II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mardi 30 janvier 2001, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Nogrix sur la proposition de loi n° 317 (1999-2000) présentée par MM. Alain Lambert et Philippe Marini, portant création du revenu minimum d'activité (RMA).
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a tout d'abord exposé le régime des différents minima sociaux existant en France, en opérant une distinction entre ceux qui étaient destinés à des personnes susceptibles de se réinsérer et ceux qui étaient destinés à pallier un handicap ou qui étaient versés à des personnes ayant dépassé l'âge de la retraite.
Il a rappelé que la reprise de la croissance économique n'avait eu que tardivement un effet sur la diminution du nombre des allocataires de minima sociaux et que cet impact était encore modéré.
Il a considéré tout d'abord que ce phénomène pouvait s'expliquer par le fait que l'écart trop faible entre les revenus de remplacement liés aux minima sociaux et les revenus d'activité professionnelle pouvait engendrer une " trappe à inactivité ".
Soulignant l'incidence de la mise en oeuvre de la politique familiale et de l'évolution de la précarité sur le marché du travail, il a évoqué les analyses présentées dans le rapport de M. Jean-Michel Belorgey sur les minima sociaux et dans le rapport du Conseil d'analyse économique sur le plein emploi.
Il a rappelé les conditions dans lesquelles le Gouvernement avait présenté, lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, un mécanisme de ristourne sur la contribution sociale généralisée (CSG) et sur la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui avait été invalidé par le Conseil constitutionnel parce qu'il portait atteinte au principe d'égalité.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a estimé que le second facteur du maintien à niveau élevé du nombre de titulaires des minima sociaux tenait à la difficulté d'embauche de ces derniers dans les entreprises du secteur marchand.
Il a constaté que, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, la reprise économique facilitait la sortie des minima sociaux des personnes les plus jeunes et les plus diplômées sans résoudre la question de la réinsertion de celles qui étaient durablement installées dans des situations d'assistance.
Il a estimé que le revenu minimum d'activité serait un dispositif complémentaire de la future " prime pour l'emploi ", en permettant de favoriser l'embauche de titulaires de minima sociaux par les entreprises afin de réduire le chômage structurel.
Il a indiqué que le RMA reposait sur une convention, conclue entre le bénéficiaire du minimum social, l'employeur et l'Etat, qui prévoyait, dans le cadre d'un accord de branche, le versement en trois ans d'une aide dégressive en faveur de l'entreprise calculée à partir du niveau du minimum social.
M. Philippe Nogrix, rapporteur, a souligné que cette proposition de loi présentait l'avantage d'être d'une grande lisibilité, d'être résolument orientée vers l'insertion dans le secteur marchand des personnes en difficulté et de mettre en place un dispositif qui aurait un caractère automatique pour les entreprises qui y auraient recours.
Soulignant que l'équilibre financier de ce dernier voulu par ses auteurs devait impérativement être respecté, il a indiqué que le dispositif méritait d'être amélioré afin de prévoir un effort de formation en faveur des personnes embauchées, de permettre la prise en charge, dans le cadre de la négociation de branche, des frais de reprise d'un emploi et de veiller à ce qu'il ne soit pas appliqué dans les entreprises qui auraient procédé récemment à des licenciements.
M. Roland Muzeau a estimé que la proposition de loi obéissait à la même logique que celle qui sous-tendait tant la proposition de loi, rapportée par M. Alain Gournac, pour faire face aux pénuries de main-d'oeuvre que le débat sur la " refondation sociale " engagé à l'initiative du mouvement des entreprises de France (MEDEF). Il a estimé qu'en privilégiant le retour des personnes en situation d'exclusion dans le secteur marchand, le dispositif ne ferait qu'intégrer un nombre croissant de salariés dans un régime de précarité du travail et de pression à la baisse des salaires. Il s'est déclaré en accord avec l'analyse du rapporteur concernant l'absence de disposition prévue dans la proposition de loi concernant la formation des personnes embauchées. Il a estimé que les griefs adressés au RMI étaient à la fois " fondés et infondés " dans la mesure où, malgré les difficultés rencontrées par les conseils généraux à mettre en oeuvre le volet relatif à l'insertion, des progrès avaient été constatés depuis deux ans en ce domaine.
M. André Jourdain s'est félicité de la présentation de ce dispositif, en soulignant que le principe de l'activation des dépenses passives d'indemnisation du chômage, pour lequel il avait plaidé depuis de nombreuses années, tardait à être compris par l'Etat. Il a souligné que le dispositif était conçu pour recouvrir le plus largement possible la population des titulaires de minima sociaux, et pas seulement les chômeurs de longue durée.
M. Michel Esneu s'est félicité que le dispositif proposé permette " de lever l'obstacle de l'assistanat " et d'éviter la " déresponsabilisation " des titulaires de minima sociaux. Il a souligné que le RMA viendrait corriger utilement les insuffisances du volet relatif à l'insertion du RMI, dont les départements ne pouvaient être tenus pour responsables. Il a estimé que les entreprises pouvaient jouer un rôle prépondérant pour favoriser l'insertion durable de personnes en difficulté.
M. Alain Gournac s'est déclaré favorable à un dispositif qui permettrait d'éviter l'installation durable des bénéficiaires de minima sociaux dans une situation d'assistance. Il a estimé que le niveau des minima sociaux et la pratique du " travail au noir " se conjuguaient pour rendre peu incitatifs les avantages financiers liés à la reprise d'un emploi salarié.
M. Paul Blanc a estimé que la proposition de loi avançait dans la bonne direction, en regrettant les insuffisances des contrôles sur les revenus liés au travail au noir des bénéficiaires des minima sociaux.
M. Louis Souvet a considéré que la proposition de loi était à la fois réaliste et généreuse. Il a estimé que la proposition de loi pourrait aller de pair avec un toilettage des aides aux entreprises, qui étaient trop complexes, et s'est interrogé sur la durée de la convention de RMA.
En réponse, M. Philippe Nogrix, rapporteur, a rappelé, s'agissant du RMI, que les dispositifs d'insertion n'étaient pas en situation d'échec dans tous les départements, tout en reconnaissant que les commissions locales d'insertion (CLI) rencontraient toujours de nombreuses difficultés concrètes à réinsérer certaines personnes.
S'agissant du champ du dispositif, il a indiqué que celui-ci devait être large et qu'il pourrait être ajusté à mesure que se dérouleraient les navettes parlementaires.
Il a souligné que le dispositif avait pour but de réinsérer à part entière les titulaires de minima sociaux dans les entreprises et d'éviter ainsi que les principes de solidarité collective n'affaiblissent la responsabilité individuelle.
Concernant le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, il a estimé que celui-ci reposait à la fois sur la reprise de la croissance économique, l'amélioration de l'incitation financière à la reprise d'un travail et l'allégement du coût du travail pour l'entreprise, qui devait être considérée à la fois comme partenaire et responsable du dispositif.
Il a précisé que la durée de la convention de RMA résultait de celle de la période de versement de l'aide, c'est-à-dire trois ans, mais que le contrat de travail du salarié serait à durée indéterminée.
La commission a alors adopté les conclusions sur la proposition de loi telles que proposées par le rapporteur.