D. LA PROTECTION SOCIALE ET LA RETRAITE
1. Le cadre législatif
• Les élus ayant suspendu leur contrat de travail ou ayant été placés en position de détachement pour l'exercice de leur mandat 13 ( * ) , lorsqu'ils ne relèvent plus à titre obligatoire d'un régime de sécurité sociale, sont affiliés au régime général, pour les prestations en nature de l'assurance maladie , maternité et invalidité (non les prestations en espèces), les cotisations étant calculées sur la base des indemnités de fonction effectivement perçues.
De même, s'ils n'acquièrent aucun droit à pension au titre d'un régime obligatoire d'assurance vieillesse , les élus ayant suspendu leur contrat de travail sont affiliés à l'assurance vieillesse du régime général , les cotisations étant également calculées sur la base des indemnités de fonction.
Il en résulte que toute extension de la législation sur la suspension du contrat de travail de l'élu aurait pour effet une extension parallèle de ce régime de protection sociale.
• Tous les élus titulaires d'une indemnité de fonction -qu'ils exercent simultanément une activité professionnelle ou non- sont obligatoirement affiliés au régime complémentaire de retraite des agents des collectivités territoriales (IRCANTEC). Ces cotisations, supportées par les élus et les collectivités, sont assises sur les indemnités perçues.
Les pensions perçues à ce titre sont cumulables sans limitation avec toutes autres pensions ou retraites.
• Les élus titulaires d'une indemnité de fonction qui continuent d'exercer leur activité professionnelle et d'acquérir des droits à pension au titre d'un régime obligatoire de sécurité sociale peuvent, s'ils le souhaitent, constituer une retraite par rente . La cotisation est supportée à parts égales par les élus et les collectivités, à un taux déterminé par l'élu dans la limite de 8 % de l'indemnité de fonction, pour chaque partie (élu et collectivité).
Le dispositif est destiné à compenser la diminution de la masse salariale (et donc de la base de cotisation vieillesse) des élus qui, tout en poursuivant leur activité professionnelle, ont bénéficié de la législation sur le crédit d'heures.
2. Les propositions
• La mission sénatoriale d'information sur la décentralisation, tout comme l'AMF, ont souhaité que le temps correspondant aux autorisations d'absence pour participer à des réunions et aux crédits d'heures utilisés pour l'exercice d'un mandat électoral, assimilés " à une durée de travail effective pour la détermination (...) du droit aux prestations sociales " selon l'article L. 2123-7 du code général des collectivités territoriales, le soit aussi pour le calcul des cotisations sociales au titre du régime général de la sécurité sociale et de l'assurance chômage .
La mission sénatoriale et l'AMF ont en effet constaté que la formulation actuelle de la loi n'était pas suffisamment précise et avait laissé penser qu'elle ne visait que la durée minimale requise pour l'ouverture d'un droit social et non le calcul du montant de la prestation, d'autant qu'aucune disposition réglementaire n'a été prise, en particulier à propos des cotisations sociales, permettant de clarifier la situation.
Ainsi, faute de rémunération des absences autorisées, aucune cotisation n'est versée pour les heures correspondantes, ce qui réduit les droits des élus en termes d'indemnités journalières d'assurance maladie (calculées sur la base des salaires des trois derniers mois), d'allocation de chômage et de pension de retraite. La mission suggère qu'une table ronde, réunissant les partenaires sociaux et l'Etat, détermine les modalités de prise en charge de la part patronale de ces cotisations.
Par ailleurs, l'Association des maires de France observe que l'élu ayant cessé toute activité professionnelle pour se consacrer à son mandat n'est affilié au régime général de la sécurité sociale que pour les prestations en nature de l'assurance maladie.
Il n'a donc pas droit aux prestations en espèces, ce qui peut, dans certains cas, le conduire à une situation de précarisation.
En effet, le versement des indemnités de fonction est juridiquement lié à l'exercice effectif des fonctions en cause. L'élu qui doit cesser de les exercer pendant une longue maladie se trouve donc privé de ressources.
En conséquence, l'AMF préconise l'institution d'un régime de prestations en espèces au profit des élus en droit de bénéficier d'indemnités de fonction et contraints de cesser momentanément leurs fonctions pour des raisons de santé . ( proposition n° 7)
En outre, l'AMF propose une redéfinition des critères du droit au bénéfice de la pension d'invalidité pour les élus ayant réduit de manière significative leur activité professionnelle . ( proposition n° 8)
En effet, le droit à pension d'invalidité est lié soit à un montant minimum de cotisations, soit à un nombre minimum d'heures de travail.
L'AMF suggère en conséquence un assouplissement de ces critères pour les élus ayant maintenu une activité professionnelle à temps partiel.
Par ailleurs, l'AMF constate la modicité des pensions versées aux élus sur la base de leur affiliation obligatoire au régime de l'IRCANTEC et préconise en conséquence une augmentation des cotisations. ( proposition n° 11)
En effet, la partie de l'indemnité de fonction inférieure au plafond de la sécurité sociale (14.700 F par mois) fait l'objet d'une cotisation de 2,25 % à la charge de l'élu et de 3,38 % à celle de la collectivité.
La pension perçue par un maire ayant accompli deux mandats s'élève actuellement :
- dans une commune de moins de 500 habitants, à 2.655 F par an, soit environ 220 F par mois ;
- dans une commune entre 3.500 et 9.999 habitants, à 9.514 F par an, soit un peu plus de 790 F par mois ;
- dans une commune entre 10.000 et 19.999 habitants, à 12.170 F par an, soit environ 1.015 F par mois.
Si le taux de cotisation était porté à 8 %, comme le propose l'AMF, le montant annuel de pension du maire ayant accompli deux mandats serait porté respectivement, pour les élus des communes de moins de 500 habitants, entre 3.500 et 9.999 habitants, et entre 10.000 et 19.999 habitants à 4.720 F, 16.915 F et 21.635 F par an.
L'Association des petites villes de France (APVF) préconise pour les élus, un régime de " cotisation double " pendant 12 ans (deux mandats locaux complets) ainsi que l'extension aux élus dépourvus d'indemnités de fonction de la possibilité de cotiser au régime de retraite par rente.
La mission sénatoriale d'information sur la décentralisation suggère, de la même manière que l'AMF, une revalorisation des cotisations et des pensions de retraite complémentaire des élus (IRCANTEC).
Elle a également envisagé, à défaut de cette revalorisation, une généralisation à l'ensemble des élus du dispositif facultatif de retraite par rente, actuellement réservé à ceux qui continuent l'exercice de leur activité professionnelle.
En outre, la mission s'est intéressée à la situation des élus qui, dans un premier temps, ont poursuivi leur activité professionnelle et adhéré au régime de retraite par rente de l'IRCANTEC.
Si, dans un deuxième temps, ces élus décident de se consacrer exclusivement à leur mandat, ils ne sont plus autorisés à continuer de cotiser à ce régime de retraite par rente.
La mission propose que, dans ce cas de figure, l'élu puisse maintenir son adhésion à ce régime de retraite par rente pendant toute la durée du mandat.
La commission Mauroy souhaite que soit assurée " la continuité de la couverture sociale des personnes qui accèdent à des fonctions électives " (proposition n° 92) et un maintien des droits à la retraite des élus (proposition n° 93).
Elle suggère aussi la création d'un " congé électif, identique au congé parental " ( proposition n° 95) et de permettre aux communes de rembourser aux conseillers municipaux non indemnisés certains frais résultant de leurs activités publiques tels que frais de garde d'enfant (proposition n° 94).
La proposition de loi de M. Alain Vasselle prévoit, pour sa part, l'institution de cotisations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse au titre du temps passé par l'élu salarié pour l'exercice de son mandat (autorisation d'absence pour réunion et crédits d'heures) , afin de préserver ses droits sociaux ( articles 11 et 12 ).
Les cotisations afférentes seraient prises en charge par un Fonds de la démocratie locale , créé par le texte, qui serait alimenté, pour l'essentiel, par l'État ( article 26 ).
Par ailleurs, la proposition de loi reprend la suggestion de la mission sénatoriale concernant la possibilité pour l'élu de maintenir son adhésion au régime facultatif de rente vieillesse de l'IRCANTEC, lorsqu'il décide, en cours de mandat, de suspendre son contrat de travail ( articles 13 à 15 ).
* 13 On rappellera que les bénéficiaires potentiels de ces dispositions sont, en l'état actuel de la législation :
- les maires,
- les adjoints des communes d'au moins 20.000 habitants
- les présidents et vice-présidents des conseils généraux et régionaux ainsi que des établissements publics de coopération intercommunale.