II. DES CIRCUITS DE FINANCEMENT OPAQUES ET INSTABLES, QUI FRAGILISENT LES FONDATIONS FINANCIÈRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET CONDUISENT, INÉVITABLEMENT, À S'INTERROGER SUR LA SINCÉRITÉ DES COMPTES SOUMIS À L'EXAMEN DU PARLEMENT
A. DES CIRCUITS DE FINANCEMENT OPAQUES ET INSTABLES QUI FRAGILISENT LES FONDATIONS FINANCIÈRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
1. Des circuits de financement opaques et instables
Au cours de ces dernières années, le financement de la sécurité sociale s'est caractérisé par la mise en place de circuits opaques et instables, principalement en raison de la nécessité, pour l'Etat, de dégager, année après année, les ressources supplémentaires nécessaires à l'équilibre du FOREC.
L'effet déstabilisateur de cette « onde de choc » qui se propage depuis lors dans les comptes sociaux est accentué, d'une part, par la prolifération concomitante de multiples « fonds » et, d'autre part, par la confirmation de pratiques anciennes, mais toujours contestables, visant à prendre à la sécurité sociale les « recettes de poche » nécessaires à l'affichage d'un solde budgétaire avantageux.
a) « L'onde de choc » du FOREC
Depuis l'année 2000, la « confiscation » de la manne financière de la sécurité sociale au profit du FOREC est réalisée par l'intermédiaire de circuits financiers instables et complexes qui ne relèvent d'aucune cohérence, si ce n'est celle de trouver, chaque année, les recettes nécessaires à l'équilibre dudit fonds.
Les pages suivantes illustrent, pour les années 2000 à 2002, les grandes lignes de ces circuits de financement, qui font involontairement penser à la fameuse « pompe à phynances » du Père Ubu.
Au-delà de l'anecdote, l'examen attentif, d'une part, des transferts effectués dans le cadre de chaque exercice et, d'autre part, du tableau récapitulatif du coût total de ces opérations pour chacun des acteurs concernés permet d'établir les principaux constats suivants :
- la mise en place du FOREC a bien permis à l'Etat, moyennant la perte de quelques recettes fiscales, de se décharger progressivement du financement des allègements ou des exonérations de cotisations les plus coûteuses . Essentiellement réalisé en 2000 et 2001, ce « basculement » n'est pas encore terminé, comme le prouvent certaines dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2002. Par ailleurs, ces transferts directs de l'Etat vers le FOREC se sont accompagnés d'autres mouvements à destination de la CNAF (transfert de la charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire) et du Fonds de solidarité vieillesse (reprise de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite). D'un point de vue financier, le bilan global de l'ensemble de ces opérations est donc favorable à l'Etat.
- les deux contributeurs « directs » au financement du FOREC sont, d'une part, le Fonds de solidarité vieillesse et, d'autre part, la CNAMTS . Le fait que cette dernière bénéficie, à elle seule, de 80 % du total des impôts et taxes affectés au régime général aboutit à la situation paradoxale selon laquelle la branche du régime général qui est déjà la plus déficitaire est celle qui est le plus sollicitée pour financer le FOREC . Le FSV et la CNAMTS bénéficient toutefois d'une compensation partielle de leurs pertes de recettes. Cette compensation est, soit « croisée » (transfert de 0,15 point de CSG du FSV à la CNAMTS en 2001 pour compenser cette dernière de la perte de ses droits sur le tabac), soit, s'agissant du FSV, essentiellement à la charge de la CNAF . Bien entendu, la diminution des recettes du FSV affecte, par ailleurs, le fonds de réserve des retraites qui bénéficie normalement, en année N, de l'excédent dégagé par le FSV au titre de l'année N-1.
- toutes les branches du régime général sont affectées par l'annulation, prévue à l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, de la dette du FOREC pour l'exercice 2000 , soit une perte totale de 15 milliards de francs (à laquelle il convient d'ajouter environ un milliard supplémentaire au titre de la dette du FOREC à l'égard des autres régimes obligatoires de sécurité sociale).
- la nécessité d'assurer le financement du FOREC se traduit par la modification incessante et, le cas échéant, rétroactive, de l'affectation et de la répartition des différentes recettes concernées . Les transferts affectant les droits sur les alcools du FSV ou les droits sur le tabac de la CNAMTS en fournissent, à cet égard, les exemples les plus aboutis.
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b) Une prolifération de fonds dédiés au financement d'actions spécifiques
« L'onde de choc » du FOREC s'est également accompagnée, au cours de ces dernières années, par une prolifération de « fonds » destinés au financement de prestations ou d'actions spécifiques, et dont la diversité des statuts juridiques et financiers contribuent à l'opacité et à l'instabilité des circuits de financement de la sécurité sociale.
Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001, la Cour des comptes s'est attachée à recenser ces fonds pour l'année 2000 (tableau ci-dessous).
Typologie des fonds, ressources et dépenses en 2000 (droits constatés)
en MF et (M€)
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
1 ère catégorie |
FSV 1 ère sec. |
77.914 |
76.034 |
1.880 |
Fonds dont les ressources et les dépenses entrent dans le champ de la LFSS (1) (hors fonds de gestion des régimes) |
F2R |
18.799 |
22 |
18.777 |
FOREC |
65.000 |
75.200 |
- 10.200 |
|
FCAT |
540 |
540 |
0 |
|
FCATA |
838 |
841 |
- 3 |
|
Total |
163.091 |
152.637 |
10.454 |
|
2 ème catégorie |
FORMMEL |
998 |
966 |
32 |
Fonds dont seules les contributions des régimes sociaux sont retracées, à titre des dépenses de ceux-ci, dans la LFSS (1) |
FAQSV |
500 |
31 |
469 |
FMES |
700 |
122 |
578 |
|
FMCP |
100 |
0 |
100 |
|
FCAATA |
798 |
320 |
478 |
|
Total |
3.096 |
1.439 |
1.657 |
|
Total général |
166.187 |
154.076 |
12.111 |
|
(25.355,0) |
(23.488,7) |
(1.846,3) |
Le FSI, qui constitue un cas particulier, ne figure pas dans ce tableau. Ses recettes et ses dépenses s'élèvent à 252 Mdf (38,4 Md€). D'autre part, le FIDSAPE, le FAPE et le FIVA n'y figurent pas non plus car ils ont été créés en 2001.
Source : Cour des comptes. Rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001.
(1) Loi de financement de la sécurité sociale.
A cette occasion, la Cour a constaté qu' « un même terme, « fonds », est utilisé dans le champ de la sécurité sociale pour désigner des réalités extrêmement différentes qui, dans certains cas, correspondent effectivement au sens commun du mot de « ressources propres affectées à un objet particulier », quand, dans d'autres cas, il s'agit uniquement de distinguer différentes sections comptables au sein de la gestion d'un organisme . »
Certes, dans certains cas, la création d'un « fonds » peut être parfaitement justifiée afin d'identifier les recettes et les dépenses correspondant à un objectif précis. Toutefois, la prolifération actuelle de fonds au statut indéfini ne doit pas aboutir, d'une part, à des « démembrements » de la sécurité sociale qui échapperaient au contrôle des partenaires sociaux ou du Parlement et, d'autre part, à une confusion grandissante dans la réalisation d'actions dont les sources de financement seraient fragmentées à l'excès. Or, la mission d'information réalisée par la commission des Affaires sociales du Sénat sur les « fonds médicaux » au printemps 2001 permet, à cet égard, de nourrir quelques inquiétudes. La vigilance est d'autant plus nécessaire que le total agrégé de ces fonds, soit 155 milliards de francs de dépenses et 160 milliards de recettes en 2000, selon la Cour des comptes, est loin d'être négligeable .
On ne peut donc que souscrire à la recommandation de la Cour selon laquelle il convient de « réserver la dénomination de « fonds » à des entités dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière . »
c) Des « recettes de poche » fournies au budget de l'Etat par la sécurité sociale
Enfin, l'opacité et l'instabilité croissante des circuits de financement sont encore aggravées par la persistance de certaines habitudes, qui consistent à prendre à la sécurité sociale les « recettes de poche » nécessaires à l'affichage de la vertu budgétaire de l'Etat .
L'exercice 2002 ne fait pas exception à la règle, comme le démontre l'analyse parallèle des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, puisque les transferts financiers entre l'Etat et la « sphère sociale » devraient atteindre près de 10 milliards de francs ( cf. tableau ci-après ) .
Les transferts financiers entre l'Etat et la
« sphère sociale »
Mesures nouvelles
2002
Mesures nouvelles |
Montants
|
Observations |
Taxe sur les conventions d'assurances (FOREC) |
- 2 |
Article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale et article 19 du projet de loi de finances |
Modification du calendrier de remboursement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) |
+ 7,5 (1) |
Article 20 du projet de loi de finances, dont l'exposé des motifs assure que cette mesure est « neutre financièrement pour la CADES » |
Prélèvements exceptionnels sur les réserves constituées par l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC) au titre de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. |
+ 3,4 (1) |
Article 13 du projet de loi de finances |
Augmentation de la fraction du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) |
+ 1,6 (2) |
Article 18 du projet de loi de finances. L'Etat verse au BAPSA une subvention d'équilibre. Toute autre recette supplémentaire, telle une augmentation de la fraction de C3S affectée au BAPSA, réduit donc son besoin de financement (et diminue, par ailleurs, le solde de C3S versée au Fonds de solidarité vieillesse). |
(1) Sources : exposé des motifs des articles concernés
(2) « bleu budgétaire » BAPSA. En fait, et compte tenu de l'augmentation des transferts dont devrait bénéficier le BAPSA au titre de la compensation démographique, le montant de la subvention de l'Etat devrait diminuer d'environ 3 milliards en 2002.
S'agissant de la contribution sociale de solidarité des sociétés, le rapporteur spécial de votre commission, chargé de l'assurance vieillesse, expose, dans son rapport, le mécanisme financier récurrent qui, année après année, permet à l'Etat de réguler, à son profit, la répartition du produit de cette contribution .
En ce qui concerne, par ailleurs, la modification du calendrier de remboursement de la CADES au budget de l'Etat, il apparaît pour le moins irresponsable que la volonté politique de présenter un budget 2002 sous le meilleur éclairage possible ait ainsi pu conduire à ignorer les risques qu'une telle opération fait peser sur la crédibilité de la CADES, qui se finance pour l'essentiel sur les marchés internationaux, ainsi que sur sa capacité, au cours de prochaines années, à honorer ses engagements . Lors de son audition par votre commission le 17 octobre 2001, votre rapporteur a interrogé M. Patrice Ract-Madoux, président de la CADES, sur le point de savoir s'il avait attiré l'attention de ses autorités de tutelle sur les implications d'une telle décision. En réponse, M. Patrice Ract-Madoux a fait état d'une note d'août 2001 adressée au ministre de l'Economie et des Finances mentionnant ses observations.
A la demande du président de votre commission, il a donné lecture des passages suivants de cette note :
« J'apprends que divers projets circulent, visant à remettre, une nouvelle fois, en cause l'équilibre de la Cades, en anticipant certains des versements qu'elle doit faire à l'Etat. Ces projets appellent de ma part plusieurs commentaires. « La vocation prioritaire de la Cades est d'éteindre la dette ancienne de la sécurité sociale, pour permettre à celle-ci de se réorganiser. « Le versement à l'Etat n'est qu'un article budgétaire parasitaire qui a été introduit dès l'origine de la Cades pour créer une recette non fiscale régulière, à hauteur de 12,5 milliards de francs par an de 1996 à 2008. Ce recyclage de CRDS étant quelque peu acrobatique, ce prélèvement a été présenté comme destiné au remboursement d'une dette ancienne de 110 milliards de francs, directement reprise par l'Etat. Ce versement a fait l'objet de critiques de la part de la Cour des comptes, qui avait fait remarquer que l'Etat ne supportait que les intérêts de la dette ancienne et qu'il demandait à la Cades d'assurer en outre un versement représentatif d'un remboursement du capital. Le décalage de cinq milliards de francs de l'exercice 1999 à l'exercice 2000, demandé à la Cades, par le prédécesseur du ministre, a été l'occasion pour les commissions des Finances et des Affaires sociales des deux Assemblées d'évoquer à nouveau le caractère ambigu de ce versement. Y toucher une fois encore soulèvera de nouvelles critiques. « La Cades est une caisse d'amortissement qui doit pouvoir amortir chaque année une partie de la dette qu'elle porte. « Depuis l'origine, malgré l'existence du versement à l'Etat, la Cades a toujours été en mesure d'afficher, chaque année, une certaine capacité à rembourser le capital de la dette qu'elle a émise. Cette capacité a été une première fois réduite lors de la réouverture de la Cades en 1998, puis en 2001, lors de l'entrée en vigueur des mesures d'exonération de CRDS accordées aux retraités et chômeurs non imposables. L'existence d'une capacité résiduelle de remboursement est toutefois soulignée dans les présentations faites auprès des investisseurs étrangers : c'est ainsi que lors d'une récente visite à Londres, les résultats de l'année 2000 ont été présentés de la façon suivante : CRDS nette : 4,5 milliards d'euros, versement à l'Etat : - 1,9 milliard d'euros, intérêts de la dette : - 1,5 milliard d'euros, capacité de remboursement : 1,1 milliard d'euros. « Les mesures votées en 2000 ont ramené la capacité de remboursement de la Cades en 2001 à un milliard d'euros. La mesure proposée reviendrait à ramener à zéro de 2002 à 2005 la capacité de remboursement de capital de la Cades, voire, dans certains cas, à la rendre négative. » |
2. Des circuits de financement qui fragilisent les fondations financières de la sécurité sociale
a) L'affection désormais aléatoire des recettes de certains prélèvements sociaux affecte les comptes des organismes bénéficiaires
Le financement du FOREC a bouleversé, au cours des dernières années, la répartition des prélèvements de nature fiscale affectés à la sécurité sociale, comme l'illustrent, pour les principaux d'entre eux, les deux tableaux ci-après.
Evolution (en valeurs) de l'affectation de certains prélèvements sociaux
(en milliards de francs)
Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU |
LFSS 2000 |
LFSS 2001 |
PJLFSS 2002 |
|
Droits « 403 » sur les alcools |
FSV : 6,7
|
FSV : 1
|
CNAMTS : 6
|
FOREC : 13,2 |
Droits 575 sur les tabacs |
L'économie générale du dispositif CMU prévoit l'affectation d'une fraction spécifique à la CNMATS, précisée par la loi de finances pour 2000. |
Etat : 2,8
|
CNAMTS : 1,5
|
CNAMTS : 5,1
|
Prélèvement social 2 % |
CNAF : 2,4
|
CNAF : 1,5
|
CNAVTS : 3,8
|
CNAVTS : 2
|
Taxe sur les conventions d'assurance |
FOREC : 4,2
|
FOREC : 9,2
|
Base de calcul « Jaune budgétaire : bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ». Projet de loi de finances pour 2002. FIVA : fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Or, cette instabilité n'est pas neutre, financièrement, pour les organismes sociaux concernés . Ainsi, si l'on analyse l'évolution, au cours des années 1999-2002, du produit reçu par la CNAMTS, la CNAVTS, la CNAF et le FSV au titre des principaux prélèvements sociaux, il apparaît que ( cf. tableau ci-dessous ) :
Evolution des recettes des prélèvements
sociaux affectés à la CNAMTS, à la CNAVTS, à la
CNAF et au FSV
(en milliards de francs)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
CNAMTS |
||||
Droits 403 sur les alcools |
0,6 |
5,5 |
0 |
0 |
Droits 575 sur les tabacs |
4,2 |
7,5 |
1,5 |
5,1 |
Prélèvement social 2 % |
3,0 |
0,9 |
0 |
0 |
Solde |
7,8 |
13,9 |
1,5 |
5,1 |
CNATVS |
||||
Prélèvement social 2 % |
5,3 |
3,5 |
3,8 |
2 |
CNAF |
||||
Prélèvement social 2 % |
2,4 |
1,5 |
0 |
0 |
FSV |
||||
Droits 403 sur les alcools |
6,7 |
0 |
0 |
0 |
Prélèvement social 2 % |
2,5 |
2,6 |
||
Solde |
6,7 |
0 |
2,5 |
2,6 |
F2R |
||||
Prélèvement social 2 % |
5,8 |
6,3 |
8,6 |
- la CNAVTS et la CNAF perdent progressivement la fraction des prélèvements qui leur était affectée ;
- le FSV ne conserve, en 2002, qu'un tiers du montant total dont il bénéficiait en 1999 ;
- l'amplitude de variation des recettes de la CNAMTS est particulièrement forte d'une année sur l'autre (13,9 milliards de recettes en 2000 ; 1,5 milliard en 2001) .
Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la signification réelle du solde affiché par l'une ou l'autre branche du régime général, et plus particulièrement par la CNAMTS, pendant la période considérée .
Par ailleurs, quelle crédibilité de tels comptes peuvent-ils avoir à l'égard des assurés ou des professionnels de santé que l'on entend, par ailleurs, et sur la base de ces chiffres, « responsabiliser » ?
b) L'affectation au FOREC de certains prélèvements sociaux remet en cause leur légitimité
En 2002, le FOREC sera bénéficiaire de 100 % du produit des droits sur les alcools, de 100% du produit de la taxe sur les véhicules à moteur, et de 90,77 % du produit des droits sur le tabac.
Or, la création de ces divers droits ou taxes avait été justifiée, à l'origine, par la contribution nécessaire des Français au coût, pour l'assurance maladie, de l'alcoolisme, du tabagisme et des accidents de la circulation. Le fait de les affecter à un fonds dont la vocation est totalement différente remet en cause, du même coup, leur légitimité . Heureusement, l'opacité des circuits de financement de la sécurité sociale empêche, ou décourage, le contribuable français qui, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, souhaiterait s'informer plus avant sur ces contributions publiques...
c) Des transferts financiers qui compromettent gravement le financement de certains acquis : l'exemple de la CMU et du FSV
Les transferts financiers mis en oeuvre ces dernières années, notamment pour alimenter le FOREC, ont également des effets pervers sur l'équilibre de certaines prestations, telle la couverture maladie universelle (CMU), ou de certaines structures, tel le FSV, dont ils hypothèquent l'avenir.
Le financement de la couverture universelle maladie « de base » était initialement organisé sur la base du schéma suivant :
Le financement de la couverture maladie de
base
(schéma initial)
(en millions de francs)
Dépenses |
Recettes |
||
Dépenses actuelles |
12.025 |
Tabacs |
3.500 |
Extension du champ |
600 |
Prélèvement social |
2.700 |
Droits alcools |
600 |
||
Cotisations assurés |
100 |
||
Cotisations |
830 |
||
TOTAL |
12.625 |
7.730 |
|
SOLDE - 4.895 |
Source : commission des Affaires sociales.
Ce financement se traduisait, notamment, par l'affectation à la CNAMTS de ressources supplémentaires, à savoir :
- 28 % du produit du prélèvement social de 2 % ;
- 5 % des droits « 403 » des droits sur les alcools, transférés du FSV (à compter du 1 er janvier 2000, et compte tenu des nouvelles règles de répartition de la contribution sociale généralisée, la CNAMTS devint bénéficiaire de la totalité de la fraction des droits « 403 » antérieurement affectée aux régimes d'assurance maladie, soit 45 %, les 55 % restants demeurant affectés au FSV) ;
- 6,89 % des droits sur les tabacs, s'ajoutant aux 9,1 % dont la CNAMTS bénéficiait déjà par ailleurs ;
- à compter de l'exercice 2001, la totalité du produit de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur, auparavant réparti entre les régimes d'assurance maladie.
Or, les transferts financiers directs et indirects mis en place pour « alimenter » le FOREC ont dépouillé, peu à peu, la CNAMTS des recettes qui lui avaient été affectées au titre du financement de la CMU « de base ».
Au cours des années 2000-2002, la CNAMTS aura ainsi perdu :
- la « part CMU » des droits sur les tabacs (transférée au FOREC) ;
- les 28 % du prélèvement social de 2 % (transférés au F2R);
- les 45 % des droits « 403 » sur les alcools (transférés au FOREC) ;
- la totalité de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur (transférée au FOREC en 2002, la CNAMTS n'ayant ainsi bénéficié de la totalité de cette taxe que pendant l'année 2001).
En conséquence, les comptes de la CMU « de base », déjà structurellement déficitaires (- 6,7 milliards de francs en 2000 et - 5 milliards de francs prévus en 2001, selon la CNAMTS), seront particulièrement déstabilisés en 2002, année à partir de laquelle la CNAMTS perdra, tout à la fois, le produit de la taxe sur les véhicules à moteur et sa fraction des droits « 403 » sur les alcools au profit du FOREC. Interrogée par votre rapporteur sur le point de savoir comment serait alors financée la CMU « de base », la CNAMTS a avoué son ignorance en ce domaine, tout en soulignant que le déficit correspondant sera, bien entendu, agrégé au déficit global de l'assurance maladie.
La même incohérence apparaît en ce qui concerne les comptes du Fonds de solidarité vieillesse .
Constitué initialement en 1993 sur la base d'une mission cohérente, à savoir le financement des prestations d'assurance vieillesse à caractère non contributif, et disposant de ressources propres affectées (fraction de la CSG, 100 % des droits sur les alcools et sur les boissons alcoolisées, contribution sociale de solidarité des sociétés, taxe de prévoyance), le Fonds de solidarité vieillesse a progressivement connu un « démembrement » de cette cohérence d'origine, qu'il s'agisse :
- de ses recettes : le FSV a ainsi perdu, au profit du FOREC, la totalité des droits sur les alcools et devrait également perdre, en 2002, la taxe de prévoyance. Parallèlement, la fraction de CSG dont il bénéficie a été réduite en 2001, d'abord au profit de la CNAMTS, puis une seconde fois au profit du fonds de financement de l'allocation d'aide personnalisée à l'autonomie. Enfin, le circuit pour le moins subtil de distribution du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés entre les régimes de sécurité sociale des professions indépendantes, le BAPSA et le FSV réduit généralement ce dernier à la portion congrue ;
- de ses dépenses : deux mesures nouvelles ont, à partir de 2001, mis à mal la cohérence des interventions du FSV, à savoir, d'une part, l'extension de son champ d'action aux régimes de retraite complémentaires, par la mise à sa charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'AGIRC et de l'ARRCO et, d'autre part, le transfert progressif à la CNAF du coût des majorations de pension pour enfants que finançait, au titre de la solidarité nationale depuis 1994, le Fonds de solidarité vieillesse.
Or, l'ensemble de ces transferts n'a, en réalité, d'autre justification que financière et entre dans le cadre plus général du circuit de financement mis en oeuvre, à partir de 2000, pour alimenter le FOREC. En conséquence, la cohérence du FSV a été gravement remise en cause. En outre, et compte tenu de la disparition de ses excédents, ce dernier est désormais incapable de contribuer au financement du fonds de réserve des retraites.