B. ... NI CONTREPARTIES
Lors de
la discussion en commission et en séance publique de la proposition de
loi, son auteur et rapporteur, M. Pierre Lequiller, mais aussi le
président de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales, M. Jean Le Garrec, et d'autres intervenants, avaient
insisté sur la nécessité d'équilibrer les nouvelles
servitudes imposées aux propriétaires, par des mesures fiscales.
M. Pierre Lequiller avait ainsi souligné, dans son intervention en
séance publique, que «
les contraintes créées
par le classement doivent être compensées par un dispositif
d'exonération fiscale, tant pour les sommes engagées dans la
restauration des objets classés que pour les droits de succession
applicables à l'ensemble des biens classés. (...) Comme l'a
souligné le président Le Garrec, ces mesures conditionneront
l'avenir de la réforme.
»
Malgré ces propos, le « volet fiscal » introduit par
amendements du gouvernement est extrêmement limité.
Il se borne en effet :
- à compléter, d'une part, le dispositif de l'article 795 A du
code général des impôts pour permettre une
exonération de moitié des droits de mutation en cas de signature
d'une convention d'ouverture au public d'un monument protégé pour
une durée minimale de 30 jours par an ;
- à limiter, d'autre part, les conséquences catastrophiques de
l'interprétation très contestable que fait l'administration
fiscale du dispositif de l'article 795 A en calculant, en cas de
dénonciation de la convention, les intérêts de retard
à compter du jour de la mutation. Cette
« concession » de l'administration fiscale est cependant
limitée. Elle est en outre dangereuse, car elle valide du même
coup une interprétation contraire à la loi et qui n'est pas celle
de la Cour de cassation.
C. UN DISPOSITIF RÉPRESSIF EXCESSIF ET MAL CONÇU
Le texte
adopté par l'Assemblée nationale propose un dispositif
pénal qui peut surprendre tant par sa rédaction volontiers
approximative que par le quantum des peines.
On constate ainsi (article 12) que le conservateur du musée d'une grande
ville qui prêterait un objet classé appartenant à la
commune sans l'autorisation de l'Etat «
ni hors la
surveillance
» (sic) de l'administration des affaires culturelles
encourrait une amende de 200 000 francs, de même que le
légataire d'un objet classé qui omettrait de notifier ce legs
à l'autorité administrative, «
dans les six mois du
décès
», ou le propriétaire d'un objet
inscrit qui le ferait réparer sans avoir averti l'administration de son
intention deux mois à l'avance...
Quant aux sanctions prévues par l'article 13 -trois ans de prison et
300 000 francs d'amende- elles sont prévues pour des défauts
d'autorisation, de surveillance ( !) ou d'agrément de
l'administration mais elles semblent surtout destinées à
réprimer des atteintes à l'intégrité ou à la
conservation des biens classés, et donc des infractions
différentes, nettement plus graves, et déjà
définies par le code pénal.
En revanche, curieusement, la vente illégale d'un objet classé
appartenant à une personne publique ou l'exportation d'un objet
classé bénéficient d'une singulière
mansuétude : elles ne sont punies que de 6 mois d'emprisonnement et
50 000 francs d'amende.
L'ensemble de ce dispositif paraît mal équilibré et
difficile à appliquer.
Il paraît surtout inutile : votre rapporteur est en effet
porté à croire les associations de défense du patrimoine,
qui sont souvent beaucoup plus actives -et beaucoup plus efficaces- que le
ministère de la culture pour poursuivre les infractions aux lois
protégeant le patrimoine, lorsqu'elles affirment que les textes en
vigueur, pourvu qu'ils soient appliqués, permettent parfaitement de
réprimer le saccage des monuments protégés.
Il proposera donc au Sénat de ne pas retenir le dispositif de la
proposition de loi, mais simplement de compléter et de
« toiletter » le droit en vigueur.