Rapport n° 60 (2001-2002) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2001

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N° 60

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome I : Équilibres financiers généraux et Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3307 , 3319, 3345 et T.A. 717

Sénat : 53 et 61 (2001-2002)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au cours de ces dernières années, les recettes de la sécurité sociale, « dopées » par la croissance, ont connu un rythme de progression dynamique, supérieur à celui de ses dépenses.

Cette « manne de la croissance » s'est traduite par une amélioration incontestable des soldes correspondants.

Toutefois, un examen plus attentif des comptes met en évidence divers indices d'une « déperdition financière » au détriment de la sécurité sociale. Il apparaît ainsi que l'amélioration de la situation financière de la sécurité sociale n'est, ni aussi certaine, ni aussi solide que pourraient le laisser penser, de prime abord, les annonces triomphales du Gouvernement.

En fait, les recettes de la croissance ont été « confisquées » à la sécurité sociale afin d'assurer, par l'intermédiaire du fonds de réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), le financement d'une coûteuse politique de l'emploi, les fameuses « trente-cinq heures », dont la charge, qui aurait dû être supportée par l'Etat, s'avérait incompatible avec la vertu budgétaire proclamée et affichée par le Gouvernement.

L'analyse des incidences du FOREC sur la sécurité sociale ne relève donc pas de la psychose obsessionnelle. Elle se situe au coeur même de toute évaluation objective de sa situation financière.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, votre commission des Affaires sociales avait déjà dénoncé les circuits de financement mis en oeuvre afin de réaliser ce détournement des recettes de la sécurité sociale au profit du FOREC, circuits de financement dont l'opacité et l'instabilité fragilisent les fondations financières de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit résolument dans la continuité avec son lot de nouveaux branchements pour 2002 et ses ponctions rétroactives, en vertu du principe qui a fait ses preuves selon lequel la sécurité sociale est compensée intégralement du coût des trente-cinq heures... grâce aux recettes qui lui sont confisquées.

Il présente toutefois l'indubitable originalité de rouvrir les comptes d'un exercice clos, ceux de l'exercice 2000, arrêtés par les conseils d'administration des caisses, approuvés par les autorités de tutelle et transmis à la Cour des comptes. Marquant « sa volonté de transparence » et refusant « de céder à la facilité » 1 ( * ) , le Gouvernement laisse une ardoise de 15 milliards de francs à la sécurité sociale en n'honorant pas la créance qu'elle détenait au titre de la compensation des exonérations de cotisations liées à la réduction du temps de travail.

Enfin, pour faire bonne mesure, le Gouvernement entend mobiliser en 2002 les excédents de la branche famille qui lui avaient jusqu'alors échappés : 8 milliards de francs au titre des exercices 1999 et 2000.

Ainsi, à l'issue d'une période de croissance économique exceptionnelle, la sécurité sociale se trouve dépourvue de toute réserve pour affronter une conjoncture difficile. Ses comptes pour 2002 se révèlent d'une extrême fragilité ; les marges dont elle a disposé, détournées pour financer la coûteuse politique des trente-cinq heures et « mangées » par une dérive subie des dépenses d'assurance maladie, n'ont pas été utilisées pour mettre en place les réformes indispensables à la pérennité de notre système de protection sociale.

L'inéluctable réforme des retraites reste au stade du diagnostic tandis que le fonds de réserve se constitue laborieusement aux dépens du remboursement des dettes existantes ; la branche famille, ponctionnée, est en panne de véritables projets ; l'assurance maladie dont les déficits se creusent de façon alarmante, fait l'objet, selon l'aveu même du Gouvernement, d'une « esquisse » de règle du jeu qui est une sorte de testament flou pour la prochaine législature.

PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LES RECETTES DE LA CROISSANCE : UNE MANNE CONFISQUÉE AU PROFIT DU FOREC

A. L'AUBAINE DE LA CROISSANCE

1. Des recettes « dopées » par la croissance

a) La confirmation de la « sensibilité conjoncturelle » des recettes de la protection sociale

Après la récession des années 1991-1993 consécutive à la guerre du Golfe, qui fut l'une des plus graves d'après-guerre (le PIB français en volume s'est contracté de - 0,9 point en 1993), et, suite à la reprise avortée des années 1994-1995, l'économie française, tout d'abord stimulée par une forte demande extérieure « tirée » par l'expansion américaine, s'est engagée, à partir de 1997, dans un cycle de croissance vigoureux qui culmina en 2000.

Ce retour de la croissance a eu des effets positifs sur les comptes sociaux. A l'examen, il apparaît toutefois que ces effets positifs se sont principalement traduits par une augmentation significative de leurs recettes dont le rythme de progression dépasse, en fin de cycle, celui des dépenses .

Si l'on compare ainsi, pour la période 1994-2000, l'évolution, d'une part, du PIB en volume et, d'autre part, le taux de croissance annuel en pourcentage des recettes et des dépenses des administrations sociales au sens de la comptabilité nationale (cf. graphique ci-après) , il apparaît que le rythme de progression des recettes est, à partir de 1998, supérieur d'environ un point et demi à celui des dépenses (qui demeure, par ailleurs, dynamique).

Evolution comparée du taux de croissance du PIB (en volume), des recettes
et des dépenses des administrations de sécurité sociale
(1994-2000)

Le constat est similaire en ce qui concerne l'agrégat de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale (cf. tableau ci-après) . Le total des recettes progresse ainsi de 1.664 milliards de francs en 1997 à 1.886 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de + 13,3 % . L'écart entre l'objectif initial de recettes et sa réalisation effective atteint 13,4 milliards en 1998, 8,6 milliards en 1999 et 12,8 milliards en 2000.

Evolution de l'agrégat de recettes de la loi de financement
de la sécurité sociale 1997-2000

(en millions de francs)

Objectifs 1

Réalisations 2

Ecarts
3 = 2 - 1

1997

Cotisations effectives

1.152,4

1.154,9

2,5

Cotisations fictives

181,9

181,2

- 0,7

Contributions publiques

63,9

68,6

4,7

Impôts et taxes affectés

223,6

221,0

- 2,6

Transferts reçus

4,7

4,6

0,1

Revenus des capitaux

1,8

1,4

- 0,4

Autres ressources

30,0

32,6

2,6

Total des recettes

1.658,3

1.664,5

6,2

1998

Cotisations effectives

1.034,1

1.042,8

8,7

Cotisations fictives

186,9

187,1

0,2

Contributions publiques

62,0

66,6

4,6

Impôts et taxes affectés

403,0

401,2

- 1,8

Transferts reçus

4,6

4,8

0,2

Revenus des capitaux

1,3

1,4

0,1

Autres ressources

31,1

32,5

1,4

Total des recettes

1.723,0

1.736,4

13,4

1999

Cotisations effectives

1.062,9

1.061,8

- 1,1

Cotisations fictives

194,8

195,9

1,1

Contributions publiques

63,8

68,5

4,7

Impôts et taxes affectés

438,7

442,7

4,0

Transferts reçus

5,2

4,3

- 0,9

Revenus des capitaux

1,4

1,5

0,1

Autres ressources

32,6

33,3

0,7

Total des recettes

1.799,5

1.807,9

8,6

2000

Cotisations effectives

1.018,2

1.027,2

9,0

Cotisations fictives

200,7

201,7

1,0

Contributions publiques

94,3

92,6

- 1,7

Prises en charge par l'Etat

23,3

21,3

- 2,0

Impôts et taxes affectés

516,8

519,9

3,1

Dont FOREC

59,6

54,7

- 4,9

Transferts reçus

4,7

2,7

- 2,0

Revenus des capitaux

1,7

2,3

0,6

Autres ressources

37,1

39,9

2,8

Total des recettes

1.873,5

1.886,3

12,8

Source : Direction de la sécurité sociale

S'agissant plus particulièrement du régime général de sécurité sociale, le pourcentage annuel d'augmentation de ses recettes (en encaissements/décaissements) passe ainsi de + 2,96 % en 1997 à + 6,23 % en 2000. Parallèlement, ce même pourcentage passe de + 1,22 % en 1997 à + 5,87 % en 2000 pour les dépenses. S'agissant de ces dernières, il convient également de noter qu'après avoir connu un ralentissement notable pendant la période 1995-1997 (1995 : + 7,20 % ; 1996 : + 0,59 %), celles-ci repartent ensuite à la hausse à un rythme toujours plus rapide qui tend, en 2000, à « rattraper » celui des recettes.

Evolution comparée du taux de croissance du PIB (en volume) et des recettes
et des dépenses du régime général de sécurité sociale
1994-2000

L'aubaine de la croissance et la diminution corrélative du chômage ont donc essentiellement bénéficié à la protection sociale par le biais de ses recettes. La « sensibilité conjoncturelle » desdites recettes, qui sont tributaires de l'influence de l'activité économique sur l'évolution de leurs assiettes respectives (salaires, revenus du patrimoine, etc.) se trouve ainsi confirmée. Le même phénomène explique également la dégradation des comptes sociaux observée au cours de la récession de la première moitié des années 1990.

b) Une « sensibilité conjoncturelle » amplifiée par des éléments propres à la période considérée

Deux éléments particuliers à la récente période de croissance paraissent toutefois avoir amplifié cette « sensibilité conjoncturelle » des recettes, à savoir :

- d'une part : une croissance de la masse salariale qui, à partir de 1999, devient supérieure d'environ deux points à celle du PIB (le décalage moyen constaté entre ces deux indicateurs étant habituellement d'un point sur le moyen et long terme), comme l'illustre le graphique ci-après.

Evolution comparée du taux de croissance du PIB (en volume)
et de la masse salariale 1993-2002

Cette situation s'explique, tout d'abord, par l'évolution particulièrement favorable de l'emploi salarié au cours de la période considérée.

On ne peut exclure, en outre, que les chefs d'entreprise, confrontés à une plus grande mobilité des salariés et, du moins dans certains secteurs, à une pénurie de main-d'oeuvre, aient parfois souhaité proposer des salaires plus attractifs.

La croissance de la masse salariale qui en a résulté a augmenté d'autant les recettes de cotisations de la sécurité sociale, assises sur les salaires (un point de masse salariale en plus entraînant, pour le seul régime général, une recette supplémentaire d'environ 10 milliards de francs).

- d'autre part : la substitution de la CSG aux cotisations salariales pour le financement de l'assurance maladie. Après une première étape en 1997, l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 procède à une substitution totale sur les bases suivantes : au 1 er janvier 1998, les taux de CSG augmentent de 4,1 points sur les revenus d'activité, de patrimoine et de placement, et de 2,8 points sur les revenus de remplacement. En contrepartie, les taux de cotisations (part salariale), inférieurs ou égaux à 4,75 % pour les revenus d'activité et à 2,8 % pour les revenus de remplacement, sont supprimés (les autres taux d'assurance maladie ayant été réduits par décret). Or, dans son rapport de septembre 1999 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a évalué l'incidence financière de cette substitution pour l'assurance maladie du régime général. La Cour constate ainsi que « l'ensemble des cotisations et de la CSG allant au régime général (métropole, y compris les remboursements de cotisations) atteignent 1.084,7 milliards de francs en 1998, contre 1.039,6 en 1997, soit une augmentation de 4,  %. Cette progression, légèrement supérieure à celle du PIB et des revenus d'activité (voisines de 4% en 1998) traduit le gain retiré par le régime général de l'opération de substitution . » (cf. tableau ci-après).

Bilan financier de la substitution de la CSG
aux cotisations salariales d'assurance maladie

(en millions de francs et %)

Montants

Variations

1996

1997

1998

1997

1998

Cotisations sur salaires du secteur privé

747,2

730,2

682,3

- 2,3

- 6,6

Cotisations sur autres revenus d'activité

131,2

129,5

102,7

- 1,3

- 1,7

Cotisations sur revenus de remplacement

16,8

19,3

3,1

- 14,9

- 83,8

Autres cotisations

3,5

3,3

3,1

- 5,7

- 57,0

TOTAL hors cotisations prises en charge

898,6

882,4

791,2

- 1,8

- 10,3

Cotisations prises en charge par l'Etat ou les régimes sociaux

59,9

73,1

66,8

22,0

- 8,5

Total des cotisations

958,5

955,5

858,0

- 0,3

- 10,2

CSG

44,3

84,1

226,7

89,8

169,6

Total des cotisations et de la CSG (métropole)

1.002,8

1.039,6

1.084,7

3,7

4,3

Rappel : Total des ressources du régime général (métropole + DOM) (Cf. tableau p21)

1.130,6

1.184,2

1.236,2

4,7

4,4

Source : Cour des comptes - rapport sur la sécurité sociale de septembre 1999

La structure même des recettes de la sécurité sociale a été ainsi modifiée au profit d'une ressource, la CSG, dont l'assiette est non seulement plus large que celle des cotisations qu'elle a remplacées (d'où le « gain » mis en évidence par la Cour des comptes) mais qui est également plus « élastique » : la commission des comptes de la sécurité sociale estime ainsi le rendement d'un point de CSG à environ 50 milliards de francs.

2. Une amélioration incontestable des soldes de la protection sociale

Une progression des recettes, « portée » par la croissance, et supérieure à celle des dépenses, ne pouvait que favoriser l'amélioration des soldes de la protection sociale, que ceux-ci soient envisagés au niveau macro-économique ou des seuls comptes du régime général.

a) L'apparition récente d'une capacité de financement des administrations sociales au sens de la comptabilité nationale

Comme l'illustre le graphique ci-après, en 2000, et « pour la deuxième année consécutive, les administrations présentent une capacité de financement. Elle s'établit à 54,6 milliards de francs, soit 0,6 % du PIB. En 1999, cette capacité de financement était de 24,7 milliards de francs. » (rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2001).

Evolution comparée du PIB (en volume) et du besoin (ou de la capacité)
de financement des administrations de sécurité sociale
(au sens de la comptabilité nationale) 1995-2000

b) Un excédent global du régime général recouvrant une situation contrastée selon les branches

Sur la base du rapport de septembre 2001 de la commission des comptes de la sécurité sociale, et avant prise en compte des mesures nouvelles prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le solde total du régime général (cf. graphique page ci-après) passerait ainsi, en droits constatés, de - 9,4 milliards de francs en 1998 à + 6,1 milliards de francs en 2002 (comptes prévisionnels pour ce dernier exercice).

Cette évolution favorable recouvre toutefois une situation contrastée selon les branches, l'assurance maladie demeurant lourdement déficitaire (- 14,7 milliards en 1998 ; - 13,1 milliards en 2000), l'excédent de la CNAVTS progressant régulièrement (+ 2,8 milliards en 1998 ; + 4,4 milliards de francs en 2000), et la CNAF dégageant des excédents désormais significatifs (+ 10,7 milliards en 2000 contre - 879 millions en 1998).

Evolution comparée (1993-2002) des recettes, des dépenses et de la variation du fonds de roulement du régime général

3. Les indices d'une « déperdition financière » au détriment de la sécurité sociale

Si l'amélioration de la situation financière de la protection sociale, due à la croissance, est incontestable, divers indices laissent à penser que, s'agissant plus particulièrement du régime général, cette amélioration n'est pas aussi prononcée qu'elle aurait pu l'être au regard du dynamisme de ses recettes au cours de la période considérée.

a) La faible contribution du régime général à l'amélioration de la capacité de financement des administrations sociales au sens de la comptabilité nationale

Contribution respective des différentes administrations de sécurité sociale
au rétablissement de leur capacité totale de financement (1996-2000)

(en milliards de francs)

1996

1997

1998

1999

2000
(provisoire)

Régime général

- 48,8

- 29,9

- 20,3

3,1

- 2,4

Fonds spéciaux (1)

- 0,6

0,5

1,5

1,5

18,4

Autres régimes (2)

- 1,0

- 3,6

2,6

- 1,2

4,7

Régimes complémentaires

- 9,0

- 1,8

5,2

12,3

21,2

Assurance chômage

22,8

- 3,6

0,4

12,8

16,6

Total des régimes d'assurance sociale

- 36,6

- 38,4

- 10,6

28,5

58,5

Organismes dépendant des assurances sociales (ODASS)

1,7

2,8

1,1

- 3,8

- 3,9

Administrations de sécurité sociale

- 34,9

- 35,6

- 9,5

24,7

54,6

En % du PIB

- 0,4

- 0,4

- 0,1

0,3

0,6

Source : Cour des comptes - Rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001.

(1) Cette rubrique contient les fonds suivants : fonds de solidarité vieillesse (FSV), fonds de réserve des retraites (F2R), fonds commun d'accidents du travail (FCAT), fonds commun d'accidents du travail agricole (FCATA), service de l'allocation spéciale vieillesse (SASV), fonds de compensation des organismes de sécurité sociale (FCOSS). La CADES ne fait pas partie des administrations de sécurité sociale. Elle est classée parmi les « organismes divers d'administration centrale » (ODAC).

(2) Régimes particuliers de salariés, régimes de non salariés non agricoles et régimes agricoles.

Les données de 1996 à 1998 sont définitives, celles de 1999 semi-définitives et celles de 2000 provisoires.

Si l'on analyse, comme l'a fait la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001, la contribution de chacune des « administrations de sécurité sociale » à l'amélioration de leur capacité totale de financement ( cf. tableau ci-dessus ), il apparaît que le redressement constaté au cours de la période 1996-2000 est dû « à la forte amélioration de la capacité de financement des régimes complémentaires, des fonds spéciaux et, dans une moindre mesure, de l'assurance chômage. » En revanche, le régime général ne dégage une capacité de financement (c'est-à-dire, en d'autres termes, un solde positif) qu'en 1999 et présente, à nouveau, en 2000, un besoin de financement de 2,4 milliards de francs .

b) La « modestie » des excédents dégagés par le régime général au cours de ces dernières années

Par ailleurs, si l'on ramène les soldes excédentaires du régime général au montant total de ses recettes et de ses dépenses, on ne peut qu'être frappé par leur « modestie » ( cf. tableau ci-dessous ).

(en milliards de francs et en droits constatés)

1999

2000

2001

2002

1 - Produits

1.374

1.424

1.491

1.545

2 - Charges

1.371

1.420

1.482

1.539

3 - Résultat net

3,2

4,3

8,3

6,1

3/1

0,23 %

0 ,3 %

0,55%

0,39 %

3/2

0,23 %

0,3 %

0,56 %

0,39 %

Certes, des excédents, même modestes, sont toujours préférables à des déficits, mais cette « modestie » paraît difficilement explicable au regard du dynamisme de la progression des recettes du régime général qui, au cours des années considérées, et dans un contexte économique exceptionnel, est devenue supérieure à celle de ses dépenses.

c) Le maintien, en loi de financement de la sécurité sociale, du plafond d'emprunt du régime général à un niveau élevé

Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale fixe, pour les régimes obligatoires (et, notamment, pour le régime général) « qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles (leurs) besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. » (article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale) .

La notion de besoin de trésorerie doit être, bien évidemment, distinguée de celles de besoin de financement ou de résultat comptable. Ces dernières s'apprécient sur un exercice donné par comparaison de l'ensemble des emplois et des ressources ou des produits afférents à l'année. Le besoin de trésorerie  est, quant à lui, « instantané ». Toutefois, si ce besoin de trésorerie peut être ponctuel, et résulter d'un calendrier d'encaissements et de dépenses heurté ou défavorable, son évolution à court et moyen terme traduit également « l'aisance financière » du régime considéré. Ainsi, l'évolution du plafond jusqu'auquel le régime général est autorisé, par la loi de financement de la sécurité sociale, à recourir à l'emprunt pour faire face à ses besoins de trésorerie constitue un indicateur pertinent pour évaluer sa « marge de manoeuvre » financière.

Or, le maintien, au cours de ces dernières années (cf. tableau ci-dessous) , de ce plafond d'emprunt à un niveau élevé (29 milliards en depuis 1999) apparaît paradoxal, sinon contradictoire, au regard du contexte financier favorable qu'a connu le régime général pendant les exercices en cause.

Evolution du plafond d'emprunt autorisé au régime général
1997-2002

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Loi ss 97

Rectifié

Loi ss 98

Rectifié

Loi ss 99

Rectifié

Loi ss 2000

Loi ss 2001

PLFSS 2002

66,0

80,0

20,0

31,0

24,0

29,0

29,0

29,0

29,0

Sauf à considérer que le maintien du plafond d'emprunt du régime général à un niveau élevé traduit une application pour le moins sourcilleuse du (désormais) fameux principe de précaution, on ne peut donc que légitimement s'interroger sur la « déperdition financière » susceptible d'expliquer un tel maintien.

d) Une progression des recettes de cotisations du régime général inférieure à l'évolution de la masse salariale à partir de l'année 2000

Les effets bénéfiques, sur les recettes de cotisations du régime général, de la vigoureuse progression de la masse salariale ont été précédemment exposés. Toutefois, comme le relève la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2001 : « Si le régime général continue de bénéficier de recettes dynamiques sur la période sous revue, + 4,4 % en 2000 et + 4,9 % en 2001, celles-ci sont moins vives que ne pourrait le laisser espérer la croissance de la masse salariale . »

Analysant les causes de ce phénomène, la commission des comptes nous livre la clé de l'énigme et confirme, par la même occasion, les interrogations nées des précédents indices d'une « déperdition financière » au détriment de la sécurité sociale. En effet, la commission des comptes de la sécurité sociale précise que : « en 2000 et en 2001, les caisses du régime général n'intègrent dans leurs comptes qu'un remboursement partiel des exonérations de charges sociales liées à la réduction du temps de travail... L'impact financier de cette compensation partielle des exonérations, qui amenuise les recettes du régime général , doit être présent à l'esprit pour apprécier correctement l'évolution des recettes et notamment des recettes de cotisations . Ainsi, pour retrouver l'évolution des cotisations des actifs du régime général, il faut tenir compte de cette compensation partielle. Pour 2000, l'évolution des cotisations sur revenus d'activité serait alors de + 6,2 %. »

Ce constat est d'ailleurs corroboré par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001 , qui souligne que le besoin de financement du régime général (- 2,4 milliards de francs) constaté, en comptabilité nationale, pour l'année 2000, « résulte de l'imputation, dans les comptes nationaux, du déficit du FOREC 2 ( * ) aux régimes de sécurité sociale, et non à l'Etat » .

Ainsi, le financement des exonérations de cotisations par l'intermédiaire du FOREC 2 ( * ) constitue donc un élément incontournable et fondamental de toute analyse objective et complète de l'évolution des comptes de la sécurité sociale au cours de ces dernières années.

A l'examen, il s'avère d'ailleurs que ce financement a permis de détourner, au profit du FOREC, une partie significative de la « manne de la croissance » dont aurait dû bénéficier la sécurité sociale.

B. UNE MANNE FINANCIÈRE « CONFISQUÉE » AU PROFIT DU FOREC

1. Une politique de l'emploi dont le coût est incompatible avec la vertu budgétaire

a) Le garde-fou de la « loi Veil » de juillet 1994

Initiée à la faveur de la crise économique des années 1970, la politique d'incitation à l'embauche, notamment de la main-d'oeuvre la moins qualifiée, par le biais d'exonérations partielles ou totales de cotisations sociales patronales s'est plus particulièrement développée au cours des années 1980. Décidées par l'Etat, ces politiques se traduisaient, le plus souvent, par une perte de recettes de cotisations, non compensées, pour les régimes obligatoires de sécurité sociale. Cette absence de compensation avait ainsi nourri, parmi d'autres éléments, la célèbre polémique sur les « charges indues » supportées par la sécurité sociale, qui servait d'ailleurs parfois de prétexte aux partenaires sociaux comme alibi à leur propre inaction.

Afin de mettre fin à cette polémique stérile, et de placer chacun devant ses responsabilités, l'article 5 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, dite « loi Veil », codifié depuis à l' article L. 131-7 du code de la sécurité sociale , dispose que :

« Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. »

Conformément à cette disposition, les mesures d'exonérations de cotisations antérieures à 1994 sont demeurées non compensées et, de ce fait, à la charge de la sécurité sociale . Il s'agit, principalement, du contrat emploi-solidarité (loi du 19 décembre 1989), du contrat emploi consolidé (loi du 29 juillet 1992) et de l'exonération pour l'embauche d'un premier salarié (loi du 13 janvier 1989). Les autres dispositifs sont des exonérations accordées au titre des emplois familiaux et des mesures en faveur du temps partiel. Le total de ces exonérations de cotisations non compensées représente environ 15 milliards de francs par an (cf. tableau ci-dessous).

Exonérations de cotisations non compensées

(en millions de francs)

1999

2000

2001 est.

2002 prév.

Contrats emploi solidarité

3.109,24

2.827,17

2.217,13

1.757,96

Contrats emploi consolidé

1.994,11

2.381,12

2.774,30

3.135,47

Embauche 1 er salarié

2.978,04

2.531,99

2.263,05

1.744,85

Abattement temps partiel

3.102,68

2.958,37

2.741,90

2.453,28

Autres (1)

577,24

478,85

465,73

406,69

1. Sous-total

11.761,31

11.177,51

10.462,51

9.491,70

2. Emplois familiaux (2)

3.824,23

4.204,68

4.631,06

4.840,96

Total mesures emploi (1 + 2)

15.585,54

15.382,19

15.093,57

14.339,22

(1) Associations intermédiaires, CRE, contrats d'orientation, cumuls exo AF-temps partiel...

(2) Données provisoires : employeurs de personnel de maison, chèque Emploi service et aide à domicile

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

En revanche, les nouveaux dispositifs d'exonérations de cotisations 3 ( * ) entrés en vigueur à partir de 1994 ont été, du moins jusqu'en 2000, compensés à la sécurité sociale par le budget de l'Etat. Sont concernés :

- la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé » : entrée en vigueur le 1 er septembre 1995, la ristourne dégressive sur les bas salaires est fusionnée, depuis le 1 er octobre 1996, avec le dispositif précédent d'exonération des cotisations d'allocations familiales. En 1998, cette fusion a été pérennisée sous la forme d'une réduction unique de cotisations patronales de sécurité sociale (soit un coût, pour le budget de l'Etat, d'environ 40 milliards de francs) ;

- l'allégement en faveur de l'incitation à la réduction collective du temps de travail institué par la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, dite « exonération de Robien » (soit un coût d'environ 600 millions de francs) ;

- l'aide incitative créée par l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998, dite « Aubry I » : la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail prévoit que la durée légale du travail sera abaissée à 35 heures au 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et au 1 er janvier 2002 pour les entreprises de taille inférieure. Une aide incitative, forfaitaire et dégressive, est accordée aux entreprises s'engageant, par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement, dans une démarche « anticipée » de réduction du temps de travail (soit un coût d'environ 15 milliards de francs) ;

- les exonérations de cotisations d'allocations familiales pour les salariés des exploitants agricoles et des entreprises relevant de certains régimes spéciaux de sécurité sociale, ainsi que pour les salariés des entreprises situées dans des zones de revitalisation rurale et des entreprises nouvelles exonérées d'impôt (soit un coût d'environ 3,8 milliards de francs).

Ce dispositif de financement des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, qui présentait le mérite de la transparence, et qui plaçait chacun des acteurs concernés, Etat et sécurité sociale, face à ses propres responsabilités, a été irrémédiablement compromis et bouleversé à compter de l'année 2000, c'est-à-dire à compter de l'entrée en vigueur effective des nouveaux « allégements 35 heures » .

b) « Le dispositif permanent d'aide à la réduction du temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour les finances publiques »

La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 prévoit la mise en place, à compter du 1 er février 2000, d'un nouvel allégement de charges sociales qui élargit et associe, dans le cadre des 35 heures, les dispositifs précédents d'aide sur les bas salaires et en faveur de la réduction du temps de travail.

Compte tenu de ces nouveaux « allégements 35 heures », « les allégements sur bas salaires et exonérations liés à la réduction du temps de travail sont aujourd'hui de très loin les mesures les plus importantes en masses financières en approchant les 100 milliards de francs selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) . » 4 ( * )

Conformément aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, ces 100 milliards de francs, résultant d'allégements ou d'exonérations de cotisations entrés en vigueur après 1994, auraient dû rester à la charge intégrale du budget de l'Etat.

Or, à l'occasion de sa mission d'information sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) réalisée au printemps dernier, la commission des Affaires sociales du Sénat a obtenu communication de diverses notes internes de l'administration des Finances, et notamment de la Direction du budget, soulignant l'impossibilité de financer ce dispositif sans compromettre l'équilibre du budget de l'Etat. 5 ( * )

Ainsi, par note en date du 17 février, la Direction du budget précise que « le dispositif permanent d'aide à la réduction du temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour les finances publiques. » La réalité de ce surcoût net est d'ailleurs facile à démontrer. Il suffit, pour ce faire, d'imputer au budget de l'Etat le total des dépenses actuellement comptabilisées au titre du FOREC, minoré des recettes fiscales transférées audit FOREC par l'Etat (pour faire bonne mesure, et ne pas être accusé de partialité, le produit de la contribution sociale sur le bénéfice des sociétés, instituée spécialement pour financer le FOREC, est également « reversée » au budget de l'Etat dans le cadre de cette simulation). Le tableau ci-dessous décrit le détail des opérations correspondantes.

Evaluation du coût, pour le budget de l'Etat, des allégements et des exonérations de cotisations de sécurité sociale en l'absence de création du FOREC

(en milliards de francs)

2000

2001

2002

Dépenses imputées au FOREC (1)

75

95

102

Recettes fiscales de l'Etat transférées au FOREC (2) :

Droits tabac

42,3

45

48,9

Taxe générale sur les activités polluantes

2,7

3,5

3,3

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

3,8

6

5,9

Taxe sur les conventions d'assurance

0

7,2

9,2

Taxe sur les véhicules de société

0

4,5

4,6

Total (2)

48,8

66,2

71,9

Solde (1) - (2)

- 26,2

- 28,8

- 30,1

Ce calcul élémentaire permet d'établir que la prise en charge intégrale, par l'Etat, de la totalité des allégements et exonérations de cotisations concernés (à savoir, d'une part, la ristourne « Juppé », les exonérations « de Robien » et l'aide incitative Aubry I, déjà à sa charge en 1999 et, d'autre part, le nouvel allégement « 35 heures » Aubry II) se traduirait par un solde négatif d'environ 30 milliards de francs par an .

En conséquence, le déficit budgétaire, après s'être réduit entre 1997 et 1999, se serait à nouveau sensiblement dégradé à compter de l'exercice 2000 ( cf. graphique ci-après ).

A l'évidence, la « masse critique » désormais atteinte par les allégements et les exonérations de cotisations sociales se serait révélée totalement incompatible avec la vertu budgétaire proclamée et affichée par le Gouvernement .

Dès lors, et cédant à un tropisme familier, le ministère des Finances est allé chercher ailleurs l'argent nécessaire...et décida de mettre à contribution la « manne de la croissance » dont bénéficiait, alors, le secteur de la protection sociale. Par note en date du 17 janvier 2000, la Direction du budget indiquait ainsi que « seuls [l'UNEDIC et les organismes de sécurité sociale] sont durablement en mesure de dégager les marges de financement nécessaires. »

c) Une solution ingénieuse : la mise à contribution de la sécurité sociale par l'intermédiaire du FOREC

Un premier plan de financement, mettant directement à contribution l'assurance chômage et les régimes obligatoires de sécurité sociale fut donc présenté à l'automne 1999. Cette contribution était justifiée, selon le Gouvernement, par les recettes supplémentaires de cotisations dont bénéficieraient ces régimes du fait des emplois créés grâce aux 35 heures (il convient d'ailleurs de noter que cette « théorie du retour », régulièrement invoquée les années précédentes, n'apparaît plus dans le discours officiel de ces derniers mois).

Toutefois, et devant l'hostilité exprimée par les partenaires sociaux, le Gouvernement renonçait finalement à une contribution directe de l'UNEDIC. Puis, après une négociation de dernière minute, le Gouvernement annonçait le 25 octobre 1999 qu'il renonçait également à mettre à contribution les régimes de sécurité sociale.

Au lieu et place du dispositif initial, un « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » (FOREC) fut créé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin d'assurer, dans la « transparence », et sur la base d'une stricte « neutralité financière », la compensation aux régimes sociaux des allégements et des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale. Outre les allégements « Aubry II » entrant en vigueur au 1 er janvier 2000, le FOREC prit également à sa charge (en 2000 et 2001) la ristourne « Juppé », l'exonération « de Robien », les allégements « Aubry I » et les exonérations de cotisations familiales qui étaient auparavant imputées au budget de l'Etat.

La « saga » du FOREC venait de commencer...

2. Une mise à contribution de la sécurité sociale qui prive celle-ci d'une part significative des recettes de la croissance

a) Le coût direct des 35 heures pour la sécurité sociale : environ 85 milliards de francs

Avant la création du FOREC, les allégements sur bas salaires et les exonérations de cotisations au titre de la réduction du temps de travail mise en oeuvre depuis 1994 étaient financièrement neutres pour la sécurité sociale, car compensés par le budget de l'Etat. Selon le Gouvernement, le FOREC devait pérenniser, au sein d'une structure « ad hoc », cette neutralité financière.

Or, le déficit structurel du FOREC (15 milliards de francs en 2000, 5,6 milliards en 2001 et 18,1 milliards de francs en 2002 6 ( * ) ) s'est traduit, dans les faits, par une double perte pour la sécurité sociale , à savoir :

- une perte de recettes fiscales qui lui étaient antérieurement affectées, et qui furent transférées au FOREC afin d'assurer son équilibre financier ;

- une perte de recettes de cotisations non compensées par le FOREC du fait de l'insuffisance chronique de ses ressources au regard du montant total des allégements et des exonérations concernés, cette perte se concrétisant, en 2000, par l'annulation pure et simple de la dette du FOREC à l'égard des régimes de sécurité sociale (article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002).

Le montant cumulé de cette double perte sur la période 2000-2002 peut être évalué à environ 85 milliards de francs (83,1) pour les deux contributeurs « directs » du FOREC, c'est-à-dire le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (cf. tableau ci-dessous).

(en milliards de francs)

2000

2001

2002

Droits alcools (FSV)

11,9

12,7

13

Droits alcools (CNAMTS)

5,9

5,8

Droits tabacs (CNAMTS)

6,3

2,7

Taxe sur les véhicules terrestres à moteurs (CNAMTS)

5,9

Taxe sur les contributions des employeurs à la prévoyance complémentaire (FSV)

2,9

Annulation de la dette du FOREC

16

Total

27,9

24,9

Total cumulé

30,3

83,1

Par ailleurs, si l'on rapporte le montant annuel de cette perte au montant correspondant des allégements « 35 heures » au sein des dépenses du FOREC, soit 34,6 milliards de francs selon les informations communiquées par Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de son audition du 30 octobre 2001 devant votre commission, il apparaît que le régime général et le fonds de solidarité vieillesse financent ces allégements « 35 heures » à plus de 80 %.

La mise en place du FOREC a ainsi permis à l'Etat de mettre à contribution la « manne financière » de la sécurité sociale pour se défausser d'une charge qu'il avait lui-même, par une politique coûteuse d'aide à l'emploi, contribué à rendre difficilement supportable par les finances publiques .

La comparaison de l'évolution de la part des cotisations respectivement prises en charges, au titre des mesures en faveur de l'emploi, par le budget de l'Etat et le FOREC (cf. tableau ci-dessous) est d'ailleurs instructive et ne nécessite pas de commentaires superflus...

Evolution de la répartition entre l'Etat et le FOREC des cotisations prises en charge
au titre des mesures en faveur de l'emploi

(en milliards de francs)

1999

2000

2001

2002

Etat

66,1

21,3

- 68 %

19,5

- 9 %

15,8

- 19 %

FOREC

0

75

NS

89,3

+ 19 %

83,8

- 6 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (rapport de septembre 2001)

b) Le résultat éloquent d'une « opération vérité » : la reconstruction « hors FOREC » des comptes du régime général pour 2002

Soucieuse d'apprécier au plus juste la « déperdition financière » résultant, pour la sécurité sociale, de la création du FOREC, votre commission a procédé à la reconstruction des comptes de l'exercice 2002 en neutralisant l'ensemble des transferts financiers directs ou indirects mis en place au cours de ces dernières années afin « d'alimenter » le FOREC.

Cette évaluation a été réalisée sur la base des hypothèses suivantes :

1) Base de calcul retenue : les soldes du régime général figurant au bas du tableau de la page 30 de l'annexe C du projet de loi de financement pour 2002. Ces soldes intègrent les mesures nouvelles 2002 et, notamment, la compensation intégrale des exonérations de cotisations par le FOREC ainsi que les amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale.

2) Hypothèses retenues (dans l'ordre vertical des lignes du tableau) . Les calculs ont été effectués sur la base du produit estimé des prélèvements concernés pour 2002.

- Compensation intégrale des exonérations de cotisations : cette ligne a été « neutralisée », car la compensation est déjà prise en compte dans la base de calcul.

- Répartition du prélèvement social de 2 % sur la base « post CMU » :

RÉPARTITION PJLFSS 2002

RÉPARTITION BASE « POST CMU »

CNAMTS : 0 %

CNAMTS : 28 %

CNAVTS : 15 %

CNAVTS : 50 % (=> + 35 % )

CNAF : 0 %

CNAF : 22 %

FSV : 20 %

FSV : 0 %

F2R : 65 %

F2R : 0 %

- Répartition des droits sur les tabacs entre la CNAMTS et le FOREC sur la base de la « clé » définie en 2000 (les transferts de droits tabac entre l'Etat et le FOREC ne sont pas pris en compte dans le cadre de la simulation, car ils n'affectent pas les comptes du régime général).

RÉPARTITION PJLFSS 2002

RÉPARTITION 2000

CNAMTS : 8,84 %

CNAMTS : 16 % (=> + 7,16%)

FOREC : 90,77 %

FOREC : -7,16 %

- Restitution au FSV et à la CNAMTS de la totalité de leurs droits sur les alcools transférés au FOREC.

- Annulation du transfert de 0,15 point de CSG entre le FSV et la CNAMTS (mesure compensant à la CNAMTS, en 2001, le transfert au FOREC de ses droits tabacs).

- Annulation des transferts entre l'Etat et le FSV (dette AGIRC-ARRCO) et la CNAF (MARS FASTIF).

- Annulation du transfert des majorations de pensions du FSV à la CNAF .

- Annulation des nouveaux transferts financiers prévus par le PJLFSS 2002 .

Les résultats de cet exercice, détaillés dans le tableau ci-dessous, sont éloquents.

Exercice 2002

(en millions de francs)

CNAMTS AM

CNAMTS AT

Total CNAMTS

CNAVTS

CNAF

Total RG

FSV

FOREC

Compensation intégrale des exonérations de cotisations FOREC

Répartition du prélèvement social de 2 % sur la base CMU (valeurs 2002)

3.696

3.696

4.620

2.904

11.220

- 2.640

Répartition droits tabac sur base CMU (valeurs 2002)

4.203

4.203

4.203

- 4.203

Répartition droits alcools CNAMTS et FSV (valeurs 2002)

5.805

5.805

5.805

11.900

- 17.705

Répartition CSG entre CNAMTS et FSV

- 8.574

- 8.574

- 8.574

13.190

Transfert au FSV de la dette de l'Etat envers l'AGIRC et l'ARRCO

- 3.000

Transfert « croisé » MARS - FASTIF entre la CNAF et l'Etat

- 5.500

- 5.500

Transfert majorations de pensions FSV - CNAF

- 6.000

- 6.000

6.000

Taxe sur les contributions employeurs (financement des prestations complémentaires de prévoyance) FSV - FOREC

2.900

- 2.900

Transfert taxe sur les véhicules à moteur CNAMTS - FOREC

5.900

5.900

5.900

- 5.900

Total

11.030

0

11.030

4.620

14.404

30.054

22.350

- 30.708

Soldes PJLFSS 2002

- 13.113

3.450

- 9.662

6.671

8.114

5.123

- 4.014

0

Soldes « révisés »

- 2.083

3.450

1.368

11.291

22.518

35.177

18.336

- 30.708

Cumul F2R après modification des dispositions CNAVTS et FSV 2000 et 2001 : 100 milliards de francs (PJLFSS 86 milliards)

Le solde excédentaire du régime général atteindrait ainsi 35 milliards de francs (contre 5 milliards après examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale en première lecture à l'Assemblée nationale).

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV), déficitaire de 4 milliards de francs dans les comptes officiels du projet de loi de financement, deviendrait excédentaire de 18 milliards de francs , excédent substantiel qui serait transféré, l'année suivante, au fonds de réserve des retraites.

S'agissant de ce dernier, l'annulation, sur les exercices précédents, des mesures affectant le FSV et la CNAVTS (assurance vieillesse du régime général) permet aux réserves du fonds de réserve des retraites d'atteindre 100 milliards de francs en 2002 (soit 108 milliards constatés - les 8 milliards de pertes résultant de la simulation appliquée à l'exercice 2002 au titre du prélèvement social de 2 %).

En revanche, le FOREC, à l'équilibre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, se retrouve déficitaire de 30 milliards de francs.

Il convient d'ailleurs de souligner que ce déficit de 30 milliards de francs , dont le financement incomberait à l'Etat si les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale étaient respectées, correspond exactement au « surcoût net pour les finances publiques » évalué précédemment dans l'hypothèse d'une prise en charge intégrale, par l'Etat, des allégements sur bas salaires et des exonérations de cotisations accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail.

Ainsi se trouve clairement mise en évidence la « confiscation », au profit du FOREC, de la « manne de la croissance » dont aurait dû bénéficier la sécurité sociale.

Déjà contestable au plan financier, cette « confiscation » est d'autant plus préoccupante qu'elle a été réalisée par le biais de circuits de financement instables, qui fragilisent les fondations financières de la sécurité sociale, et qui conduisent, inévitablement, à s'interroger sur la sincérité des comptes soumis à l'examen du Parlement.

II. DES CIRCUITS DE FINANCEMENT OPAQUES ET INSTABLES, QUI FRAGILISENT LES FONDATIONS FINANCIÈRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET CONDUISENT, INÉVITABLEMENT, À S'INTERROGER SUR LA SINCÉRITÉ DES COMPTES SOUMIS À L'EXAMEN DU PARLEMENT

A. DES CIRCUITS DE FINANCEMENT OPAQUES ET INSTABLES QUI FRAGILISENT LES FONDATIONS FINANCIÈRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Des circuits de financement opaques et instables

Au cours de ces dernières années, le financement de la sécurité sociale s'est caractérisé par la mise en place de circuits opaques et instables, principalement en raison de la nécessité, pour l'Etat, de dégager, année après année, les ressources supplémentaires nécessaires à l'équilibre du FOREC.

L'effet déstabilisateur de cette « onde de choc » qui se propage depuis lors dans les comptes sociaux est accentué, d'une part, par la prolifération concomitante de multiples « fonds » et, d'autre part, par la confirmation de pratiques anciennes, mais toujours contestables, visant à prendre à la sécurité sociale les « recettes de poche » nécessaires à l'affichage d'un solde budgétaire avantageux.

a) « L'onde de choc » du FOREC

Depuis l'année 2000, la « confiscation » de la manne financière de la sécurité sociale au profit du FOREC est réalisée par l'intermédiaire de circuits financiers instables et complexes qui ne relèvent d'aucune cohérence, si ce n'est celle de trouver, chaque année, les recettes nécessaires à l'équilibre dudit fonds.

Les pages suivantes illustrent, pour les années 2000 à 2002, les grandes lignes de ces circuits de financement, qui font involontairement penser à la fameuse « pompe à phynances » du Père Ubu.

Au-delà de l'anecdote, l'examen attentif, d'une part, des transferts effectués dans le cadre de chaque exercice et, d'autre part, du tableau récapitulatif du coût total de ces opérations pour chacun des acteurs concernés permet d'établir les principaux constats suivants :

- la mise en place du FOREC a bien permis à l'Etat, moyennant la perte de quelques recettes fiscales, de se décharger progressivement du financement des allègements ou des exonérations de cotisations les plus coûteuses . Essentiellement réalisé en 2000 et 2001, ce « basculement » n'est pas encore terminé, comme le prouvent certaines dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2002. Par ailleurs, ces transferts directs de l'Etat vers le FOREC se sont accompagnés d'autres mouvements à destination de la CNAF (transfert de la charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire) et du Fonds de solidarité vieillesse (reprise de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite). D'un point de vue financier, le bilan global de l'ensemble de ces opérations est donc favorable à l'Etat.

- les deux contributeurs « directs » au financement du FOREC sont, d'une part, le Fonds de solidarité vieillesse et, d'autre part, la CNAMTS . Le fait que cette dernière bénéficie, à elle seule, de 80 % du total des impôts et taxes affectés au régime général aboutit à la situation paradoxale selon laquelle la branche du régime général qui est déjà la plus déficitaire est celle qui est le plus sollicitée pour financer le FOREC . Le FSV et la CNAMTS bénéficient toutefois d'une compensation partielle de leurs pertes de recettes. Cette compensation est, soit « croisée » (transfert de 0,15 point de CSG du FSV à la CNAMTS en 2001 pour compenser cette dernière de la perte de ses droits sur le tabac), soit, s'agissant du FSV, essentiellement à la charge de la CNAF . Bien entendu, la diminution des recettes du FSV affecte, par ailleurs, le fonds de réserve des retraites qui bénéficie normalement, en année N, de l'excédent dégagé par le FSV au titre de l'année N-1.

- toutes les branches du régime général sont affectées par l'annulation, prévue à l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, de la dette du FOREC pour l'exercice 2000 , soit une perte totale de 15 milliards de francs (à laquelle il convient d'ajouter environ un milliard supplémentaire au titre de la dette du FOREC à l'égard des autres régimes obligatoires de sécurité sociale).

- la nécessité d'assurer le financement du FOREC se traduit par la modification incessante et, le cas échéant, rétroactive, de l'affectation et de la répartition des différentes recettes concernées . Les transferts affectant les droits sur les alcools du FSV ou les droits sur le tabac de la CNAMTS en fournissent, à cet égard, les exemples les plus aboutis.

Erreur ! Liaison incorrecte.

Erreur ! Liaison incorrecte.

Erreur ! Liaison incorrecte.

Erreur ! Liaison incorrecte.

b) Une prolifération de fonds dédiés au financement d'actions spécifiques

« L'onde de choc » du FOREC s'est également accompagnée, au cours de ces dernières années, par une prolifération de « fonds » destinés au financement de prestations ou d'actions spécifiques, et dont la diversité des statuts juridiques et financiers contribuent à l'opacité et à l'instabilité des circuits de financement de la sécurité sociale.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001, la Cour des comptes s'est attachée à recenser ces fonds pour l'année 2000 (tableau ci-dessous).

Typologie des fonds, ressources et dépenses en 2000 (droits constatés)

en MF et (M€)

Recettes

Dépenses

Solde

1 ère catégorie

FSV 1 ère sec.

77.914

76.034

1.880

Fonds dont les ressources et les dépenses entrent dans le champ de la LFSS (1) (hors fonds de gestion des régimes)

F2R

18.799

22

18.777

FOREC

65.000

75.200

- 10.200

FCAT

540

540

0

FCATA

838

841

- 3

Total

163.091

152.637

10.454

2 ème catégorie

FORMMEL

998

966

32

Fonds dont seules les contributions des régimes sociaux sont retracées, à titre des dépenses de ceux-ci, dans la LFSS (1)

FAQSV

500

31

469

FMES

700

122

578

FMCP

100

0

100

FCAATA

798

320

478

Total

3.096

1.439

1.657

Total général

166.187

154.076

12.111

(25.355,0)

(23.488,7)

(1.846,3)

Le FSI, qui constitue un cas particulier, ne figure pas dans ce tableau. Ses recettes et ses dépenses s'élèvent à 252 Mdf (38,4 Md€). D'autre part, le FIDSAPE, le FAPE et le FIVA n'y figurent pas non plus car ils ont été créés en 2001.

Source : Cour des comptes. Rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001.

(1) Loi de financement de la sécurité sociale.

A cette occasion, la Cour a constaté qu' « un même terme, « fonds », est utilisé dans le champ de la sécurité sociale pour désigner des réalités extrêmement différentes qui, dans certains cas, correspondent effectivement au sens commun du mot de « ressources propres affectées à un objet particulier », quand, dans d'autres cas, il s'agit uniquement de distinguer différentes sections comptables au sein de la gestion d'un organisme . »

Certes, dans certains cas, la création d'un « fonds » peut être parfaitement justifiée afin d'identifier les recettes et les dépenses correspondant à un objectif précis. Toutefois, la prolifération actuelle de fonds au statut indéfini ne doit pas aboutir, d'une part, à des « démembrements » de la sécurité sociale qui échapperaient au contrôle des partenaires sociaux ou du Parlement et, d'autre part, à une confusion grandissante dans la réalisation d'actions dont les sources de financement seraient fragmentées à l'excès. Or, la mission d'information réalisée par la commission des Affaires sociales du Sénat sur les « fonds médicaux » au printemps 2001 permet, à cet égard, de nourrir quelques inquiétudes. La vigilance est d'autant plus nécessaire que le total agrégé de ces fonds, soit 155 milliards de francs de dépenses et 160 milliards de recettes en 2000, selon la Cour des comptes, est loin d'être négligeable .

On ne peut donc que souscrire à la recommandation de la Cour selon laquelle il convient de « réserver la dénomination de « fonds » à des entités dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière . »

c) Des « recettes de poche » fournies au budget de l'Etat par la sécurité sociale

Enfin, l'opacité et l'instabilité croissante des circuits de financement sont encore aggravées par la persistance de certaines habitudes, qui consistent à prendre à la sécurité sociale les « recettes de poche » nécessaires à l'affichage de la vertu budgétaire de l'Etat .

L'exercice 2002 ne fait pas exception à la règle, comme le démontre l'analyse parallèle des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, puisque les transferts financiers entre l'Etat et la « sphère sociale » devraient atteindre près de 10 milliards de francs ( cf. tableau ci-après ) .

Les transferts financiers entre l'Etat et la « sphère sociale »
Mesures nouvelles 2002

Mesures nouvelles

Montants
(en milliards de francs)

Observations

Taxe sur les conventions d'assurances (FOREC)

- 2

Article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale et article 19 du projet de loi de finances

Modification du calendrier de remboursement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

+ 7,5 (1)

Article 20 du projet de loi de finances, dont l'exposé des motifs assure que cette mesure est « neutre financièrement pour la CADES »

Prélèvements exceptionnels sur les réserves constituées par l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC) au titre de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.

+ 3,4 (1)

Article 13 du projet de loi de finances

Augmentation de la fraction du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA)

+ 1,6 (2)

Article 18 du projet de loi de finances. L'Etat verse au BAPSA une subvention d'équilibre. Toute autre recette supplémentaire, telle une augmentation de la fraction de C3S affectée au BAPSA, réduit donc son besoin de financement (et diminue, par ailleurs, le solde de C3S versée au Fonds de solidarité vieillesse).

(1) Sources : exposé des motifs des articles concernés

(2) « bleu budgétaire » BAPSA. En fait, et compte tenu de l'augmentation des transferts dont devrait bénéficier le BAPSA au titre de la compensation démographique, le montant de la subvention de l'Etat devrait diminuer d'environ 3 milliards en 2002.

S'agissant de la contribution sociale de solidarité des sociétés, le rapporteur spécial de votre commission, chargé de l'assurance vieillesse, expose, dans son rapport, le mécanisme financier récurrent qui, année après année, permet à l'Etat de réguler, à son profit, la répartition du produit de cette contribution .

En ce qui concerne, par ailleurs, la modification du calendrier de remboursement de la CADES au budget de l'Etat, il apparaît pour le moins irresponsable que la volonté politique de présenter un budget 2002 sous le meilleur éclairage possible ait ainsi pu conduire à ignorer les risques qu'une telle opération fait peser sur la crédibilité de la CADES, qui se finance pour l'essentiel sur les marchés internationaux, ainsi que sur sa capacité, au cours de prochaines années, à honorer ses engagements . Lors de son audition par votre commission le 17 octobre 2001, votre rapporteur a interrogé M. Patrice Ract-Madoux, président de la CADES, sur le point de savoir s'il avait attiré l'attention de ses autorités de tutelle sur les implications d'une telle décision. En réponse, M. Patrice Ract-Madoux a fait état d'une note d'août 2001 adressée au ministre de l'Economie et des Finances mentionnant ses observations.

A la demande du président de votre commission, il a donné lecture des passages suivants de cette note :

« J'apprends que divers projets circulent, visant à remettre, une nouvelle fois, en cause l'équilibre de la Cades, en anticipant certains des versements qu'elle doit faire à l'Etat. Ces projets appellent de ma part plusieurs commentaires.

« La vocation prioritaire de la Cades est d'éteindre la dette ancienne de la sécurité sociale, pour permettre à celle-ci de se réorganiser.

« Le versement à l'Etat n'est qu'un article budgétaire parasitaire qui a été introduit dès l'origine de la Cades pour créer une recette non fiscale régulière, à hauteur de 12,5 milliards de francs par an de 1996 à 2008. Ce recyclage de CRDS étant quelque peu acrobatique, ce prélèvement a été présenté comme destiné au remboursement d'une dette ancienne de 110 milliards de francs, directement reprise par l'Etat. Ce versement a fait l'objet de critiques de la part de la Cour des comptes, qui avait fait remarquer que l'Etat ne supportait que les intérêts de la dette ancienne et qu'il demandait à la Cades d'assurer en outre un versement représentatif d'un remboursement du capital. Le décalage de cinq milliards de francs de l'exercice 1999 à l'exercice 2000, demandé à la Cades, par le prédécesseur du ministre, a été l'occasion pour les commissions des Finances et des Affaires sociales des deux Assemblées d'évoquer à nouveau le caractère ambigu de ce versement. Y toucher une fois encore soulèvera de nouvelles critiques.

« La Cades est une caisse d'amortissement qui doit pouvoir amortir chaque année une partie de la dette qu'elle porte.

« Depuis l'origine, malgré l'existence du versement à l'Etat, la Cades a toujours été en mesure d'afficher, chaque année, une certaine capacité à rembourser le capital de la dette qu'elle a émise. Cette capacité a été une première fois réduite lors de la réouverture de la Cades en 1998, puis en 2001, lors de l'entrée en vigueur des mesures d'exonération de CRDS accordées aux retraités et chômeurs non imposables. L'existence d'une capacité résiduelle de remboursement est toutefois soulignée dans les présentations faites auprès des investisseurs étrangers : c'est ainsi que lors d'une récente visite à Londres, les résultats de l'année 2000 ont été présentés de la façon suivante : CRDS nette : 4,5 milliards d'euros, versement à l'Etat : - 1,9 milliard d'euros, intérêts de la dette : - 1,5 milliard d'euros, capacité de remboursement : 1,1 milliard d'euros.

« Les mesures votées en 2000 ont ramené la capacité de remboursement de la Cades en 2001 à un milliard d'euros. La mesure proposée reviendrait à ramener à zéro de 2002 à 2005 la capacité de remboursement de capital de la Cades, voire, dans certains cas, à la rendre négative. »

2. Des circuits de financement qui fragilisent les fondations financières de la sécurité sociale

a) L'affection désormais aléatoire des recettes de certains prélèvements sociaux affecte les comptes des organismes bénéficiaires

Le financement du FOREC a bouleversé, au cours des dernières années, la répartition des prélèvements de nature fiscale affectés à la sécurité sociale, comme l'illustrent, pour les principaux d'entre eux, les deux tableaux ci-après.

Evolution (en valeurs) de l'affectation de certains prélèvements sociaux

(en milliards de francs)

Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU

LFSS 2000

LFSS 2001

PJLFSS 2002

Droits « 403 » sur les alcools

FSV : 6,7
Régimes d'assurance maladie : 4,8
CNAMTS : 0,6

FSV : 1
CNAMTS : 5,5
FOREC : 5,7
(rétroactif)
LFSS 2001
FOREC : 6,7
CNAMTS : 5,5

CNAMTS : 6
FOREC : 7,9
(rétroactif)
PLFSS 2002
FOREC : 13,9

FOREC : 13,2

Droits 575 sur les tabacs

L'économie générale du dispositif CMU prévoit l'affectation d'une fraction spécifique à la CNMATS, précisée par la loi de finances pour 2000.

Etat : 2,8
CNAMTS : 4,3
CNAMTS « CMU » : 3,2
FOREC : 36,3
FIVA : 0,1

CNAMTS : 1,5
FOREC : 55,3
FIVA : 0,2

CNAMTS : 5,1
FOREC : 52,1
FIVA : 0,2

Prélèvement social 2 %

CNAF : 2,4
CNAVTS : 5,3
CNMATS : 3

CNAF : 1,5
CNAVTS : 3,5
CNAMTS : 0,9
F2R : 5,8

CNAVTS : 3,8
F2R : 6,3
FSV : 2,5

CNAVTS : 2
F2R : 8,6
FSV : 2,6

Taxe sur les conventions d'assurance

FOREC : 4,2
Etat : 52,3
(rétroactif)
PLFSS 2002
FOREC : 7,3
Etat : 22,2

FOREC : 9,2
Etat : 20,8

Base de calcul « Jaune budgétaire : bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ». Projet de loi de finances pour 2002. FIVA : fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Or, cette instabilité n'est pas neutre, financièrement, pour les organismes sociaux concernés . Ainsi, si l'on analyse l'évolution, au cours des années 1999-2002, du produit reçu par la CNAMTS, la CNAVTS, la CNAF et le FSV au titre des principaux prélèvements sociaux, il apparaît que ( cf. tableau ci-dessous ) :

Evolution des recettes des prélèvements sociaux affectés à la CNAMTS, à la CNAVTS, à la CNAF et au FSV
(en milliards de francs)

1999

2000

2001

2002

CNAMTS

Droits 403 sur les alcools

0,6

5,5

0

0

Droits 575 sur les tabacs

4,2

7,5

1,5

5,1

Prélèvement social 2 %

3,0

0,9

0

0

Solde

7,8

13,9

1,5

5,1

CNATVS

Prélèvement social 2 %

5,3

3,5

3,8

2

CNAF

Prélèvement social 2 %

2,4

1,5

0

0

FSV

Droits 403 sur les alcools

6,7

0

0

0

Prélèvement social 2 %

2,5

2,6

Solde

6,7

0

2,5

2,6

F2R

Prélèvement social 2 %

5,8

6,3

8,6

- la CNAVTS et la CNAF perdent progressivement la fraction des prélèvements qui leur était affectée ;

- le FSV ne conserve, en 2002, qu'un tiers du montant total dont il bénéficiait en 1999 ;

- l'amplitude de variation des recettes de la CNAMTS est particulièrement forte d'une année sur l'autre (13,9 milliards de recettes en 2000 ; 1,5 milliard en 2001) .

Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la signification réelle du solde affiché par l'une ou l'autre branche du régime général, et plus particulièrement par la CNAMTS, pendant la période considérée .

Par ailleurs, quelle crédibilité de tels comptes peuvent-ils avoir à l'égard des assurés ou des professionnels de santé que l'on entend, par ailleurs, et sur la base de ces chiffres, « responsabiliser » ?

b) L'affectation au FOREC de certains prélèvements sociaux remet en cause leur légitimité

En 2002, le FOREC sera bénéficiaire de 100 % du produit des droits sur les alcools, de 100% du produit de la taxe sur les véhicules à moteur, et de 90,77 % du produit des droits sur le tabac.

Or, la création de ces divers droits ou taxes avait été justifiée, à l'origine, par la contribution nécessaire des Français au coût, pour l'assurance maladie, de l'alcoolisme, du tabagisme et des accidents de la circulation. Le fait de les affecter à un fonds dont la vocation est totalement différente remet en cause, du même coup, leur légitimité . Heureusement, l'opacité des circuits de financement de la sécurité sociale empêche, ou décourage, le contribuable français qui, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, souhaiterait s'informer plus avant sur ces contributions publiques...

c) Des transferts financiers qui compromettent gravement le financement de certains acquis : l'exemple de la CMU et du FSV

Les transferts financiers mis en oeuvre ces dernières années, notamment pour alimenter le FOREC, ont également des effets pervers sur l'équilibre de certaines prestations, telle la couverture maladie universelle (CMU), ou de certaines structures, tel le FSV, dont ils hypothèquent l'avenir.

Le financement de la couverture universelle maladie « de base » était initialement organisé sur la base du schéma suivant :

Le financement de la couverture maladie de base
(schéma initial)

(en millions de francs)

Dépenses

Recettes

Dépenses actuelles

12.025

Tabacs

3.500

Extension du champ

600

Prélèvement social

2.700

Droits alcools

600

Cotisations assurés

100

Cotisations

830

TOTAL

12.625

7.730

SOLDE - 4.895

Source : commission des Affaires sociales.

Ce financement se traduisait, notamment, par l'affectation à la CNAMTS de ressources supplémentaires, à savoir :

- 28 % du produit du prélèvement social de 2 % ;

- 5 % des droits « 403 » des droits sur les alcools, transférés du FSV (à compter du 1 er janvier 2000, et compte tenu des nouvelles règles de répartition de la contribution sociale généralisée, la CNAMTS devint bénéficiaire de la totalité de la fraction des droits « 403 » antérieurement affectée aux régimes d'assurance maladie, soit 45 %, les 55 % restants demeurant affectés au FSV) ;

- 6,89 % des droits sur les tabacs, s'ajoutant aux 9,1 % dont la CNAMTS bénéficiait déjà par ailleurs ;

- à compter de l'exercice 2001, la totalité du produit de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur, auparavant réparti entre les régimes d'assurance maladie.

Or, les transferts financiers directs et indirects mis en place pour « alimenter » le FOREC ont dépouillé, peu à peu, la CNAMTS des recettes qui lui avaient été affectées au titre du financement de la CMU « de base ».

Au cours des années 2000-2002, la CNAMTS aura ainsi perdu :

- la « part CMU » des droits sur les tabacs (transférée au FOREC) ;

- les 28 % du prélèvement social de 2 % (transférés au F2R);

- les 45 % des droits « 403 » sur les alcools (transférés au FOREC) ;

- la totalité de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur (transférée au FOREC en 2002, la CNAMTS n'ayant ainsi bénéficié de la totalité de cette taxe que pendant l'année 2001).

En conséquence, les comptes de la CMU « de base », déjà structurellement déficitaires (- 6,7 milliards de francs en 2000 et - 5 milliards de francs prévus en 2001, selon la CNAMTS), seront particulièrement déstabilisés en 2002, année à partir de laquelle la CNAMTS perdra, tout à la fois, le produit de la taxe sur les véhicules à moteur et sa fraction des droits « 403 » sur les alcools au profit du FOREC. Interrogée par votre rapporteur sur le point de savoir comment serait alors financée la CMU « de base », la CNAMTS a avoué son ignorance en ce domaine, tout en soulignant que le déficit correspondant sera, bien entendu, agrégé au déficit global de l'assurance maladie.

La même incohérence apparaît en ce qui concerne les comptes du Fonds de solidarité vieillesse .

Constitué initialement en 1993 sur la base d'une mission cohérente, à savoir le financement des prestations d'assurance vieillesse à caractère non contributif, et disposant de ressources propres affectées (fraction de la CSG, 100 % des droits sur les alcools et sur les boissons alcoolisées, contribution sociale de solidarité des sociétés, taxe de prévoyance), le Fonds de solidarité vieillesse a progressivement connu un « démembrement » de cette cohérence d'origine, qu'il s'agisse :

- de ses recettes : le FSV a ainsi perdu, au profit du FOREC, la totalité des droits sur les alcools et devrait également perdre, en 2002, la taxe de prévoyance. Parallèlement, la fraction de CSG dont il bénéficie a été réduite en 2001, d'abord au profit de la CNAMTS, puis une seconde fois au profit du fonds de financement de l'allocation d'aide personnalisée à l'autonomie. Enfin, le circuit pour le moins subtil de distribution du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés entre les régimes de sécurité sociale des professions indépendantes, le BAPSA et le FSV réduit généralement ce dernier à la portion congrue ;

- de ses dépenses : deux mesures nouvelles ont, à partir de 2001, mis à mal la cohérence des interventions du FSV, à savoir, d'une part, l'extension de son champ d'action aux régimes de retraite complémentaires, par la mise à sa charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'AGIRC et de l'ARRCO et, d'autre part, le transfert progressif à la CNAF du coût des majorations de pension pour enfants que finançait, au titre de la solidarité nationale depuis 1994, le Fonds de solidarité vieillesse.

Or, l'ensemble de ces transferts n'a, en réalité, d'autre justification que financière et entre dans le cadre plus général du circuit de financement mis en oeuvre, à partir de 2000, pour alimenter le FOREC. En conséquence, la cohérence du FSV a été gravement remise en cause. En outre, et compte tenu de la disparition de ses excédents, ce dernier est désormais incapable de contribuer au financement du fonds de réserve des retraites.

B. LES GAGNANTS ET LES PERDANTS DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE POUR 2002

L'objectif principal de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui s'inscrit dans le droit fil des années précédentes, est d'assurer l'équilibre financier du FOREC et de respecter (ou, tout du moins, d'essayer de respecter) l'échéancier officiel de constitution des réserves du Fonds de réserve des retraites (FRR), tout en évitant que le budget de l'Etat ne soit (trop) sollicité à cette occasion.

L'analyse détaillée des mesures de financement prévues dans le projet de loi initial met donc en évidence, fort logiquement :

- trois « gagnants » : le FOREC, le budget de l'Etat et, dans une moindre mesure, le Fonds de réserve des retraites (F2R) ;

- et un « grand perdant » : le régime général de sécurité sociale.

Enfin, il convient d'évoquer le cas particulier du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont l'évolution défavorable des soldes, bien que non directement imputable aux mesures nouvelles prévues pour 2002, affectera nécessairement les comptes du Fonds de réserve des retraites en 2002 et 2003.

1. Les « gagnants » des nouvelles mesures de financement prévues en 2002 : le FOREC , le budget de l'Etat et, dans une moindre mesure, le F2R

a) Le FOREC

Les mesures nouvelles bénéficiant au FOREC dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 sont les suivantes :

- en dépenses : annulation de la dette du FOREC (exonération de cotisations patronales non compensées) à l'égard des régimes de sécurité sociale pour l'exercice 2000 (annulation imputée sur l'exercice 2000 clos). Le montant de cette dette s'établit à 16 milliards, dont 15 milliards de francs pour le seul régime général ;

- en recettes :

2001 : affectation rétroactive de deux recettes supplémentaires à hauteur de 8,9 milliards de francs , d'une part, une augmentation de la fraction de la taxe sur les conventions d'assurances (+ 3 milliards de francs) destinée à compenser l'annulation du versement de « droits tabacs » par le Conseil constitutionnel (2000) et, d'autre part, l'affectation de la totalité du produit des droits indirects sur les alcools dont bénéficiait jusqu'alors la CNAMTS (+ 5,9 milliards de francs), et ce afin de combler le déficit prévisionnel du FOREC tel qu'établi par la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre ;

2002 : affectation de 18,1 milliards de francs de recettes nouvelles (déficit prévisionnel du FOREC pour 2002), soit + 2,2 milliards de francs au titre de l'augmentation du prix du tabac, + 5 milliards de francs au titre de la nouvelle augmentation de la fraction de la taxe sur les conventions d'assurance affectée au FOREC, + 2,9 milliards de francs en provenance du Fonds de solidarité vieillesse (transfert du produit de la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance) et + 8 milliards de francs en provenance de la CNAMTS (transfert des droits indirects sur les alcools, soit 5,8 milliards de francs, et de la taxe sur les véhicules à moteur, soit 5,9 milliards de francs ; en sens inverse, et afin de « ne pas sur-équilibrer le FOREC » (sic), ce dernier restitue à la CNAMTS 3,6 milliards de francs au titre des droits indirects sur les tabacs.

Il convient de souligner que l'équilibre financier ainsi atteint demeure fragile en raison de la progression des dépenses du FOREC, qui s'est avérée, jusqu'à présent, toujours supérieure aux prévisions.

Par ailleurs, des dépenses nouvelles seront imputées au FOREC en 2002 , conformément aux dispositions des articles 4 (ouverture du bénéfice de l'allégement 35 heures lors de l'embauche d'un premier salarié) et 7 (majoration de l'allégement lié aux 35 heures pour les entreprises de transport routier de marchandises) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, des articles 68 et 70 du projet de loi de finances pour 2002 (élargissement du champ des 35 heures et de la ristourne dégressive aux bénéficiaires des primes des contrats initiative-emploi et des contrats de qualification adultes) et de l'article 44 bis du projet de loi relatif à la Corse (élargissement du champ des bénéficiaires de la majoration zone franche de Corse instituée dans le cadre des 35 heures).

b) Le budget de l'Etat

A la simple lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le budget de l'Etat pourrait apparaître comme l'un des « perdants » des mesures nouvelles prévues pour 2002. En effet, il abandonne au FOREC une fraction supplémentaire du produit de la taxe sur les conventions d'assurance (soit 3 milliards de francs en 2001 au titre de la compensation de l'annulation des « droits tabac », et 2 milliards de francs de plus en 2002). Toutefois, l'examen combiné des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2002 permet d'évaluer à 26 milliards de francs le « gain » réalisé par le budget de l'Etat dans ses relations financières avec la « sphère sociale ». Ce gain se décompose de la manière suivante :

- 16 milliards de francs au titre de l'annulation de la dette du FOREC à l'égard des régimes de sécurité sociale. En effet, et conformément aux dispositions législatives en vigueur 7 ( * ) , l'Etat était, en dernier ressort, le véritable débiteur de ces régimes. L'annulation de cette dette le libère donc de toute obligation en ce domaine ;

- environ 10 milliards de francs au titre des différents transferts financiers effectués, selon des recettes éprouvées, soit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit dans le projet de loi de finances pour 2002, et dont le détail a déjà été précédemment exposé.

c) Le Fonds de réserve des retraites (F2R)

Le F2R bénéficie, en 2002, de 13,95 milliards de francs de recettes supplémentaires :

- 2 milliards de francs résultant de la modification de la répartition, avec la CNAVTS, du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement ;

- 5 milliards de francs, prélevés sur l'excédent de la branche famille pour l'exercice 2000 (exercice clos) ;

- 6,95 milliards de francs, par l'affectation au F2R de la totalité du produit de la redevance due par les titulaires de licences de téléphonie mobile de troisième génération (UMTS) 8 ( * ) . En conséquence, la caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP) qui était, jusqu'en 2001, l'autre destinataire du produit de cette redevance, sera privée de la ressource correspondante à compter de 2002 . A l'évidence, la nécessité de respecter, en « affichage » le calendrier de constitution des réserves du F2R l'a donc emporté sur les impératifs de gestion de la dette publique.

Par ailleurs, les rebondissements récents du dossier UMTS, et la solution, envisagée par le Gouvernement, de combler le manque à gagner par des recettes de privatisation, ont encore démontré à quel point les ressources du F2R étaient instables et leur « pérennité » loin d'être garantie.

Le rapporteur spécial sur l'assurance vieillesse détaille, dans son rapport, les aléas qui jalonnent, depuis l'origine, le financement du F2R.

Enfin, et du fait de la disparition de l'excédent 2000 de la CNAVTS résultant de l'annulation, par l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, de la dette du FOREC, l e F2R perd une recette de 3,3 milliards de francs. Le montant de ses réserves constituées en 2001 et 2002 est donc diminué d'autant.

2. Le « grand perdant » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 : le régime général de sécurité sociale

La « figure imposée » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, à savoir assurer le financement du FOREC (et du F2R), tout en épargnant le budget de l'Etat, est logiquement résolue par la « captation » des ressources du régime général.

Pertes de recettes résultant pour le régime général
des mesures nouvelles 2002 (FOREC et F2R)

(en milliards de francs)

Organismes bénéficiaires

CNAMTS

CNAVTS

CNAF

FOREC

Annulation de la dette 2000

- 7,6

- 4,6

- 2,8

Transfert taxe VTAM (1)

- 5,9

Transfert droits alcools (2001 et 2002)

- 11,7

Restitution d'une fraction des droits indirects sur les tabacs

+ 3,6

F2R

Prélèvement sur l'excédent de l'exercice 2000

- 5

Modification de la répartition du prélèvement social de 2 %

- 2

TOTAL

- 21,6

- 6,6

- 7,8

Total général perte de recettes : - 36

(1) Taxe sur les véhicules terrestres à moteur

En outre, il convient de rappeler que l'annulation de la dette du FOREC se traduit également, pour les comptes 2000 des autres régimes de sécurité sociale, par une perte globale d'un milliard de francs.

3. Le cas particulier du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

L'équilibre financier du FSV n'est pas directement affecté par les mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. En effet, la perte résultant du transfert au FOREC de la taxe sur les contrats de prévoyance (- 2,9 milliards de francs) est compensée par l'augmentation de la participation de la CNAF au financement des majorations de pensions pour enfants (+ 3 milliards de francs). A ce sujet, il convient de souligner que cette participation de la CNAF augmentera progressivement, pour atteindre 100 % à partir de 2007 (article 25 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002).

En revanche, d'autres mesures législatives, déjà adoptées ou prévues, auront un impact défavorable sur l'équilibre financier du FSV en 2001 et 2002, à savoir :

- la prise en charge des cotisations retraite dues par l'Etat aux régimes de retraites complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO), soit une charge supplémentaire, pour le FSV, de 2,8 milliards de francs en 2001. Initialement prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (article 29), et censurée par le Conseil constitutionnel au motif que les régimes complémentaires n'entrent pas dans le champ des lois de financement, la disposition législative correspondante a été réintroduite dans le projet de loi de modernisation sociale actuellement en cours d'examen par le Parlement ;

- l'entrée en vigueur, à compter du 1 er janvier 2002, de l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA) , dont le financement est, notamment, assuré par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée jusqu'alors affectée au FSV, soit une perte de 5,7 milliards de francs pour ce dernier en 2002 ;

- les effets indirects, précédemment exposés, de l'augmentation de la fraction du produit de C3S affecté, en 2002, au BAPSA.

Ainsi, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, le FSV devrait être déficitaire de - 0,8 milliard de francs en 2001 et de - 4 milliards de francs en 2002 9 ( * ) (essentiellement en raison des pertes de recettes de CSG transférées pour financer l'APA).

De ce fait, le Fonds de réserve des retraites (F2R) ne pourra pas bénéficier, en 2002 et en 2003, du versement de tout ou partie des excédents (inexistants) du FSV 10 ( * ).

C. UN EXERCICE IRRÉEL ET DÉPOURVU DE TOUTE CRÉDIBILITÉ

Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se contente pas de reproduire, en les amplifiant, les errements déjà dénoncés, les années précédentes, par votre commission. Il s'agit, en outre, d' un exercice :

- totalement irréel, dans la mesure où les prévisions de croissance économique ou d'évolution des dépenses d'assurance maladie pêchent par optimisme excessif , et paraissent peu crédibles au regard des informations d'ores et déjà disponibles ;

- dépourvu de toute crédibilité, les principes et les règles ayant présidé à l'élaboration des comptes soumis à l'examen du Parlement conduisant inévitablement à s'interroger sur leur sincérité .

1. Un exercice irréel

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a été bâti sur la base des hypothèses macro-économiques établies, pour le projet de loi de finances pour 2002, par la Direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances, à savoir :

- une croissance du PIB en volume de 2,5 % (contre + 2,3 en 2001) ;

- une augmentation de la masse salariale du secteur privé de + 5 %.

Par ailleurs, l'hypothèse retenue en ce qui concerne la croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est fixée à + 3,9 % (après mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture), par rapport à la prévision de dépenses évaluée pour 2001.

Or, il apparaît aujourd'hui évident qu'aucune de ces hypothèses n'est réaliste.

Avant même les attentats du 11 septembre dernier, et le nouveau climat d'incertitude qu'ils font peser sur l'économie mondiale, le taux croissance moyen du PIB pour 2002, tel qu'il était évalué par la moyenne des instituts indépendants, se situait ainsi à + 2,1 % 11 ( * ) . Le fonds monétaire international envisage, quant à lui, une croissance française de + 1,6 % en 2002.

Dans ce contexte, on peut également s'interroger sur le réalisme de la prévision de croissance de la masse salariale du secteur privé. Certes, les résultats effectifs du premier semestre 2001, plus favorables qu'auraient pu le laisser espérer les prévisions initiales, pourraient, le cas échéant, justifier cet optimisme. Toutefois, il convient de rappeler que l'évolution de la masse salariale « réagit », en règle générale, avec un retard de six à huit mois par rapport à la conjoncture, ce délai correspondant au temps nécessaire, pour les chefs d'entreprise, afin de prendre conscience du nouveau climat des affaires et d'ajuster leur politique d'embauche en conséquence . Compte tenu de la dégradation continue, pendant cinq mois consécutifs, du marché du travail, on ne peut donc qu'être extrêmement dubitatif quant à la probabilité d'une croissance de + 5 % de la masse salariale du secteur privé en 2002. Or, comme l'a rappelé M. Pierre Burban, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale lors de son audition devant la commission des Affaires sociales du Sénat, un point de masse salariale représente 11 milliards de francs de recettes pour le seul régime général .

Les mêmes interrogations sont également valables en ce qui concerne l'évolution prévue de l'ONDAM en 2002 , et votre rapporteur expose plus en détail, dans la partie de son rapport consacré à l'assurance maladie, toutes les interrogations et les doutes qu'il convient d'exprimer à ce sujet. En effet, le taux de croissance retenu par le Gouvernement est, de l'avis général, totalement irréaliste. Or, cet irréalisme est d'autant plus inquiétant qu'un point en plus de croissance de l'ONDAM représente, toujours selon M. Burban, une dépense supplémentaire de 6 milliards de francs pour le régime général .

Ainsi, selon les informations communiquées à votre commission par la CNAMTS, le déficit prévisionnel de la seule branche maladie du régime général pourrait s'établir à un niveau sans commune mesure avec les prévisions officielles 12 ( * ) .

2. Un exercice dépourvu de toute crédibilité

Outre l'irréalisme de ses prévisions économiques et de l'hypothèse de croissance de son objectif national des dépenses d'assurance maladie, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 paraît avoir été établi sur la base de principes et de règles de calcul contestables qui conduisent à s'interroger sur la sincérité des comptes soumis à l'examen du Parlement.

a) Des principes dignes d'Orwell13 ( * ) : la réécriture des comptes clos de l'exercice 2000

L'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 annule purement et simplement la dette du FOREC à l'égard des régimes sociaux, soit 16 milliards de francs (dont 15 pour le seul régime général). En conséquence, le solde du régime général pour 2000 ne s'établira plus à + 4,3 milliards de francs, mais à - 10,7 milliards de francs.

Une telle mesure est, tout d'abord, contraire à l'engagement pris par madame la ministre de l'emploi et de la solidarité devant la commission des comptes de la sécurité sociale le 7 juin dernier , et selon lequel « la fraction non compensée des allégements (de cotisations) ne pourra pas avoir, par elle-même, pour effet de provoquer la mise en déficit de la sécurité sociale. »

En outre, cette disposition paraît davantage obéir à une préoccupation d'affichage politique qu'à une véritable exigence de sincérité comptable . Ainsi, s'« interdisant tout retraitement des comptes 2000 qui justifierait inévitablement d'autres corrections et ouvrirait la porte à l'arbitraire 14 ( * ) » , la commission des comptes de la sécurité sociale avait imputé l'annulation de la dette du FOREC sur 2001. Cette solution présentait toutefois l'inconvénient majeur, pour le Gouvernement, de dégrader de manière significative le solde du régime général pour l'exercice 2001, dont la commission des comptes présentera les résultats définitifs au printemps 2002...

Or, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001, la Cour des comptes avait estimé que l'annulation de la dette du FOREC devrait s'imputer, dans le strict respect de la comptabilité en droits constatés, à l'exercice 2000. Bien entendu, le Gouvernement ne pouvait résister à la tentation de donner à cette analyse strictement comptable une interprétation plus « politique », quitte à « déformer » la pensée de la Cour des comptes qui, dans une note de son premier président en date du 7 novembre 2001, adressée au président de la commission des Affaires sociales du Sénat 15 ( * ) , a tenu à faire la mise au point suivante :

« ... les dispositions contenues dans l'article 5 du projet de loi ne peuvent être considérées comme reflétant la position de la Cour. Celle-ci estime que les écritures comptables visant à annuler la créance inscrite dans les comptes 2000 des régimes de sécurité sociale au titre des montants d'allégements de charges non compensés par les réaffectations de recettes reçues par le FOREC devraient être passées en 2001 sans modification des comptes adoptés par les conseils d'administration de l'ACOSS et des Caisses nationales. »

Enfin, et surtout, le choix de la modification rétroactive d'un exercice clos, contraire à toutes les règles comptables, soulève de graves questions de principes , parmi lesquelles :

- le caractère « orwellien » d'une réécriture « a posteriori » des comptes sociaux qui, comme le souligne le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, constitue un précédent dangereux ;

- la compatibilité d'une telle mesure avec les dispositions de la loi organique régissant l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, examen défini par l'annualité et se traduisant, notamment, par l'adoption d' un objectif annuel de recettes pour l'exercice considéré . Or, dans ce cas particulier, l'annulation de la créance des régimes de sécurité sociale sur le FOREC ne peut s'accompagner de la révision corrélative de l'objectif de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, cet exercice étant, depuis longtemps, clos et révolu.

b) Une interprétation pour le moins originale des règles de la comptabilité en droits constatés, qui se traduit par une conception pour le moins particulière de la « compensation »

Revendiquée par le Gouvernement comme l'un des principes fondateurs de la « transparence » des comptes de la sécurité sociale, l'application, à compter du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, de la comptabilité en droits constatés a connu, dans les faits, une interprétation pour le moins originale.

En effet, les comptes 2001 et 2002 du régime général présentés, en droits constatés, dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2001 n'intègrent la compensation des exonérations de cotisations qu'à hauteur des remboursements effectivement versés par le FOREC compte tenu de ses ressources disponibles.

Le « manque à gagner » correspondant est donc déjà anticipé dans les soldes du régime général, tels qu'établis par la commission des comptes, soit 8,3 milliards de francs en 2001 et 6,2 milliards de francs en 2002.

Or, l'application normale des règles de la comptabilité en droits constatés aurait voulu que les exonérations de cotisations non compensées soient inscrites en créance sur le FOREC dans les comptes du régime général (comme cela était le cas pour l'exercice 2000) et soient, ainsi, prises en compte dans le solde total.

Le traitement des exonérations de cotisations apparaît ainsi, au sein des comptes du régime général en droits constatés, comme un « îlot » de comptabilité en encaissements-décaissements , où l'on se borne à inscrire les flux financiers enregistrés entre la date d'ouverture et la date de clôture de l'exercice.

Aucun élément dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale ne permet de comprendre la raison de ce choix méthodologique pour le moins original. Faudrait-il y voir une manifestation d'humeur de la part de comptables « échaudés » par l'annonce de l'annulation de la créance du régime général sur le FOREC au titre de l'exercice 2000 ?

En réalité, ce choix obéit à des considérations purement politiques, et sa raison apparaît clairement en analysant de plus près les mécanismes de compensation prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ...

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit prévisionnel du FOREC devrait atteindre 5,6 milliards de francs en 2001 (dont 5,4 milliards à l'égard du seul régime général), et 18,1 milliards de francs en 2002 (dont 17,3 milliards à l'égard du seul régime général).

Or, nous l'avons vu, les soldes prévisionnels du régime général pour 2001 ( cf. ligne n° 1 du tableau ci-après ) ont été établis par la commission des comptes de la sécurité sociale sans prendre en compte ces exonérations de cotisations non compensées par le FOREC ( ligne n° 2 ).

Soldes du régime général 2001

(milliards de francs)

CNAMTS

CNAVTS

CNAF

Total

1

Soldes prévisionnels arrêtés par la CCSS

-4,6

4,7

8,2

8,3

2

Exonérations non compensées

2,7

1,7

1

5,4

3

Soldes dans l'hypothèse d'une compensation intégrale par le FOREC

-1,9

6,4

9,2

13,7

4

Prélèvement de recettes CNAMTS

-5,9

5

Soldes après prélèvement

-10,5

4,7

8,2

2,4

6

Soldes après compensation

-7,8

6,4

9,2

7,8

7

Perte réelle pour le régime général (13,7 - 7,8)

5,9

Pourtant, le simple respect des dispositions législatives en vigueur, en vertu desquelles, en dernier ressort, l'Etat comble le déficit du FOREC et compense intégralement, par ce biais, les régimes de sécurité sociale, devrait se traduire par l'inscription, dans les comptes de ces régimes, d'une créance sur le FOREC. Les soldes prévisionnels devraient donc « intégrer » cette créance ( ligne n° 3 ) et le solde global du régime général s'établirait, pour 2001, à + 13,7 milliards de francs, et non à + 8,3 milliards.

En fait , la commission des comptes de la sécurité sociale a « anticipé », dans ses comptes prévisionnels, la décision du Gouvernement de ne pas faire participer davantage le budget de l'Etat au financement du FOREC en 2001. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit ainsi que les exonérations non compensées par le FOREC seront financées par un prélèvement supplémentaire de 5,9 milliards de francs sur les recettes de la CNAMTS ( ligne n° 4 ).

Or, si l'on retient comme base de calcul le solde intégrant la créance du régime général sur le FOREC, et non, comme le Gouvernement, le solde prévisionnel de la commission des comptes, il apparaît que ce solde se dégrade , après compensation totale des exonérations, de 5,9 milliards de francs (ligne n° 6). Considérée en termes de flux financiers, c ette dégradation traduit donc bien une perte pour le régime général.

On peut appliquer le même raisonnement à l'exercice 2002, la « dette » prévisionnelle du FOREC à l'égard de la CNAMTS, soit 7,4 milliards de francs, devant être financée par un transfert supplémentaire de recettes préalablement affectées à la CNAMTS, pour un solde total de 8 milliards de francs.

c) Des objectifs de dépenses qui ne reflètent plus l'exacte réalité des dépenses de la sécurité sociale

L'un des agrégats de la loi de financement est l'objectif annuel de dépenses par branches .

Or, l'objectif de dépenses figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 suscite diverses interrogations concernant :

- « l'externalisation »  de certaines dépenses de la branche famille. Celle-ci devra supporter deux dépenses nouvelles en 2002, à savoir :

- d'une part, une dotation supplémentaire de 1,5 milliard au Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance ;

- d'autre part, un transfert de 5 milliards de francs en faveur du Fonds de réserve des retraites (F2R).

Ces deux dépenses sont financées par un prélèvement rétroactif sur les excédents de la branche famille pour l'exercice (clos) 2000 (9,4 milliards de francs). Ce prélèvement sera effectué sur le « compte de report à nouveau » de la branche famille, selon des méthodes similaires à celles déjà adoptées en 2001 lors de la création du Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil à la petite enfance. En conséquence, les transferts ainsi réalisés demeurent « transparents » pour les soldes 2000 et 2002 de la branche famille, car ils affectent le compte de report à nouveau tel que constaté après la clôture des comptes des exercices concernés .

Le rapporteur de la branche famille détaille plus précisément, dans son rapport, les mécanismes de cette opération qui, envisagée d'un strict point de vue comptable, ne paraît pas irrégulière.

On peut, en revanche, s'interroger sur la conformité d'une telle méthode à l'exigence de sincérité des comptes soumis à l'examen du Parlement, dans la mesure où son résultat concret est de faire « disparaître » 6,5 milliards de francs des agrégats du projet de loi de financement.

- les effets de la neutralisation comptable des transferts entre les différentes branches du régime général

L'agrégat de dépenses de la loi de financement est déterminé par branches.

Or, à l'occasion de l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, la direction de la sécurité sociale a décidé de « neutraliser » les transferts financiers entre les différentes branches du régime général 16 ( * ) , considérant que ces opérations étaient financièrement neutres au niveau du solde global du régime général.

Si cette analyse n'est pas erronée d'un strict point de vue comptable, elle pose néanmoins, là encore, une question de principe quant à la sincérité des comptes soumis à l'examen du Parlement dans le cadre de l'agrégat de dépenses.

En effet, la « neutralisation » des transferts entre les différentes branches du régime général aboutit à minorer les dépenses de chacune d'entre elles, telles qu'elles sont individualisées au sein de l'agrégat de dépenses de la loi de financement .

d) L'inscription de recettes par anticipation

A l'occasion de la présentation à la presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le Gouvernement avait identifié, parmi les ressources nouvelles en faveur du FOREC, une augmentation du produit des droits de consommation sur le tabac résultant, elle-même, d'une « augmentation des prix du tabac. ».

Or, ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni le projet de loi de finances pour 2002 ne contenaient, dans leur rédaction initiale, la disposition normative correspondante .

En revanche, comme l'a confirmé madame la ministre de l'emploi et de la solidarité lors de son audition par la commission des Affaires sociales le 30 octobre 2001, les comptes prévisionnels du FOREC figurant dans l'annexe F du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 intégraient déjà cette recette supplémentaire 17 ( * ) .

Or, il a fallu attendre la première lecture à l'Assemblée nationale pour qu'un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (art. 6 bis), résultant de l'adoption d'un amendement présenté par le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, pour mettre, enfin, le droit en conformité avec les comptes de l'annexe F du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 .

III. LES VÉRITABLES COMPTES DU RÉGIME GÉNÉRAL POUR LES ANNÉES 1998 A 2002 : UN SOLDE CUMULÉ DÉFICITAIRE DE - 6,7 MILLIARDS DE FRANCS ET UNE « SITUATION NETTE » DÉFICITAIRE D'ENVIRON 30 MILLIARDS DE FRANCS

Le Gouvernement se félicite, de manière rituelle, de l'amélioration significative des comptes du régime général observée au cours de ces dernières années.

Or, à l'examen, et compte tenu, notamment, des circuits de financement mis en place afin de confisquer à la sécurité sociale la « manne de la croissance » au profit du FOREC, il apparaît que la réalité des comptes du régime général est nettement moins favorable, même sur la base des hypothèses irréalistes retenues par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 .

1. Un solde cumulé déficitaire de - 6,7 milliards de francs

Le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, annonce « un excédent cumulé du régime général de 23 milliards de francs ».

A l'examen, il apparaît que ce chiffre pèche par excès d'optimisme :

- en se limitant à l'addition des résultats des années 1999 à 2002 ( laissant ainsi de côté le solde déficitaire de l'année 1998 , soit - 9,7 milliards de francs) ;

- en ne prenant pas en compte l'annulation de la créance du régime général sur le FOREC pour 2000 , pourtant prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, soit une perte de 15 milliards de francs imputée sur l'exercice 2000 ;

- en n'intégrant pas les effets des mesures nouvelles, soit prévues dans le projet de loi de financement initial pour 2002 (et exposées page 30 de l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002), soit résultant des amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale . S'agissant de ces derniers, le tableau ci-après, établi par la direction de la sécurité sociale, permet d'évaluer l'impact financier de ces mesures et leurs conséquences sur les soldes du régime général en 2002.

(en millions de francs)

EFFETS FINANCIERS DES AMENDEMENTS VOTÉS EN 1 ÈRE LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

Résultat net 2002 plfss

- 11.800,67

3.581,53

6.835,07

8.278,18

6.894,11

Amendements recettes 2002

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

Exonérations de charges patronales services d'aide à domicile

- 131,19

- 32,80

- 98,39

- 65,60

- 327,98

Exonérations de charges des salariés embauchés lors des vendanges

-

-

-

-

-

Taxe publicité pharmaceutique

- 131,19

Frais de gestion liées aux relatons avec l'Etat

196,79

32,80

- 65,60

295,18

TOTAL

- 65,60

- 32,80

- 65,60

0

- 163,99

Amendements dépenses 2002

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

FMES 2002

590,36

590,36

Examens bucco-dentaires pour les enfants de 6 à 12 ans

262,38

262,38

Aléa thérapeutique

262,38

262,38

Adolescents et adultes handicapés autisme

131,19

131,19

Suppression affiliation préalable service national

98,39

98,39

Amendements diverses mesures famille

163,99

163,99

Amendements diverses mesures accidents du travail

98,39

98,39

TOTAL

1.246,32

98,39

98,39

163,99

1.607,09

Résultat net après amendements

- 13.112,58

3.450,33

6.671,08

8.114,19

5.123,02

Source : Direction de la sécurité sociale

Pour l'exercice 2001, l'impact financier des mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture peut être évalué à un milliard de francs de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie.

Sur ces bases , les comptes « véritables » du régime général font apparaître, sur la période 1998-2002, un déficit cumulé de - 6,7 milliards de francs. Pour la seule branche maladie, ce solde cumulé déficitaire atteint, pendant la période considérée, - 61,3 milliards de francs.

Compte du régime général (1998-2002)

(droits constatés en milliard de francs)

1998 (1)

1999 (1)

2000 (2)

2001 (3)

2002 (4)

1998/2002

CNAMTS AM

- 14,7

- 4,8

- 17,2

- 11,5

- 13,1

- 61,3

CNAMTS AT

3,3

1,4

1,1

1,2

3,4

8,9

CNAVTS

2,8

5

- 1,3

6,4

6,7

19,6

CNAF

- 1,1

1,7

6,7

9,2

8,1

24,6

TOTAL

- 9,7

3,3

- 10,7

5,3

5,1

- 6,7

(1) Source : Rapport de la Cour des comptes (septembre 2001)

(2) Soldes Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2001) après annulation de la dette du FOREC (15 milliards de francs)

(3) Soldes Direction de la sécurité sociale. Projet de loi de financement initial moins mesures nouvelles AN (évaluation : 1 milliard de francs)

(4) Source : Direction de la sécurité sociale.

2. Une « situation nette » cumulée déficitaire d'environ 30 milliards de francs

Par ailleurs, il convient d'ajouter à ce déficit cumulé l'effet des différents prélèvements effectués, après clôture des comptes, sur les soldes des branches du régime général, à savoir :

- d'une part, les prélèvements sur les soldes de la branche vieillesse ou de la branche famille au profit du F2R ;

- d'autre part, les prélèvements sur les excédents de la branche famille au profit du fonds d'investissement pour la petite enfance (FIPE).

Compte tenu de ces divers prélèvements, la « situation nette » du régime général s'avère déficitaire, pour les années 1998 à 2002, d'environ 30 milliards de francs (cf. tableau ci-dessous).

Situation nette du régime général (1998-2002)

(En droits constatés et en milliards de francs)

1998

1999

2000

2001

2002

1998/2002

Solde RG (1)

- 9,7

3,3

- 10,7

5,3

5,1

- 6,7

Prélèvements

F2R

5

5

6,4

6,7

23,1

FIP

1,5

1,5

3

Total prélèvements (2)

6,5

6,5

6,4

6,7

26,1

« situation nette » du régime général (1) - (2)

- 9,7

- 3,2

- 17,2

- 2,6

- 1,6

- 32,8

*

* *

A l'issue d'une période de croissance économique exceptionnelle, la sécurité sociale se trouve donc dépourvue de toute réserve pour affronter des temps plus difficiles.

En outre, l'imagination financière déployée par le Gouvernement, dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, afin d'alimenter « l'insatiable FOREC », a totalement dénaturé cet outil, initialement conçu pour permettre aux représentants élus du peuple de déterminer, en toute transparence, les grands choix sanitaires et sociaux de la Nation, et d'en définir ainsi les moyens financiers.

Votre commission estime donc que le moment est venu de rétablir la vérité des comptes sociaux.

Cette « opération vérité » consiste à restituer, en 2002, à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui lui ont été, directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC 18 ( * ) . Elle permettrait ainsi de dégager, pour le régime général, un total de recettes supplémentaires de 30 milliards de francs, son excédent passant ainsi de 5 milliards (après mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture à 35 milliards. Le solde du fonds de solidarité vieillesse deviendrait, quant à lui, positif de 18 milliards de francs (solde qui serait ensuite reversé, l'année suivante, au fonds de réserve des retraites).

En réalité, cet excédent, à l'évidence ne serait « pas de trop ». Libre au Gouvernement à titre pédagogique, de retenir des hypothèses « patriotiques » ou « angéliques ». Mais la prudence veut que la sécurité sociale puisse faire face à un risque de déconvenue qui n'est pas « absolument déraisonnable ».

Cet excédent fait apparaître en second lieu les marges de manoeuvre qui auraient pu être celles de la sécurité sociale pour mener une politique familiale ambitieuse, pour assurer de façon crédible l'avenir des retraites, pour restructurer notre système de soins et clarifier les principes sur lesquels il est fondé.

Les réformes de long terme -celles précisément qui ne s'apparentent pas aux nombreux « plans de sauvegarde » qu'a connus la sécurité sociale au cours des trente dernières années- ne se font pas, en effet, sur fond de crise financière.

DEUXIÈME PARTIE
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ASSURANCE MALADIE

L'examen de ce sixième projet de loi de financement de la sécurité sociale -cinquième et dernier de la législature- est aussi l'occasion de dresser un premier bilan de la politique menée depuis juin 1997 en matière d'assurance maladie.

L'année 2001 a vu la confirmation -et parfois l'accélération- des tendances inquiétantes que votre commission avait déjà relevées les années précédentes.

Privée de pilote, l'assurance maladie est devenue en quelques années une sorte de bateau ivre, livré à lui-même.

La dérive des dépenses s'est poursuivie, sans donner de signe d'un quelconque ralentissement. L'ONDAM a une nouvelle fois été dépassé en 2001, témoignant du caractère peu réaliste des objectifs définis par le Gouvernement.

Au total, sur quatre années, de 1998 à 2001, et malgré les rebasages successifs, l'ONDAM aura dérapé de 54 milliards de francs par rapport aux objectifs votés par le Parlement. Tout porte, en outre, à croire que l'ONDAM 2002, en progression affichée de + 3,8 %, ne sera pas davantage respecté.

Malgré une croissance exceptionnellement forte des recettes, l'absence de maîtrise des dépenses conduit très logiquement la branche maladie du régime général à enregistrer des déficits répétés : 14,7 milliards de francs en 1998 en droits constatés, 4,8 milliards en 1999, 17,2 milliards en 2000 et 11,5 milliards en 2001.

Le Gouvernement prévoit pour 2002 un déficit de 13 milliards de francs, ce qui porterait le déficit cumulé des années 1998-2002 à 61,2 milliards de francs. Cette hypothèse suppose d'ailleurs que l'ONDAM soit respecté et que les recettes continuent à progresser fortement. Le simple prolongement des tendances enregistrées ces deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville amènerait le déficit du régime général à près de 30 milliards de francs à la fin de l'année 2002, soit un déficit cumulé sur cinq ans approchant les 80 milliards de francs. Naturellement, si les recettes venaient à fléchir sous l'effet d'une conjoncture moins favorable, ce déficit serait majoré d'autant.

On mesure à cette aune l'effectivité du « redressement de la sécurité sociale » dont se targue régulièrement la ministre de l'emploi et de la solidarité...

Il apparaît dès lors assez paradoxal de constater que l'assurance maladie, qui constitue la branche déficitaire par excellence, se voit néanmoins ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « 35 heures » : par les 8 milliards de francs de recettes qu'elle abandonne au FOREC en 2002 et par la charge financière -10 milliards de francs en année pleine- qu'elle va supporter au titre des emplois créés dans les hôpitaux.

La progression des dépenses d'assurance maladie intervient de surcroît dans un contexte de fortes tensions entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé.

S'agissant des soins de ville, l'application du mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes, dont l'échec est désormais patent, a mis en péril le fonctionnement du système conventionnel et fait disparaître toute véritable possibilité de régulation.

En matière de médicament, le Gouvernement semble une nouvelle fois préférer l'augmentation des prélèvements pesant sur l'industrie pharmaceutique à des actions plus structurelles visant à promouvoir le bon usage du médicament.

Enfin, la situation des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, est aujourd'hui préoccupante : l'hôpital public doit passer le 1 er janvier 2002 aux « 35 heures » sans que les moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Les cliniques privées connaissent pour leur part des difficultés croissantes dont le Gouvernement ne semble pas avoir véritablement pris la mesure.

Dans ce contexte, qui devrait inciter le Gouvernement à davantage de modestie, rarement un projet de loi de financement de la sécurité sociale aura donné un tel sentiment d'impréparation et d'improvisation.

Le volet assurance maladie du projet de loi de financement tel qu'il a été déposé pouvait apparaître étonnamment vide : en réalité, les mesures les plus importantes sont arrivées au cours du débat de première lecture à l'Assemblée nationale, sous la forme d'amendements du Gouvernement. Au total, pas moins de onze articles additionnels ont ainsi été introduits par l'Assemblée nationale sur un volet assurance maladie qui n'en comportait initialement que neuf.

Le Gouvernement a notamment fait adopter dans la plus grande précipitation un article 10 A pour le moins ambitieux puisqu'il vise ni plus ni moins « à la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif de régulation » des soins de ville.

Sur le fond, il paraît bien difficile de se prononcer sur ce dispositif encore très flou, dont on sait d'ores et déjà qu'il ne constitue qu'un « amendement esquisse » ayant vocation à être profondément remanié d'ici la nouvelle lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale. L'écart est d'ailleurs grand entre le dispositif normatif voté par l'Assemblée nationale, dont le contenu est pour le moins succinct, et les intentions réformatrices affichées par le Gouvernement.

Sur la forme, la méthode s'avère peu respectueuse des droits du Parlement et finalement peu soucieuse de la concertation avec les professionnels de santé à qui l'on demande un avis sur une disposition déjà votée par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement a en outre été contraint par sa majorité plurielle à faire un effort supplémentaire pour les hôpitaux, effort qui repose d'ailleurs pour une large part sur des crédits déjà prévus, voire déjà votés par le Parlement, et sur des crédits budgétaires pour le moment très virtuels.

Votre rapporteur souhaite enfin souligner que si le Sénat est naturellement toujours disposé à examiner les nouvelles dispositions qu'on lui soumet, notre Assemblée ne peut que déplorer que bon nombre des dispositions votées en matière d'assurance maladie dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ne soient, de l'aveu même du Gouvernement 19 ( * ) , toujours pas appliquées : il s'agit notamment des articles 36 (filières et réseaux) , 38 (rapport d'équilibre et annexes), 39 (agence technique de l'information sur l'hospitalisation) , 40 (création du fonds pour la modernisation des établissements de santé) , 43 (réforme du financement du service de santé des armées) , 44 (transmission des prélèvements) , 47 (fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique) , 48 (exonération des médicaments orphelins du paiement des taxes et contributions dues par l'industrie pharmaceutique) . Cette énumération incite à examiner avec un certain scepticisme les mesures nouvelles qui nous sont proposées à l'occasion de ce projet de loi...

I. 1998-2001 : QUATRE ANNÉES DE DÉRIVE DE L'ASSURANCE MALADIE

L'ONDAM est la somme des dépenses des régimes obligatoires de base, dont sont exclus les prestations invalidité-décès, les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières maternité, les dépenses d'action sanitaire et sociale, les prestations extralégales, les dépenses de gestion administrative et au titre des divers fonds, les transferts et les frais financiers, et auxquelles sont ajoutées les dépenses des DOM.

L'ONDAM se décompose en quatre agrégats :

- l'objectif « soins de ville » , c'est-à-dire les honoraires, les prescriptions et les indemnités journalières maladie ;

- l'objectif « établissements sanitaires » correspondant à l'activité des établissements sous dotation globale (et les hôpitaux militaires) ;

- l'objectif « établissements médico-sociaux » , qui correspond à l'activité de ces établissements pour personnes âgées, handicapées ou enfants inadaptés ;

- l'objectif « cliniques privées » correspondant à l'activité des établissements sous objectif quantifié national et celle des établissements privés qui n'entrent pas dans le champ de cet OQN.

Avant d'examiner l'évolution de l'ONDAM de 1998 à 2002, votre rapporteur souhaite rappeler une nouvelle fois les difficultés méthodologiques qui rendent particulièrement malaisé cet exercice.

L'ONDAM est un instrument à l'évidence perfectible. Comme le rappelait l'année dernière la Cour des comptes 20 ( * ) , « l'existence de l'ONDAM constitue, comme c'était l'une de ses finalités, un indéniable progrès dans l'amélioration de la connaissance par la représentation nationale des choix effectués en la matière. Il n'en demeure pas moins que les insuffisances relevées dans les méthodes de préparation et le fait que la traduction chiffrée des objectifs de santé publique soit très grossière font que l'information présentée n'est pas encore totalement pertinente. »

La Cour soulignait notamment que ce que l'on nomme « opérations de rebasage » fausse la signification de certaines informations fournies au Parlement. Sous ce vocable, il faut distinguer plusieurs choses : des changements de contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, des modifications de calcul des taux d'évolution (pour tenir compte des écarts entre estimations et objectifs), et enfin la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique.

Chaque année, le contenu de l'ONDAM est ainsi modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués, pour des montants non négligeables.

Depuis 1998, les principaux transferts au sein de l'ONDAM ont été les suivants :

- en 1998, le transfert, des soins de ville vers le secteur médico-social, des centres d'action médico-sociale précoce, représente 331 millions de francs. ;

- en 1999, deux transferts de champ majeurs sont observés à l'intérieur de l'ONDAM : l'un, de 600 millions de francs est lié aux médicaments de l'ANTADIR qui quittent le champ des cliniques privées pour être comptabilisés dans les dépenses de soins de ville. Le second transfert, d'un montant de 4.328 millions de francs est interne aux établissements : il s'agit du changement de champ des établissements anciennement à prix de journée préfectoral (ex-PJP) : ils quittent le poste des autres établissements sanitaires, à destination de la dotation globale ;

- en 2000, l'achèvement de l'intégration dans la dotation globale hospitalière de l'ensemble des dépenses de soins de ville facturés à l'acte par les établissement ex-PJP entraîne un transfert de 550 millions de francs des soins de ville vers la dotation globale hospitalière ;

- en 2001, 500 millions de franc sont transférés de l'enveloppe soins de ville vers l'enveloppe médico-social « personnes âgées » au titre de la mise en oeuvre de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées qui met à la charge des budgets des établissements certaines dépenses de soins remboursées auparavant à l'acte.

Par ailleurs chaque année sont enregistrés une série de transferts d'enveloppe, dits de fongibilité, qui correspondent au changement de statut des établissements, notamment du secteur sanitaire vers le secteur médico-social. Enfin, en 2001, l'amélioration de l'information statistique a permis le reclassement d'un certain nombre de dépenses à l'intérieur de l'ONDAM.

Le tableau suivant retrace les modifications de champ intervenues entre 1997 et 2001.

Tableau récapitulatif des modifications de champ entre 1997 et 2001
(en millions de francs)

Total des effets champ 1997

Total des effets champ 1998

Total des effets champ 1999

Total des effets champ 2000

Total des effets champ 2001

Soins de ville

-389

518

-600

-206

Objectif délégué

-58

-28

-600

160

Versements aux établissements

32

382

-515

579

375

Etablissements sanitaires

-176

-61

156

631

-741

Etablissements sanitaires sous DG

26

534

4484

672

159

Autres établissements sanitaires

-202

-595

-4328

-41

-500

Honoraires du secteur public

-400

Médico-social

153

580

111

225

618

EI-AH

147

576

111

152

80

EHPA

6

4

73

538

Cliniques privées

55

-138

-782

-278

497

Cliniques privées sous OQN hors C.I.

66

-42

-74

-179

239

Cliniques privées hors OQN

-11

-96

-707

-99

258

Marge de manoeuvre résiduelle

8

-3

21

-170

Pour compliquer encore la tâche du législateur et empêcher toute comparaison pluriannuelle, le Gouvernement modifie désormais de manière systématique le mode de calcul du taux d'évolution de l'ONDAM.

Les premières années, le taux d'évolution de l'ONDAM était fixé par référence au montant de l'ONDAM voté pour l'année précédente et non aux dépenses effectives pendant cette année. Ce système était censé permettre la récupération des éventuels dépassements des années précédentes. Cependant, l'objectif ayant été dépassé chaque année, et compte tenu de l'effet mécanique de l'accumulation des dépassements, le Gouvernement a décidé de modifier la procédure de fixation de l'ONDAM pour 2000, puis pour 2001 et maintenant pour 2002.

Comme le rappelle la Cour des comptes, il faut en effet distinguer nettement deux choses :

- le montant de l'ONDAM, c'est-à-dire l'objectif que l'on se fixe, exprimé en milliards de francs ;

- l'évolution de cet objectif par rapport, soit à l'objectif qui avait été fixé pour l'année précédente (ONDAM objectif), soit par rapport aux dépenses effectives qui ont eu lieu cette année précédente (ONDAM réalisé) ; dans les deux cas, cette évolution est exprimée en pourcentage.

Seul le montant de l'objectif figure dans la loi de financement et est donc voté par le Parlement.

Le taux de croissance ne figure pas dans le projet de loi, mais cette grandeur est présentée par le Gouvernement, et davantage médiatisée que le montant.

Ce taux dépend bien entendu de la base : pour un même montant, le taux sera plus faible si la base (de l'année précédente) est plus élevée. C'est ici qu'intervient le «rebasage» : il a été décidé de prendre, pour calculer l'évolution de 1999 à 2000, la base égale non plus à l'ONDAM objectif 1999 voté par le Parlement dans la loi de financement pour 1999, mais le montant réalisé prévisionnel pour 1999 établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 1999.

Cette opération de rebasage s'est reproduite pour l'ONDAM 2001 et l'ONDAM 2002. Elle entraîne naturellement une rupture statistique qui rend particulièrement difficile la comparaison sur plusieurs années.

Depuis 1999, intervient en outre la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique, qui rend l'analyse encore plus délicate.

A partir de celui voté pour 1999, l'ONDAM est défini en retranchant des dépenses les remises conventionnelles versées par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires, dans le cadre des accords signés avec le comité économique des produits de santé.

Cette diminution de dépenses est enregistrée sur l'enveloppe des soins de ville, qui comprend le poste médicaments. Mais le montant de la remise n'est fixé qu'après la fin de l'année, le comité économique du médicament devant constater s'il y a eu ou non dépassement. Le montant de la remise au titre de 1998 a été fixé en avril 1999 à 1,2 milliard de francs. Son versement a été constaté dans les comptes de l'ACOSS en 1999 et ce montant vient donc minorer l'ONDAM réalisé en 1999. Le montant de la remise a été de 900 millions de francs en 2000 et de 1,8 milliard de francs en 2001.

A. L'ONDAM 1998-2001 : UN DÉRAPAGE DE 54 MILLIARDS DE FRANCS

Le bilan qui peut être établi au terme de la cinquième loi de financement de la sécurité sociale présentée par ce Gouvernement est pour le moins accablant.

Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été respecté. Sur quatre années, de 1998 à 2001, le dérapage entre l'objectif voté et l'ONDAM réalisé a nettement tendance à s'accroître : 9,8 milliards de francs en 1998, 10,2 milliards en 1999, 17,4 milliards en 2000 et 17 milliards en 2001. Le dérapage cumulé de ces quatre années s'élève ainsi à 54,3 milliards de francs.

Tout porte à croire en outre que l'ONDAM 2002 ne sera pas plus respecté que les précédents : une simple prolongation de la tendance enregistrée ces deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville amènerait à un nouveau dérapage d'au moins 15 milliards de francs.

Objectif et réalisation de l'ONDAM 1996-2001
(encaissements-décaissements)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Objectif ( milliards de francs )

600,2

613,8

629,9

658,3

693,3

Réalisé ( milliards de francs )

590,4*

599,5

623,6

640,1

675,7

710,3 (1)

Objectif (n) / Objectif (n-1)

+ 2,27 %

+ 2,63 %

+ 4,51 %

+ 5,32 %

Réalisé (n) / Objectif (n)

- 0,12 %

+ 1,60 %

+ 1,61 %

+ 2,64 %

+ 2,44 %

Objectif (n) / Réalisé (n-1)

+ 1,66 %

+ 2,39 %

+ 1,01 %

+ 2,85 %

+ 2,61 %

Réalisé (n) / Objectif (n-1)

+ 1,70 %

+ 3,90 %

+ 4,28 %

+ 7,27 %

+ 7,90 %

Réalisé (n) / Réalisé (n-1)

+ 1,54 %

+ 4,02 %

+ 2,64 %

+ 5,56 %

+ 5,12 %

Ecart
Réalisé (n) / Objectif (n)
(en milliards de francs )

- 0,7

9,8

10,2

17,4

17,0

* Base de référence pour l'ONDAM 1997.

(p) prévisions.

(1) Ce chiffre résulte de l'article 32 bis du projet de loi.

1. Un dépassement de 9,8 milliards de francs en 1998 et de 10,2 milliards de francs en 1999

Les dépenses incluses dans le champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se sont établies en 1999 à 640,08 milliards de francs 21 ( * ) , soit un dépassement de 10,2 milliards de francs par rapport à l'ONDAM fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui était de 629,9 milliards de francs.

Un dépassement similaire, de 9,8 milliards de francs, avait été observé en 1998 où les dépenses se sont élevées à 623,6 milliards de francs pour un ONDAM voté à 613,8 milliards de francs.

Le surcroît de dépenses observé en 1999 a été, comme en 1998, principalement imputable aux soins de ville (de l'ordre de 44,5 % des dépenses comprises dans le champ de l'ONDAM), alors que l'augmentation des dépenses des établissements était restée limitée.

Par rapport au niveau effectif des dépenses dans le champ de l'ONDAM qui avait été atteint en 1998, l'évolution était de 2,8 % : une grande part du dépassement en 1999 était donc due au dépassement de l'année antérieure, l'objectif 1999 ayant été calculé à partir de l'objectif 1998 et non des dépenses réelles de 1998, qui se sont révélées nettement supérieures à l'objectif.

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2000, plusieurs facteurs perturbaient toutefois l'appréciation exacte des dépenses : la mise en place d'une nouvelle chaîne de traitement pour la liquidation des dossiers (PROGRES) avait entraîné durant l'été 1999 un allongement des délais de liquidation et ces retards n'avaient été qu'en partie résorbés par la suite. En outre, pour éviter des risques lors du passage à l'an 2000, un arrêt technique avait eu lieu le 31 décembre 1999.

Du fait de ces événements, l'évolution de la consommation réelle de soins en 1999 a été sous-évaluée et, par contrecoup, celle de 2000 surévaluée. Si l'on avait intégré l'impact de ces phénomènes, le dépassement de l'ONDAM aurait atteint 13,7 milliards de francs en 1999.

2. Un dépassement de 17,4 milliards de francs de l'ONDAM 2000 rebasé

L'ONDAM voté en 2000 a fait l'objet d'une opération de rebasage : les taux proposés par le Gouvernement pour 2000 ont été calculés sur la base de l'objectif initial 1999 pour les établissements publics de santé, les établissements médico-sociaux et les cliniques privées, et sur la base de la prévision d'exécution 1999, connue en septembre 1999, pour les soins de ville, secteur où l'effet report des dépassements successifs était le plus important.

En dépit de ce rebasage, les dépenses de remboursement entrant dans le champ de l'ONDAM se sont élevées en 2000 à 675,7 milliards de francs (103,01 Md€) pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.

L'objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ayant été de 658,3 milliards de francs (100,4 Md€), le dépassement a donc été de 17,38 milliards de francs (2,65 Md€), et la croissance des dépenses a atteint 5,56 % contre un objectif de 2,5 %.

Le dépassement de 17,3 milliards de francs (2,6 Md€) provient intégralement des soins de ville. Dans son rapport de septembre 2001, la Cour des comptes relève que le dépassement sur les établissements de santé a en effet été compensé par utilisation de la « marge de manoeuvre » prévue à l'intérieur de l'ONDAM 22 ( * ) , « étant rappelé, note la Cour, que ce résultat ne tient pas compte de la partie des protocoles hospitaliers de mars 2000 qui a été financée par le budget de l'Etat et non par l'assurance maladie bien qu'elle couvre un type de dépenses d'ordinaire prises en charge par l'assurance maladie ».

Plus de 7,5 milliards de francs (1,1 Md€) sur les 17 milliards de francs (2,6 Md€) de dépassements en soins de ville viennent de la croissance plus rapide que prévu des remboursements de médicaments , alors que ces remboursements représentent moins du tiers des dépenses de soins de ville et 15 % du total de l'ONDAM.

Evolution des dépenses d'assurance maladie en 2000

en %

ONDAM fixé

+ 2,5

Progression réelle des dépenses dans le champ de l'ONDAM

+ 5,56

dont - soins de ville

+ 7,8 (1) (2)

dont . objectif délégué de soins de ville

+ 5,5

. médicaments

+ 10,7

. TIPS

+ 14,4

. indemnités journalières

+ 8,3

- établissements

dont . établissements sanitaires publics

+ 3,2 (3)

. cliniques privées

+ 3

(1) + 7,9 % pour la CNAMTS seule, selon les chiffres CNAMTS.

(2) En date de soins, la hausse serait de 6,6 % seulement selon la direction de la sécurité sociale pour les trois principaux régimes. Selon la CNAMTS, ses dépenses en date de soins auraient augmenté de + 7,7 % et de + 8,9 % à nombre constant de jours ouvrés.

(3) Non compris l'effet des protocoles hospitaliers de mars 2000 pris en charge par le budget de l'Etat.

Au total, l'ensemble des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM a augmenté moins rapidement que les recettes de l'assurance maladie (5,5 % contre 6,5 %).

Comme le constate la Cour des comptes, « contrairement à ce qui avait été le cas en 1996, 1997 et 1999, les dépenses d'assurance maladie ont augmenté plus vite que le PIB en 2000, et l'écart en ce sens est un peu plus fort qu'il ne l'avait été en 1998 ».

De fait, les dépenses ont augmenté plus rapidement que ne l'indiquaient les prévisions faites en cours d'année, y compris à l'occasion de la Commission des comptes de septembre 2000.

L'écart a concerné divers postes. En juillet 2000, le ministère de l'emploi et de la solidarité prévoyait une croissance de 6 à 7 % des médicaments remboursés et c'est ce taux, proche de celui de l'année précédente, qui a été évoqué à la Commission des comptes de septembre ; en novembre, la prévision a été relevée à 9,4 % ; deux mois plus tard, le résultat apparaissait encore supérieur de 1,3 point.

Lors de la Commission des comptes de septembre, il était encore prévu que les cliniques privées, sous objectif quantifié national (OQN), respecteraient l'objectif fixé, ce qui supposait une croissance en volume de 1,25 % ; l'évolution a été en réalité de 2 %.

Globalement, la croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM était encore prévue lors de la même Commission des comptes comme devant se situer à un rythme un peu supérieur à 4 % et rester inférieure à celle du PIB.

La Cour des comptes juge que, sur certains postes, les écarts n'ont fait que traduire l'incertitude inhérente à toute prévision. Sur d'autres, en particulier les médicaments, la prévision annoncée était en retrait par rapport aux évolutions déjà constatables. Globalement, les prévisions faites en cours d'année n'ont que partiellement reflété l'accélération des dépenses, liée tant à celle de la tendance qu'à celle de la pratique de la régulation.

La Cour des comptes note en outre que l'accélération a concerné la quasi-totalité des postes de dépenses et s'était vraisemblablement amorcée au dernier trimestre de 1999.

L'analyse de l'évolution des dépenses hospitalières révèle l'impact considérable des mesures décidées par le Gouvernement en cours d'année.

L'enveloppe des dépenses hospitalières encadrées avait été fixée en 2000 à 274.720 millions de francs pour la France métropolitaine, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à une base 1999 de 249.659 millions de francs, correspondant à 6,5 milliards de francs.

L'objectif prévisionnel des dépenses d'assurance maladie, qui constituent le financement essentiel des dépenses hospitalières, s'élevait au sein de l'ONDAM à 255.651 millions de francs, soit une augmentation de 2,4 %.

L'exécution de la campagne budgétaire 2000 a été marquée par la mise en oeuvre des protocoles d'accord sur le statut professionnel des praticiens hospitaliers et sur la modernisation du service public hospitalier, intervenus respectivement les 13 et 14 mars 2000.

Le protocole d'accord sur la modernisation du service public hospitaliser du 14 mars 2000 a prévu des mesures relatives au remplacement des personnels absents, aux conditions de travail, aux services d'accueil des urgences, aux investissements hospitaliers, ainsi que des évolutions statutaires.

Ce protocole a été financé pour l'année 2000 à hauteur de 3.800 millions de francs répartis de la façon suivante :

- l'Etat pour 2 milliards de francs intégrés dans le collectif budgétaire de printemps et destinés au remplacement de personnels, mesure à laquelle il faut ajouter 600 millions de francs d'autorisations de programmes supplémentaires affectés aux investissements de modernisation des hôpitaux ;

- l'assurance maladie pour 1,2 milliard de francs environ sans modification de l'enveloppe de l'ONDAM, soit que les mesures aient déjà été intégrées dans la dotation globale, soit qu'elles se situent en dehors de l'ONDAM : c'est le cas de l'enveloppe supplémentaire de 400 millions de francs mise à la charge de l'assurance maladie au titre du fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO).

Le protocole d'accord sur le statut des praticiens hospitaliers du 13 mars 2000 a eu pour objet de conforter le rôle des médecins et de rendre plus attractives les carrières des praticiens hospitaliers par diverses mesures 23 ( * ) dont le coût total, estimé à 1,4 milliard par an (plein effet), est à la charge de l'assurance maladie et relèverait normalement de l'ONDAM.

Au total, alors que les dépenses encadrées devaient progresser de 2,5 % en métropole, le taux d'évolution réel est de 3,02 %, soit 3,07 % hors effets de champ (ceux-ci ont un effet tendu à réduire la part des établissements sous dotation globale). Ainsi, les dotations régionales dont le montant initial a été fixé par arrêté ont ensuite été modifiées par circulaire pour intégrer des mesures nouvelles non prévues en début d'année.

Evolution des dotations régionales (hors soins de longue durée)

(En millions de francs, (M€) et %)

Métropole

DOM

France entière

Base de référence 2000 (après effets de champ 1999 et 2000)

259.998,0

6.801,2

266.799,2

(40.673,3)

Abondement, péréquation, mesures nouvelles

5.816,0

260,1

6.076,1

(926,3)

Dotations régionalisées (arrêté du 21 janvier 2000)

265.814,1

7.061,4

272.875,5

(41.599,6)

Dotations régionales modifiées (circulaire du 8 août 2000)

267.330,9

7.134,3

274.465,3

(41.842,0)

Dotations régionales modifiées (circulaire du 17 octobre 2000)

267.629,3

7.183,9

274.813,2

(41.895,0)

Total des dotations régionales finales

267.859,0

7.192,6

275.051,6

(41.931,4)

Taux d'évolution (dotations régionales finales par rapport à la base de référence) (en %)

3,02

5,75

3,09

Source : direction des hôpitaux et de l'offre de soins.

Par ailleurs, comme le remarque la Cour des comptes, l'impact des protocoles sur l'objectif des dépenses remboursées par l'assurance maladie à l'hôpital, donc sur l'ONDAM, a été estimé, lors de la Commission des comptes de septembre 2000, à 1,1 milliard de francs, ce qui a entraîné une progression de 3 % de ces dépenses versées aux hôpitaux au lieu des 2,4 % prévus. Cette évolution, qui résulte de décisions gouvernementales, a donc conduit à une majoration de fait des dépenses hospitalières à la charge de l'assurance maladie, qui n'avaient pas été prises en compte dans l'ONDAM, tel qu'il avait été fixé par la loi de financement pour 2000.

La Cour des comptes souligne en outre qu'un certain nombre de mesures financées hors du champ de l'ONDAM ne sont pas davantage incluses dans les dépenses encadrées : sur les crédits de l'assurance maladie, il s'agit du FASMO et sur le budget de l'Etat, il s'agit essentiellement de l'enveloppe de 2 milliards de francs pour le remplacement du personnel. L'attribution de cette dotation en dehors des dépenses encadrées ne respecte pas la nomenclature budgétaire des établissements hospitaliers. Elle minore artificiellement des ressources affectées aux dépenses courantes de personnel et masque l'évolution réelle des dépenses de fonctionnement des hôpitaux.

Ainsi, après prise en compte de cette enveloppe de 2 milliards de francs, les dépenses hospitalières progressent en métropole de 0,77 point supplémentaire, s'ajoutant aux 3,07 déjà calculés (hors effets de champ), soit + 3,84 %.

Comme le soulignait votre commission l'année dernière, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'ONDAM 2000 est en quelque sorte le résumé de trois ans d'errements : « rebasé » pour prendre acte du dépassement constaté l'année précédente , il n'en a pas moins dérivé à nouveau . De surcroît, sans estimer utile d'en saisir le Parlement, le Gouvernement l'a majoré de son propre chef , pour les besoins d'une « nouvelle étape » de sa politique hospitalière improvisée en mars 2000, trois mois après le vote définitif de la loi de financement de la sécurité sociale.

3. Un dépassement de 17 milliards de francs de l'ONDAM 2001 rebasé

Compte tenu de la forte croissance des dépenses enregistrées en 2000, le rebasage de l'ONDAM, c'est-à-dire le calcul de l'ONDAM 2001 à partir d'une base 2000 tenant compte de l'évolution réelle des dépenses en 2000 et les années antérieures, et non à partir de l'objectif 2000, devenait inéluctable.

Ce rebasage a été effectué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. L'article 55 de la loi prévoit que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 693,3 milliards de francs pour l'année 2001.

L'exposé des motifs précise que cet ONDAM est « en progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000. »

Toutefois, la prévision présentée à la Commission des comptes de septembre 2000 ayant sous-estimé la progression finale des dépenses pour 2000, la nouvelle base 2000 a elle-même été fixée à un niveau inférieur à ce qu'ont été en définitive les dépenses d'assurance maladie en 2000.

Ainsi, la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000 avait évalué le dépassement « brut » de l'objectif 2000 à 13,2 milliards de francs, soit une progression des dépenses de 4,9 % pour un objectif de 2,5 %.

Selon les estimations de la Commission, l'ONDAM réalisé en 2000 devait s'élever à 671,5 milliards de francs.

Le Gouvernement n'avait cependant pas choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il avait souhaité retirer à ce chiffre l'effet des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et lui ajouter 600 millions de francs correspondant à « la marge de manoeuvre » prévue pour 2000.

L'ONDAM rebasé pour 2000 s'élevait donc à 669,7 milliards de francs. C'est en appliquant à cette base un taux de 3,52 %, que l'on obtenait l'ONDAM 2001, soit 693,3 milliards de francs.

L'ONDAM réalisé en 2000 s'étant finalement élevé à 675,7 milliards de francs, la marge de progression allouée pour 2001 n'atteignait plus que 2,9 %.

Votre commission avait pour sa part relevé l'année dernière que le taux de 3,5 % présentait un caractère très virtuel et visait surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé. L'expérience des quatre premières lois de financement montrait en effet que le débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique était celui de l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs pour 2001.

Tenant compte de l'information disponible au 15 septembre, le rapport de la Commission des comptes de septembre 2001 prévoit une réalisation de l'ONDAM 2001 à 709,2 milliards de francs (108,11 milliards d'euros), en augmentation de 5 % par rapport à 2000. L'objectif fixé dans la loi de financement serait ainsi dépassé de 15,8 milliards de francs, soit 2,41 milliards d'euros.

Le rapport note que « les deux années 2000 et 2001 apparaissent comme des années de forte croissance des dépenses d'assurance maladie : plus de 5 % de croissance moyenne en valeur, entre 3,5 et 4 % en termes réels. En dépenses remboursées comme en dépenses remboursables (à taux de remboursement constant) de tels rythmes d'augmentation n'avaient plus été observés depuis 1992-1993. »

Il relève que l'accélération constatée depuis deux ans porte essentiellement sur les soins de ville (45,6 % du champ de l'ONDAM en 2000) au sein desquels les dépenses de médicaments connaissent la croissance la plus vive (11,0 % en 2000, 7,7 % en 2001 pour les remboursements du Régime général).

Les évolutions des remboursements ont été affectées au cours des dernières années par d'importantes variations dans les délais de traitement des feuilles de soins, auxquels certaines composantes des soins de ville sont particulièrement sensibles. Ces délais s'étaient allongés en 1999 ; ils se sont ensuite réduits en 2000, contribuant à l'accélération des dépenses. Une fois corrigée de ces aléas de liquidation, la consommation en date de soins présente une évolution plus régulière, qui confirme toutefois la vive croissance des années 2000 et 2001.

Variation des dépenses de soins de ville

1998

1999

2000

2001 (p)

Remboursements

Consommation médicale en date de soins

5,8 %

5,5 %

3,7 %

5,8 %

7,8 %

6,8 %

6,3 %

6,3 %

• Les dépenses de soins de ville

Les dépenses de soins de ville devraient continuer à croître en 2001 à un rythme relativement dynamique. Le rapport de la Commission des comptes retient un niveau de dépenses de soins de ville de 328 milliards de francs, ce qui correspond à un dépassement de l'objectif de 15,6 milliards de francs. Les dépenses de ce poste augmenteraient ainsi de 6,3 % en 2001.

La majeure partie de ce dépassement (12,5 milliards de francs) provient de l'évolution des soins de ville hors ODD, c'est-à-dire le médicament, les autres produits de santé et les indemnités journalières. Le médicament à lui seul conduirait à un dépassement de 7,2 milliards de francs de l'enveloppe des soins de ville.

Hypothèses de dépenses ONDAM en 2001

(en milliards de francs)

Objectif initial pour 2001

Nouvelle hypothèse 2001 (septembre 2001)

Dépassement 2001 (estimé en septembre 2001)

Evolution des réalisations 2001

Soins de ville

312,43

327,98

15,55

+ 6,3 %

- dont ODD

149,89

152,64

2,75

+ 4,9 %

Établissements

364,13

363,92

- 0,21

+ 3,8 %

- hôpitaux publics

269,80

270,32

0,52

+ 3,3 %

- cliniques privées

43,82

44,28

0,46

+ 4,7 %

- secteur médico-social

50,51

49,33

- 1,18

+ 5,8 %

DOM

15,61

16,20

0,59

+ 4,2 %

Français à l'étranger

1,25

1,120

- 0,13

+ 3,3 %

ONDAM

693,42

709,22

15,80

+ 5,0 %

Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2001.

Le rapport de la Commission des comptes relève que les dépenses sur le champ de l'objectif de dépenses déléguées (ODD) augmentent à un rythme un peu trop rapide pour que l'objectif soit respecté. Ceci s'explique notamment par l'effet d'un certain nombre de mesures de nomenclature positives prises en 2000 (concernant certains actes de kinésithérapie) et en 2001 (inscription à la nomenclature d'actes dentaires). Il prévoit un dépassement de 2,6 milliards de francs en 2001, ce qui correspond à un montant de dépenses de 152,6 milliards de francs et à une évolution de 4,9 %.

Incidence sur l'objectif de dépenses déléguées
de la modification de la nomenclature générale des actes professionnels

1. Réforme de la nomenclature des actes de masso-kinésithérapie et inscription du bilan -diagnostic kinésithérapique : arrêté du 4 octobre 2000.

Tout en revalorisant la majeure partie des actes accomplis par les masseurs-kinésithérapeutes, cette réforme entraîne une redéfinition des rôles du médecin et du masseur kinésithérapeute, dans le droit fil des propositions du rapport Brocas : s'il revient au médecin dans le cadre de sa prescription de préciser l'indication du traitement, c'est au masseur-kinésithérapeute de décider du choix des actes et des techniques les plus appropriées, par le biais du bilan -diagnostic- kinésithérapique. Coût estimé en année pleine : 121,95 millions d'euros.

2. Inscription du scellements des puits, sillons et fissures et de la pose de l'inlay-core simple et avec clavette dans la nomenclature des actes dentaires : arrêté du 19 janvier 2001.

Cet arrêté inscrit dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des chirurgiens-dentistes un acte de prévention majeur -le scellement des puits, sillons et fissures- et améliore le remboursement de l'acte lié à la réalisation de l'inlay-core. Coût estimé : 168 millions d'euros.

3. Inscription de la surveillance à domicile des grossesses pathologiques, de l'examen de fin de grossesse et du forfait de surveillance en cas de sortie précoce dans la nomenclature propre aux sages-femmes : arrêté du 6 juin 2001.

Cette inscription améliore le suivi à domicile par les sages-femmes des grossesses pathologiques et des sorties précoces. Coût estimé : 2,60 millions d'euros.

4. Création de la majoration pour soins d'urgence effectués au cabinet d'un médecin généraliste : arrêté du 7 juin 2001.

Cette majoration s'attache à certains actes d'urgence effectués au cabinet du médecin généraliste, tels la luxation, le saignement de nez ou le traitement de premier recours nécessité par une détresse d'origine cardiaque notamment. Coût estimé : entre 10,52 et 13,26 millions d'euros.

Il est possible de conduire une analyse plus fine de l'évolution des dépenses de médicament en se fondant sur les données du régime général (dont les dépenses évoluent structurellement plus vite que les dépenses de l'ensemble des régimes).

Les dépenses de la CNAMTS consacrées au médicament pour l'année 2000 ont augmenté de 11,0 %. Cette hausse s'explique d'abord par la déformation de la structure de consommation au profit des médicaments les plus chers qui sont aussi les mieux remboursés, ce qui explique la hausse tendancielle du taux moyen de remboursement. Ce dernier atteint 73,7 % en 2000 pour le risque maladie du régime général, soit une hausse de 0,7 % par rapport à 1999. Un certain nombre de mesures de baisses de prix et de taux de remboursement ont été engagées fin 2000 et courant 2001 afin d'infléchir cette tendance.

Au total, les dépenses de médicaments augmenteraient de 7,7 % en 2001, en intégrant les premiers effets des baisses de prix négociées dans le cadre du plan médicament engagé à l'été 2001.

Les données les plus récentes fournies par la CNAMTS à la mi-octobre apportent des éléments intéressants sur les tendances de ces derniers mois 24 ( * ) .

Les résultats du mois de septembre confirment que la consommation de soins de ville, après avoir marqué une pause sur les premiers mois de l'année 2001, a retrouvé depuis lors une croissance soutenue. Au total, les dépenses du régime général évoluent sous le double effet de la reprise de la consommation médicale et de l'accélération des remboursements.

Sur les neuf premiers mois de l'année, la croissance des remboursements est de 5,4 % pour l'ONDAM.

Pour les soins de ville, la reprise de la consommation concerne au premier chef les honoraires médicaux, notamment des honoraires des médecins spécialistes. En ce qui concerne les prescriptions médicamenteuses, la hausse atteint 8,9 % sur les neuf premiers mois de l'année par rapport aux mêmes mois de l'année précédente.

Peu à peu, les caisses résorbent leurs retards de liquidation. Le nombre de dossiers en instance de liquidation continue à diminuer : il est passé de 15 millions à la mi-mai 2001 à un peu plus de 7 millions à fin septembre. De janvier à septembre 2001, les remboursements de soins de ville ont progressé de + 7,3 % par rapport à la même période en 2000. Ce taux de croissance n'était que de + 5,3 % pour le premier semestre 2001.

Les dépenses du régime général dans le champ de l'ONDAM
(situation à la fin septembre 2001)
(en millions de francs)

Régime général - Métropole
Tous risques
Janvier à septembre 2001

Montants cumulés à fin septembre 2001
(provisoires)

Taux d'évolution bruts
(janv. à sept. 2001/
janv. à sept. 2000)

Soins de ville

204.347

7,3 %

honoraires médicaux et dentaires

60.753

4,0 %

prescriptions

113.843

8,8 %

indemnités journalières

29.751

8,4 %

Etablissements sanitaires publics (*)

166.383

3,7 %

Etablissements sanitaires privés

26.772

2,5 %

Etablissements médico-sociaux (**)

30.287

4,9 %

Total ONDAM

427.788

5,4 %

(*) taux d'évolution calculé en neutralisant l'évolution du poids du régime général par rapport aux autres régimes.

(**) Ce poste intègre désormais les versements faits aux établissements pour personnes âgées et aux centres d'action socio-médicale précoce.

NB : les neuf premiers mois de 2001 comportent le même nombre de jours ouvrés que ceux de 2000.

• Les cliniques privées

Sur le champ de l'ONDAM, l'objectif des cliniques privées a été fixé pour 2001 à 43,8 milliards de francs.

Les tarifs des établissements privés ont augmenté, au 1 er mai 2001, de 3,48 % en moyenne. Les dépenses des cliniques privées devraient augmenter de 4,7 % en valeur environ, correspondant à une augmentation des volumes de l'ordre de 1,5 %. En regard de cette évolution, le dépassement de l'enveloppe « cliniques privées » de l'ONDAM devrait atteindre environ 500 millions de francs.

• Les établissements médico-sociaux

Les dépenses du secteur médico-social seraient inférieures à l'objectif de 1,18 milliard de francs, malgré une évolution soutenue des dépenses de + 5,8 %.

L'économie réalisée en 2000 par les établissements « enfance inadaptée - adultes handicapés » se reporte en partie sur les réalisations 2001, si bien qu'on s'attend à ce que l'objectif soit respecté, en dégageant même une économie de l'ordre de 200 millions de francs.

D'autre part, l'entrée en vigueur de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) a pris plus de temps que prévu si bien que les crédits autorisés par l'objectif ne devraient pas être totalement consommés, dégageant une économie d'environ un milliard de francs. Un nombre assez important de conventions sont cependant en cours de négociation, laissant ainsi apparaître une possibilité d'accroissement plus rapide des dépenses des EHPAD, réduisant de fait le montant de l'enveloppe restant à consommer.

• Les établissements sous dotation globale

En 2001, pour la France métropolitaine, le montant total des dépenses hospitalières encadrées a été fixé à 277.158  millions de francs pour la métropole, soit une augmentation de 3,32 % par rapport à 2000, correspondant à 8,85 milliards de francs. L'objectif prévisionnel des dépenses d'assurance maladie pour les établissements sous dotation globale, calculé au sein de l'ONDAM, s'élève à 265.508 millions de francs, soit une majoration de 3,39 %.

Les versements aux établissements à tarification administrative dépasseraient l'objectif 2001 d'environ 500 millions de francs, présentant alors une hausse de 3,3 % par rapport aux réalisations de l'année 2000. Ce dépassement serait essentiellement lié aux prestations de dotation globale, pour lesquelles il atteindrait 600 millions de francs. On attend par ailleurs une économie de l'ordre de 100 millions de francs sur le poste des autres établissements sanitaires.

Votre rapporteur rappelle en outre que certains crédits ne sont pas inclus dans les dotations régionales : ils concernent, en dehors des fonds de modernisation, l'enveloppe de 2 milliards de francs destinée au remplacement des agents absents.

La circulaire du 8 mars 2000 affirmait le caractère pérenne de cette enveloppe, qui a été inscrite au budget 2000 de l'Etat par un collectif budgétaire. Le protocole d'accord du 14 mars 2000 prévoyait cette enveloppe pendant trois ans.

Comme le rappelle fort justement la Cour des comptes, le financement de cette opération n'a pas été prévu dans la loi de finances pour 2001. Désormais, la somme ne peut être que dégagée en gestion ou inscrite dans le collectif de fin d'année. Dans cette dernière hypothèse, il sera trop tard pour la répartir en 2001. Or, les personnels sont en place dans les établissements. Un transfert de la dépense sur l'assurance maladie constituerait une modification importante des engagements pris en 2000 et, en conséquence, de l'ONDAM voté par le Parlement pour 2001.

Dans un questionnaire préparatoire adressé à la Cour dans la perspective de son audition par la commission sur son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, votre rapporteur avait demandé à la Cour si l'on pouvait, dans ces conditions, considérer d'ores et déjà que l'assurance maladie devrait supporter une charge supplémentaire de 2 milliards de francs en 2001 et que l'ONDAM 2001 réalisé serait majoré d'autant.

La Cour a formulé la réponse suivante :

« Comme l'indiquait la Cour dans son rapport, les 2 milliards de francs ne pouvaient qu'être inscrits en collectif en fin d'année ou dégagés en gestion. C'est la première solution qui pourrait prévaloir pour 2001 : la ministre a demandé l'inscription de cette somme en collectif de fin d'année.

« Les ARH ont eu pour instruction de répartir ces 2 milliards de francs en 2001. Les hôpitaux ont inscrit la recette en groupe 3, comme en 2000. En attendant de percevoir l'argent, ils utilisent des solutions de trésorerie avec beaucoup de difficultés dans certains cas.

« Si la disposition est votée en LFR 2001, l'argent devra être reporté et versé en 2002, mars ou avril au mieux, compte tenu des procédures habituelles d'engagement. Dans ce cas, la somme relèvera bien de crédits d'Etat de 2001 et non de l'ONDAM réalisé. »

La situation ainsi créée s'avère donc extrêmement délicate à gérer pour les gestionnaires hospitaliers. En outre, persistant dans cette méthode qui s'apparente, d'un point de vue comptable, à de la cavalerie, le Gouvernement n'a pas davantage inscrit dans le projet de loi de finances initiale pour 2002 les 2 milliards de francs dus au titre de l'année 2002. Une nouvelle fois, l'opération devra se régulariser « en gestion » !

Au total, si l'on ajoute l'effet de cette enveloppe annuelle de 2 milliards de francs, quel qu'en soit le financeur, les dépenses de fonctionnement des hôpitaux progresseraient de 4,42 % (France entière) en 2001, après une évolution de 3,84 % en 2000.

La Cour des comptes note ainsi que « le desserrement des taux d'évolution des dotations hospitalières depuis quelques années consacre l'échec relatif de la politique de maîtrise des dépenses de ce secteur. Faute d'avoir mis en oeuvre les réformes structurelles nécessaires, la contrainte budgétaire s'est révélée impossible à respecter. Les protocoles de mars 2000 en sont une illustration. »

Une nouvelle illustration peut être trouvée dans les mesures en faveur des établissements hospitaliers annoncées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi 25 ( * ) .

Certaines de ces mesures ayant un impact en 2001, le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale un article additionnel 32 bis, qui prend acte du dépassement de l'ONDAM 2001 et fixe, pour la première fois depuis l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, un ONDAM révisé, donnant au projet de loi le caractère d'un projet de loi de financement rectificative.

Selon les prévisions du rapport de la Commission des comptes, l'ONDAM révisé pour 2001 devait s'établir à 709,16 milliards de francs ; l'article 32 bis du projet de loi majore ce montant d'un milliard de francs du fait de l'abondement de la dotation globale hospitalière pour porter finalement l'ONDAM 2001 à 710,3 milliards de francs 26 ( * ) .

Parallèlement, le Gouvernement a également modifié par voie d'amendement l'objectif de dépenses révisé pour 2001 de la branche maladie-maternité-invalidité-décès, figurant à l'article 31, qui voit son montant majoré de 1,3 milliard de francs (1 milliard au titre de la dotation globale hospitalière et 300 millions au titre du FMES 27 ( * ) ).

Le rapport de la Commission des comptes prévoyait que l'ONDAM fixé dans la loi de financement pour 2001 serait dépassé de 15,8 milliards de francs. En réalité, après le vote par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le dépassement s'élève à près de 17 milliards de francs.

4. Un ONDAM 2002 qui ne sera pas respecté

L'article 32 du projet de loi déposé à l'Assemblée nationale prévoyait que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base serait fixé à 112,62 milliards d'euros pour l'année 2002, soit 738,74 milliards de francs.

Comme l'indique l'exposé des motifs « pour la première fois, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est fixé en comptabilité de droits constatés et non plus en comptabilité d'encaissements-décaissements. »

La détermination de l'ONDAM en droits constatés implique le provisionnement des dépenses correspondant aux soins effectués au cours de l'année considérée et qui seront liquidées les années suivantes. Ce changement permet de supprimer l'écart qui pouvait apparaître dans une comptabilité en encaissements-décaissements entre l'activité des professionnels et les dépenses sous objectifs. De même, les difficultés liées à la liquidation, dont l'importance pour les années 2000 et 2001 a été relevée par la Cour des comptes et la Commission des comptes de la sécurité sociale, devraient disparaître.

Toutefois, le changement de mode de comptabilisation rend naturellement plus difficile l'exercice de comparaison avec les années antérieures.

Comme l'explique le rapport de la Commission des comptes et comme l'a annoncé le Gouvernement, le montant de 112,62 milliards d'euros pour l'ONDAM 2002 « correspond à une augmentation de 3,8 % des dépenses par rapport à un objectif 2001 recalculé en droits constatés et rebasé en fonction des prévisions actuelles de dépenses sur l'année 2001. »

Le rapport précise que le montant de l'ONDAM en droits constatés est supérieur au montant calculé en encaissements-décaissements. En effet, une partie des dépenses de santé de l'année sont liquidées dans les premières semaines de l'année suivante. Par exemple, si le décalage était systématiquement d'un mois, les dépenses liquidées au cours de l'année n correspondraient à la consommation de soins intervenue entre le mois de décembre de l'année n-1 et le mois de novembre de l'année n. Les deux comptabilités sont donc, dans cet exemple, décalées d'un mois. Compte tenu de la croissance tendancielle de la consommation de soins, ce décalage d'un mois se traduit par un montant total de dépenses supérieur en droits constatés.

Le rapport estime que, dans la réalité, l'écart constaté correspond environ à 350 millions d'euros, soit 2,3 milliards de francs.

Calculé en encaissements-décaissements, l'ONDAM pour 2002 serait donc, selon le rapport de la Commission des comptes, inférieur d'environ 350 millions d'euros (2,4 milliards de francs). Il s'élèverait donc à 112,27 milliards d'euros (736,44 milliards de francs), soit un taux de progression de 3,85 % par rapport aux dépenses réalisées de 2001.

Pour sa part, Mme Elisabeth Guigou a affirmé devant la Commission des comptes de la sécurité sociale, le 21 septembre 2001, que « le Gouvernement (avait) retenu un ONDAM pour 2002 de 736,2 milliards de francs en encaissements-décaissements, en progression de 3,8 % par rapport aux dépenses de 2001. ».

On remarquera qu'outre le fait que pour la troisième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de l'année (n+1) est calculé à partir d'une prévision de réalisation de l'ONDAM et non par rapport à celui voté, la conversion encaissements-décaissements en droits constatés laisse subsister un différentiel non expliqué de 200 millions de francs.

Dans son rapport sur le projet de loi de financement pour 2001, M. Charles Descours avait d'ailleurs montré le caractère très relatif du taux de progression de l'ONDAM et souligné que l'on pouvait distinguer au moins six taux différents d'ONDAM, si ce n'est davantage 28 ( * ) .

Le chiffre de l'ONDAM 2002 inclut une progression des soins de ville de 3 % par rapport aux dépenses réalisées en 2001, ce qui ferait passer l'enveloppe de 50 milliards d'euros (328 milliards de francs) à 51,5 milliards d'euros (337,8 milliards de francs).

Le budget des établissements sanitaires publics devrait progresser de 4,8 % en 2002 au lieu de 3,4 % en 2001. Le quart de cette progression, soit 550 millions d'euros (3,6 milliards de francs), devrait servir à financer la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2002.

Les dépenses hospitalières intégreront également l'abondement à hauteur de 30 millions d'euros (200 millions de francs) de l'enveloppe destinée à financer l'arrivée de nouvelles molécules pour lutter contre le cancer et la polyarthrite rhumatoïde. Par ailleurs, une dotation supplémentaire pour l'innovation thérapeutique de 230 millions d'euros (1,5 milliard de francs) viendra renforcer la prise en charge de ces traitements.

Le budget des cliniques privées augmenterait de 3,5 %. Il permettra, selon le Gouvernement, de financer la poursuite du plan pluriannuel de convergence des rémunérations des salariés des secteurs privé et public, dans la logique de l'accord signé le 4 avril 2001 sur l'évolution des tarifs des cliniques privées.

L'évolution proposée du budget des établissements médico-sociaux est fixée à 4,8 %. Ce taux d'évolution a été calculé sur le fondement d'un ONDAM « rebasé » à la baisse par rapport à celui adopté par le Parlement. En effet, pour ce secteur, les dépenses en exécution ont été plus faibles que prévu.

Cet objectif de progression paraît cependant relativement faible si l'on tient compte des difficultés financières que connaissent aujourd'hui les établissements médico-sociaux. Le poids du contentieux des chambres de veille, la mise en place d'un compte épargne temps et l'augmentation de l'indemnité de précarité des personnes employées sur des contrats à durée déterminée prévue dans le projet de loi de modernisation sociale devraient faire peser sur le secteur des charges très importantes, qui devront nécessairement être prises en compte par les financeurs, et notamment par l'assurance maladie.

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, l'Assemblée nationale a majoré, à l'article 32, le montant de l'ONDAM 2002 afin de tenir compte d'un certain nombre de dépenses nouvelles liées à des mesures adoptées lors de l'examen de ce texte ou d'autres projets de loi.

Ces modifications ont eu pour effet de majorer cet objectif de 150 millions d'euros, soit 1 milliard de francs. Elles se décomposent ainsi :

- entrée en vigueur, au 1 er avril 2002, du nouveau régime des accidents du travail des exploitants agricoles (AAEXA) : majoration de l'ONDAM de 80 millions d'euros (525 millions de francs) ;

- doublement en 2002 des enveloppes du plan triennal destiné aux autistes et aux polyhandicapés : majoration de l'ONDAM de 20 millions d'euros (130 millions de francs) ;

- mise en place d'un examen bucco-dentaire pour les enfants de 6 à 12 ans : majoration de l'ONDAM de 50 millions d'euros (330 millions de francs).

Après son vote par l'Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi fixe donc un ONDAM 2002 à 112,77 milliards d'euros, soit 739,72 milliards de francs.

En outre, l'impact des mesures précitées a également été intégré dans l'objectif de la branche maladie , à l'article 30, qui a été majoré de 220 millions d'euros. Cette somme comprend tout d'abord les dépenses relatives à l'effort en faveur des autistes et des polyhandicapés (20 millions d'euros) et à la mise en place d'un examen bucco-dentaire (50 millions d'euros), qui figurent déjà toutes deux dans l'ONDAM. Elle comprend également 40 millions d'euros (260 millions de francs) destinés à financer les débuts de l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux ainsi que l'abondement supplémentaire de 110 millions d'euros au FMES, qui figurent hors de l'ONDAM.

Au total, l'objectif de la branche maladie s'élève dès lors à 125,27 milliards d'euros (821,7 milliards de francs).

L'impact de la mesure relative à l'entrée en vigueur du nouveau régime AAEXA a pour sa part majoré l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail de 120 millions d'euros, soit 790 millions de francs.

Pour votre rapporteur, l'ONDAM 2002 apparaît bâti sur des hypothèses de croissance des dépenses irréalistes : il ne sera pas plus respecté que les précédents.

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2001 semble d'ailleurs partager cette analyse.

Evoquant le compte établi pour le régime général en 2002, le rapport indique que celui-ci ne peut être qualifié de « prévision » et qu'il s'agit d'un compte intermédiaire dont l'objet est de servir de référence à la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale. Le rapport ajoute :

« Mais ce n'est pas tout-à-fait un compte tendanciel qui s'efforcerait de représenter les évolutions les plus probables en l'absence de mesures nouvelles puisqu'il est contraint sur certains points, dont le plus notable est l'évolution des dépenses d'assurance maladie. »

« En effet, une hypothèse déterminante concerne comme toujours les dépenses d'assurance maladie du champ de l'ONDAM qui sont supposées augmenter de 3,8 % en droits constatés, conformément à l'objectif proposé dans le projet de loi de financement.

Le rapport souligne à cet égard que « l'hypothèse retenue en matière de dépenses d'assurance maladie est particulièrement ambitieuse . L'objectif de 3,8 % fixé pour 2002, qui inclut le financement de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, correspond à un objectif inférieur pour les autres dépenses. Sa réalisation supposerait un freinage considérable par rapport à la tendance moyenne des deux dernières années, supérieure à 5 %. On rappelle que les objectifs fixés pour 2000 et 2001 ont été dépassés d'environ 2,5 milliards d'euros (soit 16 à 17 milliards de francs). »

Dans l'esprit du constituant et du législateur organique qui ont institué les lois de financement de la sécurité sociale, le vote de l'ONDAM ne correspondait certes pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits : les assurés sociaux devaient pouvoir être remboursés de leurs dépenses en cas de dépassement de l'objectif voté par le Parlement.

Ce vote n'en avait pas moins une portée normative, une série de mécanismes responsabilisants découlant du vote du Parlement et le traduisant dans des dispositifs conventionnels entre l'Etat et l'assurance maladie, puis entre l'assurance maladie et les professionnels et établissements de santé, devait permettre le respect de l'ONDAM.

En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.

Or, depuis l'entrée en fonction de ce Gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificative n'a été déposé devant le Parlement. Dans les projets de loi de financement annuels, le Gouvernement propose seulement au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en « faisant comme si rien ne s'était passé », comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus de signification.

En cinq années, de 1997 à 2002, les dépenses dans le champ de l'ONDAM ont ainsi progressé d'au moins 140 milliards de francs -à supposer que l'ONDAM 2002 soit respecté, soit une progression annuelle moyenne de 28 milliards de francs !

Constitué à l'origine sous la forme nécessairement d'un agrégat comptable, l'ONDAM est resté, cinq ans plus tard, ce même agrégat comptable. Dépourvu de tout contenu en santé publique, il est aujourd'hui un arbitrage comptable, inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.

Les modalités de l'élaboration de l'ONDAM restent toujours aussi mystérieuses. Dans le questionnaire qu'il avait fait parvenir au mois de juillet 2001 à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, votre rapporteur avait demandé que l'on justifie le contenu de l'ONDAM 2002 en distinguant :

- l'évolution au regard de l'évolution spontanée des dépenses ;

- l'impact des dispositions figurant dans le projet de loi de financement pour 2002 et dans les lois de financement précédentes,

- le chiffrage des priorités de santé publique mises en oeuvre.

La réponse qui lui est parvenue tient en quatre lignes :

« Les questions posées trouvent leur réponse dans la loi de financement de la sécurité sociale et dans les documents joints qui ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée Nationale au plus tard le 15 octobre conformément à la loi organique n°96-646 du 22 juillet 1996. »

Aucune réponse aux questions posées ne figure naturellement dans lesdits documents...

Dans ce contexte et constatant que les dérives qu'elle avait soulignées l'année dernière se sont encore accentuées, votre commission a pris, comme l'année précédente, la décision d'opposer une sorte de « question préalable » à l'ONDAM 2002, c'est-à-dire un rejet solennel.

Elle se déclare en effet hors d'état de prétendre qu'un ONDAM de 112,8 milliards d'euros permettra de soigner correctement les Français en 2002.

Elle se refuse enfin à engager l'autorité du Sénat en lui demandant d'approuver un objectif dont le Gouvernement s'empressera de s'affranchir quelques mois plus tard.

Votre commission a pris cette décision en connaissance de cause tant la dérive observée depuis cinq ans lui semble traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement ; ce n'est pas en effet seulement un « agrégat » qui dérive, mais avec lui notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale

B. UN DÉFICIT CUMULÉ DE 48 MILLIARDS DE FRANCS POUR LA BRANCHE MALADIE DU RÉGIME GÉNÉRAL

La forte croissance des dépenses de la branche conduit à des déficits répétés, accentués de surcroît par les prélèvements opérés pour financer le FOREC.

1. Un déficit de 14,7 milliards de francs en 1998 et de 4,8 milliards de francs en 1999

On rappellera pour mémoire que l'année 1998 a connu un déficit de 14,7 milliards de francs en droits constatés et de 15,9 milliards de francs en encaissements-décaissements.

La branche maladie du régime général en 1998 et 1999
(en droits constatés et en millions de francs)

1998

1999

Recettes

583.493

640.498

Dépenses

598.189

645.290

Solde

- 14.696

- 4.792

En 1999, le déficit a nettement diminué en raison du dynamisme des recettes qui ont progressé de 4,1 %. Toutefois, la branche reste déficitaire en raison du dérapage des dépenses qui s'avèrent de près de 7 milliards plus élevées que prévu. Le déficit atteint 8,9 milliards de francs en encaissements-décaissements et 4,8 milliards de francs en droits constatés.

La branche maladie du régime général en 1998 et 1999
(en encaissements-décaissements et en millions de francs)

1998

1999

Recettes

577.411

600.988

Dépenses

593.337

609.889

Solde

- 15.296

- 8.901

2. Un déficit de 17,2 milliards de francs en 2000

En encaissements-décaissements, la branche maladie du régime général finit l'année 2000 avec un nouveau déficit de 6,1 milliards de francs.

Les recettes ont certes enregistré une progression de 6,5 %, liée à celle des cotisations sur revenus d'activité et un fort rendement de la CSG affectée à la CNAMTS. Elles s'avèrent supérieures de 10,4 milliards de francs à ce qui était prévu en loi de financement de la sécurité sociale.

La branche maladie du régime général en 2000
écarts entre prévisions et réalisations
(en encaissements-décaissements et en millions de francs)

LFSS 2000

CCSS juin 2001
(chiffres définitifs)

Ecarts

Recettes

629.519

639.946

+ 10.427

Dépenses

632.229

645.996

+ 13.767

Solde

- 2.710

- 6.050

Cette forte croissance des recettes est cependant entièrement absorbée par un nouveau dérapage des dépenses qui dépassent de 13,8 milliards de francs les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale, soit une croissance totale de 5,9 % par rapport à 1999.

En droits constatés, le déficit de l'année 2000 est nettement plus élevé puisqu'il atteint 10,7 milliards de francs . Cet écart de 4,6 milliards de francs entre le solde en droits constatés et le solde en encaissements-décaissements s'explique essentiellement par deux facteurs :

- la régularisation de la CSG maladie de 3,1 milliards de francs intervenue en 2000 au titre de 1999, a été, comme il se doit, comptabilisée dès 1999 en droits constatés, mais seulement en 2000 en encaissements-décaissements ;

- une forte sous-évaluation des provisions sur prestations maladie en 1999 (c'est-à-dire des remboursements intervenus en 2000 pour des soins réalisés en 1999) s'est traduite par un report de charges de près de 5 milliards de francs sur l'exercice 2000 en droits constatés.

Pour la branche maladie, ces deux opérations n'ont pas été compensées par la comptabilisation des remboursements d'exonérations liées au FOREC à hauteur des montants qui auraient dû être pris en charge au lieu des recettes effectivement encaissées, ce qui améliore le solde de l'ensemble des branches du régime général en droits constatés de 15 milliards de francs.

La branche maladie du régime général en 2000
(en droits constatés et en millions de francs)

avant annulation de la dette FOREC

après annulation de la dette FOREC

Recettes

670.659

664.224

Dépenses

681.379

681.379

Solde

- 10.720

- 17.155

Toutefois, l'article 5 du présent projet de loi annule les créances sur le FOREC de l'ACOSS et des régimes de sécurité sociale. Il stipule qu'en conséquence, les comptes de l'exercice 2000 des organismes de sécurité sociale sont modifiés pour tenir compte de cette annulation.

Outre la réouverture de comptes pourtant clos et approuvés, cette décision a pour conséquence de minorer de 6.435 millions de francs les recettes de la branche maladie et de porter son déficit en droits constatés à 17,2 milliards de francs.

3. Un déficit attendu de 11,5 milliards de francs en 2001

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2001 fait état d'un déficit prévisionnel de la branche maladie de 6,8 milliards de francs en droits constatés en 2001.

Les dépenses augmenteraient ainsi de 4,9 % par rapport à 2000. Cette progression, supérieure à celle retenue par la Commission des comptes de juin 2001 traduit principalement la révision à la hausse du dépassement de l'ONDAM.

Ce déficit repose toutefois sur des conventions particulières : ce compte 2001 du régime général en droits constatés, figurant dans le rapport de la Commission des comptes, n'intègre la compensation des exonérations de cotisations qu'à hauteur des remboursements effectivement versés par le FOREC compte tenu de ses ressources disponibles .

Le « manque à gagner » correspondant, qui s'élève à 2,363 milliards de francs pour la branche maladie, est donc déjà anticipé dans le solde de - 6,8 milliards de francs.

Après réintégration des 2,363 milliards de francs et soustraction des 5,95 milliards de francs de droits sur les alcools transférés en 2001 par le projet de loi au bénéfice du FOREC, les recettes diminueraient de 3,587 milliards de francs pour atteindre 704,201 milliards de francs.

Les dépenses diminueraient quant à elles de 30 millions de francs pour s'établir à 714,593 milliard de francs.

Après le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le solde prévisionnel de la branche maladie devait donc s'établir à - 10,4 milliards de francs.

Cependant, l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale s'étant traduit par des mesures nouvelles imputables sur 2001, il convient de majorer les dépenses de 1,066 milliard de francs liés à la prise en charge par le régime, au prorata de son importance relative dans les dépenses de tous les régimes d'assurance maladie, de l'augmentation de la dotation globale hospitalière en 2001 (820 millions de francs) et de la dotation au fonds pour la modernisation des établissements de santé (246 millions de francs)

Le solde prévisionnel 2001 de la branche maladie du régime général, après vote du projet de loi par l'Assemblée nationale, s'établit donc à - 11,5 milliards de francs.

La branche maladie du régime général en 2001
(en droits constatés et en millions de francs)

CCSS septembre 2001

PLFSS 2002 initial

PLFSS 2002 après AN

Recettes

707.788

704.201

704.201

Dépenses

714.623

714.593

715.659

Solde

- 6.835

- 10.392

- 11.458

4. Un déficit prévisionnel de 13 milliards de francs en 2002

Le compte établi pour le régime général en 2002 qui figure dans le rapport de la Commission des comptes de septembre 2001 fait état d'un déficit prévisionnel de la branche maladie de 2 milliards d'euros, soit 13,14 milliards de francs.

Ce solde repose toutefois sur une hypothèse déterminante : celle du respect de l'ONDAM dont les dépenses sont supposées augmenter de 3,8 % en droits constatés, conformément à l'objectif proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Comme pour l'exercice 2001, ce compte n'intègre la compensation des exonérations de cotisations qu'à hauteur des remboursements effectivement versés par le FOREC compte tenu de ses ressources disponibles.

Une série de mesures prévues par le projet de loi viennent modifier, tant en recettes qu'en dépenses, ce solde, comme en témoigne le tableau ci-après.

Après examen par l'Assemblée nationale, le solde prévisionnel de la branche resterait donc déficitaire de 1,986 milliard d'euros, soit 13 milliards de francs.

Ceci porte le déficit cumulé des années 1998-2001 à 61,2 milliards de francs.

Cette hypothèse suppose naturellement que l'ONDAM soit respecté et que les recettes continuent à progresser fortement. Le simple prolongement des tendances enregistrées ces deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville amènerait le déficit du régime général à près de 30 milliards de francs à la fin de l'année 2002, soit un déficit cumulé sur cinq ans approchant les 80 milliards de francs. Naturellement, si les recettes venaient à fléchir sous l'effet d'une conjoncture moins favorable, ce déficit serait majoré d'autant.

Impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002

sur l'équilibre de la branche maladie en 2002
(avant et après examen par l'Assemblée nationale)

(en millions d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Compte CCSS

111.862,4

113.864,6

- 2.002,3

1) avant examen par l'Assemblée nationale

• Prise en charge de cotisation FOREC

+ 1.133,2

• Augmentation de la taxe sur la publicité pharmaceutique

+100,0

• Transfert à la CNAMTS des droits sur le tabac

+ 557,5

• Perte des droits sur les alcools (403)

- 885,0

• Perte de la taxe sur les véhicules à moteur

- 899,4

• Cotisations

- 5,0

• Transfert de la branche accidents du travail vers la branche maladie

+ 152,4

• Transfert régimes intégrés

-58,4

• « Coup de pouce » de 0,3 % sur les pensions

+ 9,0

Total des mesures

+ 153,7

- 49,4

Total général

112.016,1

113.815,2

-1.799,2

2) après examen par l'Assemblée nationale

• Exonérations de charges patronales services d'aide à domicile

- 20,0

• Diminution du taux de la taxe sur la publicité pharmaceutique

- 20,0

• Frais de gestion liées aux relations avec l'Etat

+ 30,0

• Contribution au FMES

+ 87,5

• Examen bucco-dentaire

+ 41,0

• Aléa thérapeutique

+ 32,8

• Plan en faveur des autistes

+ 16,4

Total des mesures

- 10,0

+ 177,7

Total des mesures PFSS 2002

+ 143,7

+ 128,3

Total général

112.006,1

113.992,9

-1.986,8

II. LA RÉGULATION DES SOINS DE VILLE DANS L'IMPASSE

La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé. Cette dégradation résulte pour une très large part de l'application d'un mécanisme purement comptable de maîtrise de l'évolution des dépenses.

A. LA RÉGULATION PAR LES LETTRES-CLÉS FLOTTANTES : CHRONIQUE D'UN ÉCHEC ANNONCÉ

1. Un système pernicieux

L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a introduit un nouveau mode de régulation des dépenses de santé en confiant aux caisses d'assurance maladie la mission de gérer l'ensemble des dépenses d'honoraires des professionnels de santé libéraux et les dépenses de transport sanitaire, soit 47 % du total des dépenses de soins de ville, l'Etat conservant la responsabilité pour les médicaments, les produits du TIPS et les indemnités journalières.

A l'intérieur de l'objectif global des soins de ville, un nouvel objectif annuel, l'objectif des dépenses déléguées de soins de ville (ODSV) a ainsi été fixé. Les caisses d'assurance maladie sont responsables de son respect. Elles fixent en début d'année, conventionnellement avec les professionnels ou, le cas échéant, unilatéralement après les avoir consultés, un objectif de dépenses pour chaque profession ainsi que toute mesure propre à assurer le respect de l'objectif. Le document est accompagné d'un rapport d'équilibre, transmis à l'Etat pour approbation.

Les parties conventionnelles se réunissent deux autres fois dans l'année pour faire le point et examiner toute mesure permettant de respecter l'objectif en fin d'année. A chaque fois, un rapport d'équilibre est transmis à l'Etat pour approbation.

Les parties conventionnelles (caisses et syndicats professionnels) peuvent décider d'agir sur les pratiques professionnelles -information, évaluation, promotion des références de bonne pratique-, fixent, en début d'année, à l'intérieur de l'enveloppe qui leur est déléguée, les objectifs de dépense et les tarifs pour chaque profession et peuvent modifier la cotation des actes dans certaines limites.

En cas de carence ou lorsque les mesures proposées ne sont manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif de dépenses, un arrêté interministériel fixe les tarifs et mesures nécessaires.

Dès l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le Sénat, par la voix de son rapporteur, avait souligné les défauts attendus de ce mécanisme des lettres-clés flottantes, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses.

Le dispositif des lettres-clés flottantes :

- renforce le cloisonnement du système de soins ;

- non seulement limite la régulation aux seuls honoraires des professionnels, mais limite également le mode de régulation à une action sur les tarifs des professionnels, ce qui ne peut constituer un outil pour faire évoluer structurellement le système de soins ;

- met en danger le dispositif conventionnel, car il fragilise les syndicats de professionnels qui ont accepté de s'engager et conforte du même coup ceux qui s'installent dans des positions d'immobilisme ;

- n'apporte même pas une garantie d'efficacité économique.

Le dispositif est en outre absurde, car il incite naturellement les professionnels à « prendre de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir tous les trimestres. Il est également injuste, car il sanctionne de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.

La pratique observée en 2000 et 2001 a confirmé les craintes exprimées par le Sénat.

2. Un échec désormais patent

Dans le premier rapport d'équilibre, les caisses nationales d'assurance maladie ont réparti l'objectif de dépenses déléguées entre les différentes professions.

Elles indiquaient que « leur démarche globale reposait sur l'analyse selon laquelle il était possible, sur l'année 2000, d'inviter les professions de santé à stabiliser le volume de leurs actes... L'assurance maladie a, en conséquence, proposé à chaque profession de réserver les marges de croissance dégagées à des revalorisations tarifaires », qualifiées de « sélectives et restructurantes ».

Comme le note la Cour des comptes dans son rapport, un pari était donc fait sur la stabilisation des volumes, et la marge de croissance de l'ODSV -15 milliards de francs- était affectée à des revalorisations tarifaires, notamment pour les sages-femmes, les orthoptistes et les médecins généralistes « référents », ainsi qu'à des « provisions », constituées pour revaloriser en cours d'année les nomenclatures des dentistes, des masseurs et de certains spécialistes.

La Cour des comptes relève que ce choix était risqué. Il intervenait en effet alors même que les derniers mois de l'année 1999, depuis octobre, avaient été marqués par une accélération de la croissance du volume des actes. D'autre part, l'hypothèse de stabilité du volume des actes en 2000 par rapport à 1999 supposait, puisque ce volume avait augmenté au long de 1999, qu'une décroissance symétrique se produise en 2000, faute de quoi l'effet en année pleine en 2000 du niveau atteint à fin 1999 ne pouvait que conduire à un volume plus important en 2000 qu'en 1999. Enfin, aucun accord n'était en vue avec les professionnels de santé, qui ait pu être de nature à laisser espérer une stabilisation des volumes, même au niveau atteint à fin 1999, sauf avec les infirmiers et les orthophonistes.

Bien que le ministère de tutelle ait perçu que ce rapport d'équilibre reposait sur des hypothèses peu réalistes, il l'a cependant approuvé.

En outre, « l'annexe tarifaire », signée début mars 2000 entre MG-France et les caisses, a prévu un nouvel acte, la visite de maintien à domicile (Vmad), qui a commencé à s'appliquer en mai. Le coût de cette mesure devait être de 450 millions de francs en 2000 et 800 millions de francs en année pleine. Cette revalorisation était en principe gagée sur une éventuelle baisse de la valeur de l'indemnité de déplacement si les dépenses de médecine générale devaient progresser plus vite que l'objectif.

Le coût des mesures (rapport d'équilibre et Vmad) s'établissait ainsi (hors « provisions »), à 827,3 millions de francs en année pleine.

Devant l'évolution réelle des dépenses, le deuxième rapport d'équilibre a traduit une orientation différente : « les caisses ont retenu une approche incitative au respect des objectifs afin d'obtenir, au 1 er janvier 2001, une référence d'activité éliminant toute pérennisation des dépassements observés ». Mais, dans le même temps, ce rapport infléchissait le dispositif par rapport à ce qui était prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale : « des mesures correctrices, concernant uniquement les dépassements notoires, sont adoptées en mi-année et portent sur la moitié, au plus, de la valeur de ces derniers », ce qui instituait une « marge de neutralisation » au moins temporaire dans la prise en compte des dépassements. « Dans le dosage des mesures immédiates à prendre, les caisses ont usé d'une marge d'appréciation conforme à l'équité ».

Ces mesures consistaient en un ensemble de baisses concernant notamment les radiologues, cardiologues, gynécologues, neurologues, anatomo-cytho-pathologistes, biologistes, ainsi que les sages-femmes, les orthoptistes, les orthophonistes et les masseurs-kinésithérapeutes. Ces diverses dispositions devaient économiser 1,8 milliard de francs (0,3 Md€) en année pleine, soit 1,3 % du montant de l'ODSV.

Parallèlement, le second rapport d'équilibre prévoit également 1,6 milliard de francs (0,2 Md€) de dépenses nouvelles en année pleine, notamment la prise en charge de nouveaux soins dentaires, et une revalorisation pour les transporteurs sanitaires.

L'économie nette proposée n'était donc que de 236,2 millions de francs bien qu'elle résultât de mesures d'économie touchant plus d'une dizaine de professions.

La ministre de l'emploi et de la solidarité ayant refusé la principale des baisses proposées à l'encontre des infirmières 29 ( * ) , et diverses mesures d'économies ou de dépenses supplémentaires n'étant pas encore entrées en vigueur à ce jour, l'économie nette attendue en année pleine des mesures figurant dans le deuxième rapport d'équilibre et entrées en vigueur est de 147,2 millions de francs (22,4 M€), soit 0,1 % de l'ODSV. Il s'est donc principalement agi d'un redéploiement.

Enfin, le rebasage de l'ONDAM 2001 a rendu dépourvu de toute signification le troisième rapport d'équilibre présenté le 15 novembre 2000.

Ce troisième rapport, établi au moment même où le Parlement avait déjà engagé la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en retenant comme base de l'ONDAM pour 2001 les dépenses effectives de 2000, affirmait un esprit différent de celui qui était exposé dans le second : les mesures proposées n'étaient destinées à permettre « aucune économie nette », mais un « accompagnement social », à charge pour les syndicats représentant les professionnels de « s'impliquer » et de faire des propositions.

On voyait mal en effet comment de nouvelles sanctions pourraient être prises à l'encontre des professionnels de santé alors que le Gouvernement, prenant acte du dérapage des dépenses, annonçait parallèlement un ONDAM rebasé.

Il devait représenter des économies de 370 millions de francs (56,4 M€), mais, parallèlement, étaient prévues diverses revalorisations, notamment celle des actes de petite chirurgie et de traumatologie effectués par les généralistes et le doublement de la rémunération spécifique consentie aux médecins généralistes « référents ». Le coût était évalué entre 153 millions de francs (23,3 M€) et 171 millions de francs (26,1 M€) en année pleine. L'économie nette était donc de 199,2 millions de francs (30,4 M€) à 217,2 millions de francs (33,1 M€), non comprise la proposition de revenir dès le 1 er trimestre 2001 sur les mesures prises à l'encontre des masseurs et des orthophonistes, en « explorant » avec eux « les voies d'un accord conventionnel permettant de rétablir la valeur de leur lettre-clé, moyennant un accord volume-prix ».

Les économies proposées devaient provenir à la fois de baisses de tarifs et de modifications de la nomenclature des actes médicaux. Le ministère ne s'étant pas opposé à ces diverses mesures, elles ont été réputées approuvées.

Cependant, alors que des baisses de tarifs décidées entre partenaires conventionnels entrent en vigueur dès lors qu'elles ont été approuvées, même implicitement par l'Etat, la nomenclature ne peut être modifiée que par un texte réglementaire. Or, à fin juillet 2001, l'Etat n'avait pas pris tous ces textes, et certaines mesures continuaient à être expertisées par les formations compétentes de la commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels. L'économie nette attendue en année pleine des mesures du troisième rapport entrées en vigueur à cette même date s'élève à 153,2 millions de francs (23,4 M€).

Au total, selon le rapport de la Cour des comptes, les mesures entrées en vigueur à la suite des deuxième et troisième rapports réduisent en année pleine la croissance des dépenses de 300,4 millions de francs (45,8 M€), mais, compte tenu de l'effet du premier rapport et de la création du Vmad, l'ensemble des mesures entrées en vigueur à la suite des trois rapports et de cette création, représentent une charge supplémentaire en année pleine de 527 millions de francs (80,3 M€). Le deuxième et le troisième rapports équivalent à reprendre un peu plus de la moitié des dépenses supplémentaires induites par les décisions prises en début d'année 2000.

L'effet global des rapports a donc plus été de modifier les équilibres entre certains spécialistes et les généralistes, de revaloriser les honoraires des généralistes par une série de mesures (ce qui explique que les honoraires des généralistes aient progressé en 2000 plus vite que ceux des spécialistes), et d'assurer la prise en charge de certains actes dentaires que de permettre le respect de l'objectif délégué des soins de ville.

En définitive, note la Cour des comptes, l'ODSV 2000 a été dépassé de 5,1 milliards de francs.

En outre, l'Etat n'a pas mis en oeuvre en 2000 la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale prévoyant qu'en cas de carence des caisses ou d'insuffisance des mesures prises par elles pour assurer le respect de l'objectif, il se substitue à elles. Il a approuvé les rapports d'équilibre de 2000, sauf, on l'a vu, pour l'une des économies proposées dans le second et concernant les infirmières pour 314 millions de francs.

En 2001, en cohérence avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie déterminé par le Parlement, le montant de l'objectif de dépenses des soins de ville a été fixé à 312,4 milliards de francs et celui de l'objectif de dépenses déléguées à 149,9 milliards de francs pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.

En 2001, l'objectif de dépenses déléguées n'a été transmis par l'Etat à la CNAMTS qu'à la mi-avril, et il ne pouvait donc pas être établi de rapport d'équilibre en début d'année, ce qui semble traduire une diminution de l'intérêt porté par le Gouvernement à cette tentative d'instituer un nouveau mode de régulation.

La CNAMTS a alors estimé que l'article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, imposant aux caisses nationales d'assurance maladie de tenir compte de l'ONDAM voté pour l'année suivante dans les propositions de mesures d'économie qu'elles pourraient être amenées à faire dans le cadre des rapports d'équilibre prévus à l'article L. 162-15-3 du code de la sécurité sociale, limitait en pratique l'intérêt de la fixation d'une répartition de cet objectif entre les différentes professions de santé.

En conséquence, la CNAMTS n'a pas procédé à l'élaboration, prévue à l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale, du premier rapport d'équilibre et de ses annexes fixant, premièrement, pour chacune des professions l'objectif, dans le respect de l'objectif de dépenses déléguées, des dépenses par profession et deuxièmement, les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels de santé par les assurés sociaux.

Aucun dispositif de substitution n'étant prévu aux articles L. 162-15-2 I et L. 162-15-3 I du code de la sécurité sociale, les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels de santé par les assurés sociaux fixés au 31 décembre 2000 ont donc été prorogés en 2001 en vertu de l'article L. 162-15-3 V de ce même code.

Comme le note la Cour des comptes, l'expérience apporte plusieurs confirmations. Tout d'abord, une régulation ne peut être crédible et donc efficace que si elle s'appuie sur des objectifs fixés de manière réaliste.

Ensuite, prévoir trois rapports d'équilibre en une année n'est pas davantage réaliste : la négociation devient permanente ; la phase des décisions à prendre sur le premier rapport se chevauche partiellement avec l'analyse et la négociation préalables au second ; quant au troisième, il est établi au moment où le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante est en cours de discussion au Parlement.

D'un point de vue pratique, l'exercice des trois rapports s'est donc avéré délicat à mettre en oeuvre. Le constat sur les quatre premiers mois de l'année est précoce ; les projections de tendances élaborées sur cette base peuvent donc être fragiles. En outre, le constat sur les huit premiers mois de l'année, compte tenu des délais inhérents à l'opération, n'intègre pas l'effet des mesures qui auraient été prises dans le cadre du rapport de juillet.

Ce mode de régulation tous les quatre mois repose sur l'idée erronée qu'il est possible de responsabiliser les professionnels de santé sur des objectifs déclinés sur des périodes courtes et que l'on puisse justifier un cloisonnement entre les grands secteurs sanitaires (hôpitaux, cliniques, établissements médico-sociaux, rémunération des libéraux, autres soins de ville) sans risquer de se voir opposer les transferts de charges qui auront lieu entre ceux-ci. Il manque une vision d'ensemble de la consommation de soins et du parcours d'un patient.

En troisième lieu, si la variation des lettres-clés et celle de la cotation des actes dans la nomenclature sont des éléments essentiels de régulation sur le moyen et le long termes, et doivent donc être maniées activement, elles peuvent plus difficilement être utilisées comme instruments de régulation infra annuelle des dépenses. Au surplus, les conditions sociopolitiques du bon usage de cet instrument ne sont pas réunies aujourd'hui. En quatrième lieu, les mesures d'économies sont lentes à mettre en oeuvre, même quand elles sont acceptées par les professionnels, les caisses et les pouvoirs publics, ce qui contraste avec le rythme très rapide prévu pour les rapports d'équilibre.

Aujourd'hui, il n'est pas abusif de considérer que le dispositif des lettres-clés flottantes est en état de mort apparente.

Pour sa part, votre commission ne peut accepter la remise en cause du système conventionnel institué depuis 1971 à laquelle aboutit l'application du mécanisme des lettres-clés flottantes et des rapports d'équilibre périodiques.

B. DES PROPOSITIONS GOUVERNEMENTALES ENCORE TRÈS FLOUES

L'année 2001 a été particulièrement riche en réflexions souvent intéressantes sur l'avenir des soins de ville. Cette émulation intellectuelle contraste avec l'attentisme du Gouvernement qui se limite à formuler aujourd'hui des propositions encore particulièrement floues.

1. Une année riche en concertations et en réflexions sur l'avenir des soins de ville

Constatant que les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, notamment avec les médecins, étaient dans une situation de blocage durable, la ministre de l'emploi et de la solidarité a organisé, le 25 janvier 2001, un « Grenelle de la Santé » réunissant les syndicats représentatifs des professions de santé libérales, les représentants des caisses d'assurance maladie ainsi que ceux de la Fédération hospitalière de France.

L'objectif de cette journée était de « renouer le dialogue » entre le Gouvernement et les acteurs du monde de la santé, même si un certain nombre d'entre eux, notamment l'industrie pharmaceutique, n'avait pas été convié.

• La contribution des caisses de sécurité sociale

A l'occasion de cette journée, les trois principales caisses d'assurance maladie (CNAMTS, CANAM et MSA) ont diffusé un document de réflexion dressant un bilan de la situation actuelle du système de santé et faisant des propositions « pour replacer le patient au centre de ce système » .

On retrouve dans ces propositions des trois caisses un certain nombre des pistes qui avaient été suggérées au Gouvernement par la CNAMTS dans son plan stratégique de 1999, notamment concernant l'adoption d'un mode de financement identique pour tous les actes de soins réalisés dans les établissements de santé, que ceux-ci soient publics ou privés, ou encore concernant la prise en charge du médicament (hors innovations) dans le cadre de tarifs de référence.

Le document suggère en outre d'aborder le problème du respect des référentiels par les médecins, non plus en termes de sanction, mais en termes, sinon d'incitation, tout au moins de garantie d'une contrepartie (ou en cas de respect de ces référentiels par les professionnels de santé, les caisses se substitueraient à eux en responsabilité civile en cas de contentieux avec leur patient).

Propositions de la CNAMTS, de la CANAM et de la MSA

1) La régulation pour garantir solidarité et équité

Les trois caisses insistent sur la nécessité de bâtir un système de régulation, car « un système de santé non régulé, inorganisé, est un système qui entretient les inégalités et les gaspillages et compromet à la fois l'équité et la solidarité ».

Sans régulation, l'ajustement se fait :

- soit au prix de renoncement à des soins par les populations les plus vulnérables, c'est-à-dire au prix d'un recul de la solidarité ;

- soit au prix d'une augmentation des charges financières.

Dans tous les cas, il se traduit par un contexte et un avenir incertains pour les professionnels.

Une régulation fondée sur la qualité et l'utilité

Dès lors que chacun admet la nécessité de la régulation, c'est autour des notions de qualité et d'utilité que pourraient alors se rencontrer les intérêts des professionnels et ceux des assurés sociaux. La régulation pourrait devenir le garant d'une prise en charge équitable de soins de qualité pour tous et de la capacité du système à anticiper les évolutions à venir, liées au vieillissement ou aux innovations techniques.

Cette démarche de qualité implique tous les acteurs. Elle passe par la transparence et la diffusion des connaissances.

Transparence et disponibilité des données

Ainsi, les caisses nationales entendent mettre à la disposition de tous les acteurs les données que leur fonction de remboursement leur permet de collecter et d'agréger, données qui seront chaque jour plus éclairantes à mesure que s'étendra le codage des actes. En particulier, elles souhaitent que le Gouvernement publie sans tarder les textes qui font défaut pour permettre la transmission des données statistiques qu'elles possèdent aux Unions régionales des médecins libéraux (URML) qui les attendent.

Des référentiels largement diffusés pour une amélioration des connaissances

Pour faire un pas décisif vers la qualité des soins, il est nécessaire de multiplier aussi les références positives, les recommandations de bonne pratique, qu'il appartient à la communauté médical et scientifique d'élaborer. Les caisses qui doivent recouvrer leur faculté de proposition, peuvent participer à leur diffusion auprès des professionnels et également à la mesure de leur suivi.

Cette diffusion de référentiels auprès des professionnels doit également s'accompagner d'une diffusion, auprès de la population, dans un langage adapté, bien sûr, de leur contenu car le respect par les professionnels de ces recommandations nécessite que les patients, parallèlement, prennent la part de responsabilité qui leur revient dans la détermination de leur comportement face à la santé et aux soins.

2) Responsabilité individuelle ou collective

Responsabilité des professionnels de santé

Mieux articuler responsabilité collective et responsabilité individuelle

Il est nécessaire de clarifier les responsabilités de chacun : il apparaît clairement que les professionnels ont une réticence à s'inscrire dans une responsabilité collective et préféreraient que soient explorées plus avant les voies de la responsabilité individuelle.

Pour les caisses, il faut alors explorer toutes les facettes d'une régulation individuelle et voir comment elle s'articule et garantit, in fine , les intérêts de la collectivité. Il faudra définir comment évaluer les pratiques médicales individuelles et quelles conséquences tirer de ces évaluations.

Une approche individuelle doit également se concilier avec des impératifs de santé publique.

Pour les trois caisses, c'est bien un nouvel équilibre entre l'individuel et le collectif qui est l'enjeu des débats qui s'ouvrent.

Respect des références médicales et engagement de la responsabilité des professionnels de santé

Selon leur discipline médicale, certains professionnels commencent à craindre des phénomènes de judiciarisation ou de recours en responsabilité qui pourraient être engagés contre eux. Il est certain que cette crainte compromet la sérénité dans laquelle doivent s'exercer les professions médicales et paramédicales. Les référentiels peuvent répondre à cette préoccupation car les caisses pourraient, si cela rejoignait le souhait des professionnels, se substituer à eux en responsabilité civile dès lors que ces référentiels ont été respectés. Ce serait là une expression légitime et forte de la responsabilité de la collectivité, émettrice de référentiels, au côté de la responsabilité individuelle des professionnels.

Responsabilité des assurés sociaux

C'est le même équilibre entre individuel et collectif qui fait envisager aux caisses nationales une piste comme celle qu'elles ont proposée dans une réforme de la prise en charge des soins dentaires, où la responsabilité des assurés sociaux serait engagée au bénéfice de meilleurs remboursements dès lors qu'ils adoptent des attitudes de prévention et de soins précoces.

3) Repenser l'accès aux soins

Organiser et harmoniser l'accès aux soins

C'est la même problématique qui se pose lorsqu'il s'agit de veiller à ce que l'ensemble du territoire soit couvert par une offre de soins cohérente et complémentaire. Comment cette exigence collective se concilie-t-elle avec les modalités actuelles de choix d'une installation des professionnels ? Comment prendre en compte l'intégralité de l'offre de soins, depuis l'hôpital, du CHU à l'hôpital de proximité, en passant par toutes les disciplines professionnelles ? Les partenaires conventionnels pourraient proposer des modulations des avantages conventionnels [financement des cotisations sociales ou autres rémunérations forfaitaires] pour influer sur la répartition des professionnels sur le territoire et couvrir ainsi de façon équitable tout le territoire, les zones rurales comme les zones périurbaines.

Organiser les réseaux

La réflexion en termes de « métier » paraît d'autant plus importante qu'elle permet d'accompagner des projets de meilleure organisation des soins, de veiller aux meilleures complémentarités entre les professionnels au service des patients. C'est cette réflexion qui sous-tend, de façon plus ou moins consciente, les organisations en réseaux ou toute autre forme de coordination des soins. Pour les trois caisses, c'est également par cette voie que seront reconnus les apports et compétences de chacun.

Prise en charge des médicaments

Ce nécessaire équilibre entre les responsabilités des différents acteurs pourrait être utilement et rapidement illustré sur le secteur du médicament, selon la CNAMTS, la CANAM et la MSA. Le rythme d'évolution des dépenses de ce secteur montre, s'il en était encore besoin, les limites et l'inefficacité d'un système de prix administré. Le remboursement sur la base de tarifs de référence, pour les produits autres que les spécialités particulièrement innovantes, la révision régulière de la liste des produits remboursés sur la base de l'évaluation du service médical rendu et enfin la liberté donnée aux médecins de prescrire en DCI constituerait une première réforme qui redonnerait :

- au pharmacien, son magistère scientifique ;

- aux médecins, sa liberté de choix thérapeutique ;

- à l'Etat, sa fonction de garantie sanitaire ;

- aux laboratoires pharmaceutiques, leur capacité d'innovation.

4) Repenser les relations entre les acteurs de la santé

Mieux clarifier les rôles respectifs de chacun et leurs marges d'action

Redéfinir les responsabilités et rôle de chacun conduit à redéfinir aussi la nature de leurs relations et leurs marges d'action respectives.

Il y a consensus sur le fait que la définition de la politique de santé et des priorités sanitaires relève des missions régaliennes de l'Etat qui doit être garant des principes généraux d'équité, de solidarité et de sécurité sanitaire. Il y a sans doute aussi consensus sur le rôle des caisses, en leur qualité d'interface qui permet de faire vivre ces principes et de donner corps aux politiques définies par l'Etat.

Les caisses, porteuses des intérêts des assurés sociaux, doivent alors disposer d'une marge d'action réelle, ce qui appelle donc une modification des règles juridiques actuelles pour permettre une vraie définition contractuelle avec l'Etat de la délégation de gestion qui leur est confiée, et des objectifs sur lesquels elles s'engagent.

Cette garantie qui doit être nationale exige une régionalisation, non pas du financement ou des conditions de la prise en charge des soins, mais de l'organisation de l'offre de soins et des conditions dans lesquelles sont satisfaits les besoins de soins.

Un nouveau contrat social

Tout naturellement aussi, cela appelle une révision des relations entre, d'une part, des caisses qui se verraient attribuer un réel pouvoir de décision que, depuis trente ans, elles n'ont pas et, d'autre part, les professionnels, pour redonner du contenu aux conventions qui n'ont plus la finalité qui était la leur en 1971.

Les conventions nationales sont entravées dans leur capacité à porter des projets innovants, car il n'est pas possible aujourd'hui pour un professionnel d'exercer hors convention. Sans doute faut-il instaurer des droits minimaux attachés à l'exercice d'une profession, comme une sorte de règlement minimal au sans propre du terme, qui pourrait d'ailleurs être commun à toutes les professions.

Les conventions retrouveraient alors du sens, en étant pour les professionnels qui y adhéreraient un acte positif et une démarche librement consentie et qui seraient ainsi le socle, selon les termes des trois caisses, d'un véritable « contrat social » revivifié.

Les avantages et obligations conventionnels y retrouveraient un équilibre. Ils pourraient sans difficulté perdre leur caractère monolithique pour s'adapter aux aspirations diversifiées des professionnels tout autant qu'à la multiplicité des exigences posées par la garantie de soins pour toute la population.

• Le rapport des « sages »

A l'issue du premier « Grenelle de la santé », Mme Elisabeth Guigou a désigné une mission chargée de mener une large concertation sur les deux thèmes principaux issus de cet échange :

- la promotion de la qualité au sein du système de soins ;

- la rénovation du contrat qui lie les professionnels de soins à l'usager, aux caisses et à la collectivité.

Cette mission était composée de quatre personnalités :

- M. Bernard Brunhes, président du conseil de surveillance de la société « Bernard Brunhes Consultants » ;

- M. le professeur Bernard Glorion, ancien président du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- M. Stéphane Paul, inspecteur général des affaires sociales ;

- Mme Lise Rochais-Ranson, professeur agrégée des universités en sciences économiques.

Pour mener à bien leur mission, ces personnalités -qualifiées par la presse de « sages »- ont rencontré les représentants de l'ensemble des acteurs du système de santé. Elles ont ensuite préparé un rapport établissant un diagnostic de la situation actuelle et présentant des propositions concernant la réforme du système de soins de ville en respectant les principes fondamentaux que sont le maintien d'un financement social et la liberté de prescription.

L'objectif de cette réunion du 12 juillet dernier était de présenter le rapport des sages aux acteurs du système de santé, puis de préciser les orientations de réforme des soins de ville et plus particulièrement, parmi les propositions présentées par la mission, d'identifier celles rencontrant un large accord et celles faisant l'objet de débats.

Les propositions issues de la mission de concertation
pour la rénovation des soins de ville

Les métiers de la santé

Coordination des soins

Dans un premier temps, la mission montre la nécessité de redéfinir les rôles respectifs des différentes professions dans l'organisation des soins. Outre la nécessité de la constitution de « référentiels métiers » et l'approfondissement des perspectives que peut offrir une substitution des rôles entre les différentes professions (par exemple entre généralistes et infirmiers, entre généralistes et spécialistes...), la mission met en évidence un large consensus pour assigner au généraliste une place privilégiée dans la coordination des soins et l'orientation du patient. Cette fonction devrait être reconnue et valorisée financièrement.

La création d'un dossier médical de synthèse pour chaque patient est recommandée afin de favoriser la coordination entre professionnels et de préciser la définition du rôle de chacun d'eux. Ce dossier devra être géré par une personne explicitement chargée de sa tenue et de sa mise à disposition. Malgré la légitimité du médecin généraliste pour la réalisation de cette tâche, la mission conseille de laisser le patient choisir le médecin qui gérera son dossier.

Observatoire de la démographie et des métiers

Les « sages » recommandent également la création d'un observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé pour fonder les politiques d'évolution des métiers de santé. Cet observatoire serait chargé de susciter des études prospectives sur les besoins professionnels et sur les substitutions de tâches entre les métiers et ainsi d'organiser le partage de données aujourd'hui éparses, afin d'orienter la politique d'évolution des métiers de santé. Il serait composé de représentants des institutions administratives et médicales, des professionnels et de personnes qualifiées.

Evaluation des compétences

En ce qui concerne la gestion des compétences, la mission rapporte que « les professionnels de santé ont pris conscience de la nécessité d'évaluer leurs pratiques et d'approfondir la formation continue dans une optique d'efficacité ». Cependant, cette évaluation reste souvent vécue comme « inquisitoriale » et aucune proposition n'a été faite à la mission dans ce domaine. L'évaluation des compétences devrait donc avant tout reposer sur le volontariat (comme c'est le cas actuellement pour les médecins). Une instance d'expertise et de gestion des compétences des professionnels de santé pourrait ainsi être créée. Pour finir, la mission juge que le renforcement et l'actualisation des recommandations de bonnes pratiques sont nécessaires pour faire vivre le système d'évaluation et de gestion de la compétence.

Les professionnels et les politiques de santé

La mission rappelle les 3 axes principaux de l'engagement des professionnels dans les politiques de santé.

- La prévention aussi bien individuelle que collective, à ce titre, des mécanismes de forfait « permettrait aux praticiens libéraux de consacrer quelques heures par semaine ou par mois à des actions collectives de prévention » ;

- La coordination des soins des patients aussi bien en ville qu'entre la ville et l'hôpital. Pour ce faire, la mission propose de mieux définir la place des réseaux de soins qui se développent actuellement, les réseaux à vocation générale devant être privilégiés (mis à part pour certaines pathologies, comme le cancer, ou certaines situations, comme les soins palliatifs). Le financement de ces réseaux devra être globalisé pour ceux qui auront fait la preuve de leur qualité ;

- La prise en charge des urgences. Il s'agit d'une mission de service public à laquelle les professionnels de santé libéraux sont tenus de concourir et pour laquelle il est nécessaire de prévoir une rémunération suffisamment attractive.

Optimisation des dépenses de santé

Concernant l'optimisation des dépenses de santé, le paiement à l'acte n'est pas, de l'avis général, le seul mode de rémunération légitime des professionnels de santé. Il doit être complété par des modes de rémunération au forfait qui favorisent les activités de prévention et de promotion de la santé. Les champs d'intervention des mécanismes de rémunération forfaitaire devront être définis précisément, par exemple, pour :

- favoriser l'égal accès aux soins sur le territoire (forfait pour l'encouragement à l'installation dans certaines zones géographiques ciblées) ;

- rémunérer les services rendus dans le cadre des priorités de santé publique (gardes, actions collectives de prévention) ;

- encourager les bonnes pratiques.

La régulation du système de santé

Selon la mission, la responsabilité de la régulation du système doit être partagée par les différents intervenants. Les différents entretiens ont montré la conviction générale que l'Etat doit conserver un rôle majeur dans le système de soins. Il pourrait être assisté par un « conseil national de la santé » chargé d'éclairer le Gouvernement, le Parlement et l'ensemble de la population française sur les choix nécessaires en matière de santé.

Il apparaît également nécessaire de bâtir une nouvelle architecture conventionnelle.

La mission propose une structure à trois étages :

- le premier regroupant les dispositions communes à l'ensemble des professions conventionnées (forme de charte des métiers de la santé) ;

- le deuxième distinguant pour chaque profession les dispositions qui lui sont propres ;

- le troisième permettant la conclusion de contrats individuels correspondant à des engagements de bonnes pratiques particuliers pris par des professionnels le souhaitant.

Afin de permettre une régulation efficace, l'usager doit également être responsabilisé. Plusieurs pistes sont proposées : la mise en place d'un panier de soins remboursables, des incitations financières notamment à la prévention (par exemple pour les soins dentaires). Toutefois, les opinions restent partagées sur la façon de mener à bien cette action.

Concernant l'ONDAM, l'instauration de ce budget prévisionnel n'est pas contestée mais la mission précise qu'il est nécessaire de fixer des objectifs perçus comme réalistes, liés aux objectifs de santé publique et pluriannualisés. L'objectif de dépenses déléguées (ODD) fonctionne actuellement sur un système de lettres-clés flottantes, système unanimement rejeté par les professionnels de santé qui le considèrent (à tort selon les sages) comme un système de sanction. Les sages reconnaissent toutefois que les ajustements ne doivent pas être faits de manière trop fréquente et unilatérale. Il est proposé de responsabiliser la CNAMTS en la rendant financièrement responsable de l'ODD.

Pour finir, certains intervenants ont émis l'idée d'une régulation régionalisée des dépenses de santé. La mission a souligné que l'allocation des ressources n'est pas à même d'apporter des solutions techniques plus « vertueuses » ou plus aisées à mettre en place que celles tentées au niveau national, mais qu'en revanche, il n'est pas totalement impossible qu'une régionalisation s'accompagne de processus permettant de mieux faire comprendre, voire admettre, l'existence même des dispositifs de régulation. Cependant, aujourd'hui, aucune institution en place au niveau régional n'apparaît toute désignée pour devenir, sans délai ni adaptation, bénéficiaire d'une déconcentration s'appliquant aux soins de ville.

• Les propositions du « G 7 »

Parallèlement à la réflexion engagée par la mission des « sages », sept organisations professionnelles représentant quatre syndicats de salariés -CGT-FO, CGT, CFTC et CFE-CGC- et trois syndicats de médecins libéraux -Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Syndicat des médecins libéraux (SML) et Fédération des médecins de France (FMF)- regroupées dans ce qu'il est convenu d'appeler le « G7 » ont rendu publiques au mois de mai 2001 leurs propositions de réforme de l'Assurance Maladie.

Prenant acte que le système conventionnel est dans l'impasse, les sept organisations membres du « G7 » ont engagé des travaux en vue de :

- reconstruire un système de santé qui conjugue médecine libérale et système de protection sociale basé sur la solidarité et l'égalité des droits,

- rebâtir un système conventionnel entre l'assurance maladie et les médecins libéraux avec une convention unique,

- redonner aux partenaires conventionnels un réel pouvoir pour s'opposer au processus d'étatisation, en redéfinissant les champs de compétence des caisses d'assurance maladie et de l'Etat.

Le « G7 » souhaite proposer une alternative à la maîtrise comptable par une réelle maîtrise médicalisée engendrée par la future convention médicale. Il considère que cette maîtrise ne peut se concevoir que dans le cadre d'une véritable compétence des partenaires conventionnels sur l'ensemble du secteur ambulatoire comprenant les honoraires, les prescriptions, et les établissements de soins privés.

Le « G7 » milite donc pour un nouveau système conventionnel qui s'inscrirait dans un choix de société maintenant un système de santé à la française et préservant en particulier la liberté de choix du patient. Dans cette perspective, le rapport du « G7 » relève que la dualité secteur 1/secteur 2 ne semble pas être aujourd'hui la solution adaptée.

Le « G7 » propose un secteur où les actes médicaux seraient rémunérés à leur juste valeur et où existeraient toutes les garanties de la qualité pour une finalité qui est l'amélioration de l'égal accès aux soins pour tous les assurés.

Le « G7 » est conscient que cette modernisation a un coût d'investissement indispensable. C'est pourquoi il sollicite le Gouvernement pour organiser, dans les plus brefs délais, une clarification des engagements financiers des charges qui lui incombent (exonérations de charges de toutes natures).

Le « G7 » n'exclut pas le recours éventuel à des ressources appropriées. Par ailleurs, les membres du « G7 » préconisent une amélioration très significative de la prise en charge des consultations, ainsi que le développement d'accords de dispense d'avance de frais et de la monétique.

• Le G 14

Parallèlement aux travaux du « G7 », s'est constitué un « G 14 » regroupant 10 syndicats de professionnels de santé, qui constituent le « G 10 » : SDB (biologistes), FNI (infirmières), FFMKR (masseurs-kinésithérapeutes), MG-France (généralistes), FSPF (pharmaciens), FNO (orthophonistes), SNAO (orthoptistes), UCCSF (médecins spécialistes), SNMG (médecins de groupe) et UJCD (chirurgiens-dentistes), deux fédérations mutualistes (FMF et FNMF) et deux syndicats de salariés (CFDT et UNSA).

Le « G14 » se prononce pour « un système de soins à responsabilités partagées » qui garantisse au citoyen des soins de qualité, une prise en charge globale suivie et cohérente, dans les établissements comme en ville.

Les analyses du G14

Dans une lettre adressée le 6 juillet dernier à Mme Elisabeth Guigou, le G 14 résume ainsi ses propositions :

« Une conviction commune anime les quatorze organisations participant à ce collectif. Professionnels de santé et assurés ont un intérêt commun à la régulation du système de soins. Car c'est en recherchant à orienter les ressources collectives, là où elles sont le plus utiles à la santé de la population, que l'on peut servir à la fois la qualité du service rendu aux patients et valoriser au mieux les pratiques des professionnels de santé. Le dialogue conventionnel entre l'Assurance Maladie et les professionnels constitue l'instrument privilégié par lequel, dans le cadre de la négociation et par la voie du contrat, un équilibre peut être trouvé entre les attentes des patients et celles des professionnels.

« C'est dire également que les professionnels et les assurés ont des responsabilités, non pas identiques ou équivalentes, mais des responsabilités partagées vis-à-vis de la qualité des soins comme du bon usage des ressources consacrées à la santé. Les uns et les autres doivent s'engager pour infléchir leur comportement respectif dans cet objectif, ou tout du moins être encouragés à le faire, dans leur propre intérêt comme dans celui de la collectivité. Ces évolutions sont d'ailleurs cohérentes avec les attentes plus générales qui se font jour vis-à-vis de la transparence et de la participation au fonctionnement du système de santé. (...)

« Force est de reconnaître que depuis 15 ans, les conventions ne sont parvenues que trop rarement à jouer le rôle que l'on peut attendre d'elles pour faire évoluer les conditions d'exercice et valoriser les pratiques professionnelles de qualité, et participer parallèlement à la régulation de l'évolution des dépenses de santé.

« Un élément de réponse à cette problématique pourrait consister à différencier plus clairement qu'aujourd'hui les conventions négociées au plan national de façon plus souple et plus diversifiée qu'aujourd'hui, proposées à l'adhésion individuelle des professionnels avec des droits et des obligations mieux identifiés les conditions d'exercice applicables à l'ensemble des professionnels qui n'adhèrent pas au régime conventionnel, sans faire obstacle pour autant à un exercice professionnel normal.

« L'architecture serait en quelque sorte inversée par rapport à celle qui prévaut pour la médecine libérale aujourd'hui, la situation de droit commun est l'exercice dans le cadre conventionnel, et par défaut s'applique un règlement conventionnel minimal qui se définit par l'amputation d'une partie des avantages conventionnels.

« Une hiérarchie des normes plus logique supposerait pour toutes les professions de santé exerçant dans le cadre libéral :

« 1.- un socle de base définissant les conditions d'exercice garanties à tous les professionnels libéraux installés en ville, dans leurs relations avec les caisses comme avec les assurés,

« 2.- des conventions négociées avec les syndicats représentatifs et proposées à la libre adhésion des professionnels, contenant des dimensions contractuelles plus explicites, c'est-à-dire des droits et une revalorisation de rémunération pour les professionnels avec des obligations évaluables.

« Dans le cadre du premier étage défini ci-dessus, par hypothèse applicable à l'ensemble des professionnels libéraux dans le champ de l'Objectif de Dépenses Déléguées, figurent à. l'évidence le remboursement des honoraires sur la base des tarifs opposables, les règles de télétransmission des feuilles de soins. L'objectif est de rendre « vivable » l'exercice professionnel comme il peut l'être sous l'égide du règlement conventionnel minimal appliqué aujourd'hui aux médecins spécialistes, mais qui trancherait en revanche avec l'exercice hors convention. Il est indispensable d'associer à ce cadre d'exercice un outil de régulation différent de celui qui sera applicable aux professionnels conventionnés. »

« A la différence du régime conventionnel, le contenu et les termes de ce premier étage seraient discutés dans un cadre tripartite entre l'Etat, l'Assurance Maladie et les professionnels, mais sans faire l'objet d'un engagement formalisé qui doit demeurer la caractéristique de la convention.

« Par hypothèse, dans le régime conventionnel, des outils de régulation sont à négocier avec une approche plus qualitative, plus médicalisée, que le mécanisme évoqué précédemment. On peut concevoir que la régulation s'inscrive dans une perspective pluriannuelle à la différence des mécanismes à l'oeuvre sous l'égide du régime décrit précédemment. L'aspect essentiel est de pouvoir proposer aux professionnels non seulement deux cadres d'exercice mais aussi un choix entre des mécanismes de régulation individuelle basés sur le volontariat et ceux d'une régulation collective.

« Par rapport à la situation actuelle, l'objectif est aussi de diversifier la forme des conventions et de leur donner à la fois plus de souplesse (sur le contenu) et plus de force (en termes d'engagements et de contreparties). On peut imaginer un système conventionnel qui juxtaposerait des conventions par profession, auxquelles les professionnels adhéreraient individuellement des accords conventionnels supplémentaires (également soumis à l'adhésion individuelle des praticiens conventionnés) sur le plan territorial ou sur des axes thématiques comme le médecin référent ou le Plan de Soins Infirmiers, ou encore sur des modalités d'exercice comme la coordination interprofessionnelle.

« Par rapport à la situation actuelle, l'innovation porte sur plusieurs registres :

1) l'adhésion individuelle des professionnels repose sur un choix explicite, pas sur contrainte : il y a une alternative au contrat avec l'exercice sous le régime évoqué précédemment, La procédure d'agrément des accords conventionnels ne s'impose plus, dès lors que le conventionnement n'est pas obligatoire.

2) en adhérant, les professionnels souscrivent un contrat, sur la base duquel ils savent qu'ils seront évalués en fonction d'un cahier des charges négocié et selon des règles connues à l'avance. L'adhésion vaut donc acceptation a priori des conclusions de l'évaluation, aussi bien en positif qu'en négatif.

3) la marge de négociation porte sur les rémunérations (par exemple la création de forfait et, fonction des thèmes de négociation) et sur les avantages conventionnels.

4) l'Assurance Maladie complémentaire doit pouvoir être associée à la négociation avec, les professionnels de santé et à la conclusion des accords conventionnels. C'est la condition d'une plus grande synergie des actions des assurances maladie obligatoire et complémentaire dans la transparence tant auprès des professionnels que des assurés. (...) ».

2. Une année sans véritable décision : les « esquisses » gouvernementales

Près de trois mois après avoir réuni un second « Grenelle de la santé », le ministère de la solidarité a dévoilé, le 4 octobre, treize propositions pour « la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie ».

Ces propositions devaient servir de base, avait précisé le ministère de l'emploi et de la solidarité, à une nouvelle concertation avec les syndicats de médecins et de salariés, notamment sur la question toujours en suspens de la maîtrise des dépenses de santé.

Fruit, semble-t-il, d'une longue réflexion de près d'un an, ponctuée de deux « Grenelle de la santé » réunissant tous les partenaires concernés les 25 janvier et le 12 juillet, ce document reprend pour l'essentiel les pistes proposées par le rapport du Comité des sages nommé à cette occasion.

Ce texte, d'une portée très générale, reprend pour l'essentiel les annonces faites en juillet dernier.

Les treize propositions du Gouvernement
pour « la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie ».

Création d'un observatoire de la démographie et des métiers de santé

Placé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, l'observatoire de la démographie et des métiers de santé serait chargé d'élaborer un rapport annuel. Sa composition serait tripartite, associant des représentants des pouvoirs publics, des professionnels de la santé et des personnalités qualifiées.

Aide à l'installation dans les zones rurales

Le Gouvernement prévoit d'expérimenter dans une dizaine de départements un dispositif d'aide à l'installation de médecins et d'infirmiers. Ses modalités seront définies par un comité de pilotage associant l'Etat, l'assurance maladie (en accord avec les organisations représentatives des professionnels de santé) et les collectivités locales.

Sécuriser l'exercice dans les zones sensibles

Une mission de l'inspection générale des Affaires sociales rendra ses conclusions le 30 octobre prochain. Sur cette base, le Gouvernement présentera des propositions destinées « à réduire l'insécurité à laquelle sont confrontés les professionnels de santé dans les quartiers difficiles. »

Etendre l'évaluation des pratiques professionnelles aux professions paramédicales

Cette proposition est incluse dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des malades actuellement discuté à l'Assemblée nationale. L'évaluation sera confiée à l'office des professions paramédicales dont la création est prévue par le même projet de loi.

Réforme du dispositif de formation continue

La réforme du dispositif de FMC est également prévue par le projet de loi relatif aux droits des malades. Elle étend à tous les médecins, qu'ils soient libéraux ou salariés, l'obligation de formation continue et crée un fonds national unique de financement.

Développer les recommandations de bonnes pratiques

Le Gouvernement prévoit d'améliorer les délais d'élaboration des recommandations médicales, leur adéquation à l'activité réelle des professionnels et leur diffusion. Un comité de coordination associant l'AFSSAPS, l'ANAES, les pouvoirs publics, les caisses d'assurance maladie et les représentants des professionnels sera créé.

Charte de qualité du service médical de l'assurance maladie

La publication d'une charte de qualité du service médical de l'assurance maladie (médecins-conseils) devrait assurer la transparence sur les procédures du contrôle médical et définir des engagements de qualité.

Associer les professionnels aux politiques de prévention collective

Chaque professionnel pourrait signer « un contrat de santé publique » avec l'assurance maladie. Il s'engagerait alors à effectuer des actions dans le cadre des programmes prioritaires de prévention et de promotion de la santé fixés par l'Etat et bénéficierait en échange d'une rémunération forfaitaire supplémentaire.

Faire participer les professionnels libéraux à l'organisation des urgences

Le Gouvernement prévoit, dans les zones le nécessitant et à certaines tranches horaires l'organisation d'une permanence libérale des soins proposée par les professionnels, sous l'égide de l'Ordre et sous le contrôle du comité départemental de l'aide médicale urgente (CODAMU). Cette garde libérale d'intérêt public pourrait être rémunérée de façon spécifique dans le cadre d'une expérimentation.

Développer les réseaux de soins

La mission de coordination des soins autour d'un patient souffrant de pathologies chroniques pourrait également faire l'objet de contrats individuels signés avec les caisses d'assurance maladie et rémunérés sur la base d'un forfait annuel. En outre, pour développer les réseaux et leur assurer un financement stable, le Gouvernement propose de créer une enveloppe financière unique déléguée au niveau régional.

Redéfinir l'élaboration de la politique de santé

Le projet de loi relatif aux droits des malades devrait mettre en place un haut conseil de la santé. Il sera notamment chargé d'élaborer chaque année un rapport pour le Gouvernement sur les priorités de santé destiné à préparer le débat annuel parlementaire sur la politique de santé qui aura lieu en juin. Les objectifs fixés seront pluriannuels, et l'objectif national des dépenses d'assurance maladie devrait prendre en compte cette approche pluriannuelle.

Rénover le cadre conventionnel

Le Gouvernement pourrait proposer des adaptations de la législation actuelle sur les conventions des professionnels de santé libéraux. Il suggère une organisation à trois niveaux : d'abord, une convention nationale cadre concernant l'ensemble des professions de santé définirait les règles générales d'exercice et unifierait les régimes de sanctions. Elle serait complétée -deuxième étage- par des conventions par profession.

Le troisième étage serait constitué de contrats individuels librement négociés par les médecins qui choisissent de s'engager dans la coordination des soins, la prise en charge des urgences, les actions de santé publique ou le suivi de leurs activités. Ces contrats permettraient aux médecins d'obtenir en contrepartie des rémunérations supplémentaires et pourraient encourager, dans le cadre d'un nouveau statut social et fiscal, un exercice partagé entre activité libérale et hospitalière. Ils pourraient également fixer des critères d'exercice et d'activité qui éviteraient aux médecins un contrôle médical trop fréquent. Dans le domaine de la régulation des dépenses, le Gouvernement propose que les partenaires négocient dans le cadre conventionnel des modes de régulation dans une perspective pluriannuelle, les professionnels s'engageant collectivement et individuellement à faire évoluer leurs pratiques, l'assurance maladie s'engageant sur les évolutions tarifaires et de nomenclature.

Conforter la délégation de gestion à l'assurance maladie

Le Gouvernement propose de ramener de trois à deux par an les rapports d'équilibre que l'assurance maladie doit lui présenter. Un avenant à la convention d'objectif et de gestion fixant les objectifs et les mesures à mettre en oeuvre, négociés au préalable par les partenaires conventionnels, serait établi en janvier et un rapport d'exécution, présenté en juillet. Dans ce cadre, il est envisagé d'accroître la part que peut prendre l'assurance maladie dans la cotation (fixation des tarifs) des actes des professionnels.

Si la création d'un observatoire de la démographie médicale ou encore d'un haut conseil de la santé , la définition d'objectifs pluriannuels de santé publique, le développement de la prévention et des réseaux de soins ou la mise en place d'aides à l'installation dans les zones rurales rencontrent un relatif consensus, le Gouvernement reste pour le moins prudent sur les points essentiels que constituent la régulation des dépenses, la clarification des responsabilités entre l'Etat et l'assurance maladie et le mode de conventionnement entre professionnels de santé et assurance maladie.

Il retient bien l'idée proposée notamment par le G14 d'une architecture conventionnelle à trois niveaux : un socle conventionnel commun à toutes les professions, des conventions collectives par profession auxquels s'ajouteraient ensuite des contrats individuels que pourraient négocier les médecins désireux de s'engager dans une démarche d'amélioration de la qualité des soins en échange de rémunérations forfaitaires complémentaires. Mais il ne tranche ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation.

De même, l'actuel dispositif de maîtrise des dépenses par les lettres-clés flottantes, et contesté aussi bien par les professionnels de santé que par les caisses d'assurance maladie, n'est pas directement remis en cause. Tout juste le texte suggère-t-il d'expérimenter dans un premier temps un dispositif alternatif de régulation pluriannuelle, lequel nécessite toutefois « un temps d'expertise et de négociation qui doit s'accompagner de la poursuite des travaux engagés par les partenaires conventionnels ».

Par ailleurs, il se contente de ramener de trois à deux par an le nombre de rapports d'équilibre que l'assurance maladie doit soumettre au Gouvernement et dont l'un devra proposer les mesures correctrices permettant le respect des objectifs de dépenses de santé. Mais sur tous ces points, le Gouvernement renvoie à la poursuite des négociations, à la concertation engagée avec les partenaires sociaux sur l'avenir de l'assurance maladie et dont les éléments seront discutés « au cours de l'année à venir » .

Sur ce terrain sensible, le ministère de la solidarité a manifestement choisi ses mots. « La mise en place d'un système de régulation alternatif fondé sur un rôle renouvelé du dispositif conventionnel doit être rendu possible », formule sobrement le texte des propositions. Et d'ajouter : « Il n'appartient pas au gouvernement de prédéterminer ce qui résultera d'éventuelles négociations pour une ou des nouvelles conventions » .

Le débat sur l'avenir du paritarisme est quant à lui repoussé une nouvelle fois. Le ministère de la solidarité n'est guère plus bavard sur l'avenir du paritarisme. « Le gouvernement souhaite remettre la dynamique contractuelle au coeur des relations entre l'Etat et la sécurité sociale » , peut-on notamment lire. Les discussions en cours avec les partenaires sociaux dans le cadre de la rénovation sociale souhaitée par le Premier ministre, abordent notamment le thème de l'assurance maladie. Elles portent sur « la composition et les missions des conseils d'administration, les relations avec l'Etat, l'organisation du réseau de l'assurance maladie et la régionalisation, le rôle du service médical ». Mais, précise le document ministériel, tous « ces éléments seront discutés au cours de l'année à venir »...

Les pouvoirs publics ne veulent à l'évidence pas prendre de décision dans l'immédiat. « La mise en place de ce nouveau système nécessite un temps d'expertise et de négociation qui doit s'accompagner de la poursuite des travaux engagés par les partenaires conventionnels » , conclut le texte d'orientation.

Pourtant, si aucune de ces treize propositions n'avait trouvé sa traduction législative dans le présent projet de loi tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté et fait adopter sous la forme d'amendements quatre articles additionnels directement inspirés des treize propositions :

- l'article 10 A relatif au rôle de la convention dans l'organisation du système de soins de ville ;

- l'article 18 ter , permettant l'expérimentation de nouvelles modalités d'association des professionnels libéraux à la permanence des soins ;

- l'article 18 quater , créant au sein de l'ONDAM une dotation nationale de développement des réseaux ;

- l'article 18 septies , prévoyant la mise en place d'aides à l'installation pour les professionnels de santé.

L' article 10 A se veut le plus important. Présentant la disposition à l'Assemblée nationale, M. Bernard Kouchner, Ministre délégué à la santé, a indiqué que l'amendement avait trait « à la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif de régulation ».

Il a expliqué qu'il s'agissait de créer « un dispositif conventionnel commun à l'ensemble des professionnels de soins de ville, qui déterminerait les règles générales de relation avec l'assurance maladie, les dispositions communes aux professions, les modalités de la coordination des soins, tout en prenant mieux en compte les engagements individuels. Il ne s'agit évidemment pas de revenir à une logique de conventionnement individuel, les professionnels étant attachés au cadre collectif de leur exercice, mais de prendre en compte les engagements auxquels ceux-ci s'astreignent, qu'il s'agisse de leur participation aux actions de santé publique ou des critères d'exercice ou d'activité.

« Nous proposons enfin d'instaurer un système de régulation fondé sur le conventionnement. Nous réfléchissons à la mise en place, au besoin à titre expérimental, de dispositifs de régulation conventionnels fondés, du côté des professionnels, sur des engagements collectifs et individuels d'évolution des pratiques, du côté de l'assurance maladie, sur des engagements en matière d'évolution tarifaire et des propositions de mesures de nomenclature. J'attends des réactions rapides de la part de nos interlocuteurs. L'amendement n° 334 rectifié a précisément pour but de présenter les orientations centrales que je viens d'exposer. »

Il est difficile de faire plus flou... Votre rapporteur partage à cet égard la perplexité exprimée en séance publique par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

M. Claude Evin a en effet déclaré : « Cet amendement nous est arrivé un peu tardivement 30 ( * ) - M. le Ministre vient de nous expliquer pourquoi -, puisqu'il a été introduit dans le débat après l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale en conseil des ministres. (...) La commission a le sentiment que le dispositif proposé est loin d'être achevé . Elle recommande néanmoins son adoption, mais elle restera très attentive à l'évolution future de ce texte. Plutôt que d'entrer dans le détail, laissons se dérouler la concertation et adoptons dès aujourd'hui cet amendement ; nous aurons l'occasion d'y revenir . »

Votre rapporteur s'étonne de cette méthode peu respectueuse du Parlement et des partenaires conventionnels qui consiste à faire adopter à la va-vite par l'Assemblée nationale un « amendement esquisse » dont le contenu semble encore peu formalisé.

De l'aveu même du Gouvernement, le dispositif proposé reste encore à l'état d'ébauche. Si le Gouvernement semble effectivement retenir l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne tranche, une nouvelle fois, ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation.

Le mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes est maintenu, même si, selon le Gouvernement, il ne s'appliquerait plus aux professionnels ayant signé une convention.

Après une année de concertation, le Gouvernement esquisse donc, dans l'improvisation la plus totale, un dispositif inachevé et incomplet, mais auquel s'opposent déjà une partie des professionnels de santé.

Pour sa part, votre commission proposera la suppression du dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, suppression qui constitue à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec les professionnels de santé.

III. UNE POLITIQUE DU MÉDICAMENT SANS RÉELLE COHÉRENCE

Dans son rapport de septembre 2001, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de la politique menée depuis 1998 en matière de médicament.

Elle relève ainsi que « la politique du médicament depuis 1998 a eu une efficacité limitée » et que malgré des objectifs ambitieux, les mesures prises depuis 1998 n'ont eu à ce jour qu'un faible impact sur les dépenses. »

La réforme annoncée le 18 février 1998 par le Gouvernement comprenait notamment deux axes : celui visant à « garantir le bon usage du médicament » n'a pas été appliqué, constate la Cour ; en revanche, l'objectif de « maîtriser la dépense pharmaceutique » a donné lieu à la mise en oeuvre des deux séries de mesures (génériques et réévaluation), annoncées en février 1998 et complétées par une régulation financière, annoncée en juillet 1998.

La série de mesures annoncée le 11 juin 2001 par la ministre de l'emploi et de la solidarité confirme cette analyse. Il est regrettable que le Gouvernement ait choisi systématiquement de mettre l'accent sur des mesures de régulation strictement financières (augmentation des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique) et se soit finalement peu intéressé « au bon usage du médicament ».

A. LES LIMITES DE LA RÉGULATION FINANCIÈRE

1. L'échec de la régulation financière conventionnelle

Le Parlement a adopté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un article 31 instituant à titre permanent une contribution due par les entreprises pharmaceutiques en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Ce dispositif est communément appelé « clause de sauvegarde ».

Cette contribution comporte plusieurs taux qui croissent très fortement avec le dépassement des dépenses par rapport à l'ONDAM. Le texte prévoit que les entreprises conventionnées avec le Comité économique du médicament seraient exonérées du paiement de cette contribution, à condition que cette convention :

- fixe les prix de tous les produits de la gamme de l'entreprise ;

- comporte des engagements de l'entreprise portant sur le chiffre d'affaires de chacun des produits dont le non-respect entraîne, soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise.

Après que les pharmaciens d'officines ont conclu avec l'Etat, en 1998, deux protocoles d'accords, un accord sectoriel a été signé le 19 juillet 1999 entre le Comité économique du médicament 31 ( * ) et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Il a vocation à couvrir la période 1999-2002.

Cet accord sectoriel a mis en place un mode de régulation financière conventionnel substituant aux mécanismes de taxation « de sauvegarde » organisés par la loi, et dans les conditions que celle-ci prévoit, un système de remises quantitatives de fin d'année produisant des résultats financièrement équivalents pour la sécurité sociale, mais d'une manière plus adaptée à la différenciation des besoins de santé selon les catégories de médicaments et à la libre concurrence entre les entreprises.

Concrètement, la quasi-totalité des laboratoires a signé des conventions avec l'Etat, prévoyant des remises de fin d'année versées à l'ACOSS en cas de dépassement d'objectifs de progression des ventes.

Alors que le montant des remboursements s'est accru de 5,4 milliards de francs en 1999 et de 10,4 milliards de francs en 2000, la contribution de l'industrie (remises et baisses de prix) s'est élevée à 1,2 milliard de francs en 1999 et à 3 milliards de francs en 2000.

La Cour des comptes note ainsi que cette régulation financière n'a pas eu d'effet suffisant de maîtrise des dépenses de médicaments, pour quatre raisons :

- en période de forte croissance des dépenses, comme en 2000, les remises atteignent rapidement le plafond légal, défini à 3,3 % du chiffre d'affaires réalisé en France ;

- les médicaments responsables des plus fortes hausses sont parfois paradoxalement les moins pénalisés ;

- la remise ne joue que pour l'année considérée, la croissance précédente demeurant donc acquise aux laboratoires ; la Cour des comptes juge à cet égard que l'orientation prise par le Comité économique des produits de santé de procéder à des baisses de prix est à cet égard préférable puisque les baisses ont, elles, un effet pérenne ;

- enfin, rien ne permet d'affirmer que les remises dissuadent l'industrie d'augmenter les ventes. En effet, même si le taux de prélèvement marginal croît avec les ventes, du fait de taux variables selon les tranches, cela ne semble pas décourager les entreprises dans leur recherche d'augmentation de leur part de marché.

Comme le relève la Cour des comptes, la régulation financière conventionnelle n'a pas suffi à freiner les dépenses. A l'évidence, les remises conventionnelles ne peuvent constituer un mécanisme de régulation des dépenses de médicament.

2. Des prélèvements sans cesse accrus sur l'industrie du médicament

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend, comme c'est désormais la tradition, une nouvelle augmentation des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 comportait déjà une majoration des taux du dispositif de la clause de sauvegarde ainsi qu'une forte augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs.

Cette année, l'article 11 majore le taux de la contribution applicable aux dépenses de promotion et d'information des laboratoires pharmaceutiques à l'intention des prescripteurs.

En outre, comme l'année dernière, l'article 12 durcit le mécanisme de la contribution due par les entreprises au titre de la clause de sauvegarde en substituant, pour le seuil de déclenchement de la contribution, au taux de progression de l'ONDAM un taux de progression fixé à 3 % pour 2002, comme celui de l'enveloppe accordée aux soins de ville. Un tel taux paraît extrêmement faible, eu égard aux taux de progression des dépenses de médicament depuis plusieurs années : il a uniquement pour fonction de maximiser les contributions des laboratoires au titre des remises conventionnelles.

B. DES EFFORTS INSUFFISANTS POUR PROMOUVOIR LE GÉNÉRIQUE ET LE BON USAGE DU MÉDICAMENT

1. Le maigre bilan du développement des génériques

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a instauré le droit de substitution pour les pharmaciens des spécialités appartenant au même groupe générique. Les pharmaciens se sont engagés sur un objectif de substitution dans le protocole d'accord additionnel du 28 avril 1999, lequel prévoit notamment les modalités de son suivi.

Pourtant, les médicaments génériques, copies de molécules tombées dans le domaine public, progressent lentement : ils sont passés de 1,8 % du marché des médicaments en France en 1998 à 2,4 % au début de 2001 et 2,9 % fin avril (en valeur).

Le marché des groupes génériques (princeps et génériques) représentait, sur la période de mai 2000 à avril 2001, un chiffre d'affaires de 13,6 milliards de francs. La part en valeur des médicaments génériques au sein des groupes représentait 10 % en 1998, 12 % en 1999 et 19 % à fin avril 2001 sur 12 mois (ou 21 % sur les 4 premiers mois de l'année 2001).

En cumul mobile sur 12 mois à fin avril 2001, les génériques représentent environ 6,2 % de l'ensemble des unités vendues de médicaments remboursables (contre 4 % en 1999) et 2,9 % du chiffres d'affaires (contre 2 % en 1999).

Comme le rappelle la Cour des comptes, le plan de février 1998 prévoyait un objectif (« doubler la part des génériques dans la consommation pharmaceutique entre début 1998 et fin 1999 ») et quatre mesures pour développer les génériques : achèvement du répertoire des génériques 32 ( * ) , contrôle de la qualité de tous les génériques, droit de substitution et incitation des industriels à promouvoir les génériques.

Des incitations financières ont été décidées : réforme des marges des officines 33 ( * ) en 1999, qui a institué l'égalité de la marge entre princeps et génériques, et a prévu un engagement des officines de développer les génériques, en échange d'une révision du système de marge coûtant 300 millions de francs (45,7 millions d'euros) à l'assurance maladie en 1999 et 600 millions de francs (91,5 millions d'euros) en 2000 ; relèvement du plafond des remises versées par les laboratoires aux pharmacies ; exemption des remises quantitatives de fin d'année dues par les laboratoires à l'assurance maladie ; exonération de la taxe sur les ventes directes aux officines et abattement de 30 % sur la taxe frappant les dépenses de promotion.

Des efforts de communication ont été entrepris, avec notamment la publication depuis 1998 d'un guide des équivalents thérapeutiques par la CNAMTS.

Par ailleurs, le passage en commission de la transparence a été supprimé pour les génériques. Parallèlement, la CNAMTS avait inclut dans le dispositif conventionnel des médecins référents un volet « développement du générique » 34 ( * ) .

Cependant, comme le constate la Cour des comptes, l'objectif de doublement de la part de marché des génériques n'a pas été atteint.

La Cour des comptes distingue plusieurs obstacles à ce développement :

- une partie des médecins et des pharmaciens mettent en avant la réticence des patients au changement d'habitudes, notamment lorsqu'il s'agit de malades chroniques ou de personnes âgées ;

- l'intérêt financier des laboratoires non spécialisés dans le générique est de limiter l'arrivée de génériques.

Selon la Cour, deux mesures permettraient de développer davantage les génériques :

- la publication mensuelle et sans délai du répertoire des génériques ; aujourd'hui, l'AFSSAPS n'actualise le répertoire que deux à trois fois par an et la publication au journal officiel n'intervient qu'après un délai de deux mois ;

- l'autorisation de prescrire les médicaments en dénomination commune internationale (DCI) qui reporterait le choix de la marque des médecins vers les pharmaciens.

Cette dernière mesure est prévue par l'article 10 du présent projet de loi, ce dont votre rapporteur se félicite.

Au total, les économies pour l'assurance maladie liées au développement des génériques ont été de l'ordre de seulement 600 millions de francs en 2000 . Les efforts pour promouvoir le générique ont donc vocation à être nettement amplifiés.

2. L'absence de mesure significative en faveur du bon usage du médicament

Un effort significatif reste à accomplir pour promouvoir le bon usage du médicament.

La Cour des comptes note ainsi dans son rapport que le plan de 1998 accordait une place importante au développement du bon usage, avec notamment la définition d'indicateurs de suivi des prescriptions dans cinq classes prioritaires et la réalisation d'un référentiel public sur le médicament dès 1998. Elle relève qu'aucune mesure de « bon usage » n'a en réalité été prise. Le chapitre sur la « maîtrise des dépenses pharmaceutiques » s'ouvrait sur le « choix qui a été fait de responsabiliser au premier chef les prescripteurs » : la Cour constate une nouvelle fois qu'aucune mesure n'a été prise en ce sens.

Une illustration assez significative de cette inaction peut être trouvée dans le Fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique , créé par l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Ce fonds devait être chargé, selon le Gouvernement, de « l'information à destination des professionnels de santé indépendante de l'industrie pharmaceutique sur l'utilisation des médicaments. »

Pour justifier sa création, le Gouvernement avait fait valoir qu'aujourd'hui, « cette « information » des prescripteurs s'appuie sur un réseau de 15.000 visiteurs médicaux (21.000 en comptant les réseaux extérieurs) et les laboratoires y ont consacré plus de 12 milliards de francs selon leur dernière déclaration de dépenses pour la taxe publicité. L'information diffusée par les laboratoires a un caractère promotionnel. Aujourd'hui, l'information publique, notamment produite par l'AFSSAPS, qui reprend l'état de la science, n'arrive pas suffisamment, sous une forme facilement utilisable, jusqu'au prescripteur. C'est la raison pour laquelle la création de ce fonds s'imposait. »

A ce jour, près d'un an après sa création, ce fonds ne fonctionne toujours pas. En effet, les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ainsi que les conditions dans lesquelles sont arrêtées les actions d'information et de communication en matière de bon usage des produits de santé et de stratégie thérapeutique que le fonds finance ou au financement desquelles il participe, sont fixées par un décret, qui « est en cours d'élaboration ».

L'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 prévoyait également que serait mise en place, d'ici le 1er janvier 2003, une base de données administratives et scientifiques sur les médicaments et les dispositifs médicaux. Là encore, les travaux de préparation du décret fixant les conditions de l'accessibilité de cette base au public sont en cours...

IV. DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ FRAGILISÉS

A. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES HÔPITAUX

1. L'application problématique de la réduction du temps de travail aux hôpitaux publics

La réduction du temps de travail s'appliquera dans les hôpitaux à compter du 1 er janvier 2002.

Un protocole d'accord sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière a été signé le 27 septembre 2001 par Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, et quatre organisations syndicales (CFDT, UNSA, SNCH, CFE-CGC). La CGT, FO-SUD et la CFTC ne l'ont pas paraphé.

Le document constitue un « protocole de cadrage national », permettant l'ouverture des négociations dans chaque centre hospitalier. La durée du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine. Le décompte du temps de travail s'effectue en principe sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1.600 heures maximales, mais le décompte individuel du temps de travail permet de faire descendre ce plafond, grâce à la reconnaissance de sujétions particulières (pour les personnels à repos variable par exemple : 1.575 heures). Le personnel de nuit passera à 32 heures 30 par semaine à partir de 2004. Les agents bénéficient d'heures ou de jours de repos supplémentaires au titre de la RTT (réduction du temps de travail), dans la limite de 20 jours par an, en proportion de leur durée hebdomadaire de travail effectif.

Afin d'assurer la mise en oeuvre des 35 heures hebdomadaires dès le 1er janvier 2002, les établissements auront à leur disposition deux outils :

- les heures supplémentaires : le contingent d'heures supplémentaires mensuelles est de 20 heures jusqu'à 2004 compris, puis passera à 15 heures en 2005, et à 10 heures en 2006. Les cadres peuvent opter entre le régime du décompte horaire et le décompte en jours, avec 20 jours de RTT. Les personnels de direction bénéficient d'un décompte en jours (204 jours travaillés) et de 20 jours de RTT.

- le compte épargne-temps : un compte épargne-temps est mis en place, alimenté au choix de l'agent par des jours de congés annuels ou de RTT non pris et des heures supplémentaires non récupérées et non indemnisées. Celui-ci sera opérationnel dès le 1er janvier 2002. Les agents épargnant du temps ne pourront l'utiliser qu'à partir de 2004 compte tenu des modalités d'alimentation du compte épargne.

Dans la mesure où la durée du travail du personnel hospitalier est fixée par la loi (ordonnance n° 82-272 du 26 mars 1982), l'application du protocole de cadrage nécessite une intervention du législateur : c'est l'objet de l'article 17 du présent projet de loi.

En outre, un accord portant sur la réduction du temps de travail a également été signé le 22 octobre 2001 entre le ministère et les quatre syndicats de praticiens hospitaliers (PH) : l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), la confédération des hôpitaux généraux (CHG), la coordination médicale hospitalière (CMH) et le syndicat national des médecins chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP).

Le Gouvernement a pris la décision de créer 45.000 emplois spécifiques pour la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière (757.000 agents).

Cette décision est sans équivalent dans le reste de la fonction publique : dans la fonction publique d'Etat, la réduction du temps de travail devra se mettre en place à moyens humains constants. Cette « générosité » du Gouvernement s'explique peut-être par le fait que les 45.000 emplois créés seront en réalité financés par l'assurance maladie et non par l'Etat. Votre rapporteur constate une nouvelle fois que si l'Etat sait préserver ses intérêts, il se montre volontiers dispendieux avec l'argent de la sécurité sociale...

Il est en effet paradoxal que l'assurance maladie, qui constitue la branche déficitaire par excellence, se voit ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « 35 heures » : par les 8 milliards de francs de recettes qu'elle abandonne en 2002 au FOREC et par la charge financière -10 milliards de francs en année pleine- qu'elle va supporter au titre des emplois créés dans les hôpitaux.

La plupart des recrutements concerneront les personnels paramédicaux. Les 45.000 emplois devraient être pourvus sur les trois années 2002 à 2004.

En 2002, le Gouvernement s'est engagé à pourvoir 12.300 emplois, soit 27,5 % du total des créations. Plus précisément, les recrutements se feront tout au long de l'année et doivent atteindre 40 % des créations d'emplois fin 2002, puis 80 % en fin d'année 2003. L'année 2004 concernera la réduction du travail de nuit et le solde des emplois soit 9.000.

Lors des nombreuses auditions auxquelles il a procédé, votre rapporteur a pu constater que tous les acteurs du monde hospitalier s'accordaient à souligner les difficultés considérables qu'allait entraîner la mise en place de la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers. Chacun se demande en effet comment pourront s'effectuer ces recrutements massifs, alors même qu'un grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants.

2. Des moyens financiers supplémentaires qui ne sont pas à la hauteur des enjeux

En 2002, la part de l'ONDAM attribuée aux hôpitaux progressera de 4,8 % à 43,18 milliards d'euros (283,2 milliards de francs) dont 1,2 %, soit 500 millions d'euros (3,3 milliards de francs), sera consacré au financement des créations d'emplois.

La Fédération hospitalière de France (FHF) avait demandé que l'on compense aux établissements hospitaliers la charge supplémentaire que représente le passage aux « 35 heures » par la suppression de la taxe sur les salaires que ceux-ci acquittent. La taxe sur les salaires représente environ 11 milliards de francs pour les hôpitaux, soit un montant proche du coût en année pleine des créations d'emplois liées à la RTT. En outre, sa suppression aurait représenté un effort financier de l'Etat comparable à celui qui a été consenti dans le secteur privé au travers des différentes aides de l'Etat.

Cette solution n'a naturellement pas été retenue par le Gouvernement puisqu'elle aurait privé l'Etat d'une recette. Le choix qui a été effectué vise au contraire à augmenter les dépenses des hôpitaux, lesquelles sont financées par l'assurance maladie...

Pour sa part, la FHF évaluait les besoins 2002 à :

- + 8,32 % dans l'hypothèse où la RTT ne pourrait être financée par la suppression de la taxe sur les salaires, en supposant que la RTT ne s'applique à compter de 2002 que pour le personnel non médical, et à + 9,10 % sinon ;

- + 4,20 % dans l'hypothèse d'une suppression de la taxe sur les salaires.

Le taux d'évolution de 4,20 %, hors impact de la RTT, peut paraître relativement élevé. Il est cependant pour une large part prédéterminé :

- 2,09 % (soit 50 % des 4,20 %) correspondent à des mesures relatives au personnel décidées par le Gouvernement : c'est le cas notamment de la revalorisation du point indiciaire, des protocoles sur les filières et de l'augmentation de la cotisation au Fonds pour l'emploi hospitalier, qui fait l'objet de l'article 18 du projet de loi ;

- 0,67 % (soit 16 % des 4,20 %) correspondent à des effets purement mécaniques liés au GVT.

Ainsi, au total, les mesures obligatoires dont la mise en oeuvre s'impose aux responsables hospitaliers sans que ces derniers puissent disposer d'aucune marge d'appréciation, représentent à elles seules un taux d'évolution de 2,76 %, soit 66 % de l'évolution budgétaire totale proposée.

De plus, les hôpitaux sont confrontés à une forte augmentation du poste des dépenses médicales (médicament, dispositifs médicaux et fournitures médicales), lequel devrait continuer à progresser sensiblement au cours des prochaines années en raison notamment de l'augmentation sensible des tarifs des produits sanguins labiles et de l'impact des innovations et de la généralisation des traitements et techniques coûteux.

Enfin, de nombreuses études confirment le retard important des hôpitaux publics dans le domaine de l'investissement. Une mise à niveau exigerait un financement complémentaire pluriannuel de plusieurs dizaines de milliards. Ces opérations de modernisation paraissent aujourd'hui prioritaires au regard notamment :

- du retard de la France dans le domaine des équipements biomédicaux de pointe. C'est le cas par exemple des IRM pour lesquels les délais d'accès varient de 9 jours à 1 an suivant les établissements publics qui ont été sondés. Avec un taux d'équipement de 3 à 4 appareils par million d'habitants, la France demeure loin derrière le Japon, les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Le cas de la tomographie par émission de positions, qui est souvent cité par les professionnels de santé, constitue un autre exemple du retard inquiétant de la France en matière d'équipements lourds et de diffusion des nouvelles technologies ;

- des exigences de sécurité et de qualité (vétusté des bâtiments, ...), parallèlement à la mise en conformité nécessaire des biens et équipements aux normes réglementaires.

Dans ce contexte, confronté à la « grogne » d'une partie de sa majorité plurielle, qui menaçait de ne pas voter le projet de loi si des efforts supplémentaires n'étaient pas dégagés en faveur de l'hôpital, le Gouvernement a été contraint de mobiliser en urgence près de 4 milliards de francs supplémentaires pour les établissements hospitaliers.

Se refusant à augmenter la dotation hospitalière incluse dans l'ONDAM 2002, il a été obligé de recourir à des expédients peu glorieux, mobilisant les différents fonds hospitaliers existants.

Ainsi, ce plan de soutien aux établissements hospitaliers sous dotation globale est composé, selon le Gouvernement, de 3 milliards de francs de crédits supplémentaires et de 900 millions de francs « d'accélération de crédits déjà existants » .

Selon le Gouvernement, les 3 milliards de crédits nouveaux se décomposeraient comme suit :

- 1 milliard sur la dotation globale 2001 ; ces crédits supplémentaires ne seront pas reconductibles ;

- 1 milliard au titre du fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) en 2002 ;

- 1 milliard au titre du fonds de modernisation des hôpitaux (FIMHO), lequel est financé sur les crédits santé du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Vient s'ajouter en outre, selon le Gouvernement, l'accélération des 900 millions de francs disponibles au titre du FMES 2001.

La présentation choisie par le Gouvernement est naturellement très avantageuse et a pour objectif de « gonfler » au maximum les enveloppes ainsi dégagées.

En réalité, l'effort nouveau effectif en faveur des hôpitaux est beaucoup plus réduit. La loi de financement pour 2001 prévoyait déjà un abondement de 300 millions de francs pour le FMES en 2001 : l'effort supplémentaire n'est donc que de 300 millions de francs. Les 900 millions de francs auxquels se réfère le Gouvernement comprennent les 300 millions de francs du solde excédentaire du FMES au début de l'exercice 2001.

En 2002, l'effort supplémentaire pour le FMES n'est que de 500 millions de francs, puisque l'article 15 du projet de loi prévoyait déjà une dotation similaire pour 2002.

Enfin, il faut attendre l'examen des crédits de la santé par l'Assemblée nationale, le 12 novembre prochain, pour avoir une idée plus précise des crédits dégagés au titre du FIHMO : ce fonds a en effet la particularité d'être toujours richement doté en autorisations de programme (AP) et très chichement en crédits de paiement (CP). Ainsi, le projet de loi de finances initiale pour 2002 prévoit, avant examen par l'Assemblée nationale, 300 millions de francs d'AP et aucun CP ! Dès lors, on peut légitimement se demander si le milliard promis au FIMHO sera réel (CP) ou virtuel (AP).

Au total, l'effort supplémentaire certain repose uniquement sur l'assurance maladie et ne représente à ce titre que 1,8 milliard de francs, qui se décomposent ainsi :

- 300 millions de francs pour le FMES 2001 ;

- 500 millions de francs pour le FMES 2002 ;

- 1 milliard de francs pour la dotation globale 2001.

L'effort total n'atteindrait donc, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire si le FIMHO bénéficiait de 1 milliard de francs en crédits de paiement, que 2,8 milliards de francs.

Le plan de soutien du Gouvernement aux hôpitaux ne représente in fine qu'une somme comprise entre 1,8 et 2,8 milliards de francs.

L'habileté politique de la ministre est réelle, qui a su convaincre le groupe communiste de l'Assemblée nationale que près de 4 milliards de francs supplémentaires avaient été dégagés... Il est clair que la multiplication des fonds, qui parcellisent le financement de la sécurité sociale, permet assez aisément de telles opérations qui reviennent in fine à comptabiliser deux fois les mêmes sommes : Mme Guigou a ainsi pu annoncer qu'elle débloquait de nouveaux moyens, lesquels avaient déjà été votés par le Parlement lors de la précédente loi de financement !

Dès le lundi 29 octobre à 9 heures 30, Mme Elisabeth Guigou réunissait d'ailleurs les directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) afin de décider de l'affectation dans les hôpitaux publics des dotations supplémentaires votées par l'Assemblée nationale le vendredi 26 octobre, et ce alors même que le Sénat ne s'était pas prononcé sur les dispositions en question et que l'Assemblée nationale n'avait pas encore adopté l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission considère pour sa part que la répartition impromptue de ces dotations par la ministre relève d'une précipitation et d'une fébrilité qui font peu de cas du respect des droits du Parlement et des principes qui régissent nos finances publiques.

B. LES BESOINS DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE TARDIVEMENT PRIS EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT

Si les établissements de santé privés jouent un rôle important dans le système de soins, ils connaissent aujourd'hui, pour beaucoup, de réelles difficultés.

1. Des difficultés croissantes

La conjugaison d'une enveloppe moins généreuse que celle de l'hôpital public et du passage effectif aux « trente-cinq heures » a profondément fragilisé les cliniques privées. L'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.

Selon la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), plus de la moitié des établissements privés sont dans une situation financière périlleuse, et déjà 400 d'entre eux auraient disparu lors de restructurations qui ont concerné près de 1.000 cliniques.

La situation difficile que connaissent beaucoup d'établissements de santé privés trouve son origine dans la conjonction d'un double phénomène :

- la création d'emplois -de 7,3 % en un an- consécutive à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques par application de la loi dite Aubry I puis de l'accord national du 27 janvier 2000 signé entre les fédérations de salariés et les employeurs de l'hospitalisation privée ;

- la pénurie de personnel soignant, notamment infirmier, résultant de la création d'emplois et des différentes mesures d'ordre social prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, au travers des protocoles successifs.

Les cliniques redoutent que l'annonce, par le Gouvernement, de la création de 45.000 emplois à l'hôpital sur trois ans à compter du 1 er janvier 2002 ne se traduise par le départ de leurs infirmières les plus expérimentées vers les établissements publics, le niveau de rémunération que les cliniques proposent au personnel soignant étant en effet inférieur de 15 à 30 % à celui du public.

Il est de fait vraisemblable que les hôpitaux publics ne pourront réussir à pourvoir ces nouveaux postes qu'à la condition de vider les établissements privés d'une partie de leur personnel.

2. Un effort du Gouvernement tardif et limité

Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 fait la part belle aux hôpitaux publics qui voient leur dotation progresser de 4,8 %, dont 1,2 % au titre des « 35 heures », les cliniques privées, qui sont pour leur part déjà passées aux « 35 heures » depuis le 1er janvier 2000, ne bénéficieront que d'une progression de 3,5 % de l'enveloppe qui leur est allouée.

Ce taux d'évolution paraît nettement insuffisant pour permettre aux cliniques d'aligner progressivement les rémunérations de leurs salariés sur celles du secteur public.

La FHP a pour sa part demandé au Gouvernement une enveloppe de 6,35 milliards de francs pour lui permettre d'assurer le développement de ce secteur d'activité et de mieux rémunérer les personnels soignants, notamment les infirmières, qui pourraient être attirés par des emplois de la fonction publique hospitalière.

Dans ce contexte, la dotation du Fonds de modernisation des cliniques privées (FMCP) en 2002, qui figure à l'article 13 du projet de loi, paraît extrêmement faible : le fonds devrait être doté de 22,87 millions d'euros (150 millions de francs), soit exactement le même montant qu'en 2001.

L'objectif de ce fonds était de favoriser la restructuration de l'offre de soins privée. Le secteur hospitalier privé a connu un fort mouvement de restructuration dont la dynamique est, aujourd'hui, en voie d'essoufflement. Ces restructurations se sont traduites par des fermetures (4.000 lits en dix ans) et des regroupements d'établissements (jusqu'à 40 par an en moyenne sur la période de 1991 à 1998, une vingtaine en 1999 et 2000).

Si des fermetures ne manqueront pas d'intervenir encore dans un contexte de rentabilité décroissante et quasi-nulle, les regroupements risquent de ne pas se poursuivre, alors même qu'ils constituent la base d'une réorganisation de l'offre hospitalière prenant en compte les besoins des populations d'une part et la complémentarité publique et privée, d'autre part.

Confrontées à une forte dégradation de leur situation économique et financière, les cliniques privées n'ont plus les moyens de financer ces regroupements. Or, la faible dotation du FMCP ne permet en réalité que de soutenir 7 à 8 opérations par an.

Votre rapporteur a souhaité par conséquent que le fonds de modernisation des cliniques privées puisse disposer d'une dotation sensiblement plus élevée afin d'accompagner les restructurations qui s'imposent.

Il a semble-t-il été partiellement entendu par le Gouvernement qui a annoncé mercredi 7 novembre au matin 35 ( * ) , à l'issue d'une négociation avec les représentants de la FHP, « un programme pluri-annuel de financement » en faveur des cliniques.

Le communiqué de presse du ministère de l'emploi et de la solidarité fait valoir que « la discussion a permis d'aboutir aux dispositions suivantes :

« un programme pluriannuel de financement engagé dès 2001, dont 1,7 milliard de francs de mesures nouvelles :

« - au titre de 2001, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale sera déposé en première lecture au Sénat afin de majorer de 600 millions de francs la dotation du fonds de modernisation des cliniques privées. Les missions du fonds, actuellement limitées à l'aide à l'investissement, seront élargies pour contribuer à la politique sociale et salariale.

« - au titre de 2002, le même amendement permettra de porter la dotation du fonds de modernisation des cliniques privées à 600 millions de francs.

« En outre, une enveloppe de 500 millions de francs sera consacrée aux revalorisations salariales dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des prestations des cliniques pour l'année 2002 (qui sera conclu début 2002).

« - en 2003, ces efforts seront poursuivis pour assurer la continuité de cette démarche et réduire les inégalités entre établissements.

« Ces mesures s'ajoutent aux mesures déjà acquises dans le cadre de la préparation du PLFSS, soit au total un effort financier 2001-2002 de 3,1 milliards de francs. »

Votre rapporteur observe tout d'abord que le 1,7 milliard de francs de mesures nouvelles doit être amputé des 150 millions de francs de dotation au FMCP qui figuraient déjà à l'article 13 du projet de loi : l'effort supplémentaire ne serait en réalité que de 1,55 milliard de francs.

En outre, il s'interroge sur l'enveloppe de 500 millions de francs accordée dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des cliniques pour 2002 : cette somme venant en majoration de l'objectif de dépenses des cliniques privées en 2002, votre rapporteur espère que le Gouvernement majorera l'ONDAM 2002 en conséquence.

Il attend donc avec impatience le dépôt par le Gouvernement de ces amendements, lors de l'examen du projet de loi par notre assemblée. Eux seuls permettront de juger de la réalité de l'effort annoncé en faveur des cliniques.

TROISIÈME PARTIE
-
ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET MALADIES PROFESSIONNELLES

La branche « accidents du travail et maladies professionnelles » (AT-MP) de la sécurité sociale présente la particularité d'être incluse au sein de la branche « assurance maladie ».

Les comptes de l'assurance maladie au sens large incluent donc les résultats de la branche AT-MP ; toutefois, les analyses et résultats présentés dans la deuxième partie de ce rapport concernent l'assurance maladie entendue au sens strict, c'est-à-dire hors branche AT-MP.

De fait, la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a affirmé le principe de séparation des trésoreries des branches et a prévu que l'équilibre des deux branches devrait être réalisé de manière distincte.

Pour 2002, l'objectif de dépenses pour la branche a été fixé à 55,1 milliards de francs, soit une diminution de 4,8 % par rapport aux dépenses effectives de l'année 2001, compte tenu de la diminution des provisions prévues pour le fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante (FIVA) qui a été alimenté par anticipation de manière suffisante en 2001.

Enfin, le présent projet de loi de financement comprend diverses dispositions législatives visant à améliorer le régime d'indemnisation des personnes victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles.

On trouvera dans le tome IV du présent rapport, consacré à l'examen des articles, le détail de ces mesures, commentées sous les articles prévus à la section 2 (branche accidents du travail) du titre III (dispositions relatives aux dépenses et à la trésorerie) du présent projet de loi .

La présente partie s'attache à la description des mouvements affectant l'équilibre financier de la branche.

I. DES RECETTES TOUJOURS EN HAUSSE GRÂCE À UNE CONJONCTURE FAVORABLE À LA CROISSANCE

Les recettes de la branche « accidents du travail et maladie professionnelle » (AT-MP), qui présentaient une évolution satisfaisante en 2000, devraient être encore meilleures en 2002.

Produits de la branche AT-MP

(en droits constatés, millions de francs, évolution en %)

CNAMTS/AT-MP

2000

%

2001

%

2002

%

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

49.309,6

4,4

52.655,0

6,8

55.379,2

5,2

Agrégat Cotisations effectives

41.756,9

- 7,7

43.352,2

3,8

63.924,8

4,8

Cotisations sociales

40.757,2

1,1

42.302,0

3,8

44.703

5,7

Cotisations des actifs

40.597,2

1,0

42.134,1

3,8

44.530,3

5,7

Cotisations des actifs salariés (part patronale)

40.597,2

1,0

42.134,1

3,8

44.530,3

5,7

Majorations et pénalités

160,1

17,6

167,9

5,0

175,8

4,8

Reprises nettes (des dotations) de provisions sur cotisations

- 89,2

- 172,1

- 93,8

5,1

- 99,0

5,9

Pertes sur créances irrécouvrables (cotisations)

- 442,8

208,5

- 407,3

- 8,0

- 373,9

- 8,2

Cotisations prises en charge par l'Etat

1.531,7

- 69,1

1.550,7

1,2

1.189,9

- 23,2

Cotisations fictives

0,0

0,0

0,0

Impôts et taxe affectés

0,0

0,0

0,0

Transferts entre organismes de sécurité sociale

5.483,1

7.031,2

28,2

7.586,8

7,9

Transferts : prises en charge de cotisations

5.479,2

7.027,3

28,3

7.582,9

7,9

Prises en charge de cotisations par le FOREC

5.479,2

7.027,3

28,3

7.582,9

7,9

Transferts divers entre organismes de sécurité sociale

3,9

3,9

0,0

3,9

0,0

Contributions publiques

0,0

0,0

0,0

Divers produits techniques

2.069,5

4,0

2.271,6

9,8

2.368,7

4,3

Recours contre tiers

1.792,1

- 1,7

1.828,2

2,0

1.864,9

2,0

Autres produits techniques

10,5

- 33,3

10,5

1,6

10,5

1,5

Produits versés par une entité publique autre que l'Etat

26,2

14,8

26,2

0,0

26,2

0,0

Produits financiers

223,7

90,4

389,6

74,0

450,0

15,4

Produits exceptionnels + reprises nettes sur créances

16,4

44,1

17,1

1,6

17,1

1,5

PRODUITS DE GESTION COURANTE

76,1

- 60,0

77,4

1,6

78,1

1,5

TOTAL DES PRODUITS

49.385,7

4,1

52.732,4

6,8

55.457,2

5,2

Source : Direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

Les recettes de la branche AT-MP se sont élevées à 49,2 milliards de francs en 2000, en progression de 4,1 % par rapport à 1999. Ces recettes présentent la particularité d'être exclusivement assises sur des cotisations employeurs .

Les recettes étaient représentées à 95,6 % par les cotisations sociales patronales recouvrées, qu'elles aient été effectives (à 85,2 %, contre 89,1 % en 1999), prises en charge par l'Etat (à 3,2 %, contre 10,9 % en 1999) ou prises en charge au titre des allégements au titre de la réduction du temps de travail et des réductions sur les bas salaires (à 11,6 %, contre 0 % en 1999).

Selon les informations transmises à votre rapporteur, les recettes prévisionnelles de la branche AT-MP devraient progresser de façon soutenue de 6,8 % en 2001 et de 5,2 % en 2002 . Elles atteindraient ainsi 52,7 milliards de francs en 2001 et 55,4 milliards de francs en 2002.

Les cotisations sociales patronales recouvrées (y compris les prises en charge) devraient continuer à représenter 95,5 % du total des recettes prévisionnelles en 2001 et 95,6 % en 2002.

La part des cotisations sociales patronales effectives continuerait à baisser à 83 % en 2001 et à 83,4 % en 2002, comme celle des cotisations sociales patronales prises en charge par l'Etat qui s'affaisserait à 3,1 % en 2001, puis à 2,2 % en 2002.

En contrepartie, la part des cotisations sociales patronales prises en charge par le FOREC atteindrait 13,9 % en 2001 et 14,3 % en 2002. Les montants des cotisations sociales patronales prises en charge par le FOREC représenteraient 7,02 milliards de francs en 2001.

Il est à noter que les produits financiers devraient progresser pour atteindre 387 millions de francs en 2001 soit une hausse de 4,5 %.

II. DES DÉPENSES TIRÉES PAR LES MESURES MISES EN PLACE EN FAVEUR DES TRAVAILLEURS DE L'AMIANTE

Les dépenses effectives de la branche en 2000 sont fortement conditionnés par la mise en place du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ( FCAATA).

L'évolution du nombre des reconnaissances des maladies professionnelles liées à l'amiante montre une croissance inexorable :

Année

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 (1)

2000 (2)

Total reconnaissance

798

666

790

1.522

1.522

2.130

2.969

2.047

(1) Le chiffre pour 1999 est semi-définitif et sera légèrement réévalué.

(2) Le chiffre pour 2000 est provisoire.

Charges de la branche AT-MP

(en droits constatés, millions de francs, évolution en %)

CNAMTS/AT-MP

2000

%

2001

%

2002

%

CHARGES DE GESTION TECHNIQUE

43.384,3

5,8

46.190,5

6,5

46.561,1

0,8

Prestations

36.448,9

2,8

37.515,5

2,9

38.752,0

3,3

Prestations légales

36.042,2

3,3

37.282,0

3,4

38.524,4

3,3

Prestations extralégales

13,1

- 40,7

17,1

29,0

20,3

20,0

Autres prestations

91,8

72,5

93,8

2,2

93,8

0,0

Dotations nettes (des reprises) aux provisions sur prestations

249,3

718,6

68,2

- 72,5

58,4

- 15,0

Pertes sur créances irrécouvrables (prestations)

53,1

- 88,1

54,4

2,0

55,1

2,0

Transferts entre organismes de sécurité sociale

4.495,3

- 3,7

4.495,3

0,0

5.511,4

22,6

Total des compensations

3.811,1

- 4,6

3.802,6

- 0,2

4.791,1

26,0

Compensations intégrales

9,2

- 21,7

9,2

0,0

9,2

0,0

Autres compensations

3.801,9

- 4,5

3.793,4

- 0,2

4.782,6

26,1

Total des cotisations prises en charge

0,0

0,0

0,0

Total des prestations prises en charge

0,0

0,0

0,0

Total des transferts divers et autres

684,2

1,4

692,7

1,3

720,2

3,9

Transferts divers entre organismes de sécurité sociale

684,2

1,4

692,7

1,3

720,2

3,9

Transfert des salariés agricoles

684,2

1,4

692,7

1,3

720,2

3,9

Autres charges techniques

1.233,2

98,9

4.125,3

234,6

2.243,4

- 45,6

Contributions - AT : FCAATA, FIVA, autres fonds

684,8

6.750,0

3.635,3

430,7

1.798,6

- 50,5

Contributions - AT : FCAT (1)

547,7

- 10,2

490,0

- 10,6

444,7

- 9,2

Contributions - AT : FCATA (1)

0,0

0,0

0,0

Diverses charges techniques

33,5

5,8

33,5

0,0

33,5

0,0

Charges exceptionnelles (annulation de la créance FOREC)

1.153,8

0,0

0,0

Charges financières

0,0

77,8

0,0

0,0

0,0

0,0

Autres charges techniques

19,7

- 91,6

21,6

7,9

21,6

0,0

CHARGES DE GESTION COURANTE

4.859,3

- 3,3

5.283,7

8,7

5.315,2

0,6

TOTAL DES CHARGES

48.243,0

4,8

7.847,2

6,7

7.908,5

0,8

Source : Direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)
(1) Le Fonds commun des accidents du travail non agricole (FCAT) et le Fonds commun des accidents du travail agricole (FCATA) sont deux fonds qui ont pour mission de servir des majorations de rente pour compenser les effets de l'érosion monétaire.

Les charges de la branche AT-MP s'élevaient, en 2000, à 48,54 milliards de francs en progression de 4,8 % par rapport à 1999 (46 milliards de francs).

Cette vive progression a été surtout le résultat de deux mesures nouvelles intervenues en 2000 :

- Tout d'abord, a été effectuée la première dotation (à hauteur de 675 millions de francs) servie par la branche AT-MP au FCAATA qui a pour mission d'offrir une préretraite, entre 50 et 60 ans, aux personnes qui ont été durablement exposées à l'amiante dans leur cadre professionnel ( article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ).

- Par ailleurs, le Gouvernement a procédé à l'annulation de la créance du FOREC pour l'exercice 2000 inscrite en charges exceptionnelles pour 1,15 milliard de francs.

Hors ces deux éléments, la progression des charges de la branche AT-MP aurait été seulement de 0,8 % en 2000, sachant que les prestations AT augmentent de 2,8 %, compte tenu d'une revalorisation des rentes de 0,5 % au 1 er janvier 2000.

Le ministère de l'emploi et de la solidarité estime que les charges prévisionnelles de la branche AT-MP progresseraient en 2001 de façon plus vive qu'en 2000 pour atteindre 51 milliards de francs soit une hausse de 6,7 %.

Il est à souligner que la progression serait encore plus vive, de l'ordre de 9,3 %, si on se référait à la base 2000 corrigée de la charge exceptionnelle liée à l'annulation de la créance sur le FOREC pour l'exercice 2000.

Cette progression trouve à nouveau son origine dans deux phénomènes.

A. LE DISPOSITIF DE CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ

La dotation annuelle prélevée sur la branche AT-MP au titre du FCCATA a été portée à 750 millions de francs en 2001 pour tenir compte de la montée en charge du nombre de personnes pouvant prétendre à l'allocation de cession anticipée des travailleurs de l'amiante ainsi que de l'extension du dispositif aux travailleurs de l'amiante dans les secteurs de la réparation et de la construction navale et aux dockers professionnels dans les ports où était manipulée de l'amiante (article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001).

La situation financière du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, selon les hypothèses provisoires de dépenses 2001 communiquées par la Caisse des dépôts et consignations, est retracée par le tableau ci-dessous :

(en millions de francs)


Etat

Branche

AT

Produits

financiers


Dépenses

Résultat

technique

Réserves en fin d'exercice

1999

56,3

56,3

0

2000

200

675

2,5

356,9

520,6

520,6

2001

210

325

2,5

899

- 361,5

159,1

Ces hypothèses doivent toutefois être révisées. Elles ont en effet été établies sur la base de 8.080 allocataires au 31 décembre 2001.

Or, pour tenir compte des adjonctions aux listes d'établissements qui interviendront dans le second semestre 2001, il est retenu un effectif probable d'allocataires supérieur à 9.000 au 31 décembre 2001 et proche de 15.000 au 31 décembre 2002.

Ces circonstances amènent à fixer le versement de la branche AT-MP à 750 millions de francs en 2001 (somme d'ailleurs prévue dans les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001) et à prévoir 1.283 millions de francs en 2002.

La situation financière du Fonds serait alors la suivante :

(en millions de francs)


FCAATA


Etat

Branche

AT

Produits

financiers


Dépenses

Résultat

technique

Réserves en fin d'exercice

1999

56,3

56,3

0

2000

200

675

2,5

356,9

520,6

520,6

2001

210

750

2,5

904,2

58,3

578,9

2002

220,2

1.283

2,5

2.084,5

- 578,8

0,1

B. LA MISE EN PLACE DU FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA)

L'autre facteur important de progression est la mise en place du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) instituée par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ( loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ).

Le FIVA a pour mission de réparer les préjudices subis par les personnes ou leurs ayants droit :

- qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante conformément aux tableaux des maladies professionnelles n° s 30 et 30 bis ;

- ou qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française (quelle que soit leur nationalité ou leur situation au regard de la sécurité sociale).

Le Fonds est chargé d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par les intéressés et leurs ayant-droits. Ce fonds d'indemnisation, qui a le statut d'établissement public à caractère administratif, est financé par des contributions de l'Etat et de la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale. L'indemnisation par le FIVA se substitue à l'indemnisation par les commissions d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'infractions auxquelles les victimes de l'amiante pouvaient s'adresser lorsque le dommage était dû à une faute.

L'entrée en vigueur de ce fonds était subordonnée à la publication d'un décret en Conseil d'Etat.

Votre rapporteur souligne que la parution de ce décret a été relativement tardive malgré l'attente forte des victimes concernées sur le terrain.

Il aura fallu près de dix mois pour que soit publié le décret n° 2201-963 du 23 octobre 2001 relatif au FIVA.

Il reste que si le Fonds ne devrait débuter son activité au quatrième trimestre de l'année 2001, les moyens de financement ont déjà été mis en place.

La branche AT-MP se voit ainsi prélever une dotation de 2,87 milliards de francs (article 19 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale) qui se décomposent en 1,5 milliard de francs déjà inscrits dans les comptes prévisionnels pour 2001 de la branche AT-MP du régime général (CCSS du 20 septembre 2001) et 1,37 milliard de francs demandés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 pour « mise à niveau » à partir des prévisions affinées sur les besoins.

C. LES MOUVEMENTS FINANCIERS PRÉVUS POUR 2002

Dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, la dotation annuelle servie par la branche AT-MP au FIVA se situe en baisse (500 millions de francs), dans la mesure où la somme importante versée en 2001 couvrirait largement les besoins prévus pour 2001 et 2002.

Selon les éléments fournis par le Gouvernement pour 2002, les dépenses prévisionnelles de la branche AT-MP reviendraient au rythme tendanciel (hors mesure et hors revalorisation) de + 0,8 % : elles atteindraient alors 51,8 milliards de francs.

Les mesures nouvelles prévues en 2002 jouent parfois en sens opposé.

La dotation annuelle servie par la branche AT-MP au FCAATA se situerait à 1,28 milliard de francs (article 19 quinquies du projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour tenir compte de l'extension du périmètre des personnes pouvant prétendre à l'allocation.

La dotation annuelle versée au FIVA se situerait en légère baisse compte tenu, comme on l'a vu, de l'effort important fourni par la branche en 2001.

Par ailleurs, il est créé un nouveau reversement à hauteur de 1 milliard de francs de la branche AT-MP vers la branche maladie (article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale), pour tenir compte de la sous-déclaration des accidents du travail. Ce reversement viendrait en 2002 compléter le reversement actuel au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles, soit 965,5 millions de francs.

Par ailleurs, l'étude attentive de l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (recettes et dépenses des régimes de base) montre que le Gouvernement a prévu, outre la mesure nouvelle de 500 millions de francs au titre du FIVA pour 2002, une mesure nouvelle de 255 millions de francs 36 ( * ) : cette dernière correspond au coût de la mesure infra réglementaire envisagée par le Gouvernement tendant à accorder le bénéfice du FCAATA aux travailleurs victimes de plaques pleurales 37 ( * ) .

La meilleure prise en compte des plaques pleurales en tant que maladie professionnelle liée à l'amiante est une revendication ancienne des victimes de l'amiante.

Votre commission se félicite donc de cette décision dont elle souhaite la mise en oeuvre rapide.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 pour ses dispositions relatives aux équilibres généraux et à l'assurance maladie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME ÉLISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

Réunie le mardi 30 octobre 2001, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Après avoir salué la présence de M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Nicolas About, président, a exprimé, tout d'abord, le souhait que les réponses au questionnaire complémentaire d'octobre des rapporteurs de la commission des Affaires sociales, mais également celles à leur questionnaire de juillet, soient communiquées dans les meilleurs délais. Il a observé en second lieu que 37 articles additionnels avaient été ajoutés aux 34 articles initiaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 à l'occasion de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Il a précisé que 18 de ces articles additionnels avaient été adoptés à l'initiative du Gouvernement et que le total des seuls articles relatifs à l'assurance maladie était ainsi passé de 9 à 21. Il a constaté de surcroît que ces modifications affectaient les principaux agrégats du projet de loi.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a présenté les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 tel qu'issu de l'examen en première lecture de l'Assemblée nationale. Elle a tout d'abord mis en évidence l'équilibre retrouvé et consolidé des comptes du régime général, alors que ceux-ci accusaient un déficit cumulé de 265 milliards de francs sur la période 1993-1997. Elle a indiqué que ces excédents avaient été rendus possible grâce à une politique de l'emploi volontariste, favorisée par le retour de la confiance des Français résultant de la politique économique conduite par le Gouvernement. Elle a souligné, à cet égard, que la priorité du Gouvernement en faveur de l'emploi avait permis de réduire de plus d'un million d'unités le nombre de demandeurs d'emplois et avait, ainsi, un effet direct sur l'équilibre des comptes sociaux. Elle a ajouté que les allégements des cotisations sociales, dont les allégements « 35 heures » constituent un ensemble minoritaire (soit 34,6 milliards de francs sur un total de 102 milliards de francs en 2002), avaient eu un effet bénéfique sur l'emploi, à la différence des allégements accordés par le précédent Gouvernement.

Mme Elisabeth Guigou a également souligné que le Gouvernement avait développé la transparence des comptes sociaux, en assurant, notamment, le passage à la comptabilité en droits constatés en 2002. Elle a indiqué que cet effort de transparence s'était également concrétisé, s'agissant des politiques d'allégements des cotisations, par la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

A ce sujet, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a confirmé que la créance des régimes de sécurité sociale sur le FOREC, constatée pour l'exercice 2000, serait bien imputée, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, sur cet exercice. En revanche, pour 2001 et 2002, le FOREC sera équilibré car les allégements de cotisations sociales seront intégralement compensés aux régimes de sécurité sociale au moyen de recettes fiscales. Par ailleurs, le décret installant l'établissement public du FOREC est paru au journal officiel du 26 octobre 2001.

Mme Elisabeth Guigou a ensuite estimé que les transferts opérés par le gouvernement entre les branches du régime général étaient justifiés par la solidarité qui unit les générations. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuivra ainsi le transfert à la branche famille, amorcé en 2001, des avantages familiaux de retraite actuellement assumés par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Dans la même logique, le Gouvernement a décidé de transférer vers le fonds de réserve des retraites (F2R) 5 milliards de francs prélevés sur les excédents passés de la branche famille.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite passé en revue les différentes dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 visant à améliorer la protection sociale des français. S'agissant de la politique familiale, elle a notamment évoqué la création d'un congé de paternité de deux semaines, la dotation supplémentaire de 1,5 milliard de francs au fonds d'investissement de la petite enfance et la progression de 6 milliards de francs sur 4 ans des moyens du fonds national d'action sociale de la CNAF pour développer les autres modes d'accueil de la petite enfance et les loisirs des jeunes. Elle a également évoqué les mesures prévues en ce qui concerne la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles et notamment la mise en place et le financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé les dispositions prises en faveur des retraités. Après avoir souligné que la branche vieillesse du régime général était désormais excédentaire, elle a indiqué que le Gouvernement proposait de revaloriser les pensions de retraite de 2,2 % alors que l'inflation prévisionnelle est de 1,5 %. Ce « coup de pouce » supplémentaire portera à 1,4 % le gain du pouvoir d'achat des retraités depuis 1997.

Concernant plus particulièrement l'avenir des retraites, Mme Elisabeth Guigou a ajouté que le débat à l'Assemblée nationale lui avait permis d'aborder la question générale de l'avenir des régimes de retraite par répartition. Elle a plus particulièrement insisté sur la nécessité de poursuivre la réflexion sur le départ à la retraite et le taux d'activité des personnes âgées de plus de 55 ans, en liaison avec les travaux du conseil d'orientation des retraites, qui remettra son premier rapport en décembre 2001. Dans un deuxième temps, des travaux complémentaires tels que la concertation sur les avantages familiaux des retraites ou la manière de prendre en compte les handicaps ou la pénibilité du travail pourront être effectués.

Mme Elisabeth Guigou a précisé que de nombreux députés l'avaient alertée, à l'occasion du débat de première lecture, sur la situation particulière des travailleurs âgés, ayant cotisé plus de 160 trimestres, tout en n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans mais qui souhaitent légitimement pouvoir bénéficier de leur retraite. Elle a estimé qu'il convenait d'intégrer ce sujet dans la réflexion globale sur la réforme des retraites mais que ce choix méthodologique n'interdisait pas de rechercher une solution concrète à ce problème. Cette solution concrète, proposée à l'Assemblée nationale qui l'a adoptée, est la création d'une garantie de ressources, le « revenu équivalent retraite », permettant aux personnes les plus en difficulté de percevoir une allocation d'un montant compris entre 5.000 et 5.750 francs par mois, sans tenir compte des ressources du conjoint.

Par ailleurs, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que le Gouvernement assurait la montée en charge du fonds de réserve des retraites (F2R). Elle a confirmé que ce fonds disposera bien en 2020 de plus de 1.000 milliards de francs de réserves et de 85 milliards de francs à la fin 2002, soit 20 milliards de francs de plus que ce qui avait été annoncé initialement par le Gouvernement en 2001. S'agissant plus particulièrement des recettes provenant des licences de téléphonie mobile de seconde génération, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que ces recettes seront entièrement affectées au fonds de réserve des retraites à compter de l'année 2001 et que la perte de recettes enregistrée, par rapport aux prévisions initiales, pour 2002 sera compensée par des recettes issues des privatisations.

Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé le « volet santé » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

En matière hospitalière, la ministre a indiqué que le Gouvernement poursuivait ses efforts de modernisation de l'hôpital public pour assurer aux patients des soins de qualité. Après avoir rappelé les détails des mesures prises en ce domaine, elle a précisé que le Gouvernement avait décidé d'accompagner la réduction du temps de travail dans l'hôpital public par la création de 45.000 emplois sur trois ans (2002-2004). Elle a ajouté que le débat en première lecture à l'Assemblée nationale avait, en outre, permis de renforcer les moyens de fonctionnement et d'investissement de l'hôpital en assurant un complément de crédits non reconductible de 1 milliard de francs sur la dotation hospitalière, en renforçant les actions du fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) pour le développement des projets sociaux et de l'investissement et en dégageant, sur le budget de l'Etat, une dotation supplémentaire de 1 milliard de francs au profit du fonds d'investissement et de modernisation de l'hôpital.

A cette occasion, Mme Elisabeth Guigou a remis à M. Nicolas About, président, le projet de répartition régionale de la dotation hospitalière. Elle a précisé que, soucieuse d'efficacité, elle avait choisi d'informer sans attendre les directeurs des agences régionales d'hospitalisation (ARH) de cette répartition en y conviant les présidents des commissions des affaires sociales des deux assemblées. Cette réunion, tenue le 29 octobre 2001, permettra ainsi aux administrations compétentes d'anticiper la préparation des nouvelles mesures définies en faveur de l'hôpital et de les mettre en oeuvre dès le vote de la loi de financement de la sécurité sociale.

S'agissant plus particulièrement des cliniques privées, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que l'accord du 4 avril 2001 avait marqué la volonté du Gouvernement de prendre pleinement en compte leur situation économique et sociale. Elle a précisé qu'elle avait déjà engagé des discussions avec les représentants de la fédération de l'hospitalisation privée afin de trouver les moyens d'y apporter les réponses appropriées.

Evoquant ensuite la politique du médicament, Mme Elisabeth Guigou a souligné le taux de progression très rapide des dépenses correspondantes, soit plus 7,7 % en 2001, tout en réaffirmant la volonté du Gouvernement d'autoriser l'accès de tous les français aux innovations pharmaceutiques. Elle a, à ce sujet, rappelé les principales mesures prises par le Gouvernement.

En ce qui concerne la politique médico-sociale, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a rappelé que le Gouvernement poursuivait la mise en oeuvre des plans pluriannuels en faveur des personnes handicapées et du plan de médicalisation des établissements pour personnes âgées.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 2002 (ONDAM) atteint 112,77 milliards d'euros (779,72 milliards de francs) en droits constatés, soit une progression de 3,9 % par rapport aux dépenses de 2001. Cet ONDAM se décompose en quatre éléments principaux, soit un objectif de 4,8 % pour les hôpitaux, de 4,8 % également pour les établissements médico-sociaux, de 3,5 % pour les cliniques privées et enfin, un objectif des dépenses de soins de ville fixé à 3 %.

A ce sujet, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a fait le point sur la rénovation du système conventionnel de soins de ville engagée par le Gouvernement, et fondée sur les treize propositions rendues publiques par le Gouvernement. Elle a précisé que certaines de ces propositions seront définies dans le projet de loi sur les droits des malades et que d'autres sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit de la mise en place de dispositifs d'appui à l'installation afin de prendre en compte les difficultés que rencontrent le recrutement, le maintien et le remplacement de médecins et d'infirmiers dans certaines zones rurales, de la mise en place de financement pérenne et d'une harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement des réseaux de soins, et de la création d'un mécanisme de rémunération pour le développement des gardes libérales.

Enfin, Mme Elisabeth Guigou a présenté les propositions du Gouvernement visant à rénover le cadre conventionnel entre les caisses de sécurité sociale et les professionnels de santé. Elle a notamment indiqué que, dans le cadre de ses engagements conventionnels rénovés, le recours aux lettres-clés « flottantes » pourrait ne plus s'appliquer et qu'un amendement du Gouvernement, voté par l'Assemblée nationale, fournit le cadre de ces évolutions.

M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres généraux, a souhaité obtenir une mise à jour écrite des comptes prévisionnels du régime général pour 2001 et 2002, tels qu'ils ressortent des mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture. Il a également souhaité savoir si l'intégration, dans les allégements « 35 heures », du précédent dispositif spécifique d'allégement de cotisations prévu lors de l'embauche d'un premier salarié fournissait des avantages équivalents aux entreprises concernées. Il s'est, en outre, interrogé sur le caractère provisoire de cet allégement en faveur de l'embauche d'un premier salarié qui devrait expirer le 31 décembre 2003. M. Alain Vasselle a, enfin, souhaité savoir si la majoration des recettes du FOREC résultant de l'augmentation des minima de perception des droits sur le tabac, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de sa commission, avait été « anticipée » dans les prévisions de recettes du projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2002.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que les renseignements écrits demandés par M. Alain Vasselle lui seraient communiqués dans les meilleurs délais. S'agissant par ailleurs de l'intégration des allégements de cotisations pour l'embauche d'un premier salarié dans le cadre général des allégements « 35 heures », elle a indiqué que le nouveau dispositif était comparable au précédent et que la date du 31 décembre 2003 pourrait être éventuellement reportée si le Parlement en décidait ainsi. En ce qui concerne l'augmentation des minima de perception des droits sur le tabac, et après un échange de vues auquel ont notamment participé MM. Nicolas About, président, Alain Vasselle, Gilbert Chabroux et Bernard Cazeau , Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que la recette correspondante avait bien été anticipée dans les prévisions de recettes du projet de loi de financement, mais que le support juridique nécessaire était désormais constitué par l'article 6 bis dudit projet.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a évoqué l'article 26 A nouveau adopté par l'Assemblée nationale, qui élève les plafonds de ressources de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs de moins de soixante ans ayant épuisé leurs droits et justifiant d'au moins quarante années de cotisations, et augmente le montant de l'allocation spécifique d'attente (ASA). Il a demandé pourquoi le Gouvernement n'était-il pas intervenu par décret, l'ensemble des mesures relevant du pouvoir réglementaire. Il s'est interrogé sur le coût de ces mesures, pour l'organisme chargé de les prendre en charge et sur la présence de cet article en loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, faisant état des recettes encaissées par le Fonds de réserve des retraites, qui s'élèvent à 25 milliards de francs au 23 octobre 2001, il s'est interrogé sur la prévision affichée par le Gouvernement pour fin 2002, soit 85 milliards de francs.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a noté que l'article 26 A résultait d'un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Elle a considéré que cet article était un premier pas pour satisfaire une revendication légitime, tendant à accorder une pension à toute personne bénéficiant de quarante années de cotisations, même si elle n'a pas atteint l'âge de soixante ans. Elle a observé que qu'une telle revendication ne pourrait être prévue, compte tenu de son coût, que dans le cadre d'une réforme générale des retraites. Elle a indiqué que le financement de l'article 26 A, dont le coût est évalué à 350 millions de francs pour 2002, serait à la charge du budget de l'emploi, par l'intermédiaire du fonds de solidarité. Elle a précisé qu'une telle mesure nécessiterait une modification du projet de loi de finances, et n'affectait pas l'équilibre de la branche vieillesse, mais qu'il était normal que cette disposition soit présente dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque ce support législatif avait initié ce débat.

S'agissant du fonds de réserve pour les retraites, elle a indiqué que le montant des encaissements était à la fin 2000 de 21 milliards de francs, auxquels il était nécessaire d'ajouter 8,3 milliards de francs d'excédents du FSV et de la CNAV, 9,4 milliards de francs de produits résultant des Caisses d'épargne, 14,8 milliards de francs de produits du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, 5 milliards de francs d'excédents de la CNAF, 2 milliards de francs de produits financiers et les recettes issues de la vente des licences UMTS et des privatisations, pour aboutir fin 2002 au montant de 85 milliards de francs.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur sur la famille, s'est fait l'écho de l'émotion des différentes associations familiales en ce qui concerne les prélèvements prévus sur les excédents de la branche famille par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Il s'est demandé si ces prélèvements avaient fait l'objet d'une concertation préalable entre ces associations et le Gouvernement.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , lui a répondu que les transferts financiers en cause, qui avaient bien fait l'objet d'une information des associations concernées, étaient rendus possible par les nouveaux excédents dégagés par la branche famille et que ces excédents permettaient désormais de financer une politique appropriée en faveur des familles.

M. Alain Joyandet, rapporteur des finances sociales à la commission des finances, s'est ensuite interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer le dépassement systématique de l'ONDAM par rapport aux prévisions initiales. Il a également souhaité savoir comment le Gouvernement entendait compenser au fonds de réserve des retraites le manque à gagner résultant de la diminution du produit attendu des recettes des licences de téléphonie mobile de seconde génération.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que le dépassement de l'ONDAM n'était pas dû à une quelconque erreur de calcul mais reflétait une « tendance lourde », commune à l'ensemble des pays développés, à l'augmentation continue et rapide des dépenses de santé. Elle a toutefois estimé utile et nécessaire de se fixer un objectif national en la matière, afin de pouvoir lutter efficacement contre les gaspillages et a rappelé, à ce sujet, les mesures prises par le Gouvernement en matière de politique du médicament. S'agissant, par ailleurs, des recettes qui seront versées au fonds de réserve des retraites au titre des licences de téléphonie mobile de seconde génération, elle a indiqué que le montant correspondant atteindrait 8 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002 complétés, cette année-là, par 8 milliards de francs de recettes de privatisation.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est étonné de la contradiction entre, d'une part, la modicité de la progression des dépenses de la branche famille prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et, d'autre part, la récente reprise de la natalité française.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , lui a répondu que l'objectif des dépenses de la branche famille pour 2002 avait été fixé sur la base d'éléments objectifs et compte tenu des moyens financiers disponibles.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a jugé paradoxal que l'assurance maladie, qui était la branche déficitaire du régime général, se voit ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « 35 heures » : par les 8 milliards de francs de recettes qu'elle abandonnait au FOREC et par la charge financière -10 milliards de francs en année pleine- qu'elle allait supporter au titre des emplois créés dans les hôpitaux.

Constatant que le Gouvernement avait décidé d'abonder le Fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) en 2002 d'un milliard de francs et de confier à celui-ci la mission de financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement des établissements de santé, il a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement n'avait pas choisi, plus simplement, d'augmenter d'un milliard de francs l'enveloppe des hôpitaux au sein de l'ONDAM 2002. Il s'est interrogé sur la signification que pouvait revêtir un fonds chargé de financer l'ensemble des dépenses hospitalières et qui faisait donc double emploi avec la dotation globale. Il s'est demandé s'il n'y avait pas là un risque de parcellisation du financement des établissements hospitaliers, dont le fonctionnement courant devrait, en toute logique, être uniquement assuré par la dotation globale. Il a souhaité savoir si les établissements privés participant au service public hospitalier étaient susceptibles de bénéficier des moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé si une rallonge du même type était envisagée pour les cliniques privées, qui connaissaient elles aussi des difficultés croissantes. Observant que l'article 10 A voté par l'Assemblée nationale laissait pour le moment subsister le mécanisme des lettres-clés flottantes, il a souhaité que le Gouvernement précise ses intentions, s'agissant du cadre conventionnel et du système de régulation des dépenses de soins de ville qu'il envisageait d'instituer.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a fait valoir que si l'assurance maladie restait effectivement déficitaire de 13 milliards de francs en 2002, après le vote par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce déficit était beaucoup moins accentué qu'en 1996 où il avait alors atteint 35 milliards de francs. Elle s'est dite favorable à une fongibilité des différentes branches de la sécurité sociale, estimant qu'il n'était pas justifié que certaines branches conservent en quelque sorte des « cagnottes ».

Evoquant les moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux, elle a expliqué que l'augmentation de la dotation globale hospitalière en 2001 visait à assurer un financement immédiat des besoins prioritaires. Elle a indiqué que l'élargissement des missions du fonds pour la modernisation des établissements de santé (FMES), qui pourrait désormais financer les investissements, permettrait d'assurer un financement aux opérations qui n'étaient aujourd'hui pas éligibles au Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO), telles que des mesures urgentes en faveur de la sécurité. Elle a souligné que cet effort permettrait notamment d'augmenter le nombre de places dans les écoles d'infirmières.

Mme Elisabeth Guigou s'est refusée à envisager un alignement des efforts en faveur des cliniques sur ceux consentis aux hôpitaux publics. Elle a fait observer que les cliniques étaient des structures de droit privé détenues par des actionnaires. Elle a considéré que les difficultés que connaissaient aujourd'hui certaines cliniques provenaient des faibles rémunérations accordées par celles-ci à leurs infirmières, rémunérations parfois inférieures de 20 à 30 % à celles versées dans les hôpitaux. Elle a relevé que la rémunération des médecins était en revanche supérieure dans les cliniques privées.

M. Nicolas About, président , a jugé cette approche un peu réductrice et a considéré que les problèmes des cliniques privées ne pouvaient s'expliquer par des choix salariaux qui seraient plus favorables aux médecins qu'aux infirmières. Il a jugé dangereux d'opposer ainsi médecins et infirmières travaillant au sein des mêmes structures privées et s'est inquiété des surenchères des hôpitaux publics tendant à débaucher dans les cliniques privées les infirmières dont ils ont besoin.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que les difficultés des cliniques privées étaient réelles et que le Gouvernement les prenait en compte.

M. Alain Vasselle a estimé qu'en laissant s'accentuer l'écart existant aujourd'hui entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, on prenait le risque de voir disparaître un certain nombre de cliniques privées, ce qui poserait un problème sanitaire majeur dans certaines zones. Il a souligné que les hôpitaux n'étaient pas en mesure de faire face au surcroît de demandes qu'entraînerait la disparition de ces cliniques. Il a ajouté qu'outre les questions de salaires, les infirmières disposaient dans les hôpitaux du statut de la fonction publique hospitalière, bien plus avantageux que celui résultant de la convention collective applicable aux cliniques privées.

M. Gilbert Chabroux, regrettant que la majorité de la commission des affaires sociales se focalise à l'excès sur le financement du FOREC, s'est félicité des nombreuses mesures positives mises en oeuvre par le Gouvernement en matière sanitaire et sociale. Il a ainsi estimé qu'il convenait d'évoquer les véritables questions qui se posent à la Nation en ce domaine, telles la lutte contre le tabagisme ou la dérive des dépenses de médicaments. Enfin, il a jugé nécessaire de rappeler l'ampleur des déficits constatés au cours de la période 1993-1997, qui contraste avec l'amélioration des comptes sociaux constatée depuis lors.

M. Roland Muzeau s'est félicité des avancées obtenues, à l'occasion du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, et grâce à l'intervention du groupe communiste, en faveur de l'hôpital public. Il a toutefois estimé que l'ensemble des problèmes n'était pas encore résolu de manière satisfaisante. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la sollicitude manifestée par la majorité sénatoriale en faveur des cliniques privées, la revendication d'une aide publique au profit de ces établissements lui paraissant peu compatible avec la conception la plus communément admise du libéralisme économique. Enfin, il a souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement afin de limiter la hausse de dépenses des médicaments avant de souligner que l'évolution prévue de l'ONDAM, soit une progression de 4,8 %, s'avérait finalement modique si l'on en retranchait les 1,2 % prévus au titre du financement des 35 heures à l'hôpital.

M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur les mesures prévues afin de permettre à notre pays de rattraper son retard d'équipements en scanners et en appareils d'imagerie médicale.

Après avoir salué les appréciations positives formulées par M. Gilbert Chabroux, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a notamment fourni les réponses suivantes :

- s'agissant de la lutte contre la dérive des dépenses de médicaments, un effort particulier, notamment en matière d'information du grand public, sera prochainement engagé en faveur de la prescription des médicaments génériques. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'adapter les règles de prescription en conséquence ;

- la maîtrise des dépenses de santé devrait être également assurée dans le cadre du nouveau dispositif conventionnel organisé sur la base de treize propositions du Gouvernement ;

- le Gouvernement, conscient des difficultés rencontrées par les établissements d'hospitalisation privée, entend ne pas négliger ce secteur dont le niveau d'aide ne pourra pas toutefois être strictement aligné sur celui de l'hôpital public qui supporte des charges spécifiques, propres à sa mission ;

- l'ouverture des taux d'attribution et la définition de nouvelles procédures décentralisées devraient permettre à notre pays de rattraper son retard en matière d'équipements en scanners et en appareils d'imagerie médicale.

Après s'être félicité des décisions prises par le Gouvernement en faveur des hôpitaux, M. André Vantomme a souhaité savoir si celui-ci envisageait des efforts supplémentaires à l'avenir.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre la démarche de péréquation entre les régions afin de résorber progressivement les inégalités régionales. Elle a précisé qu'elle avait confié à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) la mission de réfléchir sur une éventuelle poursuite de cette politique.

M. Nicolas About, président, a remercié la ministre du temps qu'elle avait bien voulu consacrer à répondre aux nombreuses interrogations des rapporteurs et des commissaires.

II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. FRANÇOIS LOGEROT, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES ACCOMPAGNÉ DE M. GABRIEL MIGNOT, PRÉSIDENT DE LA 6ÈME CHAMBRE ET DE M. CLAUDE THÉLOT, RAPPORTEUR GÉNÉRAL

Réunie le mercredi 17 octobre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes accompagné de M. Gabriel Mignot , président de la 6 ème chambre et de M. Claude Thélot, rapporteur général , sur le rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président, a déclaré que l'audition de la Cour des comptes, de son Premier président, du président de la 6 è Chambre et de son rapporteur général, était un moment important des travaux de la commission sur les lois de financement de la sécurité sociale.

Il a noté, à ce titre, que ces lois étaient devenues d'une telle complexité financière, souffraient d'un tel manque de stabilité quant au flux tant des dépenses que des recettes, que le Parlement avait bien besoin de l'assistance de la Cour telle que la Constitution l'avait prévue.

Il a indiqué que l'exercice du rapport annuel pouvait être quelquefois perçu comme un peu décalé par rapport aux préoccupations du moment, la Cour s'attachant à l'exercice N-2 au moment où le Parlement consacre son énergie à l'examen de ce que sera l'exercice N.

Mais il a constaté que, cette année, le rapport de la Cour portant sur l'exercice 2000 était d'une totale actualité, dès lors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 revenait à deux titres sur cet exercice, en annulant la créance sur le FOREC (35 heures) et en opérant des prélèvements sur les excédents 2000 de la branche famille au profit des crèches et du fonds de réserve pour les retraites.

M. Nicolas About, président , a fait part, en conséquence, de la perplexité de la commission devant des comptes de la sécurité sociale « glissants ».

Il a remercié la Cour d'avoir bien voulu répondre par écrit aux douze questions qui lui avaient été adressées le 21 septembre par son prédécesseur, le président Jean Delaneau.

Il a souligné la richesse et la pertinence de ces réponses, distribuées aux commissaires et qui seront annexées au rapport de la Commission.

M. François Logerot , Premier président de la Cour des comptes , a indiqué que la présentation du rapport annuel de la Cour sur la sécurité sociale constituait, à l'instar de la présentation du rapport sur l'exécution des lois de finances, un moment important de l'activité de la Cour.

Il a souligné que ce rapport constituait une application de l'exigence constitutionnelle, pour la Cour, d'assister le Parlement dans ses missions de contrôle.

Il a noté que les questions adressées par la commission des affaires sociales permettaient à la Cour de cerner plus précisément les préoccupations des parlementaires.

Il a ensuite rappelé que la compétence de la Cour des comptes, quant à la sécurité sociale, avait 40 ans d'ancienneté, mais que cette compétence s'était étoffée avec les lois constitutionnelles et organiques de 1996.

Il a précisé que le premier objet du rapport était de rendre compte de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le second objet étant de vérifier l'état des comptes de la sécurité sociale, rendu plus difficile cette année-là du fait de la présence du FOREC. Il a toutefois souhaité signaler un progrès dans l'élaboration des comptes.

Il a ajouté que le troisième objet de ce rapport était de présenter une synthèse des activités de contrôle menées par les comités régionaux d'examen des comptes (COREC) et les comités départementaux d'examen des comptes (CODEC) des organes de sécurité sociale dont il a tenu à souligner la qualité des travaux.

Il a ensuite précisé que, chaque année, le rapport contenait des développements sur des points précis ; ainsi la Cour avait-t-elle choisi de privilégier, dans son dernier rapport, une étude sur le financement de la sécurité sociale, tant du point de vue de ses recettes et dépenses, que de celui des relations financières entre la sécurité sociale et l'Etat.

Il a mentionné, en outre, le développement relatif à la politique du médicament, aux prestations sous condition de ressources, et aux régimes agricoles.

Il a constaté que l'ampleur des travaux justifiait la taille du rapport, dont une part était néanmoins consacrée aux réponses des administrations.

Il a enfin rappelé que le document comportait des recommandations et que, comme les années précédentes, une synthèse avait été réalisée et mise à la disposition des parlementaires et du public.

M. Gabriel Mignot a rappelé que les dépenses de sécurité sociale, de l'ordre de 1.800 à 1.900 milliards de francs, dépassaient désormais celles du budget de l'Etat. Il a indiqué que le rapport de la Cour sur la sécurité sociale était centré en 2001 sur le financement, alors que les rapports des trois années précédentes avaient privilégié la question de la politique d'assurance maladie. Il a ajouté que le rapport de 2002 serait plus particulièrement consacré aux dépenses hospitalières, en liaison avec les chambres régionales des comptes. Il a précisé que les enquêtes réalisées par la Cour étaient « lourdes », et a souhaité que les commissions des affaires sociales du Parlement puissent faire part, en amont, des sujets sur lesquels elles souhaitent que la Cour insiste plus particulièrement de sorte que cette dernière puisse intégrer ces demandes dans l'établissement de son programme de travail.

Il a observé qu'en 2000, comme les années précédentes, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), malgré son « rebasage », avait été dépassé. Il a indiqué que sur moyenne période les dépenses d'assurance maladie n'augmentaient pas beaucoup plus vite que la richesse nationale. Citant l'exemple particulièrement frappant des dépenses pharmaceutiques, il a estimé que les procédures de maîtrise des dépenses d'assurance maladie n'avaient pas fait preuve de leur efficacité. Il a observé que la « nouvelle technique » prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, opérant une « délégation de gestion » de la CNAMTS sur les dépenses de ville, avait échoué. S'agissant des dépenses hospitalières, les protocoles signés par le ministère de l'emploi et de la solidarité au cours de l'année 2000 avaient nécessairement eu pour conséquence des dépassements de l'objectif.

M. Gabriel Mignot a considéré que le problème de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie restait entier et que les « bonnes solutions » n'avaient pas encore été trouvées.

Abordant la complexité croissante des « tuyauteries » et des transferts financiers engendrée par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales (FOREC), il a rappelé que « la Cour ne portait pas de jugement » sur le point de savoir s'il était pertinent d'affecter à la sécurité sociale, par le biais d'un fonds, des ressources fiscales, par définition sujettes à variation, ou de lui compenser ex post ses pertes de recettes, « le débat restant ouvert ». Il a estimé à cet égard que l'appellation de « fonds » faisait l'objet d'un « abus de langage » et devait être réservée aux entités disposant de ressources affectées.

Il a indiqué que la Cour s'était penchée sur la question des frais de gestion que l'Etat perçoit sur les impôts et taxes perçus au profit de la sécurité sociale ou que la sécurité sociale perçoit ou ne perçoit pas sur les prestations, tel le revenu minimum d'insertion (RMI), servies pour le compte de l'Etat. Il a fait part de « réalités disparates », ne reposant sur aucune règle claire.

M. Claude Thélot s'est félicité que l'audition de la Cour des comptes devant la commission soit « décalée » par rapport à la présentation du rapport, intervenue à la mi-septembre, ce délai permettant à la Cour de préparer des réponses écrites aux questionnaires des rapporteurs. A la demande de M. Nicolas About, président , il a commenté certaines des réponses écrites de la Cour à ce questionnaire.

Il a tout d'abord noté que les comptes des caisses de sécurité sociale, approuvés par les conseils d'administration, avaient été arrêtés en 2000 selon « les règles de l'art ».

Il a expliqué ainsi que les régimes sociaux avaient inscrit dans leurs recettes une créance sur le FOREC, au titre de la non-compensation intégrale des exonérations de cotisations décidées dans le cadre de la réduction du temps de travail. Il a indiqué que la commission des comptes de la sécurité sociale du 7 juin 2001 n'avait pas eu connaissance préalablement des intentions de l'Etat sur cette créance. Il a précisé qu'en conséquence lesdits régimes ne pouvaient pas inscrire une « provision », parce qu'une telle décision aurait anticipé celle des pouvoirs publics.

M. Claude Thélot a affirmé que la Cour des comptes, dans son commentaire, s'était bornée à constater que les comptes ne reflétaient plus la réalité économique. Il a observé que la réforme des droits constatés était un « grand progrès », mais qu'elle était compliquée et nécessitait un accord sur les conventions comptables utilisées. Il a précisé qu'une telle mission relevait de la Mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), remplacée depuis peu par une mission permanente placée sous l'autorité du Haut conseil de la comptabilité des organismes de sécurité sociale. Il a indiqué que la Cour n'avait pas demandé la « réouverture » des comptes 2000 ou leur « rectification » mais avait considéré que l'application des règles comptables existantes aurait dû conduire à l'inscription d'une charge exceptionnelle sur l'exercice 2001, à hauteur de la créance irrécouvrable figurant dans les comptes de l'exercice précédent.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé si cette réouverture, explicitement prévue par l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, était approuvée par la Cour des comptes. Il s'est interrogé sur la mention, par le rapport de la Cour, d'une créance sur l'année 2000 de 10 milliards de francs, alors qu'elle semblait finalement s'établir à 16 milliards de francs.

M. Claude Thélot a confirmé que le chiffrage de la Cour des comptes était effectivement différent de celui présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2001, en raison de la publication du rapport de la Cour, antérieure à la date de la réunion de la commission des comptes. Il a indiqué à cet égard que les comptes agrégés de la sécurité sociale n'étaient pas des comptes d'un organisme unique, mais constituaient des comptes « plutôt macro-économiques ».

M. Gabriel Mignot a confirmé que les comptes de la sécurité sociale relevaient d'une logique différente de celle des comptes d'une entreprise. Il a indiqué que la Cour des comptes n'avait pas à se prononcer sur l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, mais qu'elle s'exprimerait dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, si un tel article était finalement adopté. Il a observé que l'introduction de cet article dans le projet de loi ne résultait pas du contenu du rapport 2001, portant sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est étonné que la Cour des comptes considère que les comptes de la sécurité sociale soient d'un ordre « macro-économique », à partir du moment où l'article 5 aura pour conséquence la réouverture des comptes d'organismes bien réels : la CNAF, la CNAMTS, la CNAV et la CCMSA. Evoquant les difficultés juridiques que rencontrerait une collectivité territoriale qui s'autoriserait une réouverture de son budget, il s'est déclaré par avance intéressé par la lecture du rapport 2002 de la Cour.

M. Gabriel Mignot a estimé que les comptes de la sécurité sociale avaient fait l'objet d'une amélioration importante, la réforme des droits constatés étant entrée en vigueur dans tous les organismes. Il a considéré que « l'étape de l'agrégation » n'était pas encore réalisée, mais qu'elle serait effective dans une ou deux années. Il s'est félicité que, pour la première fois, les comptes de l'année n-1 présentent un intérêt, parce qu'ils ont enfin une réelle signification. Il a estimé que « l'affaire du FOREC » était une « belle illustration » d'une situation encore complexe. Il a constaté que l'Etat ne présentait pas encore une comptabilité en droits constatés et que cette situation, dès lors que l'Etat était « un partenaire privilégié » de la sécurité sociale, posait problème.

Abordant les questions relatives au fonds de réserve des retraites, M. Claude Thélot a expliqué qu'un examen précis de la situation de ce fonds n'avait pas été conduit par la Cour des comptes. Il a indiqué que la Cour s'était bornée à deux recommandations :

- la stabilisation de la structure de financement du fonds de réserve, cette question faisant partie du thème général de la simplification et la clarification du financement de la sécurité sociale ;

- la définition d'une politique de placements financiers, le fonds de réserve devant disposer, sur le montant de 1.000 milliards prévu pour 2020, de 330 milliards de francs de produits financiers.

S'agissant du versement des excédents de la CNAV au fonds de réserve, il a estimé que la politique de versement sur acomptes n'était pas « très raisonnable » et qu'il était préférable d'affecter ces excédents une fois réalisés. Il a estimé qu'il était logique d'inscrire les recettes des licences UMTS dans les recettes de la sécurité sociale. Il a considéré que la réponse de la Cour des comptes, faisant l'analogie avec le cas de l'EDF, qui inscrit dans ses comptes les charges futures du démantèlement des centrales nucléaires, avait pour objectif d'être « frappante », même si elle n'était pas tout à fait juste du point de vue comptable.

S'agissant des questions relatives à la branche famille, M. Claude Thélot a rappelé que la Cour des comptes s'était penchée l'année précédente sur les avantages familiaux de retraite. Il a souligné que ces avantages -assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), majorations de pensions et bonifications- faisaient l'objet d'un financement extrêmement disparate, alors même qu'ils répondaient à un même objet : améliorer les retraites des familles ayant élevé des enfants. Il a considéré que la prise en charge progressive par la CNAF des majorations, qui représenterait à terme 20 milliards de francs, allait modifier de façon sensible cette situation. Il s'est interrogé sur la nécessité de poursuivre dans cette logique, ce qui aurait pour contrepartie de diminuer les ressources disponibles pour les familles d'aujourd'hui. Il a jugé qu'il convenait de procéder, en matière de politique familiale, à un arbitrage entre les mesures destinées aux familles d'hier et celles destinées aux familles d'aujourd'hui.

M. Claude Thélot a fait observer que la valeur des prestations familiales avait évolué dans l'ensemble comme les prix. Il a souligné qu'il n'y avait donc pas pour les familles allocataires de participation aux fruits de la croissance. Ce choix était fondé sur le principe que les familles, dont le revenu primaire croissait plus vite que les prix, étaient progressivement mieux à même d'assumer directement la charge de leurs enfants.

M. Claude Thélot a fait valoir que cette indexation était un des facteurs contribuant à l'apparition régulière d'excédents à la CNAF, excédents qui pouvaient être par exemple consacrés à l'extension de l'âge limite de versements des prestations familiales. Il a considéré que notre politique familiale était contrainte financièrement à la fois par les charges de retraite à venir et l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

M. Guy Fischer a mis l'accent sur la montée en puissance de l'impôt dans le financement de la sécurité sociale et le risque d'étatisation qui en résultait. Il s'est dit choqué de l'introduction en bourse de la Compagnie générale de santé, premier groupe de cliniques privées en France, et a jugé qu'il n'était pas moral que des entreprises privées puissent voir ainsi leur activité solvabilisée par de l'argent public.

M. Gabriel Mignot a indiqué que la Cour des comptes analyserait dans son rapport de septembre 2002 l'évolution de l'offre hospitalière publique et privée. Il a souligné que cette étude s'efforcerait de dégager les différentes problématiques soulevées par la coexistence d'offres publique et privée : quelle place fallait-il réserver à l'hospitalisation privée ? Pourquoi l'offre privée se spécialisait-elle ? Quelles missions devaient être confiées à l'une et à l'autre ? Comment s'expliquaient les différences de productivité pour une même activité ?

M. Claude Thélot a mis l'accent sur les extraordinaires progrès de l'information en matière d'activité hospitalière : il a expliqué que la mesure par points ISA (indice synthétique d'activité) révélait de grandes différences de coût selon les structures hospitalières.

M. Jean Chérioux a fait valoir que les majorations de pensions constituaient un élément important et ancien de la politique familiale et que l'on n'avait pas prévu de faire supporter cette charge à la branche famille au moment où l'on avait opéré la répartition des ressources entre les différentes branches. Il a jugé que le transfert de cette charge à la branche famille supposait une modification de la répartition des cotisations, faute de quoi on empêcherait tout développement futur de la politique familiale. Il a regretté que les prestations familiales soient de plus en plus souvent versées sous condition de ressources.

M. Claude Thélot a souligné que ces prélèvements aux dépens de la branche famille avaient effectivement pour effet de neutraliser les excédents de la branche. Il a estimé que l'évolution des prestations familiales vers une exigence de condition de ressources n'était pas si évidente. Il a considéré qu'une réflexion globale s'imposait s'agissant des dépenses de la branche famille et de l'ensemble des dépenses fiscales en faveur des familles. Il a fait observer que ces dernières étaient souvent mal connues et, dès lors, peu sujettes à un véritable débat.

B. AUDITION DE M. MARC BRODIN, PRÉSIDENT, SUR LE RAPPORT 2001 DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ

Réunie le mardi 16 octobre 2001, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Marc Brodin, président, sur le rapport 2001 de la Conférence nationale de santé .

M. Nicolas About, président, a souligné que la commission entendait, chaque année, toujours avec beaucoup d'intérêt, le président de la Conférence nationale de santé. Il a rappelé que le code de la santé publique prévoyait qu'il était « tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale » des « analyses et des propositions » qui sont l'objet du rapport annuel de la Conférence.

Il a fait observer que la commission, à de multiples reprises, avait déploré que les lois de financement aient finalement un « contenu en santé publique » assez pauvre, ce qui ne faisait pas pour autant de ce texte une loi comptable tant les comptes étaient embrouillés et incertains. Aussi la commission était-elle particulièrement soucieuse d'entendre M. Brodin présenter les grandes lignes du rapport de la Conférence qui avait été transmis au Parlement et distribué aux membres de la commission.

M. Marc Brodin, président de la Conférence nationale de santé, a rappelé que la Conférence nationale de santé comprenait 78 membres, dont 19 représentants des professionnels exerçant à titre libéral, 19 représentants des institutions et établissements publics et privés de santé, 26 représentants des conférences régionales de santé et 14 personnalités qualifiées.

Il a indiqué qu'au cours de ces quatre premières années, la Conférence nationale de santé avait essentiellement travaillé sur les dix priorités définies depuis 1996. Il a souligné qu'à partir de l'année 2000, la Conférence, en réponse notamment aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2000, s'était efforcée de recenser les thèmes prioritaires élaborés par chaque région. Elle avait ainsi privilégié cette année quatre thèmes proposés par les conférences régionales de santé : les troubles de l'apprentissage et l'école, le suicide et la dépression des jeunes, la prévention du saturnisme et l'habitat, enfin, les accidents de la circulation routière.

S'agissant du thème consacré aux troubles de l'apprentissage et l'école, M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence avait recommandé de favoriser toute action d'information concernant le développement cognitif, langagier et psychomoteur de l'enfant et d'améliorer le repérage et le dépistage précoces, le traitement des troubles spécifiques du langage, des troubles de la vision, de l'audition, facteurs d'échec scolaire, professionnel, culturel et de précarisation sociale.

Evoquant le suicide et la dépression des jeunes, il a souligné que la Conférence avait souhaité que l'on généralise les activités de prévention du mal-être des jeunes et le repérage de la crise suicidaire et que l'on instaure l'évaluation psychologique et le suivi de tout jeune suicidant.

S'agissant de la prévention du saturnisme et de l'habitat, il a précisé que la Conférence avait recommandé la suppression de l'origine de l'intoxication, c'est-à-dire les peintures au plomb, qui suffisait à elle seule à supprimer le saturnisme et avait parallèlement préconisé le relogement systématique des habitants concernés.

Abordant le thème des accidents de la circulation routière, M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence avait mis l'accent sur la nécessité de réactiver les droits et les devoirs de chacun afin de réduire les écarts entre les devoirs réels et les pratiques observées, tant pour les conducteurs que les distributeurs de boissons, et les professionnels chargés des contrôles. La Conférence avait également souhaité que l'on analyse les raisons des comportements de prise de risques à tous les âges de la vie pour mieux orienter les programmes de prévention impliquant les jeunes et leurs aînés.

M. Marc Brodin a souligné que les propositions de la Conférence nationale de santé de mars 2001 portaient également sur quatre axes d'évolution du système de soins : le panier de soins, la démographie des professionnels de santé, l'aménagement du territoire et les réseaux, l'évolution des relations entre professionnels et usagers au regard des nouvelles technologies de l'information et du recours en responsabilité.

Evoquant le contenu du panier de soins, il a rappelé que le rapport du Haut comité de la santé publique soulignait l'importance de retenir des actions de santé construites à partir de l'ensemble des actes préventifs, curatifs et de réadaptation nécessaires à la maîtrise d'un risque ou d'une pathologie définis. Il a souligné que la Conférence reprenait à son compte les orientations proposées par le Haut comité et avait affirmé le caractère prioritaire de ce dossier. La réflexion devait maintenant se poursuivre, d'une part, sur les critères d'éligibilité au panier de biens et services de santé et, d'autre part, sur la définition des champs et des rôles des différents acteurs concernés.

S'agissant de la démographie des professionnels de santé, M. Marc Brodin a fait observer qu'il convenait de distinguer les problèmes actuels et les problèmes futurs. Il a expliqué que certaines spécialités posaient actuellement des problèmes spécifiques qui pouvaient être en partie résolus en tenant compte des complémentarités établies avec l'ensemble des autres professionnels de santé, en privilégiant la rémunération de l'acte intellectuel clinique distinguée de la rémunération de l'acte technique et en améliorant la répartition des spécialistes entre le secteur public et le secteur privé. La Conférence nationale de santé proposait, pour les professionnels de santé concernés, de faire évoluer les rémunérations en associant progressivement les paiements à l'acte avec le paiement au forfait, à l'image de ce qui se faisait dans les autres pays de l'Union européenne. Elle recommandait également d'instaurer une régulation incitative de l'offre de soins selon les besoins locaux et soulignait la nécessité d'inciter les professionnels de santé à s'installer en zone géographique où l'offre est peu développée, de favoriser les évolutions de carrière, la mobilité et les passerelles entre les métiers de santé, et de réduire les rigidités internes des cursus de formation initiale.

S'agissant de l'aménagement du territoire et des réseaux, M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence nationale de santé proposait de favoriser le regroupement par bassin de vie de l'ensemble des activités ambulatoires des professionnels qui interviennent en premier recours ou à domicile et de favoriser le regroupement de professionnels sous les différentes formes juridiques existantes ou sous des formes juridiques nouvelles à créer. La Conférence avait également souhaité que l'on repense la relation entre santé et territoire en appuyant la mise en place d'une organisation coordonnée graduée de l'offre de soins, en développant des plateaux techniques de proximité de qualité, et en rendant faciles et souples le regroupement d'activités complémentaires médicales et chirurgicales et les regroupements entre établissements publics et/ou privés. La Conférence avait en outre proposé que soit reconnu aux habitants le droit d'être associés à part entière à l'élaboration, la réalisation et l'évaluation des politiques régionales de santé.

S'agissant de l'évolution des relations entre professionnels de santé et usagers, M. Marc Brodin a précisé que la Conférence avait entendu aborder ce thème sous deux angles : le développement des nouvelles technologies de la communication et les droits du malade. Il a indiqué que le développement des nouvelles technologies de la communication offrait dans le domaine de la santé des possibilités supplémentaires d'information du grand public, de développement de la prévention, des soins et de la recherche, et d'utilisation des données des dossiers médicaux. Il a souligné que la Conférence avait formulé le souhait que l'utilisation de ces nouveaux outils se fasse dans le respect de la vie privée et de la dignité des patients et que les sites internet consacrés à la santé respectent la confidentialité et déclarent à quelles fins sont recueillies les données. S'agissant de l'exercice des droits du malade, il a estimé qu'il s'agissait là d'une avancée, dans la mesure où l'amélioration de la relation soignant-soigné et de l'information du malade devait contribuer à diminuer les contentieux. Néanmoins, devant le risque d'augmentation des contentieux entre professionnels de santé et malades, il convenait en outre néanmoins, d'une part, de créer des instances de conciliation et d'arbitrage indépendantes et de favoriser le recours à celles-ci, d'autre part, de disposer rapidement d'une loi sur l'aléa médical et l'indemnisation des victimes.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie , a souhaité savoir dans quelle mesure le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, notamment le rapport annexé, reflétait les analyses et propositions de la Conférence nationale de santé.

M. Marc Brodin a recensé dans le rapport annexé au projet de loi les priorités de santé publique proposées par le Gouvernement qui pouvaient être reliées aux propositions de la Conférence nationale de santé, telles que le plan national de lutte contre le cancer, la lutte contre les pathologies chroniques, la lutte contre la démence, la santé des populations les plus fragiles, les infections nosocomiales, les accidents iatrogènes, le financement pérenne des réseaux.

Il a constaté que certaines de ces actions avaient parfois fait l'objet de recommandations de la Conférence plusieurs années auparavant et que d'autres apparaissaient très en retrait par rapport aux propositions détaillées de la Conférence. Il a souligné que certaines des propositions formulées par la Conférence cette année trouvaient leur traduction concrète dans le projet de loi relatif aux droits des malades.

M. Alain Vasselle, rapporteur , s'est étonné du délai relativement long séparant souvent les propositions de la Conférence nationale de santé et leur traduction sous forme d'objectifs de santé publique par le Gouvernement.

M. Marc Brodin a estimé qu'un délai de trois ou quatre ans était souvent nécessaire à la construction d'un consensus sur un thème et que le rôle de la Conférence nationale de santé était précisément d'aider à construire ce consensus. Il a indiqué par exemple qu'entre le moment où une région choisissait un thème prioritaire et le moment où ce thème trouvait sa traduction dans un programme régional de santé, il s'écoulait parfois plusieurs années nécessaires à la mobilisation de l'ensemble des acteurs régionaux. Il a souhaité que le thème du panier de biens et services, sur lequel la Conférence avait insisté déjà à deux reprises, puisse déboucher rapidement sur des décisions politiques. Il a regretté que, dans certains domaines, tels que les dépistages du cancer, sur lesquels s'était formé un consensus immédiat, les décisions n'aient pas été prises plus tôt.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que l'article 24 du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 octobre, procédait à une refonte complète de la procédure d'élaboration de la politique de santé. Désormais, le Gouvernement préparerait chaque année, compte tenu de priorités pluriannuelles qu'il déterminerait, un rapport sur la politique de santé pour l'année suivante. Ce rapport serait élaboré, avec le concours d'une nouvelle structure - le Haut conseil de la santé - qui succède au Haut comité de la santé publique, au vu des bilans de l'application de la politique de santé dans les régions établis par les conseils régionaux de la santé et au vu des propositions qu'ils formuleraient. Ce rapport serait transmis, après avis de la Conférence nationale de santé, au Parlement au plus tard le 15 mai et y ferait l'objet d'un débat.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé à M. Brodin quelles réflexions lui inspirait cette nouvelle architecture institutionnelle et quelle appréciation il portait sur la redéfinition des missions de la Conférence nationale de santé et la modification de sa composition.

M. Marc Brodin a considéré que le projet de loi traduisait une volonté d'introduire un séquençage, une linéarité dans la procédure d'élaboration de la politique de santé. Il a considéré que ce texte entendait séparer l'expertise du débat avec la société civile. Le futur Haut conseil jouerait un rôle d'expertise chargé de recueillir l'avis des conférences régionales de santé ; la Conférence nationale de santé, qui n'émettrait plus qu'un avis sur le rapport du Gouvernement, aurait pour mission d'exprimer le vécu des professionnels et des familles.

M. Marc Brodin a estimé qu'à l'avenir le Gouvernement aurait ainsi une maîtrise beaucoup plus grande du processus. Il a considéré que l'impact de cette réforme dépendrait pour une très large part des textes réglementaires d'application, lesquels détermineraient les moyens humains et financiers mis en place, la place réservée aux usagers au sein de la Conférence nationale de santé et l'implication éventuelle d'autres ministères que celui de la santé.

Après avoir rappelé qu'il siégeait au Haut comité de santé publique en tant que représentant du Sénat, M. Francis Giraud a estimé qu'il était nécessaire d'introduire davantage de cohérence dans la politique de santé de notre pays. Il a exprimé son septicisme face à l'utilité de multiplier les comités et les conseils et a souhaité la création d'un véritable ministère de la santé qui puisse précisément donner cette cohérence d'ensemble. Il a regretté l'absence, dans notre pays, d'une véritable politique de prévention et d'éducation à la santé. Il a enfin jugé que les médecins généralistes n'étaient pas assez rémunérés, ce qui conduisait à une multiplication des actes et à des gaspillages dangereux pour la santé.

M. Marc Brodin a souligné que la France avait récemment accompli un effort important en créant les agences sanitaires mais que notre pays n'avait pas encore entamé de véritable réflexion sur les liens qui devaient unir les problématiques de santé et l'organisation du système de santé. Il a indiqué que les recommandations communautaires conduisaient à analyser toute politique publique au regard de son impact sur la santé publique. Citant l'exemple de l'éducation à la santé, il a fait observer que celle-ci ne concernait pas uniquement les professionnels de santé mais l'ensemble des acteurs de la prévention. Il a mis en avant l'exemple des Pays-Bas qui parvenaient à concilier efficacité des politiques de santé publique et maintien d'une solidarité minimum entre les différentes composantes de la population.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est dit très inquiet de l'évolution démographique du monde médical. Evoquant la mauvaise répartition des praticiens sur le territoire, il a fait état d'une véritable pénurie de généralistes et de spécialistes dans l'Indre-et-Loire, alors même qu'une faculté de médecine était implantée à Tours. Il a jugé que l'on n'avait pas été assez attentif aux conséquences de l'évolution du mode d'exercice, de la féminisation et des débats relatifs à la réduction du temps de travail. Il a regretté que l'institution d'un numerus clausus trop restrictif ne conduise aujourd'hui à recruter des médecins à diplôme étranger.

M. Marc Brodin a souligné qu'il était frappant de constater que l'on n'avait procédé, jusqu'à une date récente, à aucune analyse de l'évolution démographique des professions de santé. Evoquant la création annoncée par le Gouvernement d'un observatoire de la démographie des professions de santé, il a considéré que celui-ci devrait également étudier les évolutions technologiques et leur impact sur l'évolution des métiers. Il a estimé que la notion de pénurie de médecins avait, avant tout, été générée par nos processus organisationnels et parce que l'on avait, en quelque sorte, cassé la motivation des intéressés. Il a cité à cet égard, l'exemple des jeunes médecins qui ne voulaient plus travailler 48 heures par semaine. Il a souligné que si l'on passait de 45 heures à 35 heures la durée du travail hebdomadaire des médecins, on susciterait très rapidement un véritable phénomène de pénurie. Il a jugé que les aspects organisationnels et psychologiques étaient redoutables : on avait ainsi remplacé la culture de la responsabilité individuelle par le suivi de la qualité d'un process.

S'agissant des médecins à diplôme étranger, il a indiqué que l'on avait intégré un effectif d'environ 5.000 personnes, âgées généralement d'une cinquantaine d'années, qui n'allaient vraisemblablement pas s'installer en exercice libéral mais qui connaîtraient un problème aigu de retraite dans les prochaines années.

M. Gilbert Chabroux a dit tout l'intérêt qu'il portait aux réflexions de la Conférence nationale de santé. Il a souligné que l'inertie caractérisant la prise de décision en la matière ne tenait pas uniquement au Gouvernement, mais au délai nécessaire à l'élaboration de certaines propositions. Relevant que le suicide des jeunes et la prévention des accidents les concernant figuraient déjà parmi les priorités définies depuis 1996, il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles si peu de résultats avaient été obtenus.

M. Marc Brodin a souligné que le dossier de la santé des jeunes était essentiel aux yeux de la Conférence nationale de santé. Il a constaté que depuis 150 ans, notre pays abordait les questions de santé à l'entrée du système de soins et non en amont et se refusait dès lors à approcher les problèmes de santé par leurs déterminants. Il a regretté que l'on mélange trop souvent les enjeux industriels et les problèmes de santé, comme l'avait douloureusement illustré le drame du Sida. Il a jugé qu'en matière de santé publique il convenait d'avoir une vision du temps, à un horizon de quinze ou vingt ans, ce qui semblait difficilement compatible avec la volonté de récupérer tout de suite sa mise. A cet égard, il a invité les commissaires à lire avec attention le remarquable exposé de Mme Suzanne Rameix figurant dans le rapport de la Conférence nationale de santé.

C. AUDITION DE M. PATRICE RACT MADOUX, PRÉSIDENT DE LA CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE (CADES)

Réunie le mercredi 17 octobre 2001, la commission a tout d'abord procédé à l' audition de M. Patrice Ract Madoux , président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

M. Nicolas About, président, a rappelé les raisons pour lesquelles la commission avait souhaité entendre le président de la CADES, ce qu'elle ne fait pas systématiquement tous les ans : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a, d'une part, ouvert la voie des exonérations de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) engendrant une perte de recettes non négligeable pour la CADES et une diminution corrélative de son résultat ; d'autre part, le projet de loi de financement, en majorant de 7,5 milliards de francs le versement annuel de la Caisse à l'Etat pendant la période 2002-2005, aurait pour effet de ramener ce résultat à zéro, voire de provoquer un léger déficit. Rappelant que c'était l'excédent annuel de la CADES qui lui permettait de remplir sa mission de remboursement de la dette sociale, M. Nicolas About, président, a fait part de l'inquiétude de la commission face à cette situation.

A titre liminaire, M. Patrice Ract Madoux a rappelé que la CADES, créée en 1996 par voie d'ordonnance, avait pour mission initiale d'apurer, sur une durée de treize années et un mois, la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale, correspondant au financement, d'une part, du déficit des exercices 1994 et 1995 et, d'autre part, du déficit prévisionnel pour 1996. Une ressource affectée, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), a été parallèlement instituée afin d'assurer, à titre principal, ce financement. En contrepartie de cette reprise de dette, les réformes structurelles destinées à éviter l'apparition de nouveaux déficits devaient être engagées. Or, au 1er janvier 1998, la mission de la CADES a été étendue au refinancement de la nouvelle dette cumulée par la sécurité sociale au titre des exercices 1996 à 1997, et au « préfinancement » du déficit prévisionnel de l'exercice 1998. En conséquence, la durée de vie de la CADES a été prolongée de cinq ans et la fin de perception de la CRDS repoussée de janvier 2009 à janvier 2014. Le montant total de la dette ainsi reprise par la CADES atteint 224 milliards de francs pour les années 1996 à 1998.

M. Patrice Ract Madoux a ajouté que la CADES doit également, « hors bilan », rembourser à l'Etat la dette de la sécurité sociale prise en charge par ce dernier au titre des exercices antérieurs à 1994, soit 110 milliards de francs remboursables à raison de 12,5 milliards par an d'ici 2008. Il a précisé que le montant de ce versement annuel a été diminué à 12,15 milliards de francs en 2001, afin de compenser la perte de recettes résultant, pour la CADES, de l'exonération du paiement de cette contribution désormais accordée aux retraités et aux chômeurs non imposables. A ce sujet, il a souligné que cette compensation, soit 350 millions de francs, ne couvrait que très partiellement les pertes de recettes de CRDS, qui représentent 2,1 milliards de francs au total.

M. Patrice Ract Madoux a ensuite évoqué l'augmentation du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat, prévue par l'article 20 du projet de loi de finances pour 2002. A ce sujet, il a indiqué qu'il avait demandé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, par note en date du 10 août 2001, « de ne pas prendre en compte les propositions d'accélération des versements de la CADES à l'Etat qui pourraient lui être présentées dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2002 », soulignant les conséquences défavorables qu'aurait une telle mesure, notamment sur la capacité de remboursement de la dette sociale par la CADES, l'augmentation de ses coûts de refinancement, la crédibilité de sa signature sur les marchés et la confiance des investisseurs. Suite à ces observations, les incidences financières de l'augmentation du versement annuel à l'Etat ont été neutralisées pour la CADES en ramenant le terme de ces versements de 2008 à 2005. Ainsi, au lieu d'avoir à rembourser à l'Etat 12,15 milliards de francs pendant sept ans (soit 85 milliards), la CADES devra désormais lui verser 19,68 milliards pendant quatre ans (soit 78,7 milliards). Traduit en taux d'intérêt, cet aménagement a pour effet de diminuer de 6,10 % à 5,8 % « l'intérêt » de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat. Sa mise en oeuvre entraînera, au cours des quatre prochaines années, une contraction significative de la capacité de remboursement de la Caisse, suivie, après l'expiration définitive de cette dette, par une forte augmentation, à condition, toutefois, que d'autres modifications du dispositif de la CADES n'interviennent pas d'ici là.

Répondant ensuite aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, M. Patrice Ract Madoux a rappelé que la diminution du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat, appliquée en 2001, soit un « gain » de 350 millions de francs pour la Caisse, couvrait presque en totalité les pertes de recettes résultant de l'exonération de CRDS accordée aux chômeurs non imposables (soit 375 millions de francs), mais ne compensait pas la perte de recettes résultant de l'exonération des retraités non imposables (soit 1,8 milliard de francs). Il a ajouté que le « manque à gagner » ainsi constaté perdurera jusqu'en 2014. Par ailleurs, M. Patrice Ract Madoux a indiqué que la CADES avait réalisé des simulations afin d'évaluer l'impact, sur sa trésorerie, de l'augmentation du montant du versement annuel à l'Etat prévu par l'article 20 du projet de loi de finances pour 2002. Il a précisé que ces simulations, réalisées sur la base d'une croissance annuelle moyenne du produit de la CRDS de + 3,5 %, permettaient, compte tenu de la « neutralisation financière » de cette mesure sur le long terme, d'être raisonnablement optimiste quant à la situation de la CADES à l'échéance de 2014. Souscrivant totalement aux recommandations de la Cour des comptes sur la nécessaire stabilité des règles régissant la CADES, M. Patrice Ract Madoux a indiqué qu'une grande partie de son temps était consacrée à la défense et à l'illustration de la crédibilité de la Caisse auprès des marchés financiers internationaux. Enfin, évoquant l'éventuelle reprise, par la CADES, de la nouvelle dette du régime général constituée depuis 1998, il a précisé qu'une telle opération serait techniquement réalisable, compte tenu de la notation de la CADES par les agences internationales, mais qu'il serait toutefois préférable que soient d'abord engagées les réformes structurelles de la sécurité sociale permettant d'éviter la résurgence chronique de déficits cumulés.

M. Guy Fischer a exprimé sa satisfaction en ce qui concerne, d'une part, l'exonération de CRDS accordée aux chômeurs et aux retraités non imposables et, d'autre part, la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat. En outre, il a souhaité connaître l'évolution du produit de la CRDS au cours de ces dernières années.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que la création de la CADES avait été rendue nécessaire pour apurer les importants déficits cumulés de la sécurité sociale au cours des années 1995-1997, tout en soulignant l'amélioration notable des comptes de la sécurité sociale intervenue depuis lors. Il s'est également félicité que la CADES puisse dégager, après les difficultés passagères dues à l'augmentation du versement annuel à l'Etat, une forte capacité de remboursement.

M. Claude Domeizel a estimé, d'une part, que la situation de la CADES était aujourd'hui plutôt favorable et que, d'autre part, la non-compensation intégrale des exonérations de CRDS accordées aux retraités et aux chômeurs non imposables n'était pas véritablement préoccupante, dans la mesure où l'amélioration sensible de la conjoncture économique réduisait le nombre de bénéficiaires potentiels. En outre, il s'est interrogé sur l'évolution passée, et prévisionnelle, des recettes de CRDS, sur son taux de recouvrement et sur les produits financiers éventuellement dégagés par la CADES dans la gestion de sa trésorerie.

M. Alain Gournac a souhaité savoir si la note en date du 10 août 2001 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait été suivie de contacts ou d'entretiens directs permettant au président de la CADES d'exposer de vive voix ses arguments.

Exprimant sa crainte que de nouvelles modifications soient apportées, à l'avenir, aux règles régissant la CADES, M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si, suite aux exonérations de CRDS accordées aux retraités et aux chômeurs non imposables, l'assiette de cette contribution était désormais identique à celle de la contribution sociale généralisée (CSG). Il s'est également enquis, d'une part, de la valeur, en termes de recettes, d'un point de CRDS et, d'autre part, des modalités de la notation de la CADES sur les places financières internationales. Enfin, il a attiré l'attention de M. Patrice Ract Madoux sur le fait que les taux d'intérêt actuellement pratiqués sur le marché lui paraissaient bien plus avantageux que le taux d'intérêt de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat, évoqué par ce dernier dans son propos liminaire.

En réponse, M. Patrice Ract Madoux a fourni les précisions suivantes :

- le produit de la CRDS a atteint 21,61 milliards de francs en 1996, 25,38 milliards en 1997, 26,46 milliards en 1998, 28,77 milliards en 1999, 29,53 milliards en 2000 et 28,35 milliards en 2001 (cette baisse résultant des exonérations non compensées) ;

- l'assiette de la CRDS est désormais pratiquement identique à celle de la CSG, à l'exception, toutefois, de certaines prestations familiales qui demeurent soumises à la CRDS et non à la CSG ;

- les comptes prévisionnels de la CADES sont bâtis sur la base d'une hypothèse centrale d'une croissance annuelle moyenne de 3,5 % du produit de la CRDS. Dans l'hypothèse où cette croissance s'établirait à + 4,5 % (un point de plus que l'hypothèse retenue), une ressource supplémentaire de 19,68 milliards de francs serait dégagée sur l'ensemble de la vie de la Caisse ; dans l'hypothèse où cette croissance s'établirait à + 2,5 % (un point de moins que l'hypothèse retenue), un « manque à gagner » d'un montant identique (19,68 milliards de francs) serait constaté sur le résultat final de la CADES ;

- s'agissant de la perception du produit de la CRDS, la trésorerie de la CADES est alimentée, d'une part, par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui procède à des versements quotidiens et, d'autre part, par le Trésor, qui effectue 5 versements dans l'année. Les réserves de trésorerie disponibles ne peuvent être placées qu'en titres d'Etat et les produits financiers correspondants s'élèvent à 925 millions de francs ;

- suite à sa note du 10 août 2001, des contacts avec le cabinet du ministre concerné ont permis de définir les modalités de la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du versement annuel de la CADES à l'Etat ;

- les emprunts de la CADES, qui est « adossée » à l'Etat français, bénéficient de la notation « triple A » (meilleure qualité, risque le plus faible) accordée par les trois grandes agences de notation financière ;

- la CADES assure son financement en recourant aux marchés financiers et bénéficie, à ce titre, et compte tenu de sa notation « triple A », des taux d'intérêt les plus avantageux pouvant être offerts par ces derniers. La mention, en propos liminaire, d'un « taux d'intérêt » de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat avait pour objet d'illustrer, à l'aide d'un indicateur immédiatement compréhensible, la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du versement annuel de la caisse à l'Etat.

D. AUDITION DE M. PIERRE BURBAN, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE, ACCOMPAGNÉ DE M. YVES BOUDET, DIRECTEUR DE LA GESTION FINANCIÈRE (ACOSS)

Réunie le mercredi 24 octobre 2001, la commission a entendu M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), accompagné de M. Yves Boudet, directeur de la gestion financière (ACOSS).

Après avoir félicité M. Pierre Burban pour son élection à la présidence de l'ACOSS, M. Nicolas About, président , a souhaité connaître son opinion sur le maintien, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, d'un plafond d'emprunt du régime général à 29 milliards de francs, soit un niveau inchangé depuis 1999, alors que, par ailleurs, le Gouvernement insiste sur le redressement des comptes sociaux et la solidité de la situation financière de la sécurité sociale.

Répondant au questionnaire écrit de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres généraux, M. Pierre Burban a, tout d'abord, présenté le bilan prévisionnel, pour 2001, des opérations liées au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Avant prise en compte des mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, et compte tenu d'une recette supplémentaire attendue de 8,5 milliards de francs (soit, d'une part, 5,4 milliards de francs au titre de l'accélération des procédures de recouvrement des droits sur les alcools et les tabacs et, d'autre part, 3,1 milliards résultant d'une augmentation de la fraction du produit de la taxe sur les conventions d'assurance affectée au FOREC, et destinée à compenser les droits sur les tabacs dont le versement par l'Etat avait été annulé par le Conseil constitutionnel en 2000), les encaissements enregistrés par l'ACOSS à fin décembre 2001 devraient atteindre 88,4 milliards de francs (ces encaissements s'établissant déjà à 56,7 milliards de francs à fin septembre 2001). La part de ces recettes revenant au régime général s'élève à 94,65 % de ce montant, soit 83,6 milliards de francs. Au regard du montant des exonérations de cotisations à la charge du FOREC en 2001, soit 89,8 milliards de francs à fin décembre 2001, le solde du FOREC devrait donc être déficitaire, avant mesures nouvelles, de 6 milliards de francs. Le reversement au FOREC des droits sur les alcools actuellement affectés à la CNAMTS, soit 5,9 milliards de francs, prévu par l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, devrait ainsi permettre d'équilibrer les comptes du FOREC pour 2001.

S'agissant de la création effective du FOREC et, plus particulièrement, du transfert à ce dernier des recettes correspondantes encaissées par l'ACOSS depuis le 1er janvier 2001, M. Yves Boudet, directeur de la gestion financière, a indiqué que cette mesure, prévue par l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, ne soulève pas de difficulté technique particulière. Elle nécessitera vraisemblablement une convention avec le FOREC pour organiser le transfert de recettes et effectuer les opérations de compensation d'exonérations, dans le contexte particulier de la fin de l'année 2001 qui se caractérise, tout à la fois, par le passage à l'euro et le changement du plan comptable. Il a, par ailleurs, précisé que l'ACOSS ne disposait actuellement d'aucune information particulière concernant l'éventuelle inscription, en loi de finances rectificative pour 2001, d'une disposition visant à régulariser la dette de l'Etat à l'égard du régime général au titre de la compensation des mesures d'exonérations de cotisations sociales « hors FOREC » et du remboursement des prestations versées par les organismes de sécurité sociale pour le compte de l'Etat. A ce sujet, il a ajouté que le profil de trésorerie du régime général figurant en annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 intègre déjà le versement par l'Etat, en décembre prochain, des compensations dont le coût est inférieur à 1 milliard de francs et qui, de ce fait, ne font pas l'objet d'un échéancier. Les montants en cause s'élèvent à 3,2 milliards de francs. En revanche, ce profil de trésorerie n'intègre pas le remboursement par l'Etat, au régime général, du supplément du revenu minimum d'insertion (RMI) accordé en décembre 2000, soit 1,5 milliard de francs, et qui, dans le cas où la disposition correspondante serait prévue en loi de finances rectificative, ne devrait intervenir qu'en janvier 2002. En réponse à une question de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibre généraux , M. Yves Boudet a précisé que les frais financiers résultant, pour l'ACOSS, de ces retards de versement de l'Etat représentaient environ 4 % des sommes en cause.

En ce qui concerne le maintien, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, du plafond d'emprunt du régime général au niveau de 2001, soit 29 milliards de francs, M. Yves Boudet a indiqué que la fixation de ce plafond vise à prendre en compte le besoin de financement correspondant au jour où la trésorerie du régime général est la plus déficitaire soit, traditionnellement, le 10 octobre (-12 milliards de francs le 10 octobre 2001). Compte tenu des variations importantes pouvant intervenir d'une journée sur l'autre en matière d'encaissements et de tirages, il a donc estimé opportun de prévoir un plafond d'emprunt du régime général assurant une marge de sécurité pour la gestion de sa trésorerie. M. Yves Boudet a ajouté que le profil de trésorerie du régime général est très sensible aux modifications de certains paramètres fondamentaux, à savoir l'évolution de la masse salariale, des dépenses d'assurance maladie ou des exonérations de cotisations salariales. A ce sujet, il a précisé que la variation d'un point de la masse salariale se traduit par une perte, ou un gain, de 11 milliards de francs pour le régime général et qu'un dérapage d'un point de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se traduit par 6 milliards de francs de dépenses supplémentaires en année pleine.

Puis M. Pierre Burban a évoqué les dispositions de l'article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et, plus particulièrement, le troisième alinéa du nouvel article L. 133-6 du code de la sécurité sociale visant à la mise en oeuvre, par les trois régimes d'assurances sociales des travailleurs indépendants, « d'un recouvrement amiable et contentieux, conjoint, concerté et coordonné ». A ce sujet, il a estimé souhaitable que ces régimes poursuivent les efforts déjà entrepris afin de définir ensemble des procédures harmonisées, sinon communes, notamment en ce qui concerne les échéanciers de cotisations adressés aux assurés. S'agissant des procédures contentieuses, il a précisé que la disposition législative en cause avait nourri l'inquiétude des régimes concernés, dans la mesure où le Gouvernement souhaite, par ailleurs, que les travailleurs indépendants puissent désormais s'adresser à un interlocuteur unique, chargé de leurs relations avec les différents organismes sociaux dont ils dépendent. M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, a ainsi avancé la mise en place d'une plate-forme commune de services, qui aurait pour vocation à se substituer aux régimes sociaux des travailleurs indépendants pour l'accueil des assurés, leur information et les appels de cotisations. En toute hypothèse, M. Pierre Burban a souhaité que les modalités d'application de cette disposition soient définies dans le cadre de conventions librement conclues entre les régimes en cause et non, comme le prévoit l'actuelle rédaction de l'article 33, par un décret.

Interrogé ensuite par M. Jean-Pierre Fourcade sur le montant des restes à recouvrer du régime général au titre des cotisations sociales , M. Pierre Burban a indiqué que ceux-ci ne représentaient que 1,04 % du total des cotisations et des contributions recouvrées par l'ACOSS en 2000, mais que, en revanche, le total des créances irrécouvrables atteignaient 75 milliards et étaient provisionnées à hauteur de 85 %. M. Jean-Pierre Fourcade a alors souligné l'inanité du mythe selon lequel une mise en oeuvre plus rigoureuse des procédures de recouvrement, notamment à l'encontre des entreprises, suffirait à résoudre, à elle seule, les problèmes financiers de la sécurité sociale.

Enfin, et suite à une interrogation de M. Bernard Cazeau , un vaste débat, auquel ont notamment participé MM. Gilbert Chabroux et Alain Vasselle , s'est engagé au sujet de la part des exonérations de cotisations imputables aux 35 heures dans le total des dépenses du FOREC. M. Yves Boudet, directeur de la gestion financière de l'ACOSS , a précisé que, sur la base d'un montant total prévisionnel de dépenses du FOREC de 89,8 milliards de francs fin 2001, la part des allègements 35 heures (Aubry I et II) représente 61 %, soit 54,8 milliards de francs, contre 35 milliards de francs pour la réduction sur les bas salaires et les exonérations « de Robien ».

E. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS

Réunie le mercredi 24 octobre 2001, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de M. Alain Bourez, agent-comptable de la CNAMTS, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 .

Après avoir félicité M. Jean-Marie Spaeth pour sa réélection à la présidence du conseil d'administration de la CNAMTS, M. Nicolas About, président, a formulé le souhait que dans son intervention liminaire, M. Jean-Marc Spaeth puisse, notamment, commenter l'avis du conseil d'administration sur le projet de loi de financement et rappeler les positions des différentes composantes de ce conseil.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que depuis 1998, date de reprise de la dette du régime général par la CADES, la branche maladie était restée déficitaire. Il a considéré que, dans les faits, et contrairement aux principes posés par la «loi Veil » de juillet 1994, ces déficits avaient, en quelque sorte, été financés par les excédents de la branche famille. Compte tenu de la multiplication des prélèvements opérés désormais sur les excédents passés de la branche famille (8 milliards de francs au titre de la loi de financement pour 2001 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002), il s'est interrogé sur la façon dont serait désormais assuré le financement de la dette de la branche maladie et sur le coût que celle-ci supporterait au titre des charges financières.

M. Alain Bourez a rappelé que la branche maladie du régime général avait connu des déficits répétés depuis des années : 14,7 milliards de francs en 1998, 4,7 milliards de francs en 1999, 10,5 milliards de francs en 2000 si la créance sur le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) était abandonnée.

Il a souligné que les prévisions aboutissaient à un déficit de 2 milliards d'euros en 2002 et ce, malgré les hypothèses économiques favorables qui ont été retenues. Evoquant la façon dont ces déficits étaient financés, il a expliqué que les différentes branches de la sécurité sociale bénéficiaient d'une gestion commune de leur trésorerie, les excédents de trésorerie d'une branche venant combler les besoins d'une autre. Il a cependant fait observer que si le régime général connaissait une gestion de trésorerie globale entre les branches, il faisait l'objet, en revanche, d'une gestion comptable par branche. Ainsi le produit ou la charge financière induite par la position de trésorerie de chaque branche était comptabilisé par branche, dans un compte courant journalier géré par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Il a ajouté que ce système ne pouvait naturellement fonctionner que si la trésorerie de l'ensemble des branches restait globalement positive. Sinon, l'ACOSS devait recourir au financement sur le marché monétaire, par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. Le Parlement votait d'ailleurs chaque année, dans la loi de financement de la sécurité sociale, un plafond de recours à l'emprunt pour le régime général.

M. Alain Bourez a jugé, à cet égard, qu'un compte consolidé du régime général ne représentait qu'une vue de l'esprit, dans la mesure où il revenait à agréger des prestations de nature extrêmement diverses. Il a considéré, en revanche, que la consolidation des comptes des différentes caisses d'assurance maladie -CNAMTS, Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM), Mutualité sociale agricole (MSA)- revêtait une véritable signification.

Il a constaté que la branche maladie du régime général avait connu des déficits importants en 1999 et 2000, alors même que ces années avaient vu une forte croissance des recettes. Il a indiqué que l'on observait un certain délai de latence entre la situation économique et le niveau des recettes, une dégradation de la conjoncture ne se traduisant, dans les recettes, que six à huit mois plus tard.

En réponse à M. Alain Vasselle, il a précisé que les frais financiers supportés par la branche maladie en 2000, du fait de ses besoins de trésorerie, s'étaient élevés à 1,3 milliard de francs.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que la loi Veil de 1994, qui prévoyait une compensation intégrale par l'Etat des exonérations de cotisations sociales, constituait pour les partenaires sociaux et les conseils d'administration des caisses une référence absolue, sur laquelle ces derniers s'étaient d'ailleurs appuyés pour réfuter le financement de la réduction du temps de travail par la sécurité sociale. Il a rappelé que cette loi instituait également une séparation entre branches de la sécurité sociale. Estimant qu'en refusant de séparer les branches, on évitait de faire des choix politiques, il a considéré que les citoyens n'acceptaient de payer des impôts que s'ils savaient où allait l'argent versé. Il a jugé que la multiplication des tuyauteries incompréhensibles dans le financement de la sécurité sociale constituait un élément de déstabilisation de la collectivité nationale.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré que l'assurance maladie obéissait à une logique d'assurance sociale fondée sur la solidarité nationale : chacun payait selon son revenu et recevait selon ses besoins. Il a opposé à ce principe la logique d'assistance, dans le cadre d'un système étatique, reposant sur des prestations versées sous conditions de ressources. Il a souligné que le débat de fond que connaissaient tous les pays était de savoir si l'on s'orientait vers un système étatiste ou si l'on restait dans une logique d'assurance sociale où le Parlement décidait de la somme à consacrer à l'enveloppe de soins.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 annulait la créance de la CNAMTS sur le FOREC pour 2000 et disposait que les comptes de la CNAMTS seraient, pour cet exercice, modifiés en conséquence. Il a souhaité savoir comment les services comptables de la CNAMTS procéderaient à cette modification rétroactive des comptes clos de l'exercice 2000 et quelle interprétation la CNAMTS portait sur la régularité de cette opération, notamment au regard des règles régissant l'établissement et la clôture de ces comptes.

Evoquant l'imputation comptable de l'annulation des 7,6 milliards de francs de créances sur le FOREC , M. Alain Bourez a rappelé que le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2001 avait prévu que cette opération s'imputerait en 2001. Il a exprimé sa surprise en constatant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 choisissait d'imputer cette opération sur les comptes de l'année 2000. Il a jugé que la modification a posteriori de comptes clos, approuvés par le conseil d'administration et le ministère, constituait une opération assez particulière. Reconnaissant que la loi pouvait naturellement tout faire, sauf ce qui était inconstitutionnel, il a souligné que la modification des comptes 2000 constituerait un précédent et soulèverait d'énormes problèmes techniques. Il a indiqué que la comptabilité privée prévoyait, certes, des cas très précis de modification des comptes en cas de changement de la méthode comptable, mais il a fait valoir que l'on ne situait évidemment pas dans ce cas de figure.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoyait l'affectation au FOREC, à compter du 1er janvier 2002, de la totalité du produit de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur dont bénéficiait, jusqu'à présent, la CNAMTS, au titre du financement de la couverture maladie universelle « de base ». Il a souhaité que la CNAMTS communique à la commission un bilan prévisionnel de la CMU « de base » pour 2001 et 2002 et procède à une comparaison de la structure de financement ainsi mise en évidence avec le schéma initialement prévu en 1999.

M. Alain Bourez a fait part de sa perplexité devant la multiplication des jeux de passe-passe financiers entre branches et entre la sécurité sociale et le FOREC. Il a souligné que la notion de déficit supposait des possibilités de comparaison et que l'appréciation d'un niveau de déficit perdait toute pertinence si les règles du jeu changeaient sans arrêt.

Evoquant le bilan financier de la couverture maladie universelle de base, il a indiqué que le dispositif avait connu un déficit de 6,7 milliards de francs en 2000 et qu'un déficit similaire était attendu en 2001. S'agissant de l'année 2002, il s'est déclaré incapable d'évaluer le déficit prévisionnel, compte tenu des jeux de passe-passe affectant les recettes de la branche.

M. Jean-Pierre Fourcade a relevé que les dépenses imputables à la couverture maladie universelle s'avéraient moins importantes que prévu, dans la mesure où un certain nombre de personnes préféraient continuer à rester couvertes par leur régime antérieur d'assurance collective.

M. Jean-Marie Spaeth a observé que le nombre de personnes bénéficiaires de la CMU était effectivement inférieur à celui prévu initialement. Il a jugé que les prestations prises en charge par la CMU complémentaire étaient souvent insuffisantes, notamment sur les soins dentaires.

M. Alain Bourez a rappelé que le système de l'assurance personnelle, auquel avait succédé la CMU, était déjà déficitaire et que le déficit avait naturellement été accentué du fait de l'instauration de la CMU, qui couvrait une population plus importante.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 choisissait de compenser « intégralement » les exonérations de cotisations liées aux 35 heures grâce à un prélèvement... sur les recettes de la sécurité sociale. A ce titre, la CNAMTS bénéficiait d'une compensation de 1.132 millions d'euros (7,4 milliards de francs) qui était financée par un prélèvement net sur ses recettes de 1.227 millions d'euros (8 milliards de francs), de telle sorte que la compensation intégrale des 35 heures se traduisait par une perte supplémentaire pour la CNAMTS de 95 millions d'euros (623 millions de francs) par rapport à la non-compensation. M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer ce choix paradoxal d'aggraver le déficit de la branche du régime général la plus déficitaire.

M. Alain Bourez a considéré qu'en reversant 7,4 milliards de francs à l'assurance maladie, l'Etat ne faisait que rendre ce qu'il devait. Il a constaté que l'opération se traduisait néanmoins par une perte supplémentaire de 600 millions de francs pour l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Spaeth a jugé que, s'il était légitime que les parlementaires décidassent de l'affectation de taxes, il était en revanche choquant que l'on modifie sans cesse les règles du jeu. Il a considéré qu'il devenait nécessaire de réexaminer la structure de financement de la protection sociale afin d'instituer un système plus cohérent. Il a estimé que la création du FOREC aurait au moins pour avantage d'obliger à expliquer comment on finançait les exonérations de cotisations sociales.

Il a considéré que le débat sur la protection sociale s'articulait dans l'opinion publique sur deux questions : la sécurité sociale était-elle en équilibre ? Les dépenses d'assurance maladie continuaient-elles à dériver ? Rejetant l'existence d'un rationnement des soins, il a constaté que l'on avait jamais consacré autant d'argent pour la santé, les dépenses d'assurance maladie ayant augmenté de 120 milliards de francs en cinq ans. Pour autant, les professionnels de santé exprimaient leur mécontentement, les assurés trouvaient qu'on les remboursait mal et les gestionnaires s'interrogeaient sur la signification du vote de l'ONDAM par le Parlement, dans la mesure où l'on procédait à un rebasage chaque année.

M. Gilbert Chabroux a fait valoir que la France figurait au premier rang du classement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

M. Jean-Marie Spaeth a jugé que, pour autant, on ne s'interrogeait pas assez, dans notre pays, sur le besoin de santé des populations et sur l'utilité de certaines dépenses d'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité que M. Spaeth rappelle les grandes lignes du bilan de la situation actuelle et des propositions formulées conjointement par la CNAMTS, la CANAM et la MSA à l'occasion du « Grenelle de la santé » du 25 janvier dernier. Il s'est enquis des réflexions qu'inspiraient à la CNAMTS les treize propositions de Mme Elisabeth Guigou pour la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie, notamment les propositions 12 (rénover le cadre conventionnel) et 13 (conforter la délégation à l'assurance maladie) ? Il a souhaité également connaître l'appréciation portée par la CNAMTS sur les amendements déposés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale concernant la régulation conventionnelle, les aides à l'installation, les possibilités d'expérimentation dans le domaine de la permanence des soins et la création au sein de l'ONDAM d'une dotation spécifique pour le développement des réseaux.

Evoquant ces amendements, M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'il était normal que l'Etat souhaite planifier l'implantation de la médecine de ville et définir les modalités d'installation des médecins. Il s'est, en revanche, élevé contre l'idée que les sommes nécessaires à d'éventuelles aides à l'installation soient prélevés sur le fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL). Il a, en outre, considéré que, si les méthodes et moyens de ce dispositif devaient être définis par l'Etat, sa mise en oeuvre pratique ne pouvait être gérée que par les professionnels de santé et les partenaires conventionnels.

S'agissant d'un amendement rénovant le cadre conventionnel, il a fait valoir que cet amendement n'avait pas été communiqué à la CNAMTS et qu'il se trouvait donc dans l'impossibilité de se prononcer. Il a regretté vivement à cet égard que le conseil d'administration de la CNAMTS ait été amené à se prononcer sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale au caractère très virtuel puisque l'essentiel des dispositions touchant à l'assurance maladie semblaient devoir être introduites par voie d'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale.

Constatant que l'ensemble des professionnels de santé paraissaient aujourd'hui conscients de la nécessité d'instituer une règle de base applicable à tous, il a suggéré la mise en place d'un système à deux étages constitué, d'une part, d'un régime interprofessionnel de base et, d'autre part, de rapports contractuels avec les professionnels de santé fondés sur un engagement collectif à adhésion individuel. Le régime interprofessionnel de base serait comparable en quelque sorte à un code du travail, dont l'acceptation par les professionnels leur permettrait d'exercer et de voir leurs actes remboursés. Le deuxième étage de ce système serait composé de conventions collectives comportant des règles acceptées volontairement sur une base individuelle.

Il a jugé qu'il convenait de mettre en place un système de régulation permettant de concilier un exercice libéral avec un financement collectif socialisé. Il a suggéré que l'on complète le paiement à l'acte par des forfaits rémunérant les autres missions du corps médical (urgence, permanence des soins...).

S'agissant des amendements relatifs au financement des réseaux et à la permanence des soins, il a considéré que tout dépendrait de la façon dont ceci serait financé et géré sur le terrain.

M. Bernard Cazeau a considéré que, si chacun payait en fonction de ses revenus, il n'était pas évident que chacun reçoive effectivement en fonction de ses besoins. Il s'est demandé, à cet égard, si les caisses d'assurance maladie faisaient effectivement tout leur possible pour éviter les dérives et si elles étaient véritablement capables de vérifier le bien-fondé de la dépense. Il s'est interrogé sur la possibilité de mettre en place un régime de base applicable à tous les médecins, compte tenu des modalités d'exercice très différentes selon les spécialités, les unes reposant sur un plateau technique, les autres sur la relation patient-médecin.

M. Jean-Marie Spaeth a constaté que les caisses n'avaient pas véritablement les moyens de sanctionner les dérives. Il a regretté que les références médicales opposables (RMO), qui rappelaient ce qu'il convenait de ne pas faire en matière médicale, aient cessé de se développer depuis que la CNAMTS n'était plus chargée de les négocier. Il a expliqué que le rôle de la médecine-conseil avait évolué et que celle-ci s'efforçait désormais de développer des recommandations médicales positives en précisant, par exemple, quelle était la meilleure façon de soigner l'hypertension artérielle. Il a souligné que l'objectif était de donner un contenu médical aux dépenses que le Parlement vote, ce qui permettrait alors de définir de véritables politiques de santé.

Convenant que l'on ne pouvait pas mélanger toutes les spécialités médicales, il a estimé qu'il importait de distinguer l'acte intellectuel du généraliste et le plateau technique. Il a jugé qu'il était nécessaire de revaloriser financièrement l'acte intellectuel afin de troquer du volume contre un meilleur prix. Il s'est dit, à cet égard, en désaccord profond avec le système de baisse des lettres-clés, qui tuait le dialogue conventionnel et suscitait inévitablement un rattrapage sur le volume.

M. Gilbert Chabroux a regretté que l'audition de M. Spaeth soit surtout consacrée au financement de la sécurité sociale et assez peu à la nécessaire réforme de l'assurance maladie. Il a souhaité que l'audition du président du conseil d'administration de la CNAMTS soit aussi l'occasion d'évoquer les voies de réforme de l'assurance maladie et les propositions formulées en ce sens par les partenaires sociaux.

M. Nicolas About, président , a souligné qu'il s'agissait là d'un vrai débat que la commission pourrait éventuellement avoir à l'occasion d'une autre audition postérieurement à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré que notre système de santé devait rester le meilleur au monde. Jugeant normal que les dépenses de santé augmentent, il a estimé que le fait de ne pas savoir à quoi avait servi cette augmentation posait néanmoins un problème.

S'agissant du médicament, il a relevé que la France disposait de la pharmacopée la plus importante au monde. Il a regretté que les 20 % de médicaments offrant un service médical rendu insuffisant voient simplement leur taux de remboursement baisser, ce qui transférait la charge financière sur l'assurance complémentaire, alors qu'il conviendrait de cesser complètement de les rembourser. Il a souhaité la mise en place par la CNAMTS d'un prix de référence pour les médicaments.

M. Jean-Marie Spaeth a jugé que le Parlement et l'Etat devaient jouer leur rôle en définissant les droits de chacun en matière de santé. Il a souhaité un Etat stratège qui donne de l'horizon à la politique de santé. Rappelant qu'il était favorable au principe des lois de financement de la sécurité sociale, il a néanmoins souligné la nécessité d'une pluriannualité pour l'élaboration et le suivi de la politique de santé.

M. André Lardeux a mis l'accent sur les effets de seuil très rigides caractérisant la CMU. Il a souligné que les préfets étaient aujourd'hui contraints de se tourner vers les conseils généraux pour la prise en charge des personnes dépassant de peu ces seuils.

M. Jean-Marie Spaeth a rappelé que, pour sa part, la CNAMTS jugeait qu'il aurait mieux valu, au moment de l'institution de la CMU, solvabiliser les personnes afin précisément d'éviter les problèmes de seuil. Constatant que les personnes bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse étaient volontairement exclues du dispositif, soit au total 2,5 millions de personnes, il a fait observer que l'on demandait au fonds d'action sociale de la CNAMTS, doté de 400 millions de francs seulement, de prendre en charge ces personnes, ce qui s'avérait impossible. Il a préconisé un dispositif de sortie en sifflet sous la forme d'une solvabilisation individuelle, financée par les excédents du fonds de financement de la CMU complémentaire.

ANNEXE
-
RÉPONSE DE LA COUR DES COMPTES
AU QUESTIONNAIRE DE LA COMMISSION

Equilibres financiers

QUESTION 1

En l'absence de la publication du décret créant le FOREC, l'ACOSS a procédé, pour l'exercice 2000, à la répartition des recettes affectées à ce fonds sur la base d'une lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'emploi et de la solidarité au directeur de l'ACOSS en date du 22 février 2001 (cf. p. 212 du rapport).

Quelle appréciation la Cour porte-t-elle :

- d'une part, sur la régularité de cette procédure, notamment au regard des règles de la comptabilité publique ?

- d'autre part, sur les modalités de répartition desdites recettes entre les différents régimes bénéficiaires (et entre les différentes branches du régime général) ?

RÉPONSE 1

En l'absence de la publication du décret créant le FOREC, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie était fondé à demander à l'ACOSS d'encaisser les recettes affectées au FOREC par le LFSS et lui indiquer la répartition entre les différentes caisses.

Ces recettes ayant pour objet de compenser les exonérations de cotisations sociales dont le FOREC assure la prise en charge, la répartition entre les caisses est indépendante de l'organisme qui l'assure et découle directement de la répartition qui résulte de RACINE.

QUESTION 2

La Cour met en évidence les effets pervers, sur les comptes 1999 et 2000 de la CNAMTS (et, par contrecoup, sur ceux du régime général), de la convention comptable selon laquelle, en droits constatés, les règlements de l'année n qui excèdent le montant de la provision pour prestations correspondante sont comptabilisés comme des charges de l'année n+1 (cf. p. 114 du rapport).

a) La Cour a-t-elle observé des effets similaires pour les autres branches du régime général et les autres régimes obligatoires de sécurité sociale ?

b) D'une manière générale, quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur le bien fondé de cette convention comptable, contraire au droit commun du plan comptable général ?

RÉPONSE 2

La Cour a repris les observations de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2001 relative aux provisions 1999 de la CNAM.

Les conventions comptables ont été parfaitement respectées par la CNAM. Mais comme l'indique le rapport p. 142, la méthode d'évaluation des provisions utilisées par la CNAM est performante mais ne garantit pas l'entière fiabilité des résultats comptables.

Compte tenu de l'incidence de l'erreur de provision 1999 sur le résultat de l'année 2000, il est apparu logique à la Cour de procéder à cette correction de façon à avoir une représentation aussi fidèle que possible des comptes de l'année 2000.

Cette difficulté n'est pas propre à la branche maladie. Mais elle revêt une importance d'une toute autre ampleur que dans les autres branches, de nature à changer la signification du solde du régime général.

QUESTION 3

La Cour relève que, dans les comptes en droits constatés du régime général pour l'exercice 2000, la créance sur l'Etat au titre du FOREC n'a pas été provisionnée (cf. p. 43 du rapport).

a) La Cour pourrait-elle expliciter les conséquences de cette absence de provision sur les comptes des exercices 2001 et suivants ?

b) D'une manière générale, quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur le recours, de plus en plus fréquent, aux versements et aux régularisations rétroactives (ex. : prélèvement sur les excédents 1999 de la branche famille au titre du fonds d'investissement sur les crèches, versement de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites) qui tendent à modifier les comptes (clos) d'exercices antérieurs ? Selon la Cour, quelles règles devraient-elles être impérativement respectées en ce domaine, tant au regard de l'orthodoxie comptable que de l'exigence de la sincérité des comptes ?

RÉPONSE 3

La Cour a écrit dans son rapport que les caisses du régime général ont enregistré normalement la créance sur l'Etat au titre du FOREC en produits à recevoir. Les comptes ayant été approuvés par les conseils d'administration avant que la ministre annonce la décision du gouvernement de laisser cette créance à la charge des régimes sociaux, cette décision n'a pas pu faire l'objet d'une écriture de passage en créance irrécouvrable. Autrement dit, les caisses ne pouvaient pas passer de provisions sans anticiper sur la décision des pouvoirs publics. Elles ont appliqué le droit commun du plan comptable général.

Les organismes devront donc passer une écriture pour charge exceptionnelle en 2001 pour tenir compte des décisions intervenues après la clôture de l'exercice. Cette charge, si elle n'est pas neutralisée dans la présentation des comptes 2001, grèvera ceux-ci d'un montant de 10 MdF.

Dans son rapport, la Cour a voulu attirer l'attention du Parlement sur le caractère permanent de cette situation dès lors que le FOREC ne serait pas équilibré chaque année.

Ce problème est sans rapport avec les versements mentionnés au b) du point 3 du questionnaire qui sont sans effet sur les exercices comptables. Les décisions relatives au fonds d'investissement sur les crèches ou aux relations entre la CNAVTS et le F2R ont été prises en application de la LFSS et sont normalement enregistrées dans les comptes.

QUESTION 4

La Cour souligne que le déficit cumulé du régime général atteint, pour les années 1998 à 2000, 10,3 milliards en encaissements/décaissements et 12 milliards de francs en droits constatés (cf. p. 118 du rapport).

La Cour peut-elle évaluer le coût (charges de trésorerie, frais financiers) de cette dette pour le régime général (ACOSS), et pour chacune de ses branches, au 31 décembre 2000 ?

RÉPONSE 4

La Cour n'a pas procédé à une évaluation du coût de la dette cumulée depuis 1998, mais celle-ci pourrait être effectuée en appliquant la convention entre l'ACOSS et la caisse des dépôts qui fixe les conditions de rémunération des avances et des excédents de trésorerie 2002.

Assurance maladie

QUESTION 5

Le protocole d'accord sur la modernisation du service public hospitalier du 14 mars 2000 prévoyait le versement par le budget de l'Etat, chaque année pendant trois ans, d'une enveloppe de 2 milliards de francs destinée au remplacement des agents absents. Cependant, comme le relève la Cour (cf. p. 80 du rapport), le financement de cette opération n'a pas été prévu dans la loi de finances pour 2001 alors que les personnels sont en place dans les établissements. La Cour constate que « désormais, la somme ne peut être que dégagée en gestion ou inscrite dans le collectif de fin d'année. Dans cette dernière hypothèse, il sera trop tard pour la répartir en 2001 ». Peut-on, dans ces conditions, considérer d'ores et déjà que l'assurance maladie devra supporter une charge supplémentaire de 2 milliards de francs en 2001 et que l'ONDAM 2001 réalisé sera majoré d'autant ?

RÉPONSE 5

Comme l'indiquait la Cour dans son rapport, les 2 MdF ne pouvait qu'être inscrits en collectif en fin d'année ou dégagés en gestion. C'est la première solution qui pourrait prévaloir pour 2001 : la ministre a demandé l'inscription de cette somme en collectif de fin d'année.

Les ARH ont eu pour instruction de répartir ces 2 MdF en 2001. Les hôpitaux ont inscrit la recette en groupe 3, comme en 2000. En attendant de percevoir l'argent, ils utilisent des solutions de trésorerie avec beaucoup de difficultés dans certains cas.

Si la disposition est votée en LFR 2001, l'argent devra être reporté et versé en 2002, mars ou avril au mieux, compte tenu des procédures habituelles d'engagement. Dans ce cas, la somme relèvera bien de crédits d'Etat de 2001 et non de l'ONDAM réalisé.

QUESTION 6

La Cour recommande (cf. p. 85 du rapport) d'effectuer « un bilan de l'emploi du crédit de 2.000 MF accordé en 2000 sur le budget de l'Etat pour financer le remplacement des personnels hospitaliers absents : nombre d'agents embauchés, modalités de recrutement. ». La Cour est-elle en mesure de fournir ce bilan à la commission ?

RÉPONSE 6

L'exploitation des informations sur l'utilisation des 2 MdF, en provenance des ARH, n'est pas achevée. Donc le bilan n'est pas encore disponible.

QUESTION 7

La Cour relève (cf. p. 370 du rapport) que les recettes du fonds de financement de la protection complémentaire maladie « échappent très largement à l'examen du Parlement. (Celui-ci) est peu informé des ressources fiscales affectées à l'établissement public et ne vote annuellement que la subvention d'équilibre. » La Cour souligne à cet égard qu'il « conviendrait que soit mieux assurée la coordination entre l'examen de la loi de finances et celui de la loi de financement de la sécurité sociale ». Quelles propositions la Cour formule-t-elle pour assurer cette coordination et améliorer l'information du Parlement ?

RÉPONSE 7

Pour la première fois, le bleu « évaluation des voies et moyens » annexé au PLF 2002 comporte le résultat 2000, les évaluations 2001 et les estimations de recettes 2002 de la contribution des organismes de protection sociale complémentaire à la couverture universelle du risque maladie (c'est-à-dire le rendement de la cotisation de 1,75 % à la charge de ces organismes, soit 247 MF en 2000, 144 MF en 2001, 91 M€ en 2002, affectés au fonds CMU), répondant ainsi en partie à la préoccupation exprimée dans le rapport de la Cour sur la sécurité sociale.

Seul le net recouvré, déduction faite des abattements opérés par les organismes gérant des CMU complémentaires, est récapitulé dans ce document qui traduit donc imparfaitement la réalité. Une présentation du montant brut, éventuellement en complément du « net », traduirait mieux le poids du prélèvement opéré par cette contribution de 1,75 % et les moyens mobilisés.

Assurance vieillesse

QUESTION 8

La loi de financement pour 2000 avait inscrit dans l'objectif de dépenses de la branche vieillesse-veuvage un montant de 2,9 milliards de francs représentant un versement de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites « à titre de provision pour acompte sur le versement de l'excédent de la branche » pour l'année 2000. Cette « mesure », découlant de l'application de l'article 16 de la loi, était chiffrée par le tableau de la page 30 de l'annexe c) du PLFSS 2000.

La Haute juridiction fait apparaître, après le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2001, un excédent 2000 de la CNAVTS, en comptabilité d'encaissement-décaissement, de 976 millions de francs, « avant tout versement au fonds de réserve pour les retraites au titre de 2000 » (cf. p. 55 du rapport de la Cour) et un excédent 2000 de la CNAVTS, en droits constatés, de 3,3 milliards de francs. Mais ce dernier résultat doit être relativisé, compte tenu de la compensation déficiente des allégements « trente-cinq heures ».

a) La Cour des comptes peut-elle indiquer si le versement de 2,9 milliards de francs lui apparaît désormais possible ? Quelle remarque appellerait un versement au fonds de réserve qui aurait pour conséquence un déficit de la branche vieillesse du régime général ?

b) Quelles observations en tire-t-elle sur la technique de la « provision pour acompte sur le versement de l'excédent de la branche » ?

c) Les recettes du fonds de réserve au 31 décembre 2000 étaient estimées en septembre 2000 à 23,28 milliards de francs (cf. annexe f) du PLFSS pour 2001) et se sont finalement établies à 20,74 milliards de francs (cf. p. 373 du rapport de la Cour). Si le versement de la CNAVTS au fonds de réserve ne se vérifie pas, la Cour peut-elle conclure que la non compensation des allégements de cotisations sociales par l'Etat ou le FOREC au titre de la réduction du temps de travail se traduit par une perte de recettes de 2,9 milliards de francs (ou tout au moins de 2 milliards de francs) pour le Fonds de réserve ?

RÉPONSE 8

S'agissant d'abonder un fonds à horizon de 20 ans, la technique de provision pour acompte ne paraît pas s'imposer. Le mieux serait de verser l'excédent qui apparaît (éventuellement) lors de la clôture annuelle des comptes et pas avant, ce qui aurait l'avantage supplémentaire de ne pas risquer de mettre le régime en déficit sous prétexte d'abonder le fonds de réserve.

La non compensation, par l'Etat, des allégements de cotisations sociales liées à la réduction du temps de travail ne peut être avancée comme une des causes de la réduction des versements de la CNAMTS au fonds de réserve, puisque les comptes de 2000 ont, en réalité, enregistré, comme une créance, cette compensation.

QUESTION 9

Les recettes de l'année du fonds de réserve apparaissent dans les prévisions de recettes votées en loi de financement de la sécurité sociale. Une telle inclusion présente plusieurs inconvénients :

- elle fausse la pertinence de « l'indicateur d'équilibre » de la loi de financement, consistant à rapprocher les prévisions de recettes par catégorie des objectifs de dépenses par branche ;

- elle pose le problème du respect des prévisions de recettes, compte tenu du caractère quelque peu aléatoire de certaines (exemple des licences UMTS) ;

- elle conduira à compter « deux fois » les recettes du fonds de réserve, celles-ci étant censées être versées à partir de 2020 aux régimes concernés. Elles apparaîtront ainsi, à partir de cette date, dans la catégorie « Transferts reçus ».

Quel pourrait être, pour la Cour, un « traitement comptable satisfaisant » du Fonds de réserve ?

RÉPONSE 9

Si l'on considère « la sécurité sociale » comme un ensemble (dont le fonds de réserve fait partie), les recettes externes du fonds de réserve sont bien, en termes de flux, des recettes de la sécurité sociale apparaissant dans ce qui serait un compte consolidé de cet ensemble. En revanche, les versements provenant d'excédents de régimes ou autres organismes de sécurité sociale sont de simples transferts internes. En termes de stock, le bilan doit comporter à l'actif la valeur des réserves accumulées. Dans cet esprit, un « traitement comptable satisfaisant » pourrait s'inspirer de ce qui est retenu dans les comptes de l'EDF pour les provisions relatives au démantèlement des centrales nucléaires où, là aussi, les sommes sont très importantes et à très long terme.

Famille

QUESTION 10

La Cour considère dans son rapport (cf. page 183 du rapport) que « la mise en place de transferts entre branche ou transitant par le FSV, s'ils rendent moins immédiatement visible la nature réelle des financements qu'ils apportent, permettent d'imputer à chacun les charges qui lui incombent ».

a) La Cour estime-t-elle que, compte tenu de ses propres critères, la majoration de pension de retraite accordée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus constitue une prestation relevant par nature de l'assurance vieillesse ou, à l'inverse, de la politique familiale, au titre par exemple « de la solidarité du monde du travail avec ceux qui font le choix de se consacrer pendant une période plus ou moins longue à l'éducation de leurs enfants » (cf. p. 183 du rapport) ?

b) La Cour estime-t-elle que, dans cette dernière hypothèse, les ressources de la branche famille ont fait l'objet, dans leur nature et leur montant, d'une réorientation et/ou d'un complément qui prennent la mesure d'un tel transfert ?

c) Au regard des réponses apportées aux questions ci-dessus et du contexte financier dans lequel cette mesure a été décidée, la Cour estime-t-elle que la mise à la charge de la branche famille de cette prestation a été guidée par le souci de rationalisation des charges et des ressources des différentes branches de la sécurité sociale ?

RÉPONSE 10

L'essentiel des ressources du fonds national des prestations familiales (FNPF) est consacré aux familles qui ont des enfants à charge.

Néanmoins le FNPF finance depuis 1972 les charges de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui s'élèvent à 21 MdF, soit plus de 10 % des dépenses de la branche famille (hors AAH).

L'AVPF bénéficie aux 1,7 millions de familles ayant un enfant de moins de trois ans ou au moins trois enfants dans lesquelles un des parents n'a pas d'activité professionnelle ; une condition de ressources exclut de l'AVPF environ 15 % des familles de l'espèce. La CNAF est leur « employeur fictif » et verse à ce titre à la CNAVTS une cotisation calculée au taux normal du régime général et assise sur le SMIC. En contrepartie, les années cotisées sont validées pour la liquidation de la retraite ; les bénéficiaires - des femmes à plus de 98 % - atteignent ainsi plus facilement , ou plus tôt, le nombre des annuités requises pour bénéficier de la retraite à taux plein. L'AVPF fait ainsi partie des avantages familiaux à côté des majorations accordées aux retraités ayant élevé au moins trois enfants (40 MdF) et des bonifications (25 MdF en 1996) (deux annuités validées « gratuitement » - c'est-à-dire sans cotisation - par enfant élevé dans le régime général par exemple) ; mais ces deux dernières sont financées soit par les régimes de retraite eux-mêmes, soit par le FSV.

Ainsi alors que ces trois avantages (AVPF, majoration et bonifications) peuvent être classés de façon conjointe sous un objet commun (amélioration des retraites des familles ayant élevé des enfants), ils sont financés sur des fonds et avec des logiques différents.

La prise en charge progressive et partielle par la CNAF des majorations - à terme, 20 MdF - va modifier de façon sensible cet état de choses.

Si cette logique était poursuivie, il y aurait lieu d'accroître le transfert des charges en cause en imputant à la CNAF les bonifications. Mais la poursuite de cette logique supposerait de modifier les ressources de la branche.

La Cour n'a pas porté d'appréciation sur la logique ni de l'état actuel ni de celui qui résulte de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000. Mais elle remarque que la réforme entreprise - et a fortiori celle, éventuelle, consistant à faire financer par la CNAF les bonifications - pose deux problèmes :

un problème d'équité dans la mesure où les ressources de la CNAF - prélevées sur tous de façon identique et consacrées à des prestations égales pour toutes les familles - sont désormais pour partie affectées à des avantages de retraite « inégaux » puisque le FSV ne prend en charge les majorations que pour le régime général, les régimes alignés et celui des exploitants agricoles, et que les bonifications varient selon les régimes ;

un problème de cohérence dans les arbitrages de la politique familiale, entre les familles qui ont des enfants à charge et celles, retraitées, ayant eu charge d'enfants. Le poids de l'AVPF et des majorations transférées du FSV mobilisent ainsi - dans une enveloppe budgétaire fortement contrainte - des marges croissantes de financement qui ne peuvent être affectées aux familles ayant des enfants à charge.

Le reclassement opéré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a pour effet de « neutraliser » l'excédent de la branche, ce qui interdit d'améliorer les prestations familiales proprement dites.

QUESTION 11

Examinant les aménagements successifs des modalités d'indexation de la base mensuelle d'allocations familiales, la Cour constate (cf. p. 50 du rapport) « qu'indépendamment de ces aménagements, la pratique a consisté à s'aligner sur les prix sans donner de contenu effectif aux références à la richesse nationale, aux salaires ou au SMIC évoquées dans la loi de 1978. Ainsi la base mensuelle des allocations familiales se situe-t-elle à l'indice 99,5 en francs constants, base 100 au 1er janvier 1979 ».

a) Dans quelle mesure la Cour estime-t-elle que la branche famille bénéficie des « fruits de la croissance » ?

b) Quel bilan la Cour tire-t-elle de l'incidence du dernier cycle de croissance qu'a connu la France depuis 1998, tant sur le plan des recettes que sur celui des prestations servies par la branche famille ?

RÉPONSE 11

La valeur des prestations familiales a évolué dans l'ensemble comme les prix. Les plafonds des prestations sous condition de ressources sont, depuis le plan Juppé, indexés sur les prix.

Il n'y a donc pas pour les familles allocataires de participation aux fruits de la croissance. Cette option - quasi constante sur les trente dernières années - est fondée sur le principe que les familles - dont le revenu primaire croît plus vite que les prix - sont progressivement mieux à même d'assumer directement la charge de leurs enfants. Elle se traduit donc par un appauvrissement relatif des familles dès lors que la valeur des prestations diminue en « équivalent salaire » et que le nombre de familles exclues par les plafonds de ressources s'accroît.

Cette indexation est un des facteurs qui contribuent à l'apparition régulière d'excédents à la CNAF. Ces excédents sont consacrés

à des améliorations du systèmes des prestations sur d'autres objets que la valeur des prestations : allongement de la durée de service des prestations, développement de l'effort fait en faveur des familles ayant de jeunes enfants, alignement des prestations familiales des DOM sur celles servies en métropole...

à des transferts (prise en charge des majorations de retraite jusque là portées par le FSV, prélèvement de 5 MdF prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 au profit du fonds de réserve des retraites).

Au total, pour des recettes qui évoluent à peu près comme la richesse nationale, une partie seulement de ce potentiel est affecté aux familles ayant des enfants à charge.

QUESTION 12

La Cour constate (cf. p. 53 du rapport) que « la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a abrogé l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 qui prévoyait le recul progressif de l'âge limite retenu pour l'octroi des prestations familiales et l'achèvement de ce processus au 31 décembre 1999. (...) Au total, du fait de ces allongements, les familles ayant de grands enfants ont vu leur situation s'améliorer de 0,9 MdF (0,1 Md€), avec un glissement de l'effort financier vers les plus âgés de ces enfants ».

a) L'article 22 de la loi de 1994 prévoyait le relèvement jusqu'à 21 ans du versement des prestations familiales. La Cour estime-t-elle significatif « le glissement de l'effort financier vers les plus âgés de ces enfants » ?

b) Comment la Cour interprète-t-elle ce glissement dans le contexte du débat de « l'accès des jeunes à l'autonomie » ?

RÉPONSE 12

L'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 qui prévoit le relèvement de l'âge limite de service des prestations familiales ne fixe pas l'âge cible mais arrête les principes et la date d'achèvement de ce relèvement. C'est dans le schéma de financement annoncé par le Gouvernement au printemps 1994, au moment de la préparation de la loi, que l'âge de 22 ans avait été fixé.

La situation financière du régime général n'a pas permis d'avancer en ce sens en début de période. A partir de 1998 en revanche le relèvement s'est amorcé portant en trois ans l'âge limite à 20 ans, et 21 ans pour les aides au logement et le complément familial. Ce relèvement a entraîné une charge financière de 2,8 MdF. Il a été partiellement compensé par le recul d'une année de l'âge d'octroi des majorations des allocations familiales. L'effort net en faveur des familles ayant à leur charge des adolescents et des jeunes adultes est ainsi de 0,9 MdF.

Le Gouvernement a considéré que - indépendamment des éléments financiers qui l'ont amené à privilégier d'autres cibles de politique familiale et les transferts vers la branche vieillesse (prise en charge des majorations portées par le FSV, prélèvement au profit du fonds de réserve des retraites) - on ne saurait confirmer ou infirmer l'option d'un relèvement généralisé à 22 ans de l'âge limite de service des prestations familiales sans avoir mené une réflexion de fond sur la situation des jeunes adultes. Cette réflexion devrait porter tant sur les modalités et montants des différentes aides dont ils bénéficient (bourses universitaires, allocation de logement, subvention au régime maladie des étudiants, prestations familiales, quotient familial...) que sur les choix de doctrine concernant, pour une aide globale donnée, le profil général des aides (l'une des questions centrales évoquées porte sur le choix entre des aides qui tiennent compte des caractéristiques de la famille du jeune adulte et qui sont le cas échéant versées à la famille - c'est le cas pour les prestations familiales, les bourses et le quotient familial - et des aides versées directement aux jeunes adultes sans tenir compte de la taille et des revenus de leurs familles).

Régularisations des opérations comptables
relatives au FOREC au titre de l'année 2000 38 ( * )

L'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 contient la disposition suivante : « Sont annulées les créances sur le fonds créé à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, enregistrées au 31 décembre 2000 par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et par les régimes concernés, afférentes aux exonérations visées au 1° de l'article L. 131-9 du même code dans sa rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 précitée. En conséquence, les comptes de l'exercice 2000 des organismes de sécurité sociale concernés sont modifiés pour tenir compte de cette annulation ».

L'exposé des motifs explique l'effet de cette disposition et son origine : « Le II tire les conséquences de l'absence de mise en place de l'établissement public au cours de l'exercice 2000. La mesure proposée vise à valider dans la loi les opérations effectuées par l'ACOSS au titre du FOREC en 2000, et à cette fin à annuler la créance inscrite dans les comptes des régimes de sécurité sociale au titre des montants d'allégements de charges non compensés par les réaffectations de recettes fiscales reçues par le FOREC. Pour tenir compte de l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale joint au présent projet de loi, il est proposé de procéder à cette annulation de créance dans les comptes de l'exercice 2000 ».

Le Gouvernement invoque donc l'analyse de la Cour. Mais la position de la Cour n'est pas exactement celle-là. Il convient de la rappeler, telle qu'elle a été exprimée dans le rapport sur la sécurité sociale et confirmée oralement au Sénat. Elle tient en cinq points :

1. Les comptes des organismes de sécurité sociale sont des comptes au sens des normes comptables et ils sont approuvés par les conseils d'administration de ces organismes ; en revanche, les « comptes » de l'ensemble du régime général, établis par la direction de la sécurité sociale, et présentés à la commission des comptes de la sécurité sociale, ne sont pas des comptes consolidés au sens habituel des normes comptables, même si le mot comptes a été retenu par le législateur et est usuel pour nommer ces agrégats, qui d'ailleurs se déduisent des comptes des organismes.

2. Dans les comptes des organismes pour 2000, la créance sur l'Etat au titre du FOREC a été correctement enregistrée comme une créance. Au 7 juin 2001, date de la commission des comptes où ont été présentés les comptes du régime général pour 2000, ces derniers ont correctement enregistré, eux aussi, le déficit du FOREC (13,3 MdF en encaissement-décaissement, 10,2 MdF en droits constatés) comme une créance sur l'Etat. Depuis cette date, en revanche, le Gouvernement ayant déclaré que l'Etat n'honorerait pas cette créance, cette somme devient une charge pour le régime général.

3. La Cour, dans son rapport, a montré comment le solde du régime général en droits constatés en 2000 évoluerait si cette somme était effectivement considérée comme une charge (ce que l'on a appris après le 7 juin, donc au moment de l'élaboration et de la publication du rapport de la Cour). Il serait diminué de 10,2 MdF, mais comme une erreur importante sur les provisions de la CNAMTS a été faite (4,9 MdF), la Cour a fait masse de ces deux corrections et a effectué l'opération suivante :

+ 4,4 Mdf

+ 4,9 Mdf

- 10,2 Mdf

= - 0,9 Mdf

solde du RG, en

erreur de provision

créance sur le FOREC

droits constatés

sur la CNAMTS

devenue une charge

pour aboutir à une évaluation d'une insuffisance de produits, qui retrace mieux la réalité économique de 2000.

4. La régularisation de cette transformation de la créance en charge sur les comptes des organismes doit se faire, puisqu'elle a eu lieu après la clôture des comptes de l'exercice 2000, suivant les règles comptables ordinaires et dans le respect du Code de commerce qui pose le principe d'intangibilité des écritures comptables, en 2001, en passant une écriture pour charge exceptionnelle. Etant donné la nature incertaine, au regard des normes comptables, des comptes globaux, il aurait pu être envisagé de modifier les comptes globaux du régime général pour 2000, présentés à la commission des comptes. Mais cette solution aurait présenté l'inconvénient de les rendre incohérents avec les comptes des organismes. Aussi la Cour considère-t-elle que la bonne solution consiste à passer toutes les opérations de régularisation la même année, donc en 2001 ou au plus tard dans le cadre de la clôture des comptes 2001. C'est la raison pour laquelle elle n'a pas recommandé une modification a posteriori des comptes présentés à la commission tant le 7 juin que le 20 septembre. On peut ajouter que les comptes globaux prévisionnels pour 2001 présentés à la commission des comptes du 20 septembre ont retenu cette solution. A cette date, les pouvoirs publics qui avaient connaissance de l'analyse de la Cour n'ont pas évoqué la question devant cette instance.

5. D'une façon générale, l'établissement des comptes des organismes en droits constatés, la mise en place progressive des conclusions de la Mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, le fait qu'à la suite de son examen, qui n'a certes pas été détaillé, la Cour n'ait pas émis de réserves sur les retraitements opérés par la direction de la sécurité sociale à partir des comptes des organismes pour aboutir aux comptes du régime général, tous ces éléments témoignent de l'amélioration de l'établissement des comptes. Le mouvement, très net, doit se poursuivre. Il convient en particulier d'appliquer sans tarder les dispositions du décret n° 2001-859 du 19 septembre 2001 relatif à l'organisation comptable des régimes et organismes de sécurité sociale et modifiant le code de la sécurité sociale.

En conclusion, les dispositions contenues dans l'article 5 du projet de loi ne peuvent être considérées comme reflétant la position de la Cour. Celle-ci estime que les écritures comptables visant à annuler la créance inscrite dans les comptes 2000 des régimes de sécurité sociale au titre des montants d'allégements de charges non compensés par les réaffectations de recettes reçues par le FOREC devraient être passées en 2001 sans modification des comptes adoptés par les conseils d'administration de l'ACOSS et des Caisses nationales.

* 1 Mme E. Guigou débat AN 1 e Séance du 25 octobre 2001.

* 2 Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale

* 3 Le détail de ces dispositifs d'exonération est exposé dans l'annexe F des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et 2002.

* 4 Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2001 - page 43

* 5 Rapport d'information de M. Charles Descours, rapporteur général de la loi de financement de la sécurité sociale, sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

* 6 Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2001.

* 7 notamment : article. L.131-7 du code de la sécurité sociale : « toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale , ...donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. » . En outre, les dispositions propres au FOREC précisent que, dans le cas où les recettes affectées ne suffisent pas à son équilibre, l'article L. 131-7 est applicable.

* 8 Il convient également de rappeler que, en 2001, la répartition du produit de cette redevance a été « rétroactivement » modifiée par rapport au dispositif initialement prévu par la loi de financement de la sécurité sociale.

* 9 Rapport CCSS de septembre 2001 page 60. Ces soldes ne prennent pas en compte les mesures nouvelles prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, mais celles-ci ne modifient pas ces prévisions, dans la mesure où elles demeurent « neutres » pour le FSV.

* 10 Les comptes de l'année n du F2R bénéficient de tout ou partie de l'excédent du FSV pour l'année n-1 . Ainsi, en 2001, le F2R recevra-t-il, à ce titre, 1,9 milliard de francs (montant total de l'excédent 2000 du FSV).

* 11 Source : cellule économique du Sénat

* 12 Voir ci-après 2 e partie

* 13 Cf. « 1984 » par G. Orwell.

* 14 M. François Monnier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale - introduction au rapport de septembre 2001.

* 15 Le texte intégral de cette note figure en annexe du présent rapport.

* 16 Annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 - pages 10 et suivantes

* 17 Dans les comptes prévisionnels de l'annexe F, la fraction des droits tabac affectés au FOREC diminue en 2002 en raison de la restitution d'une fraction d'une partie d'entre eux, à hauteur de 3,6 milliards de francs, à la CNAMTS.

* 18 Le bilan détaillé de cette opération étant exposé pages 29 et suivantes du présent rapport.

* 19 Cf. annexe B1, pp. 24-31.

* 20 Rapport sur la sécurité sociale, septembre 2000, p. 181 et suivantes.

* 21 En réalité, les dépenses ont atteint 641,2 milliards de francs auxquelles on soustrait la remise de l'industrie pharmaceutique, soit 1,2 milliard de francs.

* 22 Un dépassement de 600 MF (91,5 M€) est intervenu sur les établissements de santé, en conséquence des protocoles hospitaliers de mars 2000, mais il est compensé par la marge de manoeuvre, également de 600 MF (91,5 M€), qui était prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2000.

* 23 Renforcement des services d'urgence hospitalière, prime de service public exclusif, revalorisation de la carrière des praticiens hospitaliers, prime pour les postes difficiles, prime multi-établissements, grille unique des praticiens adjoints contractuels, des assistants et des chefs de clinique assistants, revalorisation des internes, résidents et faisant fonction d'internes.

* 24 Les dépenses remboursées du régime général sont connues de façon définitive pour le mois d'août 2001 et de façon provisoire pour le mois de septembre 2001.

* 25 Ces mesures sont détaillées et analysées dans la partie IV A 2. du présent rapport.

* 26 En réalité, le chiffre aurait dû être plutôt de 710,2 milliards de francs. Il semble que le Gouvernement ait peut-être voulu garder une « marge » de 100 millions de francs.

* 27 Le FMES est financé par les régimes d'assurance maladie ; les contributions de ces régimes figurent dans l'objectif de dépenses de la branche maladie mais pas dans l'ONDAM.

* 28 Sénat, rapport n° 67 (2000-2001), tome I, p. 130.

* 29 Baisse de la valeur des majorations de nuit et de dimanche, pour une économie de 314 millions de francs (47,9 M€).

* 30 L'amendement avait été déposé la veille au soir.

* 31 Devenu depuis le Comité économique des produits de santé.

* 32 Le répertoire des groupes génériques, géré par l'AFSSAPS et publié au Journal Officiel, énumère les spécialités de référence et les spécialités qui en sont génériques. La substitution ne peut avoir lieu qu'à l'intérieur d'un même groupe générique.

* 33 Cf. le rapport de la Cour sur le financement de la sécurité sociale de septembre 1999.

* 34 Cf. Le rapport sur le financement de la sécurité sociale de septembre 2000 où la Cour a étudié les effets de cette disposition.

* 35 Soit le jour même où votre commission des Affaires sociales examinait le présent rapport.

* 36 Annexe C, page 30 - ligne correspondant à 115,1 millions d'euros au titre des dépenses nouvelles pour 2002.

* 37 Cf. déclaration de Mme Elisabeth Guigou, JO Débats AN, compte-rendu de la séance du 25 octobre 2002, page 6685.

* 38 Cette note, datée du 5 novembre 2001, est annexée à la lettre du 7 novembre 2001 adressée par M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, à M. Nicolas About, président de la commission des Affaires sociales, en complément de l'audition du 16 octobre 2001 (Cf. travaux de la commission).

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