B. UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES BESOINS DE FONCTIONNEMENT
La diminution de 20 % en trois ans - 1996 à 1999 - des dépenses d'entretien et de fonctionnement courant se traduit clairement au niveau des analyses recueillies au cours des différentes visites effectuées sur le terrain : incapacité d'entretenir le matériel de façon correcte, insuffisance croissante des pièces de rechange, donc, en définitive, détérioration constante de la capacité opérationnelle de l'armée française.
Cette situation regrettable est aujourd'hui confirmée par les trois chefs d'Etat-major, appelés à s'exprimer publiquement devant les assemblées parlementaires.
Pendant la première moitié de l'actuelle loi de programmation, les crédits de fonctionnement ont clairement servi de variable d'ajustement au sein du titre III, pour financer la hausse incompressible des crédits de rémunérations et charges sociales.
Certes, cette tendance est partiellement enrayée depuis la loi de finances initiale 2000, mais il conviendra d'être particulièrement attentif aux conditions d'exécution budgétaire définitive, qui s'écartent souvent sensiblement des prévisions initiales. En outre, la très faible reprise ainsi amorcée ne suffit en aucun cas à pallier les effets du retard accumulé depuis trois ans.
De fait, l'augmentation des crédits de fonctionnement affichée par le projet de loi de finances pour 2001 ne correspond que très partiellement à une réelle amélioration des moyens.
On relèvera au préalable que si la baisse des effectifs liée à la mise en oeuvre de la professionnalisation ne se traduit pas par une diminution des dépenses de rémunérations et charges sociales, elle permet en revanche une économie sensible sur les crédits de fonctionnement - ainsi évaluée à 727 millions de francs pour 2001 - 2 ( * ) .
Or l'essentiel de ces économies de constatation est absorbé par la hausse mécanique de la dotation carburants, majorée de 697,5 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, sur la base d'hypothèses d'ores et déjà dépassées : baril à 20 dollars et dollar à 6,50 F 3 ( * ) , soit une sous-estimation de plus de 70 % du baril actuel exprimé en francs, qui impliquera nécessairement d'importants abondements en cours d'exercice.
Il en résulte que les crédits consacrés à la revalorisation des taux d'activité des forces, fortement soulignée par le Gouvernement, reste en réalité modeste et surtout inférieure aux besoins .
De fait, l'amélioration attendue ne permettra pas de combler l'écart - désormais important - avec l'armée britannique : 81 jours de sortie en moyenne pour l'armée de terre française contre 110 à 150 jours pour les Britanniques ; 90 jours de sortie en mer en moyenne pour la marine française, contre 150 pour les Britanniques ; 181 heures de vol pour les pilotes de combat pour l'armée de l'air française, contre 211 pour les Britanniques.
En tout état de cause, l'effort promis à ce titre risque de faire long feu, dans la mesure où la hausse nouvelle annoncée pour 200 millions de francs 4 ( * ) l'est " à titre non reconductible " à hauteur de 150 millions de francs 5 ( * ) .
Il est donc difficile de conclure, à ce stade, à une réelle amélioration des moyens de fonctionnement et d'entretien. Celle-ci ne permet en tout cas en aucune façon de combler le retard accumulé depuis 1996.
Il en résulte que cette évolution risque de disqualifier la réussite " globale " de la professionnalisation de l'armée française.
On relèvera en conclusion que, en 1999, le montant des moyens de fonctionnement par militaire est, en France, le plus bas des grands pays de l'OTAN. Il est deux fois moindre qu'au Royaume-Uni, et près de trois fois inférieur au niveau américain.
Dépenses de fonctionnement rapportées aux effectifs militaires
(Budget et structure OTAN)
- année 1999 -
France : 300 000 F/ homme
Allemagne : 331 000 F/ homme
Royaume-Uni : 612 000 F/ homme
Etats-Unis : 813 000 F/ homme
Source : OTAN, retraitement ministère de la Défense.
* 2. 332 MF pour le fonctionnement courant, 233 MF pour l'alimentation, 162 MF pour la contribution SNCF.
* 3. On soulignera que le budget 2000, fondé sur un baril à 14,6 dollars, et un dollar à 6 F, s'exécute au prix d'un dérapage massif de la dépense carburants, qui aura nécessité en définitive l'inscription de 895 millions de francs supplémentaires en cours d'exercice.
* 4. 120 MF pour l'armée de terre, 40 MF pour la marine, 40 MF pour l'armée de l'air.
* 5. Elle est en effet financée par un prélèvement à due concurrence sur le Compte spécial des subsistances pour l'alimentation (compte de commerce n° 904-01) . Les évaluations pour 2001 prévoient en effet une forte diminution des dépenses de " vivres ", liée à la baisse des effectifs.