfantine, atteintes sexuelles sur mineurs) en étendant ce régime dérogatoire aux résidents habituels sur le territoire français.