IV. LE PARC PRIVÉ : L'AMORCE D'UNE RÉORIENTATION SOCIALE
La
politique sociale du logement concerne en premier chef le parc social. Mais
elle vise également le parc privé dans la mesure où elle
permet d'ouvrir l'accès au parc privé aux familles modestes, soit
en accession, soit en location, mais également de favoriser leur
maintien dans le logement, notamment grâce à la
réhabilitation de l'habitat dégradé.
Le projet de budget pour 1999 tend à renforcer la vocation sociale du
parc privé dans une triple direction.
A. L'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ EST PÉRENNISÉE ET PROTÉGÉE
1. La pérennisation du prêt à taux zéro
a) Les aides à la pierre pour l'accession sociale
L'accession sociale à la propriété est
actuellement principalement assurée par deux mécanismes
complémentaires.
•
Le prêt à taux zéro
Ce dispositif a été institué en octobre 1995 en
remplacement des prêts aidés à l'accession à la
propriété (PAP) et des mesures fiscales qui y étaient
attachées. Il permet de financer des opérations de construction
ou d'acquisition d'un logement neuf ou d'acquisition-amélioration d'un
logement existant par les ménages de condition modeste.
Le prêt à taux zéro est destiné aux personnes
physiques sous condition de ressources qui acquièrent un logement en vue
de l'occuper en tant que résidence principale. Les plafonds de
ressources varient en fonction du nombre de personnes composant le
ménage accédant à la propriété et de la zone
d'implantation du logement. A titre d'exemple, le plafond de ressources est de
207.100 francs pour un ménage de trois personnes habitant en
Ile-de-France ou de quatre personnes habitant en province.
Son montant ne peut excéder 20 % du coût de
l'opération retenue dans la limite d'un prix maximal également
déterminé en fonction de la composition familiale du
ménage et de la localisation du logement et 50 % du montant du ou
des autres prêts d'une durée supérieure à deux ans
concourant au financement de l'opération.
Le prêt à taux zéro (PTZ) se distingue des anciens PAP
notamment par :
- des plafonds de ressources plus élevés que pour les PAP,
permettant pratiquement à environ 80 % des accédants de
bénéficier d'un tel prêt ;
- un non-contingentement du nombre de prêts distribués,
permettant d'éviter l'effet " file d'attente " parfois
engendré par les PAP ;
- son caractère de prêt complémentaire, le PTZ ne peut
jamais être un prêt principal et doit donc être
associé à un ou plusieurs autres prêts
- un mode de diffusion banalisé, permettant à tout
établissement financier ayant signé une convention avec l'Etat de
distribuer le prêt à taux zéro. Il autorise ainsi une mise
en concurrence de ceux-ci pour les prêts qui lui sont associés.
Le prêt à taux zéro est aujourd'hui incontestablement un
succès.
Le succès se traduit d'abord sur le plan quantitatif : depuis 1996, plus
de 300.000 prêts à taux zéro ont été
" mis en force " selon la terminologie en cours au secrétariat
d'Etat au logement.
|
1996 |
1997 |
1 er semestre 1998 |
Total |
Nombre de PTZ mis en force |
117.900 |
129.150 |
56.800 |
303.850 |
Source : Secrétariat d'Etat au logement
Mais le mérite le plus évident du prêt à taux
zéro tient à son rôle social : il a permis à de
nombreuses personnes aux ressources très modestes d'accéder
à la propriété. Ainsi 36 % des ménages
bénéficiaires d'un prêt à taux zéro avaient
des revenus annuels inférieurs à 82.900 francs.
Bénéficiaires du prêt à 0 % et structure des financements associés
Tranche |
Effectifs |
Structure de financement |
|||||||||
de revenus |
en % |
Prêt à 0 % |
Prêt principal |
Autres prêts |
Autofinancement |
||||||
de 0 à 82.900 |
36 % |
17 % |
55 % |
9 % |
19 % |
||||||
de 82.901 à 103.600 |
21 % |
17 % |
54 % |
11 % |
18 % |
||||||
de 103.601 à 124.300 |
17 % |
16 % |
51 % |
12 % |
21 % |
||||||
de 124.301 à 145.00 |
12 % |
16 % |
49 % |
12 % |
23 % |
||||||
de 145.001 à 165.700 |
8 % |
15 % |
48 % |
12 % |
25 % |
||||||
de 165.701 à 186.400 |
4 % |
14 % |
46 % |
12 % |
28 % |
||||||
186.401 et plus |
2 % |
13 % |
45 % |
11 % |
30 % |
||||||
TOTAL |
100 % |
16 % |
52 % |
11 % |
21 % |
Source : SGFGAS
Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il permet la mise en place
de plans de financement très supportables pour les ménages,
même les plus modestes comme en témoigne le tableau suivant.
Plan de financement moyen
Année d'émission |
1997
|
1997
|
Prêt à taux zéro |
102.000 |
16,7 |
Prêt principal |
350.000 |
57,4 |
Autres prêts (1) |
55.000 |
9,0 |
Apport personnel |
103.000 |
16,9 |
Total |
610.00 |
100 |
Mensualité moyenne |
3.685 |
|
Source : SGFGAS
(1) y compris épargne-logement si elle existe.
•
Le prêt à l'accession sociale (PAS)
Le prêt à l'accession sociale (PAS), créé en 1993,
est un prêt conventionné qui bénéficie d'une
garantie de l'Etat par l'intermédiaire du Fonds de garantie de
l'accession sociale (FGAS). Son taux, son éligibilité à
l'APL et l'existence d'un plafond de ressources en font un produit ciblé
sur l'accession sociale, et en cela complémentaire au prêt
à 0 %. La production de PAS a ainsi augmenté sensiblement
dès la mise en place du prêt à 0 %, auquel il est
associé dans plus de 40 % des cas, comme en témoigne le
tableau suivant.
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
||||||
Nombre de PAS mis en force |
8.748 |
39.700 |
36.600 |
78.153 |
65.819 |
||||||
% opérations en acquisition dans l'ancien |
84 |
86 |
77 |
49 |
36 |
||||||
% bénéficiaires de l'APL |
45 |
44 |
48 |
55 |
56 |
Source : SGFGAS
Environ 70.000 PAS devraient être distribués en 1998.
b) Une pérennisation nécessaire
En
dépit du succès manifeste du prêt à taux
zéro, le nouveau gouvernement n'a pas fait de l'accession sociale
à la propriété une de ses priorités en
matière de logement.
Bien au contraire, il a fragilisé le mécanisme du prêt
à taux zéro de deux manières :
- le prêt à taux zéro est réservé depuis
le 1
er
novembre 1997 aux primo-accédants ;
- la durée d'amortissement maximale du prêt est
réduite.
Dans ces conditions, votre commission craignait que l'existence même du
prêt à taux zéro soit menacée.
Le Gouvernement s'est pourtant engagé à pérenniser le
prêt à taux zéro. Le budget pour 1999 confirme cet
engagement en prévoyant une rebudgétisation progressive des
crédits destinés à le financer.
Jusqu'à présent, l'Etat finançait, à hauteur de 7
milliards de francs par an, les prêts à taux zéro par un
prélèvement sur les ressources des organismes gérant le
1 % logement.
La convention du 3 août dernier signée entre l'Etat et
l'Union d'économie sociale du logement (UESL) prévoit
l'extinction progressive de la contribution du 1 % logement d'ici à
2003. Parallèlement, les crédits relatifs au prêt à
taux zéro sont en partie rebudgétisés. Ainsi, les nouveaux
prêts accordés en 1999 seront directement financés par le
budget de l'Etat, 3,1 milliards de francs y étant affectés.
Mais les prêts accordés en 1998 resteront financés par le
compte d'affectation spéciale "
Fonds pour le financement de
l'accession à la propriété
". La
rebudgétisation devrait être totale en 2000.
Les moyens prévus par le budget pour 1999 devraient alors permettre de
poursuivre la distribution de ces prêts au même niveau qu'en 1998,
soit 110.000 prêts environ, et à barème inchangé.
Votre commission se félicite de la décision de
pérenniser et de rebudgétiser le prêt à taux
zéro. Mais elle s'inquiète pourtant de l'avenir de ce
dispositif.
Le financement du prêt à taux zéro reposera en effet
à l'avenir sur le budget général. Compte tenu du contexte
budgétaire, on ne peut exclure que le Gouvernement ne cherchera
ultérieurement à réduire la portée de ce prêt
réglementé, soit en instituant un strict contingentement, soit en
revoyant les barèmes.
Votre commission sera donc très vigilante à ce que la
pérennisation annoncée du prêt à taux zéro
soit réelle.