VI. LE LOGEMENT DES PLUS DÉFAVORISÉS : UN BUDGET QUI ACCOMPAGNE LA LOI D'ORIENTATION RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS
A. LA RECHERCHE DE NOUVELLES SOLUTIONS INTERVIENT DANS UN CONTEXTE TOUJOURS PRÉOCCUPANT
1. Une situation inquiétante, évolutive et encore mal connue
a) Une situation inquiétante
La
persistance d'une population importante de personnes mal logées ou sans
abri, malgré les efforts entrepris depuis le début des
années 1990, témoigne des difficultés continues
d'accès et de maintien dans le logement.
Les chiffres de référence sont ceux d'une étude
réalisée en 1992 par le Bureau d'information et de
prévision économique. Cette enquête évalue, pour
1990, à 202.000 le nombre de personnes exclues du logement et à
plus de 2 millions celles qui sont mal logées ou qui occupent les
logements de substitution.
Les " sans abri " et les " mal-logés "
France entière (estimation en 1990)
|
Nombre de personnes |
Nombre d'équivalents logement |
LES EXCLUS DU LOGEMENT |
202.000 |
147.000 |
Sans domicile fixe |
98.000 |
82.000 |
Abris de fortune |
45.000 |
20.000 |
Centre d'urgence |
59.000 |
45.000 |
LES OCCUPANTS DE LOGEMENT DE SUBSTITUTION (meublés, chambres d'hôtel) |
470.000 |
304.000 |
LES MAL-LOGÉS |
1.576.000 |
864.000 |
Habitations mobiles (gens du voyage, etc.) |
147.000 |
50.000 |
Logements hors normes |
1.429.000 |
814.000 |
ENSEMBLE |
2.248.000 |
1.315.000 |
NON PRIS EN COMPTE |
||
Foyers de travailleurs |
176.000 |
160.000 |
Hébergés par des parents ou amis |
2.800.000 |
1.283.000 |
Source : BIPE
Le Haut comité pour le logement des personnes
défavorisées, dans son dernier rapport
6(
*
)
, estime que cette étude reste
d'actualité. Il considère en effet qu'"
en l'absence de
données plus actuelles, les ordres de grandeur du BIPE doivent
être retenus pour évaluer, notamment, le nombre de personnes
exclues du logement que l'on peut encore aujourd'hui estimer à un flux
de 200.000 même si, avec les effets du plan d'urgence, la
répartition de ces 200.000 personnes entre sans-abri, personnes
hébergées en centres d'urgence ou en abris de fortune a subi
quelques modifications.
"
La question de l'accès au logement reste donc toujours aussi
douloureuse.
b) Une situation évolutive
Mais la
question de l'accès au logement se double désormais de celle du
maintien dans le logement. Dans un contexte de précarité
croissante, de nombreux ménages parmi les plus modestes connaissent ou
risquent de connaître des difficultés de maintien dans le logement.
Une récente enquête de l'INSEE
7(
*
)
montre en effet que le maintien dans
le logement des ménages les plus pauvres devient de plus en plus
problématique.
Le logement des ménages pauvres en 1996
Analysant la situation du logement des 12 % des
ménages
les plus pauvres (soit 2,8 millions de ménages), l'enquête
conclut à une précarisation croissante et à une
fragilité accrue en matière de logement.
Ces ménages connaissent des situations de logement difficiles :
11 % des logements sont " inconfortables " et 28 %
" surpeuplés " selon les critères de l'INSEE.
Ces ménages connaissent des dépenses croissantes de logement. En
1984, 60 % d'entre eux n'avaient aucunes dépenses de logement. En 1996,
ce n'était plus le cas que pour 45 % d'entre eux. Or, ils
connaissent des difficultés d'accès au parc social : seuls
24 % d'entre eux y sont locataires. Ils sont donc de plus en plus souvent
logés dans le secteur locatif privé.
En outre, le parc locatif à très bas loyer est en voie de
disposition. En 1984, 3 millions de logement -soit un tiers du total du
parc locatif- offrait des loyers mensuels inférieurs à
10 francs le mètre carré. Il en reste aujourd'hui 820.000,
soit moins de 9 % du parc locatif total.
c) Une situation mal connue
Eu
égard à l'importance de l'enjeu, on aurait pu s'attendre à
ce que des études statistiques analysent la situation du logement des
plus défavorisés. Or, il n'en est rien. L'étude de
référence date -on l'a vu- de 1992.
Pourtant, dans son rapport de mars 1996, le Conseil national de l'information
statistique (CNIS) demandait qu'une enquête nationale soit
réalisée auprès des personnes fréquentant les lieux
d'hébergement et d'accueil, afin de "
mieux comprendre les
processus conduisant à la perte du logement et les conditions de vie des
personnes dans cette situation
".
Votre commission regrette l'absence d'informations statistiques
précises et fiables sur cette question cruciale
. Elle suggère
que le prochain recensement, qui aura lieu l'an prochain, prenne mieux en
compte les personnes exclues du logement.