II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE REFONTE DU STATUT DES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALES
La proposition de loi cherche à opérer une clarification du régime juridique des sociétés d'économie mixte locales, afin de renforcer leur contribution au développement économique local.
Fondée sur les principes de liberté, de responsabilité et d'efficacité, elle tend, en premier lieu, à mieux préciser la nature et les modalités des concours financiers susceptibles d'être alloués aux sociétés d'économie mixte locales par les collectivités territoriales en leur qualité d'actionnaires et de cocontractants (titre Ier).
A cette fin, la proposition de loi procède à plusieurs aménagements de la structure actuelle du code général des collectivités territoriales.
Le chapitre III (" Modalités d'intervention ") du titre II (" Sociétés d'économie mixte locales " ) du livre V (" Dispositions économiques " ) de la première partie (" Dispositions générales ") du code général des collectivités territoriales traiterait désormais des " concours financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements " (article 1 er ) . Les articles L. 1523-1 et L. 1523-2 recevraient une nouvelle rédaction (article 2).
Les dispositions actuelles de l'article L. 1523-1 seraient transférées à l'article L. 1524-6 , insérées dans le chapitre IV du titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales (article 6). Ce chapitre actuellement consacré à l'" administration " et au " contrôle " des sociétés d'économie mixte, traiterait désormais des " modalités d'intervention " (article 11).
La proposition de loi cherche à mettre les collectivités locales en mesure d'exercer pleinement leurs responsabilités d'actionnaires. A cette fin les comptes courants d'associés seraient autorisés, selon une procédure visant à garantir l'information et le contrôle des collectivités actionnaires. Ces avances seraient accordées pour une durée maximale de quatre ans. Au terme de cette période, l'apport serait remboursé par la société ou transformé en augmentation de capital.
En leur qualité de cocontractants, les collectivités territoriales et leurs groupements pourraient accorder aux sociétés d'économie mixte locales des concours financiers, dans le cadre des opérations d'intérêt général ou des missions de service public qu'ils leur confient.
L'ensemble de ces concours ne serait pas soumis aux dispositions de droit commun régissant les aides des collectivités locales aux entreprises.
Les collectivités locales pourraient accorder aux sociétés d'économie mixte locales des prêts et des subventions pour la construction et la gestion de logements sociaux, dans les mêmes conditions qu'aux sociétés anonymes d'HLM. Ces concours seraient versés dans un cadre conventionnel, destiné à garantir l'information et le contrôle de la collectivité (articles 3 et 4).
Jusqu'à présent la jurisprudence administrative a considéré que les collectivités locales ne peuvent accorder des aides aux sociétés d'économie mixte que dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales pour le versement des aides des collectivités locales aux entreprises privées.
Il en résulte une situation dans laquelle les SEM immobilières ne bénéficient pas des mêmes possibilités que les organismes HLM.
En effet, en vertu de l'article L. 431-4 du code de la construction et de l'habitation " les départements et les communes peuvent consentir aux organismes d'HLM des prêts dont les conditions générales d'emploi sont déterminées par des conventions établies à cet effet, et leur allouer des subventions ".
Cette distorsion de situation peut paraître paradoxale dès lors que les SEM immobilières exercent une mission d'intérêt général pour la construction et la gestion de logements sociaux, dans des conditions très proches de celles des organismes d'HLM.
Il en résulte des conséquences tout à fait négatives pour l'activité des SEM immobilières qui, dans certaines zones, devraient pouvoir compter sur l'aide des collectivités locales pour assurer l'équilibre financier des opérations locatives à caractère social qu'elles mettent en oeuvre.
Afin de remédier à cette situation, le Sénat, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, a inséré - sur la proposition du Gouvernement modifiée par un sous-amendement de notre collègue Jean-Pierre Schosteck - deux nouvelles dispositions dans le code général des collectivités territoriales (article 25 sexies du projet de loi).
La première de ces dispositions ( article L. 1523-5 nouveau du code général des collectivités territoriales) reconnaît aux collectivités territoriales et à leurs groupements la faculté d'accorder aux SEM immobilières des subventions ou des avances destinées à des programmes de logements et à leurs annexes. Cette faculté sera subordonnée à la condition que les financements de ces programmes soient assortis de maxima de loyers ou de ressources des occupants, déterminés par l'autorité administrative.
La seconde disposition adoptée dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ( article L. 1523-6 nouveau du code général des collectivités territoriales) permet aux communes aux départements de verser ses subventions exceptionnelles aux SEM immobilières confrontées à des difficultés dues à un déséquilibre grave et durable des programmes immobiliers qu'elles mettent en oeuvre. Ces subventions doivent être destinées à la mise en oeuvre de mesures de redressement dans le cadre d'une convention passée avec la SEM. Cette convention doit préciser la nature, le montant et la durée des subventions ainsi attribuées. Sont en outre prévues les modalités de vote de ces aides par les assemblées délibérantes ainsi que l'information régulière de ces dernières (au minimum une fois par an) sur la mise en oeuvre effective des mesures de redressement.
La proposition de loi précise par ailleurs que la participation financière des collectivités locales à des opérations d'aménagement fera l'objet de dispositions spécifiques, prévoyant un contrôle renforcé de la collectivité (article 5).
Le cadre conventionnel des opérations d'aménagement a été précisé lors de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains - qui a été adopté en nouvelle lecture par le Sénat le 18 octobre dernier.
L'article 7 du projet de loi insère un article L. 300-4-1 dans le code de l'urbanisme, qui précise que lorsqu'une collectivité ou un groupement a décidé de confier une telle opération à un aménageur - notamment une société d'économie mixte locale - et décide de financer tout ou partie des acquisitions foncières et des équipements publics, la convention doit préciser, à peine de nullité :
- les modalités de cette participation financière, qui peut prendre la forme d'apports en nature ;
- le montant total de cette participation et, s'il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ;
- les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par la collectivité ou le groupement contractant (à cet effet, la société doit fournir chaque année un compte rendu financier comprenant en annexe différents documents correspondant aux documents requis par l'article L. 1523-3 du code général des collectivités territoriales). L'ensemble de ces documents est soumis à l'examen de l'assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement qui peut procéder à des vérifications dans les mêmes conditions que celles prévues par l'article L. 1523-3. En outre, l'examen de ces documents doit être mis à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante qui se prononce par un vote.
La participation financière de la collectivité ou du groupement est approuvée par l'assemblée délibérante. Toute révision de cette participation doit faire l'objet d'un avenant à la convention, approuvé par l'assemblée délibérante au vu d'un rapport spécial établi par l'aménageur.
Le titre II de la proposition de loi clarifie le statut des élus administrateurs des sociétés d'économie mixte locales.
Ces élus se trouvent, en effet, exposés au risque d'être poursuivis sur le fondement de la prise illégale d'intérêt ou du délit de favoritisme alors qu'ils n'ont aucun intérêt personnel dans la société.
Afin de prévenir la survenance de ces risques, les représentants des collectivités ne pourraient exercer, à l'exclusion de toute autre fonction dans la société - notamment celle de membre du directoire -, que les fonctions de membre ou de président du conseil d'administration ou de surveillance. En outre, le président de la société d'économie mixte ne pourrait ni participer aux commissions d'appel d'offres de la collectivité lorsque la société d'économie mixte est candidate ni prendre part au vote des délibérations de la collectivité lorsque celles-ci concernent les relations entre la collectivité et la société d'économie mixte (article 7).
Le même souci de clarification de la situation juridique des élus mandataires conduit à écarter le risque que ceux-ci soient poursuivis au titre de la prise illégale d'intérêt du seul fait des fonctions qu'ils exercent au nom de la collectivité (article 8).
Le titre III de la proposition de loi tend à surmonter certaines difficultés auxquelles les sociétés d'économie mixte locales ont été confrontées dans l'application du régime juridique des délégations de service public.
Les garanties professionnelles et financières des candidats à l'attribution d'une délégation de service public pourraient être appréciées dans la personne des associés, lorsque la société - quelle que soit sa forme - serait nouvelle ou en voie de constitution (article 9).
En outre, une dérogation au régime de mise en concurrence des délégations de service public serait admise au bénéfice de certaines sociétés d'économie mixte locales répondant à des critères cumulatifs. Seraient concernées des sociétés dans lesquelles une collectivité publique détient une majorité renforcée, qui ont été habilitées par leurs statuts à gérer le service public en cause. Le service ne pourrait pas être subdélégué (article 10).
Le titre IV de la proposition de loi renforce le contrôle démocratique des assemblées délibérantes sur les sociétés d'économie mixte locales.
Outre des modifications d'ordre formel concernant la structure du code général des collectivités territoriales (article 11), il prévoit l'inscription obligatoire à l'ordre du jour des assemblées délibérantes du rapport annuel que le délégataire de service public doit remettre à la collectivité déléguante. Cette obligation s'imposerait à toute entreprise délégataire quel que soit son statut juridique (article 13).
Par ailleurs, les dispositions prévoyant les clauses obligatoires devant être insérées dans les conventions passées entre les collectivités locales et les sociétés d'économie mixte seraient désormais circonscrites aux concessions et conventions d'aménagement (article 12).
Le titre V de la proposition de loi tend à encourager la participation de collectivités étrangères au capital de sociétés d'économie mixte.
Alors que dans le droit en vigueur, les collectivités étrangères ne peuvent entrer dans le capital d'une société d'économie mixte locale qu'au titre de la fraction minoritaire du capital non détenu par les collectivités, toutes les collectivités - qu'elles soient françaises ou étrangères - seraient désormais sur un pied d'égalité. En outre, l'objet social des sociétés d'économie mixte transfrontalières - actuellement limité à l'exploitation de services publics d'intérêt commun - serait élargi à l'ensemble des activités pouvant entrer dans le champ de compétences des sociétés d'économie mixte locales (article 14).
Le titre VI de la proposition de loi regroupe des dispositions diverses.
Les collectivités territoriales seraient autorisées à participer au capital d'une société d'économie mixte dans le cas où l'activité principale de cette société relève de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale, dès lors que la mission confiée à la société présente un caractère d'intérêt général pour ces collectivités (article 15).
Les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au redressement et à la liquidation des entreprises seraient harmonisées avec le régime issu de la loi du 25 janvier 1985 (article 16).
Un Conseil supérieur de l'économie mixte serait institué. Placé auprès du ministre en charge des collectivités territoriales, il contribuerait, par ses études et ses avis, à l'évaluation de l'apport des sociétés d'économie mixte aux politiques publiques locales ainsi qu'à l'harmonisation du droit de l'économie mixte locale.
Enfin, la représentation des sociétés d'économie mixte au sein des conseils économiques et sociaux régionaux serait assurée dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État (article 17).