TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 47
(art. L. 4421-3 du code général des
collectivités territoriales)
Conférence de coordination des
collectivités territoriales
Cet
article a pour objet d'insérer un article L. 4421-3 dans le code
général des collectivités territoriales, afin de
créer une conférence de coordination des collectivités
territoriales de Corse.
La question de la coordination des politiques menées par l'Etat, la
collectivité territoriale, les deux départements et les 360
communes de l'île n'avait pas été spécifiquement
abordée dans le statut de 1991.
Le code général des collectivités territoriales, dans son
article L. 5421-1, autorise les conseils généraux de
départements même non limitrophes à créer des
institutions
ou des
organismes interdépartementaux
pouvant associer des conseils régionaux ou des conseils
municipaux
.
Ces organismes sont des
établissements publics
investis de la
personnalité civile et de l'autonomie financière. Leur
administration est assurée par les conseillers généraux
élus à cet effet, conformément aux règles
édictées pour la gestion départementale.
C'est ainsi que les conseils généraux de la Savoie et de la
Haute-Savoie ont décidé, au cours du premier semestre 2001, de
créer une assemblée des pays de Savoie, afin de gérer en
commun les compétences facultatives qu'ils peuvent exercer :
économie, tourisme, culture, agriculture, enseignement
supérieur
232(
*
)
.
Lorsqu'ils associent des conseils régionaux ou des conseils municipaux,
ces organismes interdépartementaux sont régis par les
dispositions relatives aux « syndicats mixtes ouverts »,
c'est-à-dire associant des collectivités territoriales, leurs
groupements et d'autres personnes morales de droit public. Leur conseil
d'administration comprend des représentants de tous les conseils ainsi
associés.
Le présent projet de loi prévoit la création d'une
instance de concertation plus souple
, sur le modèle des
conférences interdépartementales qui permettent de
débattre de questions d'intérêt commun
233(
*
)
.
Présidée par le président du conseil exécutif de
Corse, la conférence de coordination serait composée des
présidents des conseils généraux et, en tant que de
besoin, des maires et des présidents des établissements publics
de coopération intercommunale de l'île. Elle pourrait
également entendre des personnalités qualifiées. Cette
flexibilité devrait permettre à la nouvelle instance de
siéger dans des
formations différentes selon les sujets
évoqués
.
La conférence de coordination devrait se réunir au moins une fois
par an, sur un ordre du jour fixé par son président, pour
« échanger des informations, débattre de questions
d'intérêt commun et cordonner l'exercice des compétences
des collectivités territoriales, notamment en matière
d'investissements. »
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un
amendement de M. José Rossi, avec l'avis favorable de la commission
des Lois et après un avis de sagesse du Gouvernement, prévoyant
la
participation du président de l'Assemblée de Corse
à la conférence de coordination, en tant que membre de droit.
Votre commission spéciale approuve la création d'une telle
instance de concertation. Comme l'indiquait notre collègue Jacques Oudin
dans son rapport
234(
*
)
remis en
1994 au Premier ministre M. Edouard Balladur :
« Le
foisonnement administratif de la Corse qui, pour seulement moins de
250.000 habitants, dispose de deux départements et d'une
région, c'est-à-dire de deux conseils généraux,
d'une assemblée de Corse, d'un conseil exécutif, de deux
préfets, etc... rend nécessaire l'organisation d'une coordination
qui associerait les principaux acteurs dans une instance informelle de
réflexion et de discussion. Beaucoup d'entre eux en effet se disent
insuffisamment informés et consultés sur les grands dossiers
intéressant l'avenir de l'île. Le grand nombre d'acteurs et le
grand nombre d'instruments différents rendent nécessaire une
telle coordination, même si elle demeure informelle et
souple. »
Votre commission spéciale tient cependant à mettre en exergue les
ambiguïtés
qui entourent la création de la
conférence de coordination.
Dans son relevé de conclusions du 20 juillet 2000, le Gouvernement
laissait entendre qu'elle constituerait le
prélude à la
disparition
, annoncée en 2004,
des deux
départements
de l'île. Le relevé disposait en
effet :
« Tant que les trois collectivités
subsisteront, la collectivité territoriale de Corse pourra mettre en
place avec les deux départements un dispositif de coordination de leurs
politiques, dans le respect des compétences de chacun. »
L'exposé des motifs du présent projet de loi est plus prudent,
qui indique que
« Cette conférence de coordination est
instituée dans le respect des compétences de chaque
collectivité et n'anticipe pas sur la deuxième phase de la
réforme qui devrait conduire à une révision
constitutionnelle permettant la création d'une collectivité
unique et la suppression des départements
235(
*
)
. »
Dans son avis sur l'avant projet de loi modifiant et complétant le
statut de la collectivité territoriale de Corse, l'Assemblée de
Corse souligne quant à elle que
« La collectivité
territoriale ne pourrait se satisfaire de n'avoir qu'à constater
l'évolution des politiques (notamment en matière de budget, de
création de services, de définition d'objectifs ou de recrutement
de personnels) mises en oeuvre par des collectivités dont la disparition
est programmée : les mécanismes de concertation -auxquels
l'Etat devrait être associé- devront donc aller au-delà de
la simple coordination des politiques tout en respectant le principe de
l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. »
Votre commission spéciale s'oppose à toute disposition qui
anticiperait sur une éventuelle
révision constitutionnelle
dans un avenir aussi proche qu'incertain. A cet égard, la
création d'une conférence de coordination peut sembler une mesure
également utile dans la perspective du maintien des départements.
Votre commission spéciale rappelle également, comme elle l'a fait
à l'occasion de l'examen de plusieurs autres articles du présent
projet de loi, que l'
interdiction de la
tutelle
d'une
collectivité sur une autre
, posée dans la loi
236(
*
)
, constitue une dimension essentielle
du principe de la libre administration des collectivités locales
consacré à l'article 72 de la Constitution.
A cet égard, les attributions reconnues à la conférence de
coordination ne semblent pas induire un quelconque pouvoir de contrainte de la
collectivité territoriale de Corse sur les conseils
généraux, les communes ou leurs groupements.
Il eût été par ailleurs envisageable, à l'instar de
notre collègue Jacques Oudin, d'élargir la composition de cette
conférence de coordination aux représentants de l'Etat ou
même aux parlementaires, afin de lui conférer un rôle de
coordination de l'ensemble des politiques conduites dans l'île. En
dépit du transfert de compétences, l'Etat conservera en effet
d'importantes prérogatives et la mission de faire prévaloir
l'intérêt national.
Cependant, les préfets resteront en mesure en mesure de faire valoir les
positions de l'Etat dans les nombreuses instances de concertation
prévues par les textes en vigueur et continueront d'exercer le
contrôle de légalité des actes des collectivités
locales.
Votre commission spéciale ne formule donc aucune objection de principe
à la création d'une instance de coordination des politiques des
seules collectivités locales. Elle vous soumet néanmoins un
amendement
tendant à prévoir la
participation
, de
droit,
des
présidents des associations départementales
des maires
à la conférence de coordination.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 47
ainsi modifié
.
Article 48
(art. L. 4422-9 du code général des
collectivités territoriales)
Désignation des
vice-présidents de l'Assemblée de
Corse
Cet
article tend à modifier l'article L. 4422-9 du code
général des collectivités territoriales, afin de
préciser les modalités de désignation des deux
vice-présidents de l'Assemblée de Corse.
Depuis la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, l'Assemblé de Corse
est composée de 51 membres élus pour six ans au scrutin de liste
à deux tours, à la représentation proportionnelle à
la plus forte moyenne, avec une prime de trois sièges à la liste
ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou
arrivée en tête au second tour.
Lors de sa première réunion, elle procède à
l'élection de son
président
et des
dix autres membres
de la commission permanente
,
parmi lesquels
elle doit
désigner
deux vice-présidents
.
Le président est élu au scrutin secret pour la durée du
mandat de l'Assemblée. L'élection est acquise à la
majorité absolue des suffrages lors des deux premiers tours, à la
majorité relative au troisième. L'Assemblée ne peut
délibérer que si les deux tiers de ses membres sont
présents ou représentés, sinon une réunion se tient
de plein droit trois jours plus tard, sans condition de quorum.
Aussitôt après l'élection du président et sous sa
présidence, l'Assemblée de Corse procède à
l'élection des dix autres membres de la commission permanente, sous les
mêmes conditions de quorum, mais pour une durée d'un an
seulement
237(
*
)
.
Les candidatures sont déposées auprès du président,
dans l'heure qui suit l'élection. Si, à l'expiration de ce
délai, le nombre des candidats n'est pas supérieur à celui
des postes à pourvoir, les nominations prennent effet
immédiatement. Dans le cas contraire, les membres de la commission
permanente sont élus au scrutin de liste, à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans
panachage ni vote préférentiel.
L'article L. 4422-9 du code général des collectivités
territoriales dispose que l'Assemblée doit ensuite désigner ses
deux vice-présidents parmi les membres de la commission permanente. Il
ne prévoit leur élection -au scrutin majoritaire- que dans le cas
où le nombre de candidats serait supérieur au nombre de postes
à pourvoir, sans préciser dans quel ordre la désignation
doit être réalisée.
A la suite d'un recours d'un candidat malheureux, le Conseil d'Etat a
été conduit, en 1997, à annuler l'élection des
vice-présidents de l'Assemblée de Corse
238(
*
)
. En l'espèce, le
président de l'Assemblée de Corse avait, dans un premier temps,
fait un appel à candidatures pour le poste de premier
vice-président, qui n'est au demeurant pas prévu par les textes.
Deux candidats s'étaient alors déclarés. Au lieu de faire
procéder à l'élection, le président de
l'Assemblée avait finalement décidé de pourvoir
simultanément les deux postes. Tandis que l'un des deux candidats
déclarés renonçait à se présenter, un
troisième membre de la commission permanente annonçait son
intention de briguer une vice-présidence. Les postes furent ainsi
pourvus, le troisième candidat obtenant celui de deuxième
vice-président.
Sur le recours du conseiller qui estimait avoir été
évincé, le Conseil d'Etat a jugé que la procédure
suivie avait entraîné une confusion ayant abusivement
écarté l'un des candidats et qu'en tout état de cause, les
textes ne faisant pas de distinction entre les deux vice-présidents,
leur désignation ne pouvait avoir lieu suivant leur ordre de nomination.
Pour ce motif, il annulé l'élection.
Le présent article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale en première lecture, vise donc à
préciser que l'Assemblée de Corse désignera successivement
les deux vice-présidents après avoir déterminé leur
ordre de nomination. S'il n'y a qu'un candidat par poste, les nominations
prendront effet immédiatement. Dans le cas contraire, il sera
procédé à l'élection, poste par poste, dans les
mêmes conditions que pour l'élection du président.
Votre commission spéciale vous soumet un
amendement d'ordre
rédactionnel
et vous propose d'adopter l'article 48
ainsi
modifié
.
Article 49
(art. L. 4422-19 du code général des
collectivités territoriales)
Nombre des conseillers exécutifs
de Corse
Cet
article a pour objet de modifier l'article L. 4422-15 du code
général des collectivités territoriales, qui deviendrait
l'article L. 4422-19 en application du II de l'article 3 du présent
projet de loi, afin de porter de six à huit, en sus du président,
le nombre des conseillers exécutifs de Corse. Il a été
adopté sans modification par l'Assemblée nationale en
première lecture.
La loi n° 91-428 du 13 mai 1991 a créé un
conseil
exécutif de Corse, distinct de l'assemblée
délibérante mais responsable devant elle
, et lui a
confié l'entière responsabilité de la gestion de la
collectivité territoriale.
Aux termes de l'article L. 4424-3 du code général des
collectivités territoriales, il
« dirige l'action de la
collectivité territoriale de Corse (...), notamment dans les domaines du
développement économique et social, de l'action éducative
et culturelle et de l'aménagement de l'espace. Il élabore, en
concertation avec les collectivités locales de l'île, et met en
oeuvre le plan de développement de la Corse et le schéma
d'aménagement de la Corse. »
Le conseil exécutif est
composé d'un président et de
six conseillers
239(
*
)
, dont
les fonctions sont respectivement assimilées aux mandats de
président et de membre du conseil régional
240(
*
)
. L'Assemblée de Corse les
élit en son sein, au scrutin de liste, après avoir
désigné les membres de sa commission permanente. Le
président est le candidat figurant en tête de la liste
élue
241(
*
)
.
Les fonctions de conseiller exécutif et de conseiller de
l'Assemblée Corse sont incompatibles. Les membres du conseil
exécutif,
sitôt élus
, sont regardés comme
démissionnaires de leurs fonctions à l'Assemblée
et
remplacés par leur suivant de liste.
Si le conseil exécutif est un
organe collégial
, son
président
occupe une
place prépondérante
. En
témoignent, outre les pouvoirs classiques dévolus à un
exécutif local de droit commun, la reconnaissance d'un pouvoir
réglementaire «
sans équivalent dans les autres
régions françaises
»
242(
*
)
qui lui permet de préciser,
d'une part les modalités d'application des délibérations
de l'Assemblée de Corse, d'autre part les règles d'organisation
et de fonctionnement des services de la collectivité. Ces
arrêtés sont délibérés en conseil
exécutif.
Le président du conseil exécutif maîtrise, par ailleurs,
l'ordre du jour de l'Assemblée et dispose d'un droit d'accès
à ses séances, au même titre que les autres conseillers
exécutifs.
Le rôle prépondérant du président se mesure
également à l'aune des délégations d'une partie de
ses attributions qu'il peut consentir
« sous sa surveillance et sa
responsabilité »
aux conseillers exécutifs, ainsi
qu'à la désignation par ses soins, au sein des membres du conseil
exécutif, des présidents des offices territoriaux.
Cette primauté se manifeste, enfin, par le régime de vacance des
sièges de conseiller exécutif autres que celui du
président : c'est en effet sur la proposition de ce dernier que
l'Assemblée de Corse procède, par nouvelle élection, au
remplacement.
Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi,
l'accroissement des compétences dévolues à la
collectivité territoriale de Corse nécessiterait d'augmenter de
six à huit le nombre des conseillers exécutifs.
Conformément au souhait de l'Assemblée de Corse
« de
ne pas modifier l'équilibre existant au sein de l'instance
exécutive
243(
*
)
»
, cette disposition
entrerait en vigueur lors du prochain renouvellement du conseil exécutif
suivant la publication de la loi.
Toutefois, en cas de mise en cause de la responsabilité du conseil
exécutif par l'Assemblée de Corse, le dispositif trouverait
à s'appliquer avant le terme normal des fonctions des conseillers
exécutifs, c'est-à-dire 2004.
Votre commission spéciale vous soumet donc un
amendement
destiné à préserver l'équilibre, semble-t-il
fragile, au sein de la collectivité territoriale, aux termes duquel
l'augmentation du nombre de conseillers exécutifs n'interviendra
qu'à l'issue du renouvellement de l'Assemblée de Corse.
Elle vous propose d'adopter l'article 49
ainsi modifié
.
Article 50
(art. L. 4422-25 du code général des
collectivités territoriales)
Empêchement du président du
conseil exécutif
Cet
article a pour objet de compléter l'article L. 4422-17 du code
général des collectivités territoriales, qui deviendrait
l'article L. 4422-25 en application du II de l'article 3 du présent
projet de loi, afin de prévoir le remplacement du président du
conseil exécutif en cas d'empêchement.
L'actuel article L. 4422-17
244(
*
)
ne prévoit, en effet, que le
cas de vacance du siège : il dispose que les fonctions de
président du conseil exécutif sont provisoirement exercées
par un conseiller exécutif, choisi dans l'ordre de son élection,
jusqu'à l'élection d'un nouveau président.
Le présent article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale en première lecture, tend à
transposer ces dispositions au cas d'empêchement : le
président du conseil exécutif serait provisoirement
remplacé par un conseiller exécutif dans l'ordre de la liste
élue.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 50
sans modification
.
Article 50 bis
(art. L. 4425-8 du code général des
collectivités territoriales)
Information de l'Assemblée de
Corse
par la chambre régionale des
comptes
Cet
article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative
conjointe de sa commission des Lois et de M. René Dosière
contre l'avis du Gouvernement, a pour objet de compléter l'article
L. 4425-7 du code général des collectivités
territoriales, qui deviendrait l'article L. 4425-8 en application du V de
l'article 3 du présent projet de loi, afin de permettre à
l'Assemblée de Corse de disposer d'un avis de la chambre
régionale des comptes sur les conditions d'exécution du budget de
la collectivité territoriale et de lui demander de procéder
à des vérifications.
1. L'examen des conditions d'exécution du budget de la
collectivité territoriale de Corse
A l'instar de ses homologues du continent et d'outre-mer, la chambre
régionale des comptes remplit une triple mission de jugement des comptes
-sa seule activité juridictionnelle-, de contrôle
budgétaire et d'examen de la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics.
Comme le faisait remarquer le groupe de travail du Sénat sur les
chambres régionales des comptes, le contrôle budgétaire,
né du vide créé par la suppression de la tutelle,
« est à la fois précisément défini et
relativement bien accepté par les collectivités
locales
245(
*
)
. »
Le rétablissement des budgets des collectivités locales par les
chambres régionales se range parmi les fonctions administratives
exercées par les juridictions financières. Dans ce cadre, elles
interviennent sur saisine du préfet, dans le but de faire respecter les
principes régissant les finances publiques locales.
Le rôle des chambres est de proposer au représentant de l'Etat une
solution qu'il met en oeuvre en se substituant à la collectivité
locale défaillante. Le préfet, conservant en l'espèce un
pouvoir d'appréciation, peut s'écarter des propositions de la
chambre régionale en motivant toutefois sa décision. Il n'exerce
son pouvoir de substitution qu'à la condition que l'assemblée
délibérante concernée rejette la proposition de
rétablissement faite par la chambre.
La loi a prévu quatre cas de saisine des chambres régionales par
le représentant de l'Etat : l'absence de budgets votés dans
les délais ; l'adoption d'un budget en déséquilibre
réel ; l'existence d'un compte administratif présentant un
déficit ; l'omission de l'inscription de dépenses
obligatoires. Dans ces quatre cas, les juridictions financières ont
reçu une mission de dialogue avec les collectivités locales et
avec le préfet dans le but de garantir le respect des règles
budgétaires définies par la loi.
Le premier paragraphe
(I)
du présent article tend à
confier à la chambre régionale des comptes la mission de
vérifier
« les conditions d'exécution du budget de
la collectivité territoriale avant l'arrêt du compte administratif
par l'Assemblée de Corse »
et de lui remettre
« un rapport dans les deux mois à compter de l'ouverture de
la première session ordinaire de l'année suivant
l'exercice ».
Selon M. Bruno Leroux, rapporteur de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale,
« compte tenu de la
séparation des pouvoirs existants entre l'Assemblée de Corse et
le Conseil exécutif, un mécanisme d'information de l'organe
délibérant de la collectivité territoriale par la
juridiction financière de l'île serait tout à fait
justifié. Celui-ci s'inspirerait ainsi utilement de la mission
d'information qui revient à l'échelon national à la Cour
des comptes vis à vis du Parlement en application des dispositions de
l'article 47 de la Constitution. Un tel dispositif permettrait, dans le
même temps, de s'assurer du contrôle régulier de
l'exécution du budget par le conseil exécutif
246(
*
)
. »
La disposition aurait pour objet d'introduire plus grande transparence dans un
budget de la collectivité territoriale appelé à
croître fortement sous le double effet des transferts de
compétences et du programme exceptionnel d'investissement.
Le compte administratif devant être accompagné des
développements et explications nécessaires, l'organe
délibérant peut, dans le droit en vigueur, exiger la
communication des documents relatifs à la situation de consommation des
crédits à une date donnée
247(
*
)
. En revanche, les membres de
l'assemblée ne peuvent pas demander directement aux agents de la
collectivité territoriale les renseignements
nécessaires
248(
*
)
. La
juridiction administrative contrôle le caractère suffisant de la
communication des documents annexés par l'organe
exécutif
249(
*
)
.
Enfin, l'organe délibérant ne peut valablement
délibérer sur le compte administratif s'il ne dispose pas de
l'état de situation de l'exercice clos, c'est-à-dire le compte de
gestion, dressé par le comptable de la collectivité
250(
*
)
. Tel est le cas, notamment, pour
l'examen du compte administratif du budget annexe des régies municipales.
La mission confiée à la Cour des comptes résulte de
l'article 47 de la Constitution, de l'article L.O. 132-1 du code des
juridictions financières et des articles 35 et 36 de l'ordonnance
organique du 2 janvier 1959. Elle a été précisée
par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Tout en reconnaissance l'intérêt de la démarche de
l'Assemblée nationale, votre commission spéciale ne peut
souscrire au dispositif proposé.
Inapplicable en l'état, il se
concilie mal avec la procédure de contrôle budgétaire et se
heurte au principe d'impartialité qui doit prévaloir en
matière de jugement des comptes.
Pour devenir applicable, la procédure d'examen des conditions
d'exécution du budget prévue par l'Assemblée nationale
devrait être sensiblement modifiée.
Si l'on voulait renforcer les similitudes avec la Cour des comptes, on pourrait
ainsi prévoir l'
annexion du rapport
de la chambre
régionale au compte administratif.
Il conviendrait également de fixer la
date
de remise du rapport
par la chambre régionale des comptes au 1
er
juin de
l'année suivant l'exercice, en même temps que le compte de
gestion. En effet, la première session de l'Assemblée de Corse
débutant le 1
er
février
251(
*
)
, la chambre régionale des
comptes devrait présenter son rapport à la fin du mois de mars,
selon le texte de l'Assemblée nationale, alors qu'en pratique, le compte
administratif n'est rarement prêt avant les mois d'avril-mai. Il serait
donc à tout le moins souhaitable de prévoir dans la loi une date
de remise du compte administratif et du compte de gestion à la chambre
régionale des comptes, au plus tard le 1
er
mai, afin de
lui permettre de remplir sa mission.
Enfin, les
effectifs
et les
moyens
de la
chambre
régionale des comptes
de Corse devraient être sensiblement
renforcés et l'entrée en vigueur du dispositif devrait être
reportée à l'exercice suivant celui de la promulgation de la loi.
Pour autant, en dépit de ces améliorations, le dispositif
proposé au présent article se concilierait difficilement avec la
procédure de contrôle budgétaire.
Saisie du compte administratif, la juridiction financière ne pourrait
vraisemblablement s'en tenir à l'examen des seules conditions
d'exécution du budget ; sous peine de fragiliser son intervention,
elle devrait également délivrer un avis sur la
sincérité des comptes et leur équilibre.
Présentera-t-elle dans son rapport à l'Assemblée de Corse
des propositions de redressement alors que celles-ci font actuellement l'objet
d'une procédure spécifique qui fait intervenir le
représentant de l'Etat ? Ou se contentera-t-elle de signaler les
irrégularités constatées, en laissant au préfet et
au conseil exécutif le soin d'élaborer ultérieurement avec
elle les mesures de redressement nécessaires ?
Enfin, confier à la chambre régionale des comptes la mission
d'informer l'Assemblée de Corse sur les conditions d'exécution du
budget risquerait de remettre en cause l'impartialité du contrôle
juridictionnel des comptes.
Pour remplir cette nouvelle mission, la chambre régionale serait en
effet conduite à confronter le compte administratif au compte de gestion
produit par le comptable de la collectivité.
Elle devrait donc examiner, dans un cadre consultatif, des comptes qu'elle
devra, par la suite, juger à titre juridictionnel. Comme l'a
souligné le groupe de travail du Sénat sur les chambres
régionales des comptes, faute d'effectifs suffisants, ce
dédoublement fonctionnel de la juridiction financière pourrait
poser des problèmes au regard de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La
jurisprudence administrative
a récemment sanctionné la
participation au délibéré de la formation de jugement
d'une chambre régionale des comptes chargée de se prononcer sur
une déclaration de gestion de fait du rapporteur auquel a
été confiée la vérification de la gestion de
l'organisme dont les deniers sont en cause
252(
*
)
. En d'autres termes, il est
clairement établi que le principe d'impartialité
applicable à toutes les juridictions administratives fait obstacle
à ce que le rapporteur d'une chambre régionale des comptes
participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à
l'occasion d'une vérification de gestion.
Le Conseil d'Etat, dont la jurisprudence sur ce point est moins
sévère que celle de la Cour de cassation
253(
*
)
, a défini
quatre
critères
pour décider si le rapporteur peut participer ou non
au délibéré sans nuire à l'impartialité de
la formation du jugement
254(
*
)
: ne pas être à
l'origine de la saisine ; ne pas participer à la formulation des
griefs ; ne pas avoir le pouvoir de classer l'affaire ou au contraire
d'élargir le cadre de la saisine ; ne pas disposer de pouvoirs
d'investigation l'habilitant à faire des perquisitions, des saisies ou
à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de
l'instruction.