N° 70

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 novembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi de MM. Patrice GÉLARD, Charles REVET, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Joël BOURDIN, Jean-Luc MIRAUX et Ladislas PONIATOWSKI tendant à prévenir l' effondrement des cavités souterraines et des marnières et à préciser le régime juridique des biens immobiliers affectés,

Par M. Charles REVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 311 (2000-2001)

Urbanisme .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La proposition de loi que vous présente votre commission des Affaires économiques tend à résoudre un problème grave resté jusqu'ici sans solution : celui de la prévention et de la réparation des dommages consécutifs à des mouvements de terrains dus à des effondrements de cavités souterraines .

Bien qu'ils soient fréquents dans certaines parties du territoire, à commencer par la Normandie, et qu'ils occasionnent chaque année des dommages aux personnes et aux biens, ces phénomènes ne relèvent d'aucune procédure spécifique. Leurs victimes sont donc laissées pour compte . Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'un mouvement de fond lié à l'écho de plusieurs catastrophes dans l'opinion publique pousse les pouvoirs publics à prendre, année après année, des mesures toujours plus précises pour limiter les risques et réparer les dommages de tous ordres qu'ils occasionnent. C'est ainsi que plusieurs textes ont été adoptés pour prévenir les risques naturels et pour indemniser les victimes de risques miniers.

Les risques d'origine naturelle ont, les premiers, fait l'objet de mesures de réparation spécifiques, avec l'instauration de cotisations additionnelles aux cotisations d'assurance destinées à les garantir.

Ils bénéficient également, depuis 1995, d'un régime de prévention particulier dès lors qu'ils présentent un caractère « majeur ». Hélas, les effondrements souterrains ne trouvent pas, dans la majeure partie des cas, leur origine dans une cause naturelle, mais bien dans le creusement de cavités par l'homme (cavités dites « anthropiques »). Ils ne peuvent juridiquement prétendre, en l'état du droit, à bénéficier de ces réparations.

S'agissant des dommages causés par les cavités d'origine anthropique , c'est le législateur, et spécialement votre Haute Assemblée, qui a, le premier, appelé l'attention du Gouvernement sur ce sujet.

Plusieurs propositions de loi ont été déposées, afin de prévenir et de réparer les conséquences des effondrements miniers. Cette démarche a débouché sur l'adoption en dernière lecture, et sans modification par l'Assemblée nationale, du texte adopté par le Sénat, devenu la loi n°99-245 du 30 mars 1999 précitée. Bien qu'il constitue un important pas en avant, ce texte ne résout qu'une partie des problèmes existants puisqu'il ne s'applique qu'aux dommages résultant d'une activité minière, entendue au sens du code minier , à l'exclusion des autres mouvements de terrain d'origine anthropique.

Lors de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, le Sénat a également adopté un article additionnel 1 ( * ) tendant à créer une Agence de valorisation du sous-sol. A cette époque, le Gouvernement avait déclaré, par la voix du secrétaire d'Etat au logement, qu'il « ne ni[ait] pas le problème, et qu'il [était] tout à fait conscient de l'importance du sous-sol qui [...] pose parfois bien des difficultés » 2 ( * ) , tout en jugeant inopportun de faire figurer ce dispositif dans le code de l'urbanisme.

Malgré ces appels réitérés, force est de constater que le Gouvernement n'a donc rien fait depuis lors pour venir en aide aux victimes de ces effondrements .

Or le temps presse . Des maisons sont régulièrement victimes de dommages survenant du fait d'effondrements du sol, entraînant parfois avec elles leurs occupants vers une mort certaine. Quant aux propriétaires qui ont le temps de se mettre à l'abri d'un effondrement, ils sont bien souvent ruinés : obligés d'aller habiter à l'hôtel ou de verser un loyer faute de pouvoir résider dans leur maison frappée d'un arrêté de péril, alors même qu'ils en acquittent parfois encore les traites ...

Devant cette situation humainement et socialement inacceptable, nos collègues Patrice Gélard, Annick Bocandé, Joël Bourdin, Jean-Luc Miraux et Ladislas Poniatowski ont déposé, avec votre rapporteur, une proposition de loi n° 311 (2000-2001), tendant à prévenir l'effondrement des cavités souterraines et des marnières et à préciser le régime juridique des biens immobiliers affectés . La Conférence des présidents du Sénat ayant décidé, le 31 octobre 2000, de l'inscrire à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée du mercredi 20 novembre 2000, elle a été examinée par votre commission des Affaires économiques au cours sa séance du mercredi 14 novembre 2000. Le texte qui est résulté de ses travaux est aujourd'hui soumis à la discussion du Sénat.

Votre commission a fait siennes les préoccupations des auteurs, non moins que l'économie générale de la proposition de loi n° 311 précitée . Elle vous propose cependant d'y apporter, outre quelques modifications rédactionnelles, des amendements tendant à en étendre le champ pour prendre en compte tous les besoins de nos concitoyens. Son rapporteur souhaite ouvrir avec le Gouvernement tout d'abord, lors de l'examen du texte en séance publique, puis avec l'Assemblée nationale, au cours de la navette qu'il espère rapide, un dialogue fructueux sur un sujet où l'intérêt général procède de la préservation des droits et des biens des particuliers.

Le présent rapport évoquera tout d'abord les éléments de contexte relatifs aux effondrements du sol nécessaires à l'intelligence de ce sujet très technique. Puis, après avoir examiné les modalités de prévention de ces risques et les lacunes qui caractérisent leur régime d'indemnisation, il présentera, outre le contenu de la proposition de loi n° 311, les principales préconisations que votre commission des Affaires économique soumet à la discussion du Sénat.

I. LES EFFONDREMENTS DU SOL : UN PHÉNOMÈNE FRÉQUENT ET POURTANT MÉCONNU

A. LES CAVITÉS SOUTERRAINES : UNE RÉALITÉ PHYSIQUE TRÈS VARIÉE

Les cavités souterraines se divisent en deux catégories principales : les cavités naturelles et les cavités d'origine anthropique.

Les cavités naturelles sont, le plus souvent, dues à la dissolution des carbonates ou des sulfates qui résulte de la circulation de l'eau dans les calcaires, la craie et le gypse. Comme le souligne le bureau de recherche géologique et minières 3 ( * ) , « la dimension de ces cavités est très variable. Les karsts (vides laissés par la dissolution), se développent selon un réseau qui peut être kilométrique. Il est constitué d'une série de salles et boyaux. La hauteur de ces salles peut atteindre plusieurs dizaines de mètres, et leur extension plusieurs dizaines de mètres carrés. Ces karsts peuvent être vides, noyés ou obstrués/comblés par des sédimentations secondaires. [...] Des phénomènes d'érosion interne (suffosion), liés à des circulations d'eaux souterraines, peuvent parfois affecter des formations sédimentaires . »

Les cavités anthropiques ont été aménagées de main d'homme, à l'instar :

- des carrières , et notamment des carrières de calcaire (autrefois utilisé pour la pierre à bâtir) de gypse (pour la fabrication du plâtre) ou d'argile (pour la production de tuiles et des briques) qui sont très répandues dans le Nord, la Normandie où l'on trouve de nombreuses marnières, les Pays-de-la-Loire, la région parisienne, l'Aquitaine, et à moindre titre les Pyrénées, la Provence et le Lyonnais, le Jura et la Bourgogne ;

- des habitations troglodytiques , qui sont situées dans des caves creusées au pied de coteaux abrupts ou de falaises naturelles et constituent parfois de véritables villages situés à proximité des plaines alluviales de la Loire et de certains de ses affluents (Rochecorbon, Vouvray, etc.), de la Seine ou de l'Oise (Méricourt, Mousseaux, La Roche Guyon, Conflans Sainte-Honorine, etc.) ;

-  des cavités initialement utilisées comme des caves vinicoles et des champignonnières situées dans des zones urbanisées ou à la périphérie de certaines agglomérations, sont souvent réutilisées à pour le stockage ou la fabrication de produits agro-alimentaire (cultures de salades, notamment) ;

- des ouvrages militaires enterrés , tels que le réseau des sapes et les galeries creusées de part et d'autre de la ligne de front de la première guerre mondiale qui comprennent des tranchées de surface, des galeries et des salles souterraines et qui sont présentes dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, l'Oise et la Marne (leur effondrement a occasionné des dommages au TGV-Nord) ;

Bien que le Bureau de recherches géologiques et minières ait établi une base de données des zones à risques, la connaissance du sous-sol est très lacunaire. Le cas des marnières s'avère, à cet égard emblématique. Leur nombre est évalué, par certains experts, à plusieurs dizaines de milliers, sans que ce chiffre ait aucun caractère autre qu'estimatif. En effet, bien qu'un -décret impérial de 1856 les ait soumises a déclaration et qu'un décret du 26 novembre 1889 ait imposé au déclarants de fournir en mairie une demande et un plan des lieux faisant apparaître l'emplacement des puits et des galeries projetés, l'immense majorité des puits d'accès aux chambres d'exploitation ont été comblés, puis recouverts par la végétation qui a effacé toute trace.

* 1 Avant l'article premier.

* 2 Journal Officiel, séance du 27 avril 200, page 2166.

* 3 Cf. son site « bdcavités » sur Internet.

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