B. LES POUVOIRS PUBLICS FACE AUX CRISES AGRICOLES
1. La question ovine
a) Les difficultés rencontrées par les éleveurs ovins sur les marchés
La
situation du marché ovin connaît depuis plusieurs mois des
difficultés, aggravées par les conséquences
négatives de la crise russe, notamment sur les ventes des peaux d'ovins.
Le repli des prix à la production a ainsi affecté la plupart des
Etats membres, en particulier britannique et irlandais. En outre, en
dépit de la mauvaise conjoncture de l'année qui vient de
s'écouler, la Commission européenne a décidé
d'abaisser le coefficient technique qui détermine le poids de viande
d'agneau compensée par brebis.
Votre rapporteur pour avis se félicite que la France se soit
vigoureusement opposée à cette décision
qui,
ajoutée au passage à l'Euro dès le 1
er
janvier
1999, limitait la revalorisation de la prime compensatrice ovine (PCO). Il n'en
reste pas moins que cette prime s'est vue revalorisée de 47 % alors
que la cotation nationale avait enregistré un recul inférieur
à 10 %. Afin de compenser la baisse des aides directes liées
à l'abandon du taux de conversion agricole et du passage à
l'Euro, une aide compensatoire agrimonétaire a été
instaurée en décembre 1998.
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis estime que c'est avec une attention
toute particulière que le ministère de l'agriculture et de la
pêche doit surveiller l'évolution
des importations en
provenance des pays tiers et notamment de la Nouvelle-Zélande
afin que soient strictement respectés les contingents d'importation.
Certes, les autorités françaises ont sensibilisé la
Commission européenne aux difficultés que susciterait un
dérapage des importations de viandes réfrigérées.
Néanmoins, en attendant la révision des conditions d'importation
en provenance des pays tiers,
il est clair que la meilleure défense
de la production ovine passe par la traçabilité, l'information
des consommateurs et la segmentation du marché.
En outre, si le projet de réforme de la politique agricole commune ne
concerne pas l'organisation commune de marché dans le secteur ovin,
votre rapporteur pour avis estime nécessaire d'être prudent avant
d'envisager toute révision de cette OCM dont la plupart des
modalités restent globalement favorables aux spécificités
de l'élevage ovin français. Selon le Ministère, une
révision des conditions d'attribution de la PCO ou de la prime monde
rural (dont bénéficient 85 % des producteurs
français) aurait certainement pour conséquence une diminution du
taux de retour de la France. De la même façon, intégrer la
production ovine dans les mesures d'extensification amènerait à
revoir l'OCM ovine. De ce point de vue, il serait préférable de
préserver le système dans sa configuration actuelle.
Si des
évolutions s'avèrent souhaitables, les solutions sont donc sans
doute à rechercher d'abord en dehors de l'OCM
. C'est ainsi que le
rôle fondamental que joue l'élevage ovin dans la gestion de
l'espace lui confère des atouts qu'il convient de faire valoir dans les
futures mesures structurelles européennes et pourrait s'inscrire dans
l'esprit du projet de loi d'orientation agricole.
Selon les informations fournies à votre rapporteur par le
Ministère de l'agriculture, l'élevage ovin devrait d'ailleurs
trouver toute sa place dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation
prévus par la loi d'orientation agricole
. En effet, les CTE
comportent un ensemble d'engagements portant sur les orientations de la
production de l'exploitation, l'emploi, la contribution de l'activité de
l'exploitation à la préservation des ressources naturelles et
à l'occupation de l'espace, qui sont autant de caractéristiques
propres à l'élevage ovin.
Face aux difficultés rencontrées par les moutonniers, votre
rapporteur pour avis estime important :
- tout d'abord, de segmenter les marchés, notamment par la
valorisation de l'agneau français. Un accord interprofessionnel sur
l'étiquetage des viandes ovines a été signé en
octobre 1998. Il permet d'identifier en tant que française toute viande
issue d'un animal né, élevé et abattu en France.
Néanmoins, cet accord n'a toujours pas été étendu
par les pouvoirs publics et n'est donc pas applicable en raison des
difficultés posées par la Commission européenne ;
- ensuite, une suppression du stabilisateur de la prime compensatrice
ovine : à la suite des décisions prises dans le cadre de
l'agenda 2000, les producteurs de moutons craignent de voir le prix de la
viande ovine entraîné à la baisse, à la fois par les
viandes blanches (qui vont bénéficier de la baisse du prix des
céréales) et par la viande bovine, dont les prix vont
baissé de 20 % en trois ans. Or, la prime compensatoire ovine, qui
présente l'avantage de varier en fonction de l'évolution des
prix, ne compense pas intégralement les baisses de prix, surtout lorsque
la Commission européenne ajuste arbitrairement ses paramètres de
calcul au désavantage des éleveurs. Les éleveurs craignent
également un abandon du troupeau ovin dans les troupeaux mixtes
ovins-bovins, dans l'objectif de bénéficier du complément
extensification bovin revalorisé ;
- enfin, votre rapporteur pour avis souhaite, via les futurs contrats de
plan, conforter l'amélioration technique afin de consolider et
moderniser les élevages, améliorer les conditions de travail et
permettre une reprise future des exploitations. En effet, si les demandes des
OPA autour des compensations et de la défense générale de
la production est essentiel, l'évolution du système de production
peut aussi permettre une amélioration du revenu et éviter le
déclin de la production.
Le rapport " Thomas-Launay " a été remis à la
fin du mois d'octobre au Ministre de l'agriculture. Ce document, que votre
rapporteur n'a pas eu la possibilité de consulter jusqu'à
présent, devrait dresser un bilan précis des atouts et des
handicaps de l'élevage ovin français, des différents
soutiens dont il a pu bénéficier et des actions prioritaires
à mener.
b) " Le mouton et le loup "
Votre
rapporteur pour avis souligne l'importance de l'élevage ovin pour le
maintien de petites exploitations, l'équilibre et l'entretien des zones
rurales difficiles.
Or, cet élevage rencontre des difficultés liées à
la présence du loup, prédateur envahissant le pastoralisme. Les
événements de l'été dernier en sont un nouveau
témoignage.
Le rapport de M. Pierre Bracque, inspecteur général de
l'agriculture, sur le loup est paru au début de
l'année 1999.
Ce rapport
, s'il affirme que le " loup ne
peut s'installer partout "
reprend un projet ancien de zonage en trois
catégories qui suscite l'opposition de la grande majorité des
professionnels
: des zones jugées inaptes pour les loups, des
zones refuges et des zones favorables au loup.
Les professionnels préféreraient la mise en place de deux
types de zones
8(
*
)
: les
zones où le loup doit être strictement interdit parce qu'il s'agit
de zones pour l'élevage et les zones refuges du loup où il n'est
pas prévu d'exercer le pastoralisme. Les professionnels refusent de
faire cohabiter le prédateur et la victime : " Le loup et
l'agneau sont incompatibles ".
Par ailleurs, le rapport " Bracque " propose
" la mise en
oeuvre d'un système d'assurances couvrant le risque naturel grands
prédateurs "
.
M. Pierre Bracque explique que
" les primes devraient être prises
en charge, pour partie, par l'Etat selon les modalités définies
dans le passé pour le risque grêle ".
Le ministère de l'environnement souhaite en effet trouver les moyens
nécessaires pour faire face à l'explosion prévisible des
dégâts à indemniser si le loup continue librement sa
colonisation des massifs forestiers.
Aujourd'hui, la compensation des dommages est payée par l'Europe via le
programme " Life ". Mais les sommes demandées par la France
restent insuffisantes. Rappelons que pour 1998, quelque 1620 disparitions
de moutons dévorés par les loups ont donné lieu à
indemnisation. En outre, les programmes Life financent des phases
expérimentales et non la gestion quotidienne.
Les professionnels sont très réticents sur cette proposition
d'assurance
: d'abord, parce qu'après quelques années de
participation, l'Etat voudra se désengager en laissant l'essentiel du
coût supplémentaire assumé par l'éleveur ; de
plus, l'opposition des OPA tient au principe même de l'assurance qui fait
peser la prévention sur l'éleveur, décharge l'Etat de ses
responsabilités et " privatise " un dossier qui reste avant
tout une question de société.
Une autre proposition du rapport " Bracque " vise à renforcer
la protection juridique du loup. Son auteur estime que la directive
européenne du 21 mai 1992 sur la conservation des habitats
naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, prévoit une
protection stricte pour le loup, Canis lupus.
Or, les textes en vigueur modulent la portée de cette protection stricte.
LA PROTECTION JURIDIQUE POUR LE LOUP
- l'article L.227-9 du code rural autorise tout
propriétaire ou fermier à repousser ou détruire,
même avec des armes à feu, mais à l'exclusion du collet et
de la fosse, les bêtes fauves qui porteraient dommage à leur
propriétaire ;
- l'article L.227-6 du code rural autorise toujours le préfet,
chaque fois qu'il est nécessaire et après avis du directeur
départemental de l'Agriculture et de la forêt, à ordonner
des battues ou des chasses générales ou particulières aux
loups, renards, blaireaux et autres animaux nuisibles.
En vertu de ses pouvoirs de police, le maire d'une commune peut, au titre de
l'article L.122-19-9 du code des communes, prendre toutes mesures utiles
à la destruction des animaux nuisibles ainsi que les loups et sangliers
remis sur le territoire. Sous le contrôle du conseil municipal et du
Préfet, il peut donc organiser des battues.
Le rapport " Bracque " propose d'abroger des dispositions du code
rural et du code des communes, qu'il estime en contradiction avec la stricte
protection accordée au loup.
Les professionnels sont totalement opposées à cette proposition.
Ils font notamment valoir que le loup ne peut être un animal intouchable
et que l'article 16 de la directive prévoit des exceptions à
cette protection
" pour prévenir des dommages importants aux
cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux
eaux et à d'autres formes de propriété ".
Lors de la réunion du comité national du loup du 30
mars 1999, le ministère de l'environnement a créé
trois sous-groupes sur la " prévention ",
" l'indemnisation " et " le zonage du loup ".
En ce qui concerne la prévention, seront vraisemblablement
évoqués, les aides pastorales, les chiens de protection, les
filets et parcs. Pour l'indemnisation, le groupe de travail étudiera la
proposition de M. Bracque d'une décentralisation des versements des
indemnités au travers d'un fonds géré dans un
système tripartite associant élus, administrations et
organisations professionnelles agricoles. Les propositions d'assurances seront
aussi évoquées, de même qu'une unité de traitement
dans l'indemnisation de tous les prédateurs : grand lynx, ours et
loup.
Le grand absent de toutes ces discussions risque d'être une fois de
plus le pastoralisme
. Au-delà des grandes déclarations
d'intention sur son rôle économique, sa place dans
l'aménagement du territoire, le maintien de l'emploi, les actions
concrètes en faveur du développement du pastoralisme ne font pas
l'objet d'un des sous-groupes mis en place par les deux ministères.
Votre rapporteur pour avis regrette que les éleveurs aient encore, ainsi
que l'exprime M. Bracque
" le sentiment que l'accompagnement de
l'expansion du loup sur le massif alpin est, ici encore, la
priorité ".
Votre commission des Affaires économiques approuve sans
réserve les conclusions du rapport de la mission parlementaire de
l'Assemblée nationale
sur le loup qui refuse de faire du
prédateur un " élément du patrimoine naturel ".
Votre rapporteur pour avis note que ces orientations sont en totale
contradiction avec celles présentées par le Gouvernement, le 7
octobre dernier, devant le Sénat
.
2. Les perturbations de la filière avicole
Alors
que le secteur de la volaille avait su profiter de la crise de l'ESB, les
producteurs avicoles sont confrontés depuis l'automne 1998 à
d'importantes difficultés dues notamment au contexte
international : les répercussions des crises russe et asiatique ont
été fortes sur ce secteur de production : ces deux
marchés totalisent en effet 60 % des importations de volailles dans
le monde et la France y exporte 40 % de sa production.
Par ailleurs, le marché intra-communautaire s'avère
difficile : la France, premier fournisseur de l'Union européenne, a
enregistré un recul de plus de 10 % de ses livraisons. Or, la
concurrence est courante notamment du fait du marasme des pays tiers, de la
hausse des importations en provenance de certains Etats comme les Etats-Unis ou
le Brésil et de la moindre progression de la consommation. Le
marché intra-communautaire est en effet saturé de marchandises
d'origine anglaise, danoise, néerlandaise et française.
De plus, les contraintes du GATT sont à prendre en compte : depuis
le 1
er
juillet 1995, les exportations intra-communautaires
sont strictement réglementées : en 1998, seulement 45 %
des exportations communautaires auraient bénéficié d'aides
contre 90 % en 1994.
Votre rapporteur pour avis juge inquiétante cette situation, qui a
été aggravée par les événements sanitaires
survenus au mois de juin dernier.
Il tient à souligner qu'en 1987/1997, et alors que le marché
avicole était en pleine expansion, la production américaine a
augmenté de +21 % alors que la production française n'a
augmenté que d'environ 8,6 %.
LES
PREMIERS GROUPES INDUSTRIELS ET FINANCIERS
|
|||||
(Estimations sur la base des comptes 1997 et la structure à fin 1998) |
|||||
|
CA TOTAL |
Dont volaille produite en France |
Dont vente en France |
Exportation |
|
|
Millions de F |
Millions d'euros |
Millions de F |
Millions de F |
Millions de F |
1. Doux (1) |
10 016 |
1 518 |
7 133 |
3 532 |
3 615 |
2. BSA (2) |
5 431 |
823 |
4 831 |
2 392 |
2 439 |
3. LDC (3) |
4 780 |
724 |
4 315 |
3 881 |
434 |
4. Unicopa (4) |
2 039 |
309 |
2 040 |
1 243 |
797 |
5. Synavi |
1 900 |
288 |
1 500 |
1 158 |
342 |
6. Arrive |
1 700 |
258 |
1 475 |
1 305 |
170 |
Total du secteur |
|
|
36 700 |
27 450 |
9 250 |
(1) CA
total : Doux + Frangosul + Soprat/production française=estimation
sur la base 1996 + Soprat/vente en France et export : Doux
consolidé + Soprat
|
Deux
événements récents sont à signaler dans ce secteur
de production.
En premier lieu, le
rapport " Perrin
" remis au ministre de
l'agriculture en juillet dernier. Si les organisations professionnelles
approuvent le constat dressé dans ce document sur la filière
avicole, elles s'opposent néanmoins aux moyens préconisés
pour sortir de cette crise : ainsi, M. Daniel Perrin suggère
la suppression d'un million de mètres carrés de poulaillers pour
faire face à la crise structurelle que connaît ce secteur. Si les
professionnels sont d'accord pour des démarches individuelles et
volontaires d'abandon d'activités, ils refusent une fermeture
automatique d'ateliers, surtout avec une indemnité fixée à
50 francs/m².
Les professionnels proposent au contraire de réduire la densité
en élevage pendant un an : ainsi la diminution de
0,5 animal/m² dans les dindonniers sur l'ensemble du territoire, en
respectant les durées de vides sanitaires, pourrait permettre de
réduire la surface en production de 300.000 m².
En second lieu,
la cellule de crise " oeufs " qui s'est
réunie le 31 août dernier
a décidé de
confier un rapport sur les perspectives à moyens et longs termes de la
filière à M. Jean-Luc Evette, membre du conseil
général du Génie rural des eaux et forêts.
3. Chronique de la crise porcine
a) Une chute sans précédent des cours
Depuis
l'été 1998 et jusqu'au début de 1999, les cours du porc
ont connu des mouvements de baisse sans précédent.
Il est vrai que le marché du porc est cyclique et que ce secteur a
déjà connu de nombreuses crises : 83-84, 87-89, 93-94...
Or, cette fois-ci, la particularité vient du cumul entre une
surproduction communautaire et un contexte international difficile.
Les cours du porc ont été particulièrement
élevés en 1996 en raison de la crise bovine et, d'autre part, de
la peste porcine aux Pays-Bas en 1997. L'année 1997 a, en effet,
été caractérisée par l'absence des Hollandais sur
le marché européen. Ces derniers ont dû abattre 20 %
de leur cheptel, ce qui correspond à 4,5% de la production porcine
européenne. Les autres pays européens en ont profité pour
augmenter leur production, ce qui a conduit à une stabilité de la
production européenne en 1997 par rapport à 1996. En 1998, on a
assisté à la fois, à la poursuite de la croissance de la
production dans l'ensemble des pays européens (notamment en Espagne, au
Danemark et en Allemagne +4 % environ ; +2 % en France) et
à la quasi remise en place du potentiel de production hollandais.
En août 1998, la population porcine européenne a atteint un record
historique de 126 millions de têtes. La croissance de la production
européenne s'est poursuivie jusqu'au troisième trimestre 1999, ce
qui a prolongé les difficultés du secteur.
L'Union européenne est de loin le premier pays exportateur de porcs dans
le monde avec 1,1 million de tonnes en 1997. Elle n'a d'ailleurs
cessé d'augmenter ses exportations (elles ont doublé depuis 1992)
et cela, malgré l'introduction en 1994, dans la cadre des accords du
GATT, des contingents d'exportations subventionnées.
Actuellement, le Canada et les Etats-Unis, respectivement deuxième et
troisième exportateurs mondiaux de viande porcine se livrent à
une concurrence acharnée à l'exportation. Les Etats-Unis se
trouvent en effet dans une situation de crise similaire à celle de
l'Union européenne, avec des prix à 4,50 francs par kilo,
inférieurs aux coûts de production.
Les prévisions de l'USDA et de l'OCDE indiquent respectivement que les
exportations américaines de viande porcine devraient progresser de
40 % ou 58 % entre 1997 et 2003, tandis que les exportations
européennes devraient régresser entre 4 % et 11 % sur
la même période.
Quant aux pays importateurs, le Japon (20 % des exportations
européennes en 1997) et la Corée ont fortement réduit
leurs importations du fait de la crise asiatique, tandis que le marché
russe (32 % des exportations européennes) est fermé depuis
la fin du mois d'août 1998.
Les éleveurs vivent de plus en plus difficilement ces crises à
répétition comme les conséquences qui en déroulent,
notamment le rachat par des intégrateurs des ateliers les plus
vulnérables. On estime entre 15 % et 20 % le pourcentage
d'éleveurs menacés de disparaître.
b) Les décisions prises par les pouvoirs publics
Face
à l'évolution du marché du porc
9(
*
)
, la Commission européenne a
décidé de rétablir des restitutions à l'exportation
pour la viande porcine le 13 mai 1998. Depuis cette date, le montant des
restitutions a été majoré à cinq reprises (le
3 août, le 15 octobre, le 23 novembre, le
9 décembre et le 15 février) pour atteindre
jusqu'à 70 euros/100 kilogrammes à destination de la
Russie. Dans le même temps, les types de viande porcine concernée
ont été élargis.
Parallèlement, si la Communauté a suspendu en septembre dernier
le régime d'aide au stockage privé mis en place au plus fort de
la crise, elle a annoncé son intention de modifier certaines
dispositions sur l'exportation afin d'offrir plus de sécurité aux
opérateurs lorsque ceux-ci retirent des certificats.
Une opération spéciale d'aide alimentaire de l'Union
européenne vers la Russie a, en outre, été
décidée. Elle porte, au total, sur 100 000 tonnes de
viande porcines.
En outre, les réflexions sur la maîtrise porcine se sont
engagées au niveau européen dès le
3 novembre 1998 dans le cadre d'un comité de gestion
spécial. La délégation française a
présenté un document de travail sur les mesures conjoncturelles
de réduction de l'offre, notamment la réduction des poids
à l'abattage et celle du cheptel d'engraissement. Un deuxième
comité de gestion spécial s'est réuni le
10 février 1999, pour approfondir les discussions
engagées sur les possibilités de maîtrise communautaire de
l'offre porcine.
La délégation française a
proposé un document de travail qui décrit les différents
instruments de nature à maîtriser la production, dans le cadre
d'une réforme de l'organisation commune du marché de la viande
porcine
. Ce document évoque également la possibilité
de mettre en place des outils destinés à limiter les fluctuations
brutales du revenu des producteurs et invite la Commission à
réfléchir à une harmonisation européenne des
règles environnementales ainsi qu'aux possibilités d'encadrement
et de contrôle des structures de production. L'examen de certaines
propositions a cependant rencontré des oppositions marquées de la
part de certains Etats membres. Il s'agit, notamment, de l'introduction d'un
système de références nationales.
Face au refus d'un grand nombre d'Etats européens pour la mise en place
de quota,
votre rapporteur pour avis souhaite la mise en place rapide
d'instruments de maîtrise conjoncturelle de l'offre et d'outils
statistiques plus performants, de nature à anticiper les situations de
crise, l'harmonisation des règles environnementales au niveau
européen et, enfin, la mise en place d'une caisse de solidarité
pour limiter les fluctuations brutales du revenu des éleveurs.
Au plan national,
le ministre de l'agriculture et de la pêche a
arrêté un ensemble de mesures destinées aux producteurs les
plus fragiles
. Il s'agit d'éviter la fermeture de ces
élevages ou leur reprise par des ateliers de plus grande taille. Tout
d'abord, un système d'avances remboursables, dit
" Stabiporc ", a été réactivé. Stabiporc
fonctionne sous la forme de prêts, d'une durée maximale de quatre
ans, portant intérêt annuel à la charge de
l'éleveur. Ce dispositif est de nature privée. Il repose sur une
gestion assurée par les représentants de la production porcine et
les groupements de producteurs. Néanmoins, l'Etat, par
l'intermédiaire de l'Office national interprofessionnel des viandes, de
l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL), intervient comme prêteur,
aux côtés d'un tour de table bancaire. Le montant des avances
versées est dégressif : 50 francs par porc pour les
750 premiers porcs livrés, trente francs au-delà, dans la
limite de 1.500 porcs. Cette différenciation a permis aux
éleveurs les plus modestes, qui sont souvent les plus fragiles,
d'obtenir un montant de prêt plus élevé que celui auquel
ils auraient pu prétendre si les conditions de fonctionnement de
Stabiporc avaient été simplement reconduites.
Par ailleurs, le 11 septembre 1998,
une enveloppe a
été débloquée en faveur des éleveurs en
difficulté
. Face à l'aggravation de la crise, une enveloppe
supplémentaire a été mobilisée le
3 novembre 1998 afin de compléter le dispositif d'aide en
faveur des éleveurs en difficulté. Les modalités
d'utilisation de cette enveloppe supplémentaire renforcent le soutien
apporté par les pouvoirs publics aux structures familiales de production
les plus fragilisées. En outre, un effort significatif est
réalisé pour soutenir l'élevage dans les zones à
faible densité porcine.
En ce qui concerne les cotisations sociales, le ministre de l'agriculture et de
la pêche a débloqué, en février 1999,
des
crédits à l'échelonnement ou à la prise en charge
des cotisations des éleveurs de porcs
. A la différence d'un
report généralisé des cotisations, cette mesure permet de
cibler l'aide sur les élevages les plus en difficulté.
Plus récemment,
le ministre de l'agriculture et de la pêche a
annoncé une nouvelle série de mesures en faveur des exploitations
porcines
. Une attention particulière a été
portée au soutien du modèle familial des exploitations
situées en zone de faible densité porcine. En effet, dans le
cadre de l'aide complémentaire destinée aux récents
investisseurs, les éleveurs en zone de montagne ou de faible
densité porcine bénéficieront d'un traitement
adéquat. De plus, un soutien spécifique à la promotion des
produits porcins de montagne a été apporté. Par ailleurs,
les dotations au fonds d'allégement des charges (FAC) vont être
débloquées (140 millions de francs) et réparties de
manière à bénéficier aux éleveurs de porcs
les plus touchés, ce qui correspond à des allégements des
charges.
Malgré l'ensemble de ces mesures, un certain nombre d'éleveurs se
trouvent en extrême difficulté. C'est pourquoi, il est
prévu de mettre en place un dispositif pour ces éleveurs en
faillite, afin qu'ils sortent honorablement de ce secteur.
Parallèlement à ces diverses mesures, dont votre rapporteur
pour avis se félicite, le projet de constitution d'interprofession
porcine a été relancé
. Une première
réunion a eu lieu le 11 mai dernier dans les locaux de l'OFIVAL
où ont été énoncés les dix principes
fondateurs de l'interprofession
10(
*
)
:
- L'interprofession a vocation à rassembler, autour d'un domaine de
compétence limité aux sujets techniques d'intérêt
commun, l'ensemble des familles nationales reconnues représentatives, de
la filière porcine ;
- Toutes les familles professionnelles, membres de l'interprofession,
seront à stricte égalité de pouvoir dans la
structure ;
- Toutes les décisions importantes, ne relevant pas de la gestion
courante (et à l'exception des conditions de désignation ou de
censure des dirigeants) ne pourront être prises qu'à
l'unanimité de tous les membres ;
- Une instance de conciliation et d'arbitrage, constituée
statutairement, ainsi que le prévoit la loi de 1975 sera chargé
d'aider à la résolution des éventuelles situations de
blocage et de conflits internes à la filière ;
- Le système de cotisation financière sera conçu de
telle façon qu'aucune famille ne puisse se prévaloir de
contribuer plus qu'une autre ;
La représentation des structures professionnelles régionales
seront donc répercutée en cascade jusqu'au consommateur avec
stricte transparence financière pour les opérateurs depuis le
producteur jusqu'au distributeur ;
- La représentation des structures interprofessionnelles
régionales sera assurée par la constitution d'une instance
nationale rassemblant l'ensemble de ces structures, qui sera
intégrée comme membre associé de l'interprofession ;
- Il sera institué, statutairement, des groupes de travail ou
comités spécialisés, avec une composition variant en
fonction des sujets à traiter, et présidés par une des
familles membres, auxquels pourront être associés tous experts ou
instances susceptibles d'apporter une contribution.
Ces groupes seront chargés d'établir des recommandations et de
préparer les décisions interprofessionnelles ;
- Le bureau sera désigné par le conseil d'administration
à la majorité qualifiée en l'absence d'unanimité.
De la même façon, une procédure de censure du bureau sera
prévue dans les statuts ;
- Il sera adopté le principe de la présidence
alternée entre les familles représentant l'amont de la
filière et celles représentant l'aval, sauf autre accord entre
les membres sur une représentant de n'importe lequel des membres ;
- Afin de permettre aux membres d'assurer un contrôle de la gestion
et de la structure, les statuts délimiteront les pouvoirs respectifs du
bureau, du conseil d'administration et de l'assemblée
générale, notamment sur le plan de leur incidence
financière.
Votre rapporteur pour avis regrette que ce projet d'interprofession soit
aujourd'hui abandonné. En juillet dernier, le président de la
fédération nationale porcine, M. Jacques Lemaître, s'est
déclaré " amer et extrêmement
déçu " par l'échec de la réflexion sur la mise
en place de l'interprofession nationale porcine.
4. La récente crise dans le secteur des fruits et légumes
La
campagne de commercialisation des fruits et légumes de
l'été 1999 s'est avérée désastreuse
pour certaines productions comme la pêche, la prune et plus
récemment la pomme... Le déroulement de cette campagne a
montré une nouvelle fois le paradoxe entre les prix payés aux
producteurs, ces derniers étant rémunérés à
des tarifs en-deçà des coûts de production, et les prix de
vente aux consommateurs.
Les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs sont
à nouveau à l'ordre du jour.
a) Les mesures prises par le Gouvernement
Le
Gouvernement a pris cet été
quatre arrêtés
,
sur la base de la loi d'orientation agricole,
afin d'obliger tous les
distributeurs à pratiquer un double affichage
(prix net payé
aux producteurs et prix de vente) pour neuf productions dont les pommes,
les poires, les raisins de table, les pêches, les nectarines, les
abricots, les melons, les tomates et les concombres. Ces mesures pourraient
s'appliquer pour une période de un à trois mois.
Ce système a été mis en place très progressivement.
Votre rapporteur pour avis est conscient des difficultés
rencontrées par certains producteurs. Il n'est pas, néanmoins,
persuadé que la règle du double affichage des prix
puisse
résoudre une telle crise conjoncturelle. La complexité du
système retenu, la lenteur d'application du dispositif, ainsi que les
pratiques de certains commerçants qui affichent un triple prix (prix
payé au producteur, prix payé aux grossistes et prix de vente),
risquent de rendre inopérant ce mécanisme.
Le Gouvernement a présenté le 23 septembre dernier aux
professionnels un plan de secours aux agriculteurs victimes de la crise des
fruits et légumes : les estimations portent sur 34 millions de
francs destinés à renforcer l'organisation des producteurs,
500 millions de francs pour la consolidation des prêts,
74 millions de francs pour des soutiens de marché dont
30 millions de francs déjà prévus pour les pommes.
Enfin, des aides structurelles directes aux producteurs devraient être
accordées. Pour l'essentiel il s'agit surtout de mesures de reports de
charges financières (consolidation des prêts) ou sociales, qu'il
faudra rembourser un jour.
Tous ces budgets seront réservés aux agriculteurs
adhérents d'un groupement ou s'engageant à le devenir. De plus,
le plan du ministère prévoit de plafonner les aides à
30.000 F par UTH (Unité de travail-homme) et 120.000 F par
exploitation.
Votre rapporteur pour avis rappelle que le véritable objectif du
dialogue interprofessionnel doit être d'augmenter les ventes de fruits et
légumes en accroissant la diversification, la valeur ajoutée et
la satisfaction des clients. C'est pourquoi il encourage à nouveau les
producteurs à s'organiser afin de renforcer leur position
vis-à-vis des acteurs de la filière. La fusion entre Carrefour et
Promodès rend encore plus urgente une telle organisation de l'amont.
b) Les relations entre production et grande distribution
Le
Premier ministre a annoncé, après les tables rondes de septembre
dernier, la
tenue d'Assises de la distribution
sur la valeur
ajoutée. En outre,
l'élaboration d'un code de bonne conduite
entre agriculteurs et distributeurs
-comme l'a proposé le Ministre
de l'Agriculture-
pourrait permettre de relancer les discussions entre les
différents acteurs.
Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'utilité de nouvelles
mesures législatives : celles-ci ont, jusqu'à
présent, été peu concluantes. La mise en place d'un
véritable partenariat entre le monde agricole. Les IAA et la
distribution, à l'instar de ce qui se passe dans certains pays d'Europe
du Nord, ne peut pas de décréter. Il constitue pourtant la seule
issue à ces relations par trop conflictuelles.