ANNEXE 1

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000

AUDITION DE M. PIERRE TRUCHE, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

AUDITION DE ME LAURENCE CHARVOZ ET JEAN-FRANÇOIS PIGNIER, DU CENTRE DE DOCUMENTATION, D'ÉDUCATION ET D'ACTION CONTRE LES MANIPULATIONS MENTALES

AUDITION DE M. ANTOINE THIARD, REPRÉSENTANT DE L'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE DÉFENSE DES FAMILLES ET DE L'INDIVIDU

AUDITION DE M. DALIL BOUBAKEUR, RECTEUR DE LA MOSQUÉE DE PARIS, M. JOSEPH SITRUK, GRAND RABBIN DE FRANCE, M. JEAN-ARNOLD DE CLERMONT, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION PROTESTANTE DE FRANCE, ET MGR JEAN VERNETTE, REPRÉSENTANT DE LA CONFÉRENCE DES EVÊQUES DE FRANCE

ANNEXE 1

AUDITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
LE MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000

_____AUDITION DE M. PIERRE TRUCHE,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE
CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME

_______

La commission a procédé à des auditions en prévision de la deuxième lecture de la proposition de loi n° 431 (1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire.

M. Pierre Fauchon, vice-président, a tout d'abord rappelé que la proposition de loi présentée par M. Nicolas About, et adoptée par le Sénat en décembre 1999, avait reçu une plus large portée lors de son examen en juin 2000 par l'Assemblée nationale, ce qui avait pour effet de compliquer le débat.

M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que l'utilité d'une telle proposition de loi avait initialement été mise en cause, certains estimant l'arsenal juridique existant suffisant. Il a rappelé que le dispositif adopté par le Sénat conférait au Président de la République le pouvoir de dissoudre les groupements dangereux, condamnés pénalement à plusieurs reprises ou dont les dirigeants avaient fait l'objet de condamnations pénales multiples, afin que la dissolution puisse atteindre l'ensemble du groupement. Il a souligné que le délit de manipulation mentale introduit par l'Assemblée nationale avait suscité de vives réactions et que la dissolution par décision judiciaire, préférée par l'Assemblée nationale au système du Sénat, existait déjà sans être véritablement utilisée, car d'une efficacité très relative.

Puis la commission a entendu M. Pierre Truche, président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.

M. Pierre Truche a précisé que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, qu'il présidait, avait été saisie, par le garde des sceaux, de la seule question relative à l'instauration d'un délit de manipulation mentale, et qu'il n'émettrait qu'un avis personnel sur celle de la dissolution par décision judiciaire. Estimant qu'il n'était pas nécessaire de créer un délit spécifique, il a considéré en revanche comme envisageable de prévoir des circonstances aggravantes lorsque l'état de dépendance physique ou psychique a été causé par une secte. Il a observé que l'Assemblée nationale, dans sa définition de la manipulation mentale, reprenait les termes de l'article 313-4 du code pénal sur l'abus frauduleux d'état d'ignorance ou de situation de faiblesse et avait considérablement accru le nombre de cas où la responsabilité pénale du groupement, personne morale, pourrait être engagée.

Sur la dissolution des groupements, M. Pierre Truche a estimé que la solution préconisée par le Sénat présentait l'inconvénient de permettre qu'une décision du Président de la République soit soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme au regard des dispositions de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme prévoyant certaines exceptions à l'exercice des libertés fondamentales. Il a à cet égard rappelé que le caractère tardif de la ratification de cette Convention par la France s'expliquait par la volonté de ne pas exposer des décisions prises par le Président de la République sur le fondement de l'article 16 de la Constitution au contrôle de la Cour de Strasbourg. Concernant la dissolution judiciaire, retenue par l'Assemblée nationale, M. Pierre Truche a souligné les obstacles auxquels se heurterait sa mise en oeuvre du fait des formes multiples adoptées par les groupements concernés et des difficultés à recueillir des preuves pour mettre en cause le groupement, non seulement dans son antenne locale, mais également dans ses ramifications nationales. Il a estimé que la voie pénale était néanmoins celle qui offrait les meilleures possibilités d'investigation.

Admettant l'inconvénient lié à l'éventualité d'un contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l'Homme sur un décret du Président de la République tout en s'interrogeant sur les moyens juridiques permettant un tel recours, M. Nicolas About, rapporteur, a estimé que la voie judiciaire était inopérante pour obtenir une dissolution consolidée de l'ensemble d'une nébuleuse sectaire.

En réponse, M. Pierre Truche a indiqué que les avocats des groupements sectaires n'hésiteraient pas à invoquer, à l'appui de leur recours, l'atteinte portée à la liberté de religion sur le fondement de la Déclaration européenne des droits de l'Homme.

Après avoir observé que la connaissance de l'existence d'un groupement intervenait souvent longtemps après le début de son implantation, M. Pierre Truche a estimé que seule l'action pénale, par les moyens d'investigation qu'elle offrait, était de nature à permettre d'appréhender les différentes ramifications du groupement, le parquet restant cependant maître de limiter ou d'élargir le champ de l'instruction.

En réponse, M. Pierre Truche a confirmé la rareté des condamnations prononcées en la matière, la responsabilité de la personne morale ne pouvant être recherchée que lorsque l'infraction a été commise pour son compte. Il a indiqué que l'instauration d'une circonstance aggravante liée à une dépendance psychologique créée par le groupement serait un moyen de faciliter cette recherche de responsabilité en obligeant le juge d'instruction à rechercher comment fonctionne le groupement.

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