II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le jeudi 8 juin 2000 sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé
à
l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Louis Lorrain
sur
le
projet de loi n° 342
(1999-2000), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation pour l'outre-mer
.
Après avoir rappelé que, dans sa réunion du 9 mai 2000, la
commission avait demandé à être saisie pour avis du projet
de loi d'orientation, celui-ci comportant un important volet social,
M.
Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a indiqué que ce texte
avait suscité outre-mer beaucoup d'attentes, mais aussi beaucoup
d'inquiétudes, comme avait pu le constater la commission lors de sa
mission d'information en Guyane en juillet 1999.
Observant que ce projet de loi annoncé en octobre 1998 par M. Jean-Jack
Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, avait
été l'occasion pour les acteurs locaux de formuler des
propositions en matière de développement économique et de
lutte contre le chômage, il a souligné que tous insistaient sur
l'urgence à mieux prendre en compte les spécificités des
départements d'outre-mer (DOM) pour relancer la création
d'emplois.
A cet égard, il a insisté sur la profonde dégradation de
la situation sociale des DOM, indiquant que le chômage atteignait 210.000
personnes, soit plus de 30 % de la population active, et que
l'inquiétante détérioration du climat social ne permettait
pas aux partenaires sociaux d'établir un dialogue social constructif. Il
s'est également préoccupé de la montée de
l'exclusion, constatant que 127.000 foyers étaient
bénéficiaires du RMI au 31 décembre 1999, en
progression de 7 % en un an.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a alors
considéré que, face à cette urgence sociale, le projet de
loi ne pouvait que susciter des attentes fortes de la part de la population des
DOM. Il a toutefois regretté que, malgré le souci de concertation
affiché par le Gouvernement, le texte soumis au Parlement soit en
définitive relativement décevant.
Il a alors insisté sur les trois principales insuffisances de ce texte.
Il a précisé que la première insuffisance tenait à
la contradiction entre la volonté d'affichage du Gouvernement et le
contenu réel du projet. Il a ainsi observé que l'intitulé
" loi d'orientation " était sans doute trop ambitieux pour un
texte relevant souvent bien plus du règlement, voire de la circulaire,
que de la loi. Il a également souligné les incertitudes entourant
l'effort financier entraîné par ce texte, constatant que le
Gouvernement annonçait un coût budgétaire de
3,5 milliards de francs pour le seul article 2 du projet de loi, alors que
l'étude d'impact n'évaluait le coût net total du volet
social qu'à 2,7 milliards de francs. Il a alors observé que
cela ne représentait que 6 % des crédits budgétaires
pour 2000 en faveur des DOM.
Il a considéré que la seconde insuffisance était
liée au périmètre trop réduit du projet de loi.
Considérant qu'un véritable pacte en faveur du
développement des DOM devait se fonder sur trois politiques
complémentaires (un plan de rattrapage pour remettre à niveau les
équipements et services collectifs, la mise en place d'un dispositif de
soutien aux investissements, et l'institution d'aides à l'emploi
adaptées au contexte particulier de chaque DOM), il a regretté
que le présent projet de loi ne retienne que l'un de ces trois aspects.
Il a enfin considéré que le projet de loi était inabouti.
Constatant avec satisfaction que le Gouvernement semblait reprendre à
son compte des orientations déjà suggérées au
Sénat (abaissement du coût du travail, incitation à la
reprise d'activités, soutien à la création d'entreprises
et recherche de l'égalité sociale) et choisi de pérenniser
les principaux dispositifs de la loi dite " Perben " du 25 juillet
1994, il a regretté que le Gouvernement n'en ait pas tiré toutes
les conséquences pour bâtir un projet plus ambitieux. Il a alors
exprimé la crainte que l'impact de ce texte ne soit trop faible pour
pouvoir répondre avec efficacité aux défis de l'emploi
d'outre-mer.
Abordant plus en détail les principales dispositions du texte en
matière sociale,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour
avis
, a regretté que l'article 2 concernant les exonérations
des cotisations sociales patronales ne comporte pas un dispositif de plus
grande ampleur s'agissant du montant de l'exonération, du seuil
d'effectifs et des secteurs concernés.
Estimant que le dispositif d'exonération de cotisations sociales des
employeurs et travailleurs indépendants prévu à l'article
3 allait dans le bon sens, il a regretté que l'aide spécifique
à la création d'emplois dans les entreprises exportatrices
prévue à l'article 7 ne soit, en définitive, que la
reprise, certes légèrement améliorée, d'un
dispositif existant. Il a également fait part de ses très fortes
réserves sur la possibilité d'un abandon des dettes fiscales et
sociales prévu aux articles 5 et 6, considérant qu'une telle
disposition soulevait de graves questions de principe et des incertitudes sur
sa constitutionnalité.
Soulignant le risque de la faible portée du système de
" parrainage " proposé par l'article 8, il a estimé
qu'il aurait mieux valu chercher à favoriser l'insertion professionnelle
des jeunes par le développement d'une formation en alternance.
Après avoir exprimé son intérêt pour le projet
" initiative-jeune " de l'article 9, le mécanisme de
congé solidarité de l'article 9 quater, et la création de
l'allocation de retour à l'activité de l'article 13, il a
souligné que son intention était d'en améliorer la
portée.
S'agissant de l'égalité sociale, il a estimé que le
compromis adopté à l'Assemblée nationale sur un alignement
en trois ans du revenu minimum d'insertion (RMI) lui semblait être un bon
compromis, même s'il était nécessaire d'intégrer
dans la loi ses conséquences en termes d'augmentation des crédits
d'insertion départementaux. Il a également
considéré qu'un alignement dans un délai inférieur
à 7 années de l'allocation de parent isolé était
sans doute pour l'instant prématuré, dans la mesure où cet
alignement ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une réelle politique
familiale.
Il a alors conclu son propos en estimant que le projet de loi, dans sa
rédaction actuelle, allait certes dans le bon sens, mais n'était
sans doute pas à la hauteur des enjeux pour l'outre-mer.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Guy Fischer
, jugeant la situation économique des DOM
très préoccupante, a insisté sur la
nécessité d'être attentif aux propositions des acteurs
locaux. Il a également observé un décalage entre le texte
proposé et ce qu'aurait pu être une réelle loi
d'orientation.
M. Lylian Payet,
après avoir déclaré avoir
apprécié l'évolution de la position du rapporteur sur le
RMI, a rappelé qu'un alignement immédiat de cette allocation
était indispensable.
M. Paul Vergès
a exprimé sa crainte que le projet de loi
ne soit pas en adéquation avec l'ampleur des problèmes que
rencontre aujourd'hui l'outre-mer. Il a notamment insisté sur le poids
des facteurs démographiques, sur les conséquences du coût
du travail et de l'impact des sur-rénumérations dans la fonction
publique, sur les difficultés rencontrées pour
l'intégration économique régionale et sur la
nécessité d'assurer une amélioration des qualifications.
Après s'être également prononcé en faveur d'un
alignement immédiat du RMI, il a considéré que le projet
de loi, tout en comportant de nombreux aspects positifs, ne correspondait pas
à la gravité de la situation. Il a toutefois
déclaré qu'il était favorable à son adoption.
M. Dominique Larifla
a à son tour insisté sur la
dégradation de la situation économique des DOM en dépit du
soutien de la métropole avec, par exemple, la loi " Pons " ou
la loi " Perben ". Il a considéré que le projet de loi
ne serait pas la panacée, et qu'un développement durable passait
nécessairement par la poursuite du dialogue avec les forces vives des
DOM et par une meilleure intégration de ceux-ci dans leur environnement
régional. Il a toutefois déclaré qu'il était
favorable à ce texte malgré ses insuffisances.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a rappelé que ses
propositions faisaient suite à une consultation très large des
élus et des différents acteurs locaux des DOM. S'agissant de
l'alignement du RMI, il a indiqué qu'il ne proposait pas d'amendement
à l'article 11, mais qu'il allait présenter un amendement portant
article additionnel après l'article 11 visant à assurer la
compensation par l'Etat des dépenses d'insertion supplémentaires
pour les départements. Il a enfin précisé que ses
propositions tendaient à favoriser avant tout le retour à
l'emploi des allocataires du RMI.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés
par le rapporteur pour avis.
A
l'article 2
(exonération de cotisations sociales patronales),
la commission a adopté un premier amendement prévoyant la
majoration du plafond ouvrant droit à exonération à
1,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), un
second amendement visant à étendre le seuil d'effectifs ouvrant
droit au bénéfice de l'exonération aux dix
premières rémunérations pour toutes les entreprises
jusqu'à 20 salariés, et un troisième amendement
étendant le champ des secteurs exonérés. Elle a
également adopté cinq amendements rédactionnels.
A
l'article 3
(cotisations sociales des employeurs et travailleurs
indépendants), elle a adopté un amendement prévoyant la
mise en place d'un dispositif de recouvrement coordonné des cotisations
sociales. Elle a également adopté un amendement visant à
suspendre temporairement les poursuites engagées contre les
médecins installés dans un DOM avant 1968 et n'ayant jamais
répondu à l'appel à cotisations, et un amendement de
suppression du paragraphe IV de cet article concernant l'état de
catastrophe naturelle, le rapporteur pour avis précisant qu'un
amendement reprendrait ultérieurement la notion de force majeure.
A
l'article 5
(plan d'apurement des dettes sociales) après un
échange de vues où sont intervenus
M. Jean Delaneau,
président, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis et M. Paul
Vergès
, la commission a adopté, outre plusieurs amendements
rédactionnels, un amendement étendant de six à douze mois
la durée d'élaboration du plan d'apurement ainsi qu'un amendement
supprimant la possibilité d'un abandon des dettes sociales.
A
l'article 6
(plan d'apurement des dettes fiscales), elle a
adopté plusieurs amendements de cohérence avec les amendements
adoptés à l'article 5.
A
l'article 7
(soutien et désenclavement des DOM), elle a
adopté un amendement majorant le plafond ouvrant droit à
l'exonération prévue à l'article 2 dans la limite du
plafond de la sécurité sociale pour les entreprises
agréées au titre de cet article. Elle a également
adopté un amendement permettant à l'Etat de participer au
financement des actions tendant à favoriser la diversification des
débouchés commerciaux.
A
l'article 8
(mise en place d'un système de
" parrainage "), elle a adopté trois amendements visant
à ouvrir le dispositif aux jeunes en contrat d'accès à
l'emploi, en contrat d'adaptation ou en contrat d'orientation ainsi que deux
amendements rédactionnels.
A
l'article 9
(projet initiative-jeune), la commission a adopté
un amendement visant à étendre le bénéfice de
l'aide à la formation professionnelle pour tout organisme de formation
agréé à ce titre par l'Etat après avis du
président du conseil régional, et un amendement permettant aux
jeunes d'être éligibles aux aides à la création
d'entreprises.
Après l'article 9
, la commission a adopté deux amendements
portant
articles additionnels
, le premier visant à étendre
dans les DOM le champ des activités ouvertes aux emplois-jeunes à
la coopération internationale régionale et à l'aide
humanitaire, et le second visant à recentrer le contrat d'accès
à l'emploi vers les jeunes les plus en difficulté.
A
l'article 9 quater
(création du congé
solidarité), elle a adopté plusieurs amendements
rédactionnels, mais aussi un amendement reportant au
31 décembre 2001 la date-limite de conclusion de la convention
cadre, un amendement ramenant à un an la condition d'ancienneté
nécessaire pour bénéficier du congé
solidarité, un amendement ramenant à cinq ans la durée
d'affiliation à l'assurance vieillesse nécessaire pour
bénéficier du congé solidarité, et un amendement
supprimant l'obligation pour l'entreprise d'avoir réduit la durée
du travail à 35 heures hebdomadaires pour bénéficier
du congé solidarité.
A
l'article 10
(titre de travail simplifié), la commission a
adopté un amendement étendant le champ d'utilisation du titre de
travail simplifié aux associations. Constatant que les entreprises du
secteur agricole bénéficiaient déjà du titre emploi
simplifié agricole, elle a adopté, par coordination, un
amendement les excluant du bénéfice du titre de travail
simplifié.
Elle a également adopté un amendement précisant que le
titre du travail simplifié était réputé satisfaire
l'obligation de déclaration préalable d'embauche, un amendement
précisant que le calcul forfaitaire des cotisations sociales
s'appliquait même pour les professions bénéficiant d'une
caisse de congés payés, et un amendement prévoyant que les
salariés bénéficiant de ce titre n'étaient pas pris
en compte pour le calcul des effectifs.
Après l'article 11
(alignement du RMI), la commission a
adopté un amendement portant
article additionnel
visant à
compenser la charge supplémentaire résultant pour les finances
départementales, au titre des crédits d'insertion, de
l'alignement du RMI.
A
l'article 12
(renforcement de l'insertion et du contrôle), la
commission a adopté un amendement précisant les partenaires
pouvant être associés à l'élaboration du programme
local d'insertion.
A
l'article 13
(allocation de retour à l'activité), elle a
adopté un amendement visant à permettre aux titulaires de
l'allocation veuvage de bénéficier de l'allocation de retour
à l'activité (ARA), un amendement permettant aux associations
d'embaucher un titulaire de l'ARA, un amendement prévoyant que l'ARA
est gérée par la caisse d'allocations familiales ainsi qu'un
amendement rédactionnel.
Enfin,
après l'article 13
, elle a adopté un amendement
visant à insérer un
article additionnel
prévoyant
la mise en place de conventions de retour à l'activité ouvertes
aux personnes allocataires du RMI depuis plus d'un an et concluant un contrat
d'accès à l'emploi à mi-temps.