C. LA SÉCURISATION DES PRÊTS À L'ACCESSION SOCIALE
1. Le fonds de garantie à l'accession sociale (FGAS)
L'article L. 312-1 du Code de la construction et de
l'habitation
charge le FGAS de gérer pour le compte de l'Etat la garantie que
celui-ci accorde aux prêts PAS et, depuis octobre 1995, à certains
prêts à taux zéro. L'objet de cette garantie est
d'indemniser les établissements de crédit des pertes qu'ils
auraient à subir en cas de défaillance d'un emprunteur
bénéficiaire d'une de ces catégories de prêts.
Ce dispositif favorise ainsi l'accès au crédit immobilier de
ménages dont la capacité de remboursement est faible et pourrait
justifier un taux d'intérêt plus élevé, voire un
refus de prêt de la part du banquier. Les sommes provisionnées au
FGAS autorisent une pondération favorable des prêts garantis au
regard du ratio de solvabilité imposé aux établissements
de crédit ; cette économie de fonds propres est un facteur
déterminant de la modération relative du taux
d'intérêt servi par les banques aux accédants à
revenus modestes.
Depuis sa création en 1993, le dispositif mis en place a permis de
garantir près de 700.000 prêts (dont 63 % de PAS) pour un montant
total de crédits de 172 milliards de francs (84 % de PAS), soit 26,22
millions d'euros. Environ 70 % des PAS et 85 % des PTZ garantis concernent
des opérations dans le neuf, ce qui tend à montrer l'importance
de la place prise par le FGAS dans le cadre de l'activité globale de
construction.
Le FGAS est alimenté par des cotisations versées par l'Etat et
les établissements de crédit qui y adhèrent, selon des
modalités fixées par convention
. Le fonds n'ayant pas la
personnalité morale, il est géré par la
société de gestion du FGAS (SGFGAS), société
anonyme dont les statuts sont approuvés par décret ; deux
commissaires du gouvernement (un représentant du ministère des
finances et un représentant du secrétariat d'Etat au logement)
assistent au conseil d'administration avec droit de veto sur les
décisions affectant l'engagement financier de l'Etat.
Le Fonds de Garantie de l'Accession Sociale à la propriété
(FGAS) est alimenté en recettes par :
• une cotisation de l'Etat (égale à 1,00 % des prêts
garantis à partir de la génération 2001 contre 1,25 % pour
les générations précédentes) ; cette cotisation est
prélevée sur le compte d'avances de l'Etat à la SGFGAS
lors de la déclaration du prêt par l'établissement
prêteur ;
• une cotisation initiale de l'établissement prêteur
égale à la cotisation de l'Etat et prélevée
simultanément ;
• une commission annuelle sur l'encours de prêts garantis
(plafonnée à 0,15 % de l'encours à partir de la
génération 2001, contre 0,2 % pour les générations
précédentes, sous réserve des bonus-malus) ;
• ainsi que la rémunération de ces fonds.
En dépense, les versements aux établissements de crédit au
titre de l'indemnisation des sinistres survenus pendant toute la durée
des prêts garantis s'imputent sur les actifs constitués lorsque
ces sinistres peuvent être constatés définitivement.
2. Faut-il réduire de nouveau les dotations au FGAS ?
a) Une révision des conditions d'alimentation du FGAS
Il y
a deux ans, votre rapporteur avait souhaité une modification des
conditions de versement de l'Etat au FGAS
,
car l'accroissement des
dotations aux FGAS pour 2000 allait à contre-courant de
l'évolution de ce fonds.
En 2000, l'augmentation du montant moyen des PAS et de leur nombre avait
conduit à une dotation complémentaire de l'Etat de
125 millions de francs (+ 41,6 %). Il s'agissait d'une
augmentation « mécanique » prenant en compte
l'augmentation attendue des prêts à l'accession sociale, mais qui
ne reflétait en rien les risques couverts.
En effet, la trésorerie du FGAS s'élevait à 3,6 milliards
de francs à la clôture de l'exercice 98/99 et le nombre de
sinistres était extrêmement faible. Début juillet 1999, 59
sinistres étaient déclarés depuis la mise en place du
FGAS, 28 avaient été pris en charge pour une indemnisation totale
de 2,64 millions de francs.
Votre rapporteur estimait nécessaire que la réflexion sur les
moyens budgétaires accordés au FGAS aboutisse, alors même
qu'un nouveau dispositif de sécurisation des prêts devait
permettre de limiter son champ d'intervention.
De fait, un accord a pu être trouvé sur ce point le 29 juin
2000. Le taux de la cotisation de l'Etat et des établissements
prêteurs a été réduit de 1,25 % à
1 % et le taux de la commission annuelle de 0,2 % à 0,13 %. La
contribution de l'Etat au fonds de garantie de l'accession sociale a donc
été réduite de 55 millions de francs pour 2001,
à 370 millions de francs.
On peut se demander s'il y a lieu d'aller plus loin.
b) Une nouvelle révision nécessiterait une renégociation mais il faut s'interroger sur l'affectation des excédents du fonds
L'Assemblée nationale a adopté, en
première
lecture du projet de loi de finances, un amendement supprimant les
crédits au FGAS pour 2002. Cet amendement a été
supprimé en deuxième délibération. Il s'agissait
surtout de protester contre la faiblesse des dotations à l'Agence
nationale d'amélioration de l'habitat, sujet auquel le FGAS est
évidemment étranger, mais la cible choisie n'était pas
entièrement anodine puisque la révision des crédits
versés au FGAS figure dans les propositions du rapport de notre
collègue député Jean-Louis Dumont au titre de la mission
d'évaluation et de contrôle sur le logement social.
Celui-ci estime en effet, s'appuyant notamment sur l'analyse
développée il y a déjà deux ans par votre
rapporteur spécial
, que «
l'Etat continue d'abonder la
société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale
(SGFGAS) sur le chapitre 65-50 « Contribution de l'Etat au fonds de
garantie de l'accession sociale », sur la base de conventions qui n'ont
pas été portées à la connaissance du Parlement et
qui semblent reposer sur des prévisions de sinistralité
très exagérées. Il convient donc de réexaminer la
subvention budgétaire (de 370 millions de francs en 2001), voire de
s'interroger sur l'avenir de la trésorerie du fonds
. »
On observera d'abord que le FGAS n'est pas seulement une trésorerie mais
est un fonds de garantie qui doit faire face à des engagements.
En effet,
le montant cumulé des prêts garantis atteint
désormais près de 170 milliards de francs
.
Prêts garantis par le FGAS
génération |
nombre de PAS |
nombre de PTZ |
total prêts garantis |
montant prêté PAS |
montant prêté PTZ |
montant total garanti |
ensemble crédits immobiliers |
poids des prêts garantis |
1993 |
8952 |
- |
8952 |
2 |
- |
2 |
- |
- |
1994 |
39796 |
- |
39796 |
10 |
- |
10 |
- |
- |
1995 |
36682 |
3788 |
40470 |
10 |
0 |
10 |
232,5 |
4,3% |
1996 |
78837 |
57082 |
135919 |
23 |
6 |
29 |
278,6 |
10,4% |
1997 |
66687 |
50051 |
116738 |
21 |
5 |
26 |
303,3 |
8,6% |
1998 |
66884 |
46785 |
113669 |
23 |
5 |
28 |
338 |
8,3% |
1999 |
71384 |
49936 |
121320 |
28 |
5 |
33 |
416,4 |
7,9% |
2000 |
61205 |
42671 |
103876 |
24 |
5 |
29 |
417 |
7,0% |
Evolution du montant cumulé de prêts garantis (en milliards de francs)
Aujourd'hui, l'actif du FGAS permettrait d'indemniser, sur la base d'une
moyenne observée de 100.000 francs par sinistre, de l'ordre de 60.000
prêts, soit environ 8,5 % du stock des prêts consentis
.
Selon la SGFGAS, une telle proportion n'est pas irréaliste, si l'on se
souvient que lorsque l'Etat a été confronté au
problème des accédants titulaires d'un prêt d'accession
à la propriété (PAP), les disponibilité du fonds de
garantie des PAP se sont révélées très
insuffisantes ; l'Etat a dû engager plusieurs mesures de
réaménagement dont le coût a dépassé
très largement le total des provisions constituées à ce
jour par le FGAS : ainsi le réaménagement de 1988 (550.000
prêt concernés) a entraîné un coût
budgétaire de 14 milliards de francs et celui de 1998 (500.000
prêts concernés) un coût de l'ordre de 1,5 milliard de
francs.
En réalité, plusieurs éléments rentrent en ligne de
compte.
D'une part, il est évident que l'Etat s'est trompé en 1993,
date de création du FGAS sur le taux de sinistralité des
prêts garantis
. Il était resté sur le modèle des
anciens prêts d'accession à la propriété (PAP) et
sur la « dérive financière » du
système.
Cette erreur n'a pu se mesurer que progressivement
. En effet, les
cotisations sont versées chaque première année d'une
génération de prêts et doivent couvrir la
sinistralité des prêts pendant toute leur durée de vie (15
ans en moyenne). Il faut un minimum d'année pour faire un premier bilan
de la sinistralité des prêts : c'est ce qui est arrivé
en 2000, en constatant que la génération de prêts
contractés en 1993 avait un très faible taux de
sinistralité.
La diminution de 25 % des taux de cotisations en 2000 n'a toutefois d'effet que
sur les flux futurs et pas sur la trésorerie accumulée du fonds.
Dès 2003, il est envisageable que l'Etat récupère, sur la
première génération de prêts, ses excédents
de versements.
Votre rapporteur estime donc que le débat doit porter sur les
modalités de réaffectation de ces excédents, afin de les
réorienter vers d'autres produits de la politique du logement. Il pense
notamment à financer une revalorisation du barème du prêt
à taux zéro.
Pour l'avenir, il faut certes poursuivre la réflexion
sur le bon
niveau de cotisations au FGAS, afin que ne se constituent pas des
excédents sans justification.
Toutefois, il serait vain de diminuer
de manière unilatérale et non concertée la contribution de
l'Etat pour les nouvelles générations de prêts.
Ceux-ci
sont en effet soumis à des risques de sinistralité sans doute
plus importants que la génération précédente. En
tout état de cause, seule une évaluation précise et
coordonnée entre les banques et l'Etat peut conduire à
réviser les taux de cotisations sauf à mettre en péril la
garantie offerte par le système et la confiance des
établissements bancaires.