4. La situation de la femme à Mayotte
La prégnance de la religion musulmane, avec ses conséquences en termes de polygamie, répudiation et de succession, est cependant contrebalancée par les coutumes africaines.
Ainsi, la transmission des biens immobiliers est matrilinéaire et si la polygamie concerne officiellement 15% des hommes (selon les chiffres de la Caisse d'allocations familiales), il n'est pas question de cohabitation des femmes sous le même toit, chacune d'entre elles ayant sa propre maison. La coutume voulait en effet que le père construise une maison à sa fille pour son mariage, celle-ci la conservant en cas de répudiation. L'exode rural, l'urbanisation croissante conduisent cependant à un déclin de cette pratique, comme l'a souligné à votre rapporteur la déléguée aux droits des femmes Mme Nafissata Bint Mouhoudoir.
La polygamie, si elle est emblématique, ne représente pas le principal problème, qui est plutôt celui de la succession des mariages dans le temps.
En cas de répudiation, la femme, qui ne dispose pas de livret de famille, a souvent des difficultés pour obtenir l'inscription de la répudiation sur le registre d'état civil. De plus, si le Minhadj stipule qu'un père est tenu de subvenir aux besoins de son foyer, le cadi dispose de peu de moyens pour convaincre le mari récalcitrant. Face au problème général d'absence de formule exécutoire des décisions cadiales, le requérant doit saisir le Tribunal de première instance pour demander l'exequatur et recourir à un huissier pour obtenir une saisie sur salaire.
De plus, les allocations familiales sont versées aux seuls salariés (en grande majorité des hommes), sans que ce versement soit conditionné par la charge effective des enfants. En cas de répudiation, il y a donc souvent confusion entre le paiement d'une pension alimentaire et le simple reversement des allocations familiales.
Il existe de plus en plus de femmes seules avec enfants à charge à Mayotte, qui éprouvent de réelles difficultés à trouver un emploi du fait de leur faible niveau de formation.
En effet, la précocité des mariages et des grossesses entraînent un abandon fréquent des études. 70% des demandeurs d'emplois sont ainsi des femmes et 96% ont un niveau inférieur ou égal au CM2. La création d'entreprises semble être la meilleure solution pour ces femmes mais les dispositifs d'aide et d'accompagnement sont nettement insuffisants.
Le groupe de réflexion sur le statut de la femme à Mayotte institué par le représentant du Gouvernement à Mayotte en décembre 1997 a rendu son rapport en juin 1998, qui concluait à la nécessité d'une large transposition des dispositions du code civil pour les femmes mahoraises. Sur cette base a été adoptée l'ordonnance n° 2000-219 du 8 avril 2000, qui contient plusieurs dispositions protectrices des droits des femmes.
L'âge minimum pour le mariage a été fixé à 15 ans pour les femmes, alors que des fillettes de neuf ans pouvaient auparavant être mariées. De plus, la comparution personnelle des époux et la présence de l'officier d'état civil sont désormais exigées lors de la célébration du mariage. Le droit local admet la célébration en l'absence des époux, pourvu qu'ils soient représentés, ce qui ne permet pas toujours de s'assurer de la sincérité des consentements. Le mariage était systématiquement célébré sans la présence d'un officier de l'état civil, et parfois même du cadi, de nombreux mariages n'étant pas enregistrés dans le délai de quinze jours, obligeant les époux à demander un jugement supplétif.
Par ailleurs, en cas de répudiation, le mari doit dorénavant faire, dans un délai de quinze jours, une déclaration devant l'officier d'état civil, sous peine d'inopposabilité de la répudiation.
En outre, la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives a été étendue à Mayotte.
Si elle a permis l'élection de 45% de conseillères municipales, toutes les communes mahoraises ayant plus de 3.500 habitants et étant donc concernées par la réforme, il n'y a encore que peu d'adjointes et aucune femme maire. Une génération de femmes politiques devrait cependant émerger dans l'avenir.
Malgré ces progrès, la rupture des solidarités traditionnelles et des pressions villageoises conduit de plus en plus de femmes à être abandonnées avec leurs enfants sans subsides.