B. L'EFFICACITÉ SOCIALE DES PRÊTS À TAUX ZÉRO SE RÉDUIT
1. Des mesures de restriction réglementaires et des crédits en baisse
Depuis
plusieurs années,
de nombreuses mesures ont réduit
l'efficacité sociale des aides à l'accession à la
propriété
.
Depuis sa mise en place, en octobre 1995, le prêt à taux
zéro a connu diverses restrictions, avec une réduction de sa
durée en octobre 1996 et en octobre 1997 et une restriction aux
primo-accédants en novembre 1997.
La non-revalorisation des plafonds
de ressources a également conduit à réduire sensiblement
le nombre de bénéficiaires.
Lors de la discussion de la loi de finances en novembre 1999, votre rapporteur
craignait, si le gouvernement ne voulait pas accorder les moyens
budgétaires nécessaires, qu'un nouvel aménagement du
profit du prêt à taux zéro soit enregistré.
De fait, de nouvelles mesures de restriction du dispositif ont
été prises, afin de limiter son coût
budgétaire : un arrêté du 29 décembre 1999 a
plafonné la subvention de l'Etat et un arrêté du 29
septembre 2000 a réduit la période de remboursement des
prêts.
Ainsi, les moyens en faveur de l'accession à la
propriété des ménages modestes ne cessent de se
réduire en termes réels
. En effet, même si le programme
de distribution de 110.000 prêts est maintenu depuis plusieurs
années maintenant, il reflète un écart croissant avec les
besoins des accédants. Du fait de la non-revalorisation du
barème, il est même possible que les 110.000 prêts ne soient
pas atteints en 2002.
Votre rapporteur estime pourtant qu'il est important de maintenir un niveau
d'aide suffisant à l'accession à la propriété des
ménages modestes.
Jusqu'en 2000, le prêt à taux zéro était
financé par un compte d'affectation spéciale alimenté par
un prélèvement sur les collecteurs du 1% logement.
La convention du 3 août 1998 a permis de mettre fin au
démantèlement progressif du 1 % logement. Le taux de collecte est
maintenu à 0,45 % pendant toute la durée de la convention, et la
lourde charge de financement du prêt à taux zéro ira en
diminuant : la convention donne le montant exact des prélèvements
sur le 1 % logement et ces prélèvements sont
dégressifs jusqu'à s'éteindre sur 5 ans.
Il résulte de ces dispositions un écart croissant entre les
ressources tirées du 1 % logement et les montants nécessaires
pour financer le prêt à taux zéro.
Au total, l'accession à la propriété (article 65-48/30)
bénéficiera de 884 millions d'euros de crédits de paiement
en 2002. Depuis 1998, dans le contexte d'une reprise du cycle immobilier, les
dotations en faveur de l'accession à la propriété auront
diminué de 130 millions d'euros.
Dotations budgétaires en faveur du prêt à taux
zéro (crédits de paiement- LFI)
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
1,01 |
0,95 |
0,90 |
0,89 |
0,88 |
(en milliards d'euros)
2. Une « expérimentation » prélude à une remise en cause du prêt à taux zéro ?
Pour
la première fois depuis 1996, des mesures sont prises pour
compléter le prêt à taux zéro.
En effet, deux mesures expérimentales viennent d'être
décidées pour favoriser la production d'une offre nouvelle de
logements en accession à la propriété dans des secteurs
urbanisés. Ces deux mesures prennent la forme d'une aide à la
pierre d'un montant de 10.700 euros par logement (70.187 francs),
complémentaire au prêt à taux zéro.
A cet effet, deux appels à projet doivent être lancés par
le secrétariat d'Etat au logement avant la fin de l'année afin de
sélectionner :
- d'une part, 1.000 logements réalisés par des promoteurs,
publics ou privés, qui, en étroite collaboration avec les
collectivités locales concernées, monteront des projets d'habitat
en accession dans des zones urbaines sensibles, il s'agit d'introduire un
élément de mixité sociale dans ces
périmètres ;
- d'autre part, 1.000 logements qui seront lancés par des organismes
d'HLM à destination de ménages très modestes. Cette mesure
concerne les projets de programme d'accession à la
propriété situés dans un secteur urbain où les prix
fonciers ne permettent pas aux catégories sociales les plus modestes
d'accéder à la propriété d'un logement
correspondant à leurs besoins.
Selon le secrétariat d'Etat au logement, le recours aux seuls organismes
HLM est une garantie : «
la maîtrise d'ouvrage de
chaque projet sera assurée par un organisme HLM de manière
à faire bénéficier l'accédant à la
propriété des dispositifs de sécurisation définis
par le mouvement HLM. Sachant que par ailleurs les ménages
éligibles à l'accession dans ces programmes devront être
titulaires d'un prêt à l'accession sociale, qui
bénéficie de la garantie de l'Etat au travers du fonds de
garantie de l'accession sociale à la propriété, il est
possible d'affirmer qu'aucun risque inconsidéré ne sera
imposé à ces ménages.
»
Votre rapporteur s'interroge sur cette nouvelle aide, dont le coût
global ne sera pas négligeable (si 2.000 logements
bénéficient effectivement de la prime, le coût sera de 21,4
millions d'euros soit 140,3 millions de francs) mais dont les
modalités et les objectifs sont encore imprécis.
L'idée, déjà ancienne, du secrétariat d'Etat au
logement, est de réorienter les prêts à taux zéro,
qui sont pour le moment concentrés sur l'individuel diffus et
périurbain, et qu'il souhaiterait plus nombreux dans le logement
collectif. C'est semble-t-il oublier que la localisation des opérations
d'accession à la propriété suit simplement la demande des
ménages. Enfin, si le dispositif s'avérait efficace, le
coût de sa généralisation ne serait pas négligeable
et de fait pourrait mettre en péril le financement du prêt
à taux zéro « classique ».
En conclusion, votre rapporteur spécial souhaite que cette
expérimentation ne soit pas le prélude à une remise en
cause du prêt à taux zéro. Il attend l'évaluation du
prêt à taux zéro lancée au mois de mars dernier dont
les conclusions sont attendues pour la fin de l'année.