B. UN DISPOSITIF QUI CONSTITUE UNE ÉTAPE
1. L'adaptation des principes de la convention
. La compétence de l'Etat de transmission affirmée
La convention initiale posait déjà la compétence de l'Etat de transmission, mais ne déterminait celle-ci qu'en vertu de critères techniques.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), la compétence incombe désormais à l'Etat dit de transmission, où se déroulent effectivement les activités du radiodiffuseur. Ces dernières peuvent ainsi consister en l'administration ou la programmation, ou, le cas échéant, coïncider avec plusieurs indices matériels précisés à l'article 5-3.
Le choix du critère de l'établissement du radiodiffuseur résulte ainsi de la détermination de l'Etat compétent opérée par la directive 97/36/CE.
. La nouvelle définition de l'abus de droit
En vertu de l'article 24 bis de la Convention précitée, les Parties peuvent s'opposer à la réception d'un programme émis par un radiodiffuseur délocalisé afin de se soustraire aux règles relatives à la publicité et au télé-achat, à la protection des mineurs et de l'ordre public, ou encore aux quotas de diffusion applicables dans l'Etat de réception.
Cette clause émane d'une demande des autorités françaises qui se sont fondées sur la jurisprudence de la CJCE relative à la notion d'abus de droit, se caractérisant par l'activité d'un radiodiffuseur entièrement ou principalement tourné vers le territoire d'une autre Partie que celle compétente à son égard, dans le but de se soustraire à la législation dans les domaines couverts par la convention.
Cependant, cette disposition ne saurait s'appliquer aux relations entre Etats membres de l'Union européenne, régies en l'espèce par le 14 ème considérant de la directive de 1997 qui se réfère explicitement aux précédents arrêts de la CJCE.
Il convient néanmoins de prendre acte du récent revirement de la Cour, laquelle, bien que se prononçant sur les conséquences des éventuelles délocalisations, refuse désormais de reconnaître la compétence des Etats sur les organismes fraudeurs, estimant que cette dernière ne dépend, dans ce cas précis, que de l'établissement du diffuseur.
. La confirmation des objectifs culturels de la convention
Le développement de la production audiovisuelle européenne et la circulation de programmes européens de qualité sont présentés comme des moyens de garantie de l'affirmation culturelle européenne (article 10-1). Il incombe ainsi à chacune des Parties de réserver aux oeuvres audiovisuelles d'origine européenne une proportion majoritaire de leur temps de transmission, à l'exclusion toutefois des plages horaires consacrées aux informations, manifestations sportives, jeux, services de télétexte, ou encore à la publicité et au télé-achat.
Cependant, cette exigence de proportion majoritaire fait l'objet de certaines modérations. D'une part, son respect ne saurait porter atteinte aux échanges entre l'Europe et les pays du Sud, dont les productions audiovisuelles ne doivent pas être pénalisées par de trop stricts quotas appliqués sur l'ensemble des Etats parties à la convention.
D'autre part, il est laissé à chaque partie de transmission une marge d'appréciation pour déterminer " à chaque fois que cela est réalisable ", et d'après les " critères appropriés ", les modalités de réalisation de cette " proportion majoritaire ". En effet, le contexte audiovisuel, les traditions culturelles, ainsi que les impératifs financiers qui lui sont propres doivent être pris en considération. Il convient cependant de noter que ces dispositions de la convention s'inspirent des articles 4 et 5 de la directive révisée en 1997, mais on doit constater l'absence, dans les deux textes, de critère qualitatif (comme l'horaire de diffusion par exemple) pour évaluer la part des programmes d'origine européenne dans les programmes nationaux.
En outre, conformément à l'article 28 de la convention, de telles dispositions ne préjugent pas de la possibilité laissée aux Parties de transmission d'appliquer des règles plus strictes, qui doivent être détaillées aux services de programmes transmis par un radiodiffuseur relevant de leur compétence.
2. L'encadrement partiel d'une technologie en constante évolution
Bien que le présent protocole assure la cohérence de l'approche du Conseil de l'Europe avec celle de la Commission, la radiodiffusion connaît aujourd'hui une mutation accélérée, en raison notamment du développement de la technologie numérique et de l'Internet.
De telles innovations impliqueront, dans un avenir proche, la redéfinition de certaines dispositions de la directive et, partant, de la convention de télévision transfrontière. Ainsi, l'essor de la technologie numérique aura probablement pour conséquence l'introduction de nouvelles techniques de publicité, que le dispositif actuellement en vigueur n'encadre pas.
En outre, l'augmentation du nombre de chaînes disponibles, et la composition prochaine par le spectateur lui-même de ses propres grilles de programmes, notamment grâce au développement des technologies d'enregistrement sur disque dur, devront également être prises en compte.
Trois grandes études sur le domaine de la radiodiffusion ont été récemment réalisées par la Commission, touchant l'impact des mesures destinées à promouvoir la distribution et la production des programmes télévisés européens, l'évolution future du marché, ainsi que les nouvelles techniques publicitaires.
Il est également probable que le développement de l'interopérabilité et des systèmes d'accès conditionnel devra faire l'objet d'un encadrement juridique spécifique.
Aussi, alors que la Commission européenne a déjà proposé, le 12 juillet 2000, une nouvelle directive, dont l'adoption sera l'occasion d'un vaste débat sur la politique audiovisuelle européenne, la convention de télévision transfrontière devra également intégrer les innovations juridiques du prochain texte communautaire, afin de préserver sa cohérence avec les normes définies par la Commission.