EXAMEN EN COMMISSION
I. EXAMEN DU RAPPORT SPÉCIAL
Réunie le mercredi 18 octobre 2001 sous la
présidence
de M. Alain Lambert, président, la commission a
procédé à l'examen des crédits de l'Emploi et de la
solidarité : II . Santé et solidarité, sur le rapport
de M. Alain Joyandet, rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, a tout d'abord expliqué
qu'il faisait ses premiers pas comme rapporteur spécial des
crédits de la santé et de la solidarité, et rappelé
que le budget de la santé et de la solidarité représente
le 6
ème
budget de l'Etat, avec 14,8 milliards d'euros,
soit 350 millions d'euros de plus qu'en 2001.
Il a énuméré les trois blocs de ce budget :
1. la solidarité : 13,3 milliards d'euros, pour les
minima
sociaux (revenu minimum d'insertion (RMI), allocation aux adultes
handicapés (AAM), allocation de parent isolé (API), couverture
maladie universelle (CMU)), les handicapés, les personnes
âgées, les rapatriés, la famille et les publics en
détresse (sans-logis, réfugiés, demandeurs d'asile) ;
sur 100 francs dépensés pour la santé et la
solidarité, 70,5 vont pour l'un de ces quatre
minima
sociaux ;
2. la santé : 540 millions d'euros, pour les programmes de lutte en
matière de santé publique (cancer, santé mentale, suicide)
et l'offre de soins ;
3. l'administration centrale et les services déconcentrés :
près d'un milliard d'euros pour 15.000 personnes.
Puis, M. Alain Joyandet a décrit les principales évolutions
proposées pour 2002.
S'agissant des crédits globaux, il a expliqué qu'ils augmentent
de 2,45 %
: s
ur cette hausse, 40 % servent à
revaloriser les
minima
sociaux, et le solde va aux actions en
matière de santé publique, d'accueil des réfugiés,
et de renforcement des moyens du ministère. 250 emplois sont
créés, dont la moitié sont des contractuels.
En matière de santé publique (2,5 % du budget du
ministère), le rapporteur spécial a fait observer que 25,6
millions d'euros supplémentaires sont prévus dont
17 millions d'euros pour renforcer les moyens des programmes de
santé publique ; les moyens des agences sanitaires diminuent en
raison de l'existence de fonds de roulement importants.
Pour les crédits en matière d'offre de soins (1,2 % du budget du
ministère) il a exposé qu'ils augmentaient à
structure constante de 25,5 M€, les moyens supplémentaires allant
au financement de stages des internes et à l'augmentation des quotas de
sage-femmes et de personnels paramédicaux.
Quant au développement social (41,2 % du budget), il a indiqué
que 350 M€ supplémentaires sont accordés, dont les deux
tiers au titre de l'AAH et le solde principalement pour le fonctionnement des
centres d'aide pour le travail (CAT), 500 créations de places en CAT, et
la mise en place de l'allocation prestation autonomie (APA). Il a noté
la hausse de 50 % des moyens du secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire.
En matière de lutte contre les exclusions (48,4 % du budget), il a fait
remarquer que les crédits restent stables, les moyens
supplémentaires accordés aux centres d'hébergement et de
réadaptation sociale (CHRS) et les 26 M€ de plus pour l'API
étant compensés par la baisse hypothétique des
crédits du RMI et de la CMU.
Enfin, il a expliqué que les crédits de l'administration
générale (6,6 % du budget) progressaient de 66,3 M€,
dont les deux tiers pour les frais de personnel et le solde en moyens de
fonctionnement divers, et noté que 8 M€ sont prévus pour
résorber la moitié des mises à disposition de cadres des
caisses de sécurité sociale et des hôpitaux, dont
bénéficie le ministère.
Après ces chiffres, le rapporteur spécial a formulé ses
remarques, en expliquant que sa philosophie de l'examen des crédits
n'avait pas été : les crédits augmentent-ils ?
mais : en quoi s'inscrivent-ils dans une stratégie et à
quoi servent-ils ? Pour tenter de répondre à cette question,
il a présenté cinq observations.
Il a tout d'abord constaté que, malgré la croissance, les
dépenses de
minima
sociaux poursuivent leur hausse : 70,5 %
des crédits vont aux quatre prestations, soit 130 M€ de plus qu'en
2001, et une hausse de 4,2 % par rapport à 2000. Après avoir
expliqué les déterminants de cette hausse, il a conclu sur
le paradoxe visible sur la législature : le budget de la
santé et de la solidarité a augmenté de 3,6 MM€
depuis 1998 ; plus de 82 % de ces moyens supplémentaires sont
allés pour les dépenses obligatoires de prestations
sociales ; ces dépenses ont augmenté de près de 50 %
en cinq ans, alors même que la croissance était florissante et le
chômage en baisse.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, a ensuite fait remarquer que les
dépenses en capital ont, sur la législature, été
divisées par 3,5, passant de 140 à 40 M€, soit 72 % de
baisse quand les crédits du ministère augmentaient de 33 %. Il
s'est étonné de ce que les dysfonctionnements administratifs
aient empêché de consommer ces crédits de paiement comme le
montre l'exemple du fonds d'investissement et de modernisation hospitalier, le
FIMHO : en 5 ans, moins de la moitié des autorisations de programme
et moins du tiers des crédits de paiement ont été
consommés, alors que les établissements hospitaliers ont des
besoins d'aide à la restructuration très importants.
Le rapporteur spécial, en guise de 3
ème
observation,
s'est arrêté sur les « impasses
budgétaires ». Il a rappelé que chaque année M.
Oudin en dénonçait et que cette année n'était pas
en reste. Il a estimé que la principale impasse portait sur 305
M€ : l'absence des crédits destinés au financement du
protocole hospitalier de mars 2000. Faisant observer qu'ils n'étaient
pas plus présents dans la loi de finances initiale 2001, mais que le
gouvernement s'était engagé à les inscrire en
collectif 2001, il s'est interrogé sur le respect de l'engagement.
Il a constaté que, en attendant, les hôpitaux font l'avance de
trésorerie à l'État et que pour 2002, c'était
l'inconnue complète, les 305 M€ ne figurant ni en PLFSS, ni en PLF,
ni dans un engagement pour un lointain collectif budgétaire 2002.
Il a ensuite énuméré d'autres impasses plus
classiques :
• la minoration des dépenses de
minima
sociaux
en
période de retournement de la croissance ;
• la dette envers les établissements hospitaliers sur le
remboursement des dépenses d'interruption volontaire de grossesse
(IVG) ;
• la dette envers la sécurité sociale sur un mois de
versement de l'API ;
• les dettes sur les dépenses de tutelle et curatelle ;
• la minoration des dépenses de frais de justice et de
réparation ;
• l'absence de prise en compte de la majoration de 2,2 %, au
1
er
janvier 2002, de la base mensuelle des allocations
familiales ;
• les moyens insuffisants pour résorber les mises à
disposition.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, s'est ensuite arrêté
sur l'état de préparation du ministère à
l'application de la loi organique relative aux lois de finances, tout en
rappelant qu'il ne s'agissait pas de demander de faire le travail de quatre ans
en deux mois. Il a regardé en quoi le ministère pouvait
être bien ou mal placé dans cette préparation, pour
constater un retard : pas de système de contrôle de gestion ;
pas de mesure des coûts ; pas de structuration des agrégats
en politiques ; pas d'indicateurs d'activité, sans parler
d'indicateurs de performance ; situation complètement obscure des
emplois, dans le ministère mais aussi dans ses satellites que sont les
agences ; pas de suivi des prélèvements
supplémentaires demandés pour alimenter les moyens de ces
agences. Il en est alors arrivé à la conclusion que si les moyens
de fonctionnement et le nombre d'agents du ministère auront
augmenté, tout comme les crédits et nombre de personnels des
agences sanitaires, cela aura été sans réflexion
stratégique, sans contrôle de gestion, sans objectifs, comme si
l'argent alimentait une machine sans pilote ni cap.
Enfin, en guise de 5
ème
observation, il a
énuméré quelques problèmes ponctuels : pas
d'évaluation des hausses très importantes de crédits
demandés pour l'économie solidaire (budget doublé en deux
ans) ; poursuite de l'embauche de contractuels, alors que le
ministère consacre des sommes importantes à la titularisation
des... anciens contractuels ; question non résolue de
l'articulation des fonctions de la mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et les autres intervenants en
matière de prévention contre le tabac et l'alcool en renvoyant
aux observations de M. Roland du Luart formulées lors de sa mission de
contrôle budgétaire de la MILDT.
En conclusion, le rapporteur spécial a résumé sa
pensée en quatre points :
- il n'y a pas d'incidence bénéfique de la croissance
économique sur les titulaires de
minima
sociaux ;
- il n'y a pas de stratégie lisible pour les interventions sociales
comme les actions de santé publique ;
- il y a une dérive structurelle des coûts de fonctionnement du
ministère et de ses satellites ;
- mais il y a un certain effort sur la politique de santé publique en
2002.
M. Alain Lambert, président, a fait remarquer que, quelle que soit la
croissance économique, les interventions sociales se maintiennent
à un haut niveau et s'est demandé si on pouvait ainsi accepter
qu'une partie importante de la population reste dans la
précarité. Il a interrogé le rapporteur spécial sur
ce qu'il comptait faire pour élucider la question de la
sous-consommation des crédits du FIMHO.
M. François Trucy a demandé au rapporteur spécial s'il
existait des enquêtes sur l'efficacité du volet insertion du RMI
et souhaitait savoir ce que recouvrait le protocole hospitalier de mars 2000.
M. Jacques Oudin, après avoir fait observer que le domaine social lui
semblait un terrain privilégié pour l'application de la loi
organique relative aux lois de finances, s'est inquiété du rythme
de résorption des mises à disposition de personnels au profit du
ministère de la Santé. Evoquant le cas du FIMHO, il a
considéré que cela poussait à une réflexion
d'ensemble sur les besoins de réorganisation du secteur hospitalier.
M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur le paradoxe qui veut que
les dépenses de solidarité croissent avec la croissance
économique et a souhaité avoir l'avis du rapporteur
spécial sur cette anomalie.
Mme Marie-Claude Beaudeau, après avoir souligné que
l'exposé du rapporteur rejoignait les propos recueillis sur le terrain,
a posé cinq questions à M. Alain Joyandet :
- s'agissant de personnes handicapées, y a-t-il dans le projet de loi de
finances 2002 une réorganisation des crédits permettant de voir
l'effort total de l'Etat en leur faveur ? Existe-t-il une mesure des
besoins locaux en matière d'accueil des personnes
handicapées ?
- qu'est-il prévu pour compenser l'application des 35 heures aux
établissements médico-sociaux ?
- comment expliquer la sous-consommation des crédits de la CMU ?
Existe-t-il des marges de manoeuvre pour en lisser les effets de seuil ?
- existe-t-il des mesures spécifiques pour rattraper le retard
français en matière d'instruments de résonance
magnétique nucléaire (IRM) ?
- comment justifier la baisse des crédits de l'Institut de veille
sanitaire ?
M. Gérard Braun a souhaité connaître les raisons des
difficultés du calibrage des besoins en matière de CMU et
l'opinion du rapporteur spécial sur le volet insertion du RMI.
M. Yves Fréville, évoquant la présence au budget des
charges communes du fonds d'indemnisation des victimes du SIDA, s'est
demandé si la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ne
serait pas l'occasion d'une réorganisation de l'ensemble des
crédits d'indemnisation des aléas thérapeutiques entre les
fascicules budgétaires.
En réponse aux différents orateurs, M. Alain Joyandet a fait les
remarques suivantes :
- s'agissant du lien entre la croissance économique et les
minima
sociaux, et du volet insertion du RMI, une des explications résiderait
dans la question de l'employabilité des plus démunis ;
- il a décrit la grande difficulté rencontrée par les
acteurs de terrain pour remettre dans le circuit du travail les
bénéficiaires du RMI ;
- s'agissant du FIMHO, il a indiqué qu'il comptait mener au début
de l'année prochaine un contrôle sur pièce et sur place
pour déceler les raisons exactes de la sous-consommation des
crédits ;
- le protocole hospitalier de mars 2000 a un coût de 305 millions
d'euros par an, presque tous destinés à des dépenses de
personnels des hôpitaux ; il a rappelé que l'absence
d'inscription budgétaire de cette somme pesait dès 2001 sur la
trésorerie des établissements hospitaliers ;
- en matière de mise à disposition, il a indiqué que le
protocole pluriannuel de résorption n'avait pas été
signé et qu'il ne disposait donc pas de prévision au-delà
de l'année 2002 ;
- s'agissant des personnes handicapées, aucun progrès n'est
prévu en 2002 pour mieux mesurer l'effort total de l'Etat en leur
faveur ;
- rien n'est prévu en matière d'IRM dans les mesures nouvelles du
projet de loi de finances 2002 ;
- les crédits supplémentaires alloués aux
établissements médico-sociaux ne compenseront pas pour eux le
coût de l'application des 35 heures ;
- la baisse des crédits de l'Institut de veille sanitaire ne devrait pas
peser sur son fonctionnement en raison de l'existence d'un fonds de roulement
important ;
- les variations des crédits de la CMU s'expliquent par la
difficulté à calibrer la montée en charge du
dispositif ; le coût de son élargissement serait prohibitif,
mais cela souligne la question des effets de seuil que le Sénat avait
bien perçu en 1999 ; il a rappelé que le coût par
bénéficiaire serait supérieur à
1 500 francs par an, conformément aux prévisions de M.
Jacques Oudin en 1999 ;
- la remarque juste de M. Yves Fréville peut être élargie
à certains fonds de la sécurité sociale et notamment
à celui des victimes de l'amiante.
En conclusion, M. Alain Joyandet a remercié la commission de lui avoir
confié ce budget intéressant et M. Jacques Oudin de lui avoir
donné des conseils pour en comprendre rapidement le fonctionnement.