TITRE
II
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FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES
En première lecture, après avoir rappelé que le fonds de réserve n'était en aucun cas susceptible de répondre au défi posé par le financement des retraites, votre commission avait proposé un dispositif alternatif, adopté par le Sénat, permettant de donner au Fonds de réserve un statut lui garantissant indépendance et transparence :
- le fonds serait un établissement spécial, placé sous la surveillance et la garantie du Parlement , se substituant à la « tutelle ministérielle » qui caractérise les établissements publics administratifs. Sans aller peut-être jusqu'à une réforme constitutionnelle, un statut « spécial » semble le moins que l'on puisse prévoir pour un fonds censé garantir le financement des retraites des Français à partir de 2020 ;
- les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés , afin de n'interdire a priori à aucun Français la possibilité de bénéficier des concours du fonds de réserve alimenté par des ressources largement universelles ;
- les membres du directoire seraient désignés de manière solennelle, en raison de leur expérience et de leur compétence professionnelles, par le président de la République et les présidents des Assemblées. Ces membres seraient nommés pour une durée non renouvelable de six ans. Cette fonction serait exclusive de toute autre : le fonds de réserve a besoin d'un directoire « à plein temps » ;
- le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de contrôle ;
- la notion de gestion administrative serait précisée et confiée à la Caisse des dépôts et consignations ; ce choix est naturel, s'agissant d'un établissement placé depuis 1816 « sous le sceau de la foi publique » ; mais, dans ces conditions, il est évident que la Caisse ne pourrait pas participer aux appels d'offre de gestion financière des ressources du fonds : ainsi serait-t-il prévue explicitement une « muraille de Chine » pleinement efficace ;
- la description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios d'emprise » , empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un actionnaire trop zélé du capitalisme français.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue pour l'essentiel à son texte de première lecture. Son dispositif, relevant d'une « muraille de Chine » bien fragile, organise une grave confusion des genres. La loi confierait ainsi à la Caisse des dépôts et consignations, la gestion administrative du fonds et la présidence du directoire, tout en l'autorisant à participer, au même titre que les autres établissements de la place, aux appels d'offres de gestion financière.
Cependant, six amendements de bon sens du Sénat ont été retenus :
- renouvellement régulier des appels d'offres de gestion financière ;
- renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la définition des règles prudentielles auxquelles sera soumis le fonds, le texte initial n'en soufflant mot ;
- nomination des commissaires aux comptes par le conseil de surveillance, et non par le directoire ;
- transfert au conseil de surveillance du contrôle des règles déontologiques applicables aux membres du directoire, le texte prévoyant dans un premier temps de confier cette mission au président du directoire ;
- contrôle du fonds de réserve par la Cour des comptes ;
- transmission des rapports des inspections générales des affaires sociales et des finances au Conseil de surveillance et possibilité pour ce dernier de procéder à une audition des membres des corps d'inspection ayant réalisé une mission de contrôle sur le fonds 4 ( * ) .
Cette première lecture n'a donc pas été inutile.
Mais votre commission estime nécessaire de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture , afin de laisser à l'Assemblée nationale la possibilité, en lecture définitive, d'un sursaut de bon sens la conduisant à retenir un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat.
Votre rapporteur espère notamment qu'elle « ouvrira les yeux » sur « la fausse bonne idée » consistant à confier la présidence du directoire au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Compte tenu de la charge de travail de ce dernier, qui risque de s'accroître encore davantage si la création d'une holding commune à la Caisse des dépôts et aux Caisses d'épargne se précise, il n'est pas souhaitable de lui confier la présidence du directoire du Fonds de réserve, qui exigera à l'évidence une disponibilité de tous les instants.
Article 6
(art. L. 135-1, L. 137-5, L. 135-6, L. 135-7 à L. 135-14
(nouveaux),
L. 251-6-1, L. 651-1, L. 651-2-1 du code de la
sécurité sociale
et 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin
1999,
relative à l'épargne et à la
sécurité financière)
Création du fonds de
réserve pour les retraites
Objet : Cet article crée le fonds de réserve pour les retraites, jusqu'alors constitué sous la forme d'une section comptable du fonds de solidarité vieillesse.
Le I de cet article insère au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale un chapitre V bis, comprenant neuf articles, relatifs au fonds de réserve pour les retraites.
Art.
L. 135-6 du code de la sécurité sociale
Statut juridique et
missions du Fonds de réserve pour les retraites
En première lecture, le Sénat avait souhaité créer un « établissement spécial » , « placé sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » . Ce statut lui était apparu plus adapté que celui d'un simple établissement public, placé sous tutelle ministérielle, l'objectif étant de garantir au Fonds de réserve une indépendance à l'égard du Gouvernement.
Votre rapporteur a été surpris de la réaction, lors de la commission mixte paritaire, de M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales ; ce dernier a en effet considéré que le concept de « surveillance et de la garantie de l'autorité législative » était « nouveau » et méritait à ce titre « d'être précisé » . Ce « concept » existe pourtant depuis 1816, puisqu'il est à la base du statut particulier de la Caisse des dépôts et consignations.
Le Sénat avait également supprimé la mention des régimes bénéficiaires, l'exclusion des autres régimes que le régime général et les régimes alignés (ORGANIC, CANCAVA) lui apparaissant douteux du point de vue constitutionnel.
Enfin, le Sénat avait préféré déplacer un alinéa relatif aux orientations générales de la politique de placement du fonds, présent à l'article L. 135-8 du code de la sécurité sociale. Il avait semblé à votre commission davantage être à sa place à l'article L. 135-6, définissant les « grands principes » du Fonds de réserve.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture.
Votre commission souhaite convaincre une deuxième fois de la pertinence du statut d'établissement spécial qu'elle propose pour le Fonds de réserve pour les retraites.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
L. 135-7 du code de la sécurité sociale
Ressources du Fonds de
réserve pour les retraites
En première lecture, le Sénat s'était contenté de supprimer l'affectation des excédents prévisionnels du FSV au fonds de réserve.
Cette suppression semble avoir été mal comprise par l'Assemblée nationale : en aucun cas, elle ne met fin à l'alimentation du Fonds de réserve pour les retraites par les excédents du FSV. Elle n'a aucun impact financier, en dehors peut-être de quelques millions de francs de produits financiers, dégagés par l'affectation de ces excédents prévisionnels.
Votre commission s'était bornée à rester sur un terrain strictement technique. Elle avait observé que ce mécanisme, utilisé pour les excédents de la CNAVTS, avait fait la preuve de sa complexité. C'est pour simplifier la compréhension des finances sociales -dont le rapporteur de l'Assemblée nationale se plaît lui-même à souligner la complexité croissante- que votre commission avait considéré qu'il n'était pas opportun de le transposer aux excédents du FSV.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
L. 135-8 du code de la sécurité sociale
Conseil de
surveillance et directoire
En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement de rédaction globale de cet article, fixant les conditions de nomination des membres du conseil de surveillance et du directoire.
Votre commission avait proposé de créer un directoire indépendant, composé de trois membres désignés -en raison de leur expérience et de leurs compétences professionnelles dans le domaine financier- par le président de la République et les présidents des deux assemblées. La fonction de membre du directoire apparaissant « un métier à plein temps », votre commission avait considéré qu'elle était incompatible avec tout mandat électif, tout emploi public et toute autre activité professionnelle, sur le modèle de certaines autorités administratives indépendantes telles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Un sous-amendement de MM. de Broissia, Gournac et Chérioux avait précisé la composition du conseil de surveillance : trois députés, trois sénateurs, six représentants du Gouvernement et douze représentants des régimes d'assurance vieillesse. A partir du moment où le Sénat avait souhaité confier à ce conseil une véritable mission de contrôle, il était apparu en effet logique de déterminer sa composition dans le texte législatif.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture, au motif curieux que « la présidence du directoire par le directeur général de la Caisse des dépôts est la clef de voûte du dispositif conçu par l'Assemblée nationale » 5 ( * ) .
Votre rapporteur estime que cette « clef de voûte » est le défaut de naissance de l'édifice ; s'agissant d'un fonds dont la durée s'inscrit au-delà de la simple « garantie décennale », il n'est pas souhaitable -ne serait-ce qu'en raison de la limite de charge de travail à laquelle est soumise tout être humain- que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations remplisse cette nouvelle fonction.
En conséquence, votre commission vous propose d'adopter un amendement procédant à une rédaction globale de cet article, afin de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. L. 135-8-1 du code de la
sécurité sociale
Missions du conseil de surveillance et du
directoire
du Fonds de réserve pour les retraites
Le Sénat avait adopté en première lecture cet article additionnel, précisant les missions respectives du conseil de surveillance et du directoire.
Votre commission avait ainsi proposé, par exemple, un mode de conciliation entre les deux instances, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale se borne à confier au directoire l'essentiel des pouvoirs. Votre commission avait souhaité donner au Conseil de surveillance le pouvoir de refuser à la majorité des deux tiers les orientations de gestion du directoire, de dernier devant alors formuler de nouvelles propositions jusqu'à un accord entre les deux organes du fonds.
Les relations entre le directoire et le conseil de surveillance devraient ressembler, mutatis mutandis , à celles entre le pouvoir exécutif (le directoire) et le pouvoir législatif (le conseil de surveillance) d'un régime démocratique. Le pouvoir législatif dispose d'un important pouvoir de contrôle, tandis que le pouvoir de décision et de gestion appartient au pouvoir exécutif. Mais même dans ce domaine, le conseil de surveillance peut, par le vote d'une forme de « motion de défiance constructive » , obliger le directoire à revoir ses propositions.
Votre commission regrette ainsi que l'Assemblée nationale ait considéré que « la rédaction du Sénat » avait « pour effet de créer une certaine confusion entre les orientations de gestion et l'exécution » 6 ( * ) .
Aussi vous propose-t-elle d'adopter un amendement de rétablissement de cet article.
Art.
L. 135-10 du code de la sécurité sociale
Rôle de la
Caisse des dépôts et consignations et instruments financiers
En première lecture, le Sénat avait adopté un dispositif simple et compréhensible par tous.
Il avait tout d'abord confirmé le choix judicieux de confier la gestion administrative à la Caisse des dépôts et consignations.
Par voie de conséquence, votre commission des Affaires sociales avait souhaité préciser que cette activité, ne pouvait être « indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales » que si elle était « exclusive de toute participation » aux appels d'offres de gestion financière.
Votre commission avait considéré que les appels d'offres devaient être « régulièrement renouvelés » . A l'initiative de M. Jean Chérioux, le Sénat avait adopté en outre un amendement tendant à préciser que ces appels d'offres feraient l'objet de plusieurs tranches.
Dans le même souci d'assurer une concurrence et une transparence maximales, votre commission avait souhaité enfin que la conservation des instruments financiers soit confiée par appel d'offres aux prestataires de services d'investissement exerçant le service connexe visé au 1 de l'article L. 321-2 du code monétaire et financier.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture, à l'exception de la précision du renouvellement régulier des appels d'offre de gestion financière.
M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, a considéré qu'il n'y avait pas lieu « d'exclure la CDC d'une éventuelle gestion d'une partie des fonds qu'elle aurait gagnée par voie d'appel d'offres puisque le dispositif adopté par l'Assemblée nationale prévoit une « étanchéité » suffisante entre les gestions administrative et financière » . Une telle argumentation est curieuse, et pour le moins contradictoire : il est difficile de louer à l'article L. 135-8 du code de la sécurité sociale la présence du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à la tête du directoire du Fonds de réserve, « clef de voûte du dispositif » , pour estimer ensuite, à l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale, que le même dispositif prévoit « une étanchéité « suffisante » entre les gestions administrative et financière » .
« L'étanchéité » dont se prévaut l'Assemblée nationale est ainsi toute relative. La « clef de voûte » qu'elle a choisie risque d'être un « joint » peu résistant.
S'agissant de la conservation des instruments financiers, le Gouvernement a considéré que cette mission devait relever de la Caisse des dépôts et consignations « pour des raisons de sécurité et de coût » .
Votre rapporteur observe tout d'abord que la rédaction adoptée par le Sénat n'empêche en aucune façon la Caisse des dépôts et consignations de participer à cet appel d'offres. Il importe ensuite, pour des raisons de sécurité , de retenir un nombre réduit de « conservateurs », parmi lesquels pourrait figurer la Caisse des dépôts. En revanche, pour des raisons de coût , il est souhaitable de laisser cette activité dans le domaine concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, votre commission préfère le texte adopté par le Sénat en première lecture.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. L. 135-10-2 du code de la
sécurité sociale
Ratios d'emprise
En première lecture, le Sénat avait adopté cet article, précisant le pourcentage maximal, fixé à 5 %, du capital ou des droits de vote d'une société que pourrait détenir le fonds.
Le Gouvernement avait reconnu le bien fondé du principe des ratios d'emprise, mais avait précisé que ces derniers devaient faire partie des règles prudentielles fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'Assemblée nationale a supprimé en nouvelle lecture cet article.
Votre rapporteur considère que la précision par la loi d'une telle disposition, dont l'importance se situe au-delà de simples règles prudentielles, est nécessaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
L. 135-14 du code de la sécurité sociale
Modalités
d'application
En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement de coordination, le premier supprimant la référence à la tutelle et à l'approbation des délibérations du conseil de surveillance et des décisions du directoire.
L'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture.
Votre rapporteur note que cet amendement de coordination est à nouveau nécessaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* *
*
Le II de cet article procède à des rectifications, par coordination, du code de la sécurité sociale.
En première lecture, le Sénat avait supprimé, par voie de conséquence avec l'amendement adopté à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale, la disposition de l'article L. 251-6-1 permettant d'affecter une fraction des excédents prévisionnels de la CNAVTS.
Cette disposition a suscité visiblement l'incompréhension du rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui a cru que le Sénat avait souhaité mettre fin à l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve.
Il n'en est rien. Votre commission souhaite simplement, pour des raisons de simplicité et de transparence, que soit mis fin au système de l'affectation par anticipation des excédents de la CNAVTS.
Constatant cette incompréhension, votre commission propose d'adopter à nouveau un tel amendement.
Votre commission vous propose d'adopter le présent article 6 ainsi amendé.
* 4 Cette disposition résultant d'un amendement particulièrement pertinent de notre excellent collègue M. Jean Chérioux.
* 5 Rapport Assemblée nationale n°3114, XIème législature, p.16.
* 6 Rapport Assemblée nationale, op. cit., p. 17.