C. NE PAS ÉTABLIR UNE FAUSSE SYMÉTRIE ENTRE LA SITUATION DU PÈRE ET DE LA MÈRE DE NAISSANCE
L'Assemblée nationale a établi une symétrie totale entre les dispositions relatives au père de naissance et celles relatives à la mère.
Cette symétrie est trompeuse.
Elle est trompeuse dans les faits, s'agissant de l'accouchement sous X. Dans la plupart des cas, le père n'apparaît pas dans la procédure.
Elle est également trompeuse juridiquement car ni la manière dont le secret se constitue ni les conséquences de la révélation d'identité ne seront identiques.
1. Le secret de l'identité du père ne sera pas obligatoirement demandé par lui
A l'heure actuelle, il n'y a pas de secret organisé s'agissant du père de naissance. Le projet de loi prévoit que la mère pourra laisser dans le dossier le nom du père. Il ne reviendrait pas au Conseil national de communiquer le nom du père sans son accord. Il y aura donc de facto constitution d'un secret que le père n'aura pas demandé lui-même . Il peut paraître paradoxal qu'un texte destiné à favoriser l'accès aux origines aboutisse à créer un secret à l'égard du père .
2. La levée de l'identité du père peut avoir des conséquences sur la filiation
Les mères sont protégées d'une action en recherche de maternité par les dispositions de l'article 341 du code civil.
Les pères ne sont pas protégés d'une action en recherche de paternité.
L'article L. 146-4-1 introduit par l'Assemblée nationale dans le code de l'action sociale et des familles indique certes que l'accès d'une personne à ses origines est sans effet sur la filiation. Il n'empêchera pas le déclenchement d'une action en recherche de paternité qui, elle, aura des effets sur la filiation .
Cette action est certes limitée dans le temps : en application de l'article 340 du code civil, elle ne peut être entreprise que deux ans après la naissance, ou après la cessation des relations entre le père et la mère, ou deux ans après la majorité de l'enfant . Elle ne sera en tout état de cause pas possible si l'enfant a été adopté de manière plénière puisque la nouvelle filiation se substitue à l'ancienne. Cette action peut être intentée contre le père lui-même ou contre ses héritiers ( art. 340-3 ).
3. Un père peut être privé malgré lui de sa paternité
La père peut être privé de sa paternité par le fait d'un accouchement sous X, même en cas de reconnaissance prénatale de l'enfant. En théorie, il pourrait reconnaître l'enfant dans le délai de deux mois précédant son placement pour adoption. Mais en pratique, il lui est difficile de désigner l'enfant, l'accouchement étant censé n'être pas intervenu (Cour d'appel de Riom, 16 décembre 1997 ).
Il serait souhaitable que des procédures soient mises en place mettant en relation les enfants non reconnus par leur mère et les reconnaissances prénatales des pères, de manière à permettre à un père ayant reconnu son enfant avant sa naissance de pouvoir désigner son enfant dans le délai de deux mois après sa naissance.