III. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'ADOPTION DE LA PROPOSITION DE LOI
Votre commission des Lois a approuvé dans son principe le dispositif qui vous est soumis. Marqué par de nombreuses insuffisances, le régime actuel des sociétés d'économie mixte locales mérite d'être aménagé afin de permettre à ces sociétés de jouer pleinement leur rôle au service du développement local.
Cette modernisation du régime des sociétés d'économie mixte locales ne peut être dissociée de la question plus générale des outils mis à la disposition des collectivités locales pour mettre en oeuvre les missions qui leur ont été confiées par la loi.
Le rapport de notre collègue Michel Mercier au nom de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation, présidée par notre collègue Jean-Paul Delevoye, a souligné, à juste titre, la nécessité de promouvoir des formules institutionnelles adaptées qui garantissent à la fois l'efficacité et la sécurité juridique de l'action publique locale.
Comme l'a relevé la mission d'information, la modernisation du régime des sociétés d'économie mixte locales constitue l'un des volets de cette nécessaire adaptation.
A la lumière des expériences européennes, on peut néanmoins se demander si la présente refonte du statut des sociétés d'économie mixte locales ne devrait pas être approfondie dans les prochaines années, afin que les collectivités disposent pleinement des outils nécessaires pour mener à bien les projets entrant dans le champ de leurs compétences. Au regard des solutions retenues dans les États voisins, la pertinence des règles établissant un plafonnement de la participation des collectivités publiques au capital de ces sociétés peut en particulier être débattue.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous soumet plusieurs modifications au dispositif de la proposition de loi.
Elle vous propose en premier lieu une clarification concernant la structure du titre du code général des collectivités territoriales relatif aux sociétés d'économie mixte locales.
Tout en retenant l'idée d'un chapitre consacré aux concours financiers des collectivités locales aux sociétés d'économie mixte locales, votre commission des Lois a néanmoins jugé préférable de créer à cette fin un chapitre II bis dans le titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. Ce chapitre comprendrait les articles L. 1522-4 et L. 1522-5 correspondant à l'objet des dispositions prévues par l'article 2 de la proposition de loi . Ne seraient donc pas repris dans le texte de la commission les articles premier, 6 et 11 qui opéraient de simples modifications de structure.
Le texte proposé par votre commission des Lois prend par ailleurs en compte les délibérations du Parlement à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, adopté en nouvelle lecture par le Sénat le 19 octobre dernier. En effet, plusieurs dispositions de la proposition de loi ont été insérées, sous réserve de quelques aménagements, dans ce projet de loi, sur l'initiative ou avec l'accord du Sénat.
Tel est le cas des articles 3 et 4 (octroi de subventions et prêts aux sociétés d'économie mixte exerçant une activité de construction) et de l'article 5 (conditions de financement d'une opération d'aménagement).
En conséquence, votre commission des Lois vous propose de ne pas inscrire ces dispositions, qui feront l'objet d'une lecture définitive par l'Assemblée nationale le 21 novembre prochain, dans le texte qu'elle vous soumet. Il en résulte une nouvelle numérotation des articles dans les conclusions de votre commission des Lois.
Il convient, par ailleurs, de mieux préciser les dispositions relatives aux concours financiers des collectivités locales aux sociétés d'économie mixte. D'une part, afin de lever toute ambiguïté, les différents concours pouvant être versés doivent être expressément énumérés. D'autre part, les règles régissant les avances en compte courant d'associés paraissent devoir être complétées afin de mentionner dans la convention la nature du concours versé, de prévoir la détermination par un décret en Conseil d'Etat des conditions de rémunération de ces avances et, enfin, de spécifier que la consolidation en capital de ces avances ne pourra avoir pour effet de remettre en cause le plafonnement de la participation de la collectivité au capital de la société (article 1 er du texte proposé).
Par une disposition nouvelle, votre commission des Lois vous propose de préciser que la fraction de la participation d'une collectivité territoriale ou d'un groupement au financement d'une opération d'aménagement, qui concerne des acquisitions foncières ou des équipements publics destinés à intégrer le patrimoine de la collectivité ou du groupement , ouvre droit au bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (article 2 du texte proposé).
Votre commission vous propose de reprendre les dispositions des articles 7 et 8 de la proposition clarifiant le statut des administrateurs qu'elle approuve pleinement et pour lesquelles elle ne vous propose que des modifications formelles ( articles 3 et 4 du texte proposé )
Pour ce qui est du régime des délégations de service public qui font l'objet des articles 9 et 10 de la proposition de loi, tout en jugeant nécessaire de prévoir des règles spécifiques pour les sociétés nouvellement créées, votre commission des Lois vous suggère de prendre en compte, pour l'appréciation des garanties financières et professionnelles de la société, les " qualifications professionnelles réunies au sein de la société " de préférence à une appréciation par définition plus subjective et aléatoire de la " personne des salariés " (article 5 du texte proposé).
En revanche, l'exemption des procédures de mise en concurrence, prévue par l'article 10 de la proposition initiale, au bénéfice des sociétés d'économie mixte dont une collectivité détient les deux tiers du capital, ne semble pouvoir être admise.
Trois séries d'exceptions à l'application des règles de passation des délégations de service public, issues de la loi du 29 janvier 1993, sont actuellement autorisées. Outre le cas des délégations d'un faible montant, ces dérogations concernent - en application de l'article L. 1411-12 - les cas où la loi institue un monopole au profit d'une entreprise et ceux où le service est confié à un établissement public et à condition que l'activité déléguée figure expressément dans les statuts de l'établissement.
Le législateur de 1993 avait en outre jugé nécessaire de prévoir la même dérogation pour toutes les sociétés dont le capital est directement détenu par la collectivité déléguante et à la seule condition que l'activité déléguée figure expressément dans leurs statuts.
Mais le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions. Il a, en effet, considéré qu'elles méconnaissaient le principe d'égalité dans la mesure où elles ne pouvaient se justifier ni par les caractéristiques spécifiques du statut des sociétés en cause, ni par la nature de leurs activités , ni par les difficultés éventuelles dans l'application de la loi propres à contrarier les buts d'intérêt général que le législateur a entendu poursuivre ( décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 ).
En vertu de l'article 10 de la proposition de loi, seraient également dispensées de ces règles les sociétés d'économie mixte locales dont les deux tiers du capital sont détenus par la collectivité publique ou le groupement déléguant qui l'a habilitée par ses statuts à gérer le service public concerné. Cette exception s'appliquerait sous réserve que la société ne subdélègue pas le service.
Il s'agit donc par cette disposition de viser des sociétés caractérisées par une prédominance de l'actionnaire public. Ainsi libellée, cette exception apparaît clairement plus restrictive que les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 1993. Celles-ci prévoyaient, en effet, que ne seraient pas soumises au nouveau régime de passation des délégations de service public toutes les sociétés dont le capital était directement ou indirectement majoritairement détenu par la collectivité déléguante. La seule condition qu'elles posaient portait sur la mention expresse de l'activité déléguée dans les statut de la société.
Après que votre rapporteur a envisagé de ne prendre en compte que les seules sociétés d'économie mixte dont les collectivités détiennent le maximum de participation autorisée par la loi, soit 80% du capital dans le droit en vigueur, votre commission des Lois a néanmoins estimé que cette précision ne permettait pas de surmonter les obstacles d'ordre constitutionnel. Elle a en outre considéré qu'une telle disposition risquait d'être en contradiction avec les exigences résultant du droit communautaire.
S'agissant des procédures de contrôle des sociétés d'économie mixte par les collectivités locales, votre commission des Lois vous suggère de reprendre, sous réserve de les préciser, les dispositions de l'article 12 de la proposition de loi, qui prévoient que les conventions publiques d'aménagement passées avec une société d'économie mixte doivent comporter un certain nombre de clauses obligatoires ( article 6 du texte proposé ).
De même, l'examen, par l'organe délibérant de la collectivité, du rapport annuel du délégataire - obligation prévue par l'article 13 de la proposition de loi - présente un progrès notable dans la transparence de l'exécution des délégations de service public. La commission des Lois a néanmoins souhaité remplacer le vote prévu par la proposition initiale par une simple prise d'acte de la part de l'assemblée délibérante ( article 7 du texte proposé ).
Votre commission des Lois a également souscrit aux dispositions de l'article 14 de la proposition de loi, relatives à la participation des collectivités étrangères au capital des sociétés d'économie mixte. Cette participation ne doit, en effet, pas être réservée aux collectivités des États limitrophes ainsi qu'il résulterait du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ( article 8 du texte proposé ).
Le texte proposé par votre commission des Lois ne reprend pas, en revanche, les dispositions de l'article 15 de la proposition de loi qui tend à autoriser les collectivités à participer au capital d'une société d'économie mixte locale alors même que l'activité principale de cette société relève d'une compétence transférée.
Le régime de retour des biens à la collectivité en cas de liquidation judiciaire des sociétés d'économie mixte est utilement coordonné avec la loi du 25 janvier 1985 ( article 9 du texte proposé ).
Enfin, votre commission n'a pas jugé nécessaire la création d'un Conseil supérieur de l'économie mixte proposé par l'article 17 de la proposition de loi initiale. Elle a, en effet, considéré que la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte était tout à fait à même de faire part aux pouvoirs publics de son expérience et de ses réflexions sur les questions intéressant l'économie mixte.
Votre commission n'a pas non plus souhaité prévoir une représentation spécifique des sociétés d'économie mixte au sein des conseils économiques et sociaux régionaux. En effet, l'article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales renvoyant au règlement la composition de ces conseils, il ne paraît pas judicieux de mentionner spécifiquement dans la loi les sociétés d'économie mixte. Le décret n° 82-866 du 11 octobre 1982 fixant la composition de ces conseils ne prévoit d'ailleurs pas la représentation des entreprises en fonction de leur nature juridique. Il attribue au moins 35% des sièges " aux représentants des entreprises et activités professionnelles non salariées dans la région, quel que soit la nature de leur activité et leur statut juridique ". Les sociétés d'économie mixte peuvent donc être représentées au même titre que les autres sociétés si l'activité de certaines d'entre elles revêt une importance particulière pour la région.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.