3. Le double état civil
La dualité de statuts civils entraîne un double système d'état civil.
L'organisation des deux services d'état civil diffère en de nombreux points ; modalités et délais d'enregistrement des actes, délivrance du livret de famille, pouvoirs des officiers d'état civil, juridictions compétentes.
Pour l'ensemble de la collectivité territoriale, le service d'état civil de droit commun se trouvait à la mairie de Dzaoudzi-Labattoir, actuel chef-lieu de Mayotte. C'est un lieu éloigné pour les habitants de Grande-Terre qui doivent prendre la barge pour s'y rendre. Par conséquent, l'ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l'état civil à Mayotte a créé un service d'état civil de droit commun dans chaque commune. Il s'agit d'une première disposition visant à encourager la renonciation.
L'état civil coranique qui dépendait des cadis a été transféré aux maires en 1977. Les maires et les adjoints des 17 communes sont chargés de dresser les actes de naissance et de décès pour les personnes de statut personnel tandis que les cadis ont compétence pour les actes de mariage, les divorces et les jugements supplétifs d'acte de naissance.
D'une manière générale se pose le problème de l'absence ou du mauvais état des registres. Les registres sont en effet souvent très mal tenus et abîmés, voire perdus du fait des conditions climatiques (cyclones, forte humidité) et des termites.
De plus, certaines naissances ne sont toujours pas déclarées (en particulier celles des filles ou des enfants nés hors mariage). Par ailleurs, les mariages ne sont pas systématiquement enregistrés et les répudiations presque jamais.
Ceci a des conséquences dommageables. Ainsi, une partie de la population ignore de quel statut elle relève, des erreurs dans les transcriptions étant intervenues, tandis que certains Mahorais ont des difficultés pour prouver leur nationalité française.
Par conséquent, les jugements supplétifs rendus par les cadis font souvent office d'état civil, à défaut d'extrait de naissance ou de fiche d'état civil . Cette situation est source d'insécurité juridique. L'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte et l'ordonnance n° 2000-219 relative à l'état civil à Mayotte fixent un ensemble de règles destinées à fiabiliser l'état civil dans l'île de Mayotte, à poser des règles de dévolution du nom patronymique et à mettre à jour la délibération de l'assemblée territoriale des Comores du 17 mai 1961 relative à l'état civil des personnes ayant le statut personnel.
L'Etat a consenti un effort financier important pour aider les communes à s'équiper et à s'organiser. Ainsi l'article 22 de l'ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l'état civil à Mayotte a prévu que l'Etat mette à disposition des communes des équipements informatiques à cette fin.
Rappelons qu'en raison de certaines coutumes d'origine africaine et du droit musulman, il n'existe pas de nom patronymique transmissible, ce qui rend très difficile l'établissement d'un état civil fiable.
Ainsi, le mode d'identification de la personne varie au cours de sa vie.
Elle porte successivement un nom de filiation, composé de la locution « fils de » ou « fille de » et du prénom du père, puis un nom de paternité composé du mot Ba (père) ou Ma (mère) et du prénom du fils aîné. Le nom du « troisième âge » est constitué de la locution « grand-père de » ou « grand-mère de ». Dans la société mahoraise, le nom de paternité tient une place prépondérante, comme dans les cultures arabes traditionnelles.
Par ailleurs, le père garde secret le nom de son enfant pour le protéger contre le malheur. Dans la vie courante, il est recouru à un pseudonyme et le cadi peut être amené à changer le prénom d'un individu pour des raisons coutumières, après une maladie par exemple.
L'identité individuelle comporte ainsi des éléments divers : le nom de parenté, le prénom usuel ou familial non déclaré à l'état civil et employé dans les relations avec les proches, le surnom, le prénom de l'école, officiellement déclaré à l'état civil et utilisé dans les relations avec l'administration.
Les enjeux de la modernisation de l'état civil sont donc considérables. En effet, il s'agit d'affirmer des droits de la personne en tant que sujet clairement individualisé et d'officialiser dès la naissance une identité permanente. Au-delà de l'usage d'un nom patronymique et de plusieurs prénoms, l'institution d'un état civil universel constitue l'un des éléments de la départementalisation.
Les Mahorais ont été invités à choisir un nom patronymique parmi une liste fixée par une commission du nom patronymique, les enfants légitimes portant le nom de leur père, les enfants naturels celui de leur mère.
La commission de révision de l'état civil chargée d'établir les actes de naissance, de mariage ou de décès qui auraient dû être portés sur les registres de l'état civil de droit commun ou de droit local à Mayotte a commencé ses travaux en avril 2001. Ils doivent durer cinq ans et devraient servir de base à toute réforme ultérieure du statut personnel.