RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

En 1997-1998, le nombre de lois adoptées définitivement par le parlement a très nettement diminué par rapport aux périodes précédentes, mise à part l'année 1996-1997 qui n'est pas significative en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale le 21 avril 1997. 46 lois seulement (hors conventions) ont été votées, à comparer à une valeur moyenne sur une décennie, de 60 lois par an.

Figurent, dans ce total de 46, des lois qui, dites d'application directe, ne nécessitent aucun texte réglementaire. Elles sont au nombre de 13.

Il reste donc 33 lois à considérer, dont 26 demeurent non applicables ou partiellement applicables en fin de période.

Ces 33 lois exigeaient 358 mesures réglementaires. Seulement un peu plus d'un cinquième ont été prises (176, soit 21 %), auxquelles s'ajoutent les textes réglementaires que le gouvernement a jugé nécessaires sans qu'ils aient été expressément prévus par le législateur.

En 1996-1997, le taux d'exécution équivalent était de 52 %. Mais on ne peut procéder à des comparaisons pertinentes, car l'appréciation des évolutions est faussée par le changement de majorité à l'Assemblée nationale et la nomination du nouveau gouvernement qui en a résulté.

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Les commissions permanentes ont analysé le " flux " des mesures réglementaires prises au cours de l'année, pour mettre en application les lois les plus récentes comme celles votées au cours des législatures précédentes. Elles ont également analysé le " stock " de dispositions législatives qui attendent, parfois de longues années, les textes réglementaires prévus. Elles se sont interrogées sur les effets de l'alternance politique sur l'application des lois.

Leurs observations, riches d'exemples concrets qui permettent d'illustrer les statistiques et de compenser leur sécheresse, mettent en évidence quelques constantes, nuancées par quelques particularités.

• Les lois à caractère financier sont celles qui, en raison même de leur nature, sont appliquées le plus rapidement ; il est rare qu'elles attendent des textes réglementaires plus de trois ou quatre ans.

• Les lois d'ordre culturel souffrent de retards importants (loi de 1984 sur l'enseignement supérieur ; loi de 1992 sur les activités physiques...).

• Les lois d'ordre économique présentent la même caractéristique (loi de 1986 sur la recherche scientifique marine ; loi de 1994 sur l'ordre des géomètres-experts ; loi de 1996 sur les expérimentations dans le domaine des technologies) ; il faut remonter à 1982 (loi sur la création d'offices agricoles) pour trouver une loi encore partiellement applicable.

• Les lois sociales , qui nécessitent le plus grand nombre de mesures d'application (50 % des mesures prises pour les lois votées en 1997-1998), entrent en application dans des délais très variables, beaucoup plus rapides lorsqu'elles concernent la législation du travail que la sécurité sociale ou, surtout, la santé.

L'année 1997-1998 offre plusieurs exemples frappants de la célérité dont le gouvernement est capable pour engager l'application des lois qu'il juge prioritaire , notamment -mais pas seulement- lorsqu'il avait demandé l'urgence. Aussi, les textes d'application des lois sur les emplois-jeunes, sur la réduction du temps de travail, ou bien sur la pêche et les cultures marines ont été publiés dans des délais particulièrement brefs.

Volonté politique ou pression des circonstances , plusieurs lois votées au cours de la législature précédente ont vu leur application s'accélérer , par exemple la loi de janvier 1997 relative à certains contrats de services et de fournitures, la loi de décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs, la loi de décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, la loi de juillet 1996 sur la réglementation des télécommunications.

• On observe une différence de traitement manifeste entre les lois jugées prioritaires et toutes les autres. Cette situation est imputable à l'inertie des administrations centrales, aux prises avec de multiples concertations ou confrontées à des difficultés techniques. Plus les retards s'accumulent, plus le travail du législateur risque de devenir caduc, en raison des modifications de l'ordre des priorités politiques, aux effets d'autant plus perturbateurs que les alternances se succèdent à chaque changement de législature. Plusieurs lois votées au cours des années précédentes sont ainsi condamnées à la désuétude, alors même qu'elles n'étaient pas du tout ou peu appliquées, notamment en matière d'épargne retraite, d'immigration ou d'aménagement du territoire.
Quant aux rapports dont la publication est prévue par la loi , les commissions s'accordent pour estimer que malgré une relative amélioration, la communication par le gouvernement des informations et des bilans demandés par les assemblées est excessivement lente et demeure le plus souvent partielle.

• Parmi les lois issues de propositions sénatoriales adoptées définitivement en cours d'année, les textes réglementaires nécessaires pour la mise en oeuvre du bracelet électronique (loi du 19 décembre 1997) et des dispositions nouvelles relatives à la veille sanitaire (loi du 1er juillet 1998) sont attendus avec une vigilance particulière.

Conséquence de l'alternance concernant le Sénat , les mesures réglementaires prévues par les amendements introduits dans la loi en 1997-1998 à son initiative sont moins nombreuses. Mais, plus inquiétant, ces mesures comptent parmi celles dont le taux d'application est le plus faible (2 %).

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Comme ils le font depuis plusieurs années, les sénateurs n'ont pas manqué d'intervenir auprès du gouvernement pour faire respecter la volonté du législateur, trop souvent négligée. Leurs interventions et leurs travaux, qui s'inscrivent dans le cadre de leur mission de contrôle du gouvernement et d'évaluation de la législation, montrent qu' ils entendent observer non seulement si les lois sont applicables, mais aussi comment elles sont appliquées et quels sont leurs effets.