TITRE IV
PROGRAMME EXCEPTIONNEL D'INVESTISSEMENTS
Article 46
Mise en oeuvre du programme exceptionnel
d'investissements
I. LE DISPOSITIF PROPOSE
Le
présent article résulte de l'une des « propositions du
Gouvernement aux représentants élus de la Corse »
formulées le 20 juillet 2000.
Ce document indique que «
le Gouvernement proposera au Parlement
de voter un dispositif législatif prévoyant une programmation sur
15 ans d'investissements publics destinés à combler les retards
d'équipement dont souffre encore la Corse dans plusieurs secteurs. Ces
investissements seront financés par l'Etat et la collectivité
territoriale de Corse, selon des proportions tenant compte des capacités
de financement de la collectivité ; en moyenne 70 % seront
à la charge de l'Etat.
« La programmation portera notamment sur les grandes
opérations d'infrastructures routières et ferroviaires
nécessaires au désenclavement des territoires.
« La mise au point de cette programmation sera effectuée en
concertation entre le préfet de Corse, qui recevra un mandat du
Gouvernement, et la collectivité territoriale.
« Un dispositif d'assistance à l'ingénierie publique
sera mis en place
».
La rédaction du présent article est relativement fidèle
à la proposition formulée le 20 juillet 2000.
Il est prévu la mise en oeuvre d'un programme exceptionnel
d'investissement (PEI), qui «
exprime un
effort
exceptionnel
de la collectivité nationale envers la
Corse
». Ce programme devra être réalisé en
quinze ans et établi en coordination avec le contrat de plan
Etat-région et la programmation des fonds structurels européens.
Le PEI doit aider la Corse à surmonter, «
par un
effort
d'investissement
conséquent
», non
seulement son déficit en équipement et en services collectifs
structurants, mais aussi le «
handicap naturel que constituent son
insularité et son relief
».
Les «
modalités de la mise au point de la
programmation
» seront déterminées par convention
entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. Le mandat du
Gouvernement que recevra le préfet n'est pas confirmé.
Interrogé par votre rapporteur sur le contenu éventuel du PEI, le
Gouvernement a transmis les indications suivantes :
«
Le projet de programme exceptionnel d'investissement a fait
l'objet d'une concertation étroite avec la collectivité
territoriale de Corse et d'un travail interministériel intense qui n'est
pas achevé. Aussi il n'est pas possible de donner dans le détail
le contenu du programme qui n'est pas encore arrêté
définitivement par le Gouvernement. Cependant, le document
présente dans sa rédaction actuelle les grandes lignes des
catégories d'investissements nécessaires pour rattraper le retard
de développement de l'île.
Il s'agit, en premier lieu, des
infrastructures de transports et de
communications
. En effet, la Corse dispose d'un réseau routier
étendu de plus de 7 000 km au parcours très accidenté en
raison du relief. La maîtrise d'ouvrage de ce réseau est
répartie entre la collectivité territoriale de Corse pour 574 km,
les deux départements pour 2 430 km et les communes pour 2 400 km.
Si on considère exclusivement le réseau routier de la
collectivité territoriale de Corse, nous sommes loin d'un réseau
moderne répondant aux attentes de la population et de l'économie.
L'aménagement de ce réseau est donc un impératif majeur.
De même, certaines routes départementales d'intérêt
régional doivent faire l'objet d'un programme d'amélioration
significatif.
Le réseau ferré nécessite des investissements lourds pour
sortir ce moyen de communication de son caractère quasi confidentiel.
Des investissements sont également nécessaires sur les ports
d'Ajaccio et de Bastia dont le transfert à la collectivité
territoriale de Corse est envisagé.
Le deuxième thème abordé par le programme exceptionnel
d'investissement concerne la
maîtrise de l'environnement et la
valorisation des territoires de l'intérieur
. Il s'agit, dans ce
chapitre, de mettre à niveau les infrastructures de base concernant
l'assainissement et l'eau. De même des programmes ciblés en
matière agricole peuvent y prendre place.
Un autre aspect important du projet de programme exceptionnel d'investissement
est la
cohésion sociale et la formation
. Les investissements qui
pourraient être retenus dans ce domaine sont relatifs à
l'enseignement secondaire ou supérieur, à la culture, aux
équipements sportifs et aux infrastructures hospitalières. Il
sera également indispensable de trouver dans ce projet de programme les
investissements concernant le développement urbain, qu'il s'agisse de
voiries proches des agglomérations ou des rocades proprement dites et
des opérations de requalification des villes.
Enfin, compte tenu de son importance sur l'économie, le
tourisme
pourrait également faire partie des catégories
d'opérations inscrites.
»
Le montant du PEI n'est pas précisé, mais il est prévu que
l'Etat ne pourra pas financer plus de 70 % de ce montant. La part de la
collectivité territoriale de Corse dans le financement du PEI n'est pas
plafonnée.
Le rapport de notre collègue M. Bruno Le Roux au nom de la commission
des lois de l'Assemblée nationale estime que le montant du PEI pourrait
s'élever à 13 milliards de francs, soit 866,6 millions de francs
par an.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE
Votre
commission spéciale partage le principe de la mise en place d'un
programme exceptionnel d'investissement, ainsi que les objectifs qu'il
poursuit. Le déficit de la Corse en équipements et en services
collectifs structurants est évident, et les handicaps naturels que
constituent le relief et l'insularité justifient que la Corse
bénéficie de dispositions spécifiques, comme l'a
rappelé le Sénat à l'occasion de l'examen des
différents textes relatifs à la Corse (statuts de 1982 et 1991,
statut fiscal de 1994, zone franche de 1996).
Votre commission spéciale se félicite que, s'agissant de la
Corse, le Gouvernement se rallie à la
logique qui était celle
du Sénat
lors de l'examen du projet de loi d'aménagement et
de développement durable du territoire, au printemps 1999. Notre Haute
Assemblée avait alors insisté sur la nécessité
d'accompagner la logique de demande, qui avait la faveur du Gouvernement et qui
est traduite par les schémas de services collectifs, par une logique
d'offre, en développant les infrastructures.
Votre commission spéciale s'interroge sur la signification de la
coordination prévue avec le contrat de plan Etat-région et la
programmation des fonds structurels. Si elle juge indispensable
d'élaborer le PEI en complémentarité avec les objectifs
poursuivis par ces instruments, elle considère qu'il serait malvenu que
l'Etat inclue dans sa participation au financement du PEI les crédits
qu'il consacre par ailleurs aux contrats de plan et aux opérations
inclues dans la programmation des fonds structurels, qui auraient
été réalisées avec ou sans le PEI.
Votre rapporteur a demandé au Gouvernement si la part de l'Etat et celle
de la collectivité territoriale de Corse seraient calculées en
tenant compte des fonds structurels ou « hors fonds
structurels ». Il a reçu la réponse suivante, pleine
d'ambiguïtés : «
Le programme exceptionnel
d'investissement pour la Corse est en principe indépendant aussi bien du
contrat de plan que du DOCUP, lesquels portent d'ailleurs sur une durée
plus courte (2000-2006).
Les opérations inscrites au PEI relèvent donc d'un financement
exclusivement national, apporté par l'Etat et par la collectivité
territoriale de Corse selon une clef de répartition propre à
chacune d'elles.
Ce principe n'interdit cependant pas de rechercher, au cas par cas, un
cofinancement communautaire pour celles des opérations du PEI qui
répondraient aux conditions d'éligibilité définies
par le DOCUP
».
Votre rapporteur interprète cette réponse comme signifiant que
les crédits des fonds structurels peuvent venir s'ajouter à
l'effort financier de l'Etat (qui doit en tout état de cause
représenter 70 % du total) et à ce titre être compris dans
le calcul des 30 % restants.
Votre commission spéciale s'inquiète de la capacité de la
collectivité territoriale de Corse à s'acquitter de sa part du
financement du PEI. En retenant l'hypothèse d'un coût total du PEI
de 13 milliards de francs et d'une participation de la collectivité
territoriale de Corse à hauteur de 30 %, soit 3,9 milliards de
francs, la collectivité territoriale de Corse devra consacrer
260 millions de francs par an aux opérations du PEI.
Sachant que le montant des crédits inscrits en section d'investissement
du budget primitif de la collectivité territoriale de Corse pour 2001
s'établit, hors dotation de continuité territoriale, à
806,8 millions de francs, le financement du PEI représenterait
32 %
des dépenses d'investissements annuelles de la
collectivité territoriale de Corse.
Votre commission spéciale s'étonne du caractère peu
normatif de certaines des formules employées par le présent
article («
effort d'investissement
conséquent
», «
effort de solidarité
exceptionnel
») et de la novation juridique que constitue la
notion de «
collectivité
nationale
»
231(
*
)
.
Votre commission spéciale vous propose un
amendement
tendant
à inscrire le PEI dans le code général des
collectivités territoriales, à reformuler la rédaction
proposée par le présent article et à souligner que le PEI
doit être élaboré en coordination avec les
objectifs
du contrat de plan et de la programmation des fonds structurels.
Elle observe que le PEI sera mis en oeuvre sur une durée correspondant
à deux contrats de plan, que la mise en oeuvre du prochain contrat de
plan, à compter de 2007, est conditionnée à
l'entrée en vigueur du plan d'aménagement et de
développement durable de la Corse (PADU) et que, par conséquent,
il serait souhaitable que le contenu du programme exceptionnel d'investissement
puisse faire l'objet d'une évaluation à cette occasion, de
manière à tirer les conséquences du bilan de l'actuel
contrat de plan et de l'entrée en vigueur du PADU.
En outre, votre rapporteur jugerait utile que les documents budgétaires
relatifs aux différents départements ministériels fournis
chaque année à l'appui du projet de loi de finances identifient,
pour chacun des chapitres concernés, les montants consacrés
chaque année au financement du PEI.
Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption de
l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter cet
article ainsi modifié.