2. Le Gouvernement a décidé de réduire les aides publiques à l'alternance (article 80)
Compte
tenu des résultats encourageants obtenus dans la politique de
développement de l'alternance depuis 1993, il est étonnant que le
Gouvernement ait décidé d'opérer une baisse des aides
publiques au risque de casser cette dynamique.
Les crédits alloués au soutien de la formation en alternance
augmentent de 10,2 % à 12,653 milliards de francs. Ils se
répartissent entre le financement des différents contrats
d'apprentissage et de qualification et la compensation des exonérations
de charges sociales correspondantes.
L'augmentation des crédits s'explique par la mise en place des contrats
de qualification destinés aux adultes en difficulté. L'ouverture
des dispositifs de formation par alternance aux publics en difficulté
peut être une bonne chose à condition qu'elle ne se réalise
pas au détriment de l'alternance destinée aux " publics
classiques ".
Financement de l'apprentissage en 1997
Principaux financeurs |
Montants (en MF) (1) |
|
1. Etat |
|
|
Exonérations de cotisations sociales (patronales et salariales) |
|
4.124,0 |
Primes (destinées à l'employeur) |
|
4.246,0 |
Autres dotations : |
|
155,5 |
- actions conjointes Etat-Régions (financements Etat) |
90 |
|
- rénovation et renforcement de l'apprentissage
|
|
|
-
subventions du ministère de l'agriculture et de l'éducation
|
|
|
Sous-total 1 |
|
8.525,5 |
2. Régions (2) |
|
|
Subventions aux CFA : |
|
|
- fonctionnement |
|
3.882,1 |
- équipement |
|
332,0 |
Sous-total 2 |
|
4.214,1 |
3. FSE (fonds destinés aux CFA) |
|
336,0 |
4. Entreprises |
|
|
Financement des CFA : |
|
|
- taxe d'apprentissage (3) |
|
2.366,8 |
- taxes parafiscales (4) |
|
182,2 |
- transferts de l'alternance |
|
862,0 |
Sous-total 4 |
|
3.411,0 |
TOTAL (5) |
|
16.486,6 |
Source : DGEFP - Département synthèses
(1) Crédits consommés.
(2) Les ressources proviennent de la dotation de décentralisation qui a
progressé de 1,39 % en 1997, du reversement aux régions des
sommes collectées par le Fonds national de péréquation en
application de la loi du 6 mai 1996 (631,5 MF) et d'autres dotations de l'Etat
(102,7 MF).
(3) Sources : ministères chargés de l'éducation nationale
et de l'agriculture.
(4) Crédits de fonctionnement et d'équipement.
(5) Ce montant ne prend pas en compte d'autres ressources
complémentaires (en provenance notamment des organismes gestionnaires,
d'organismes publics, des communes, des familles, etc.) dont les données
ne sont pas disponibles actuellement.
Le 15 octobre dernier, le Gouvernement a modifié par décret les
conditions d'attribution de l'aide forfaitaire liée à l'embauche
en contrat de qualification. Le versement de l'aide forfaitaire liée
à l'embauche en contrat de qualification (7.000 francs pour un
contrat à durée déterminée de 18 mois et plus,
5.000 francs pour un contrat de durée inférieure) intervient pour
les seuls jeunes de niveaux VI, V bis et V de l'Education nationale maintenant,
ainsi que pour ceux non titulaires du baccalauréat.
L'article 80 du projet de loi de finances, rattaché au budget de la
formation professionnelle, a un objet identique au décret du 12 octobre
1998 pour ce qui concerne, cette fois, l'aide à l'embauche d'un apprenti.
Article 80
Recentrage de l'aide à l'embauche de l'indemnité compensatrice
forfaitaire à l'apprentissage
.
I. La deuxième phrase du premier alinéa de
l'article L. 118-7 du code du travail est ainsi rédigée :
" Cette indemnité se compose :
1° D'une aide à l'embauche
lorsque l'apprenti dispose d'un
niveau de formation inférieur à un minimum défini par
décret.
2° D'une indemnité de soutien à l'effort de formation
réalisé par l'employeur ".
II. Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour les
contrats conclus à compter du 1
er
janvier 1999.
*
La loi
n° 93-953 du 27 juillet 1993 relative au développement de
l'apprentissage a instauré des aides forfaitaires en faveur des
employeurs embauchant des jeunes dans le cadre de contrats en alternance, de
qualification, d'orientation ou d'apprentissage. Initialement prévues
jusqu'au 30 juin 1994, ces dispositions ont été reconduites les
années suivantes.
La loi n° 96-376 du 6 mai 1996 portant réforme du financement de
l'apprentissage a institué une nouvelle prime de soutien à
l'apprentissage. Les modalités du versement de cette prime sont
fixées par le décret n° 96-493 du 6 juin 1996.
Cette indemnité compensatrice forfaitaire se compose d'une aide à
l'embauche et d'une aide à la formation.
Conformément à l'article D. 118-1 du code du travail, l'aide
à l'embauche est versée en une seule fois, les versements de
l'indemnité de soutien à la formation intervenant à
l'issue de chaque année du cycle de formation. Le montant de la prime du
soutien à l'embauche se monte à 6.000 francs, et la prime de
soutien à l'effort de formation s'élève à 10.000
francs pour les jeunes de moins de 18 ans, 12.000 francs pour les plus de 18
ans. La prime de soutien à la formation est majorée dans les
départements d'outre-mer et augmentée lorsque la durée de
formation de l'apprenti dépasse 600 heures.
*
La mise
en oeuvre de la dépense afférente aux primes d'apprentissage
incombe depuis 1998 au budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité. Elle représente 4.664,61 millions de francs en
1999.
L'article 80 vise à réserver le paiement de la prime à
l'embauche aux apprentis d'un faible niveau de qualification. Il prévoit
que le niveau de formation plafond sera déterminé par
décret.
Selon les termes de l'exposé des motifs, les niveaux de qualification
ouvrant droit au versement de cette prime seront les niveaux VI, V bis et V.
Ces échelons correspondent aux niveaux les plus faibles dans la
nomenclature de l'INSEE, c'est-à-dire les niveaux correspondant au BEP,
au CAP (niveau V) et les non-qualifiés (V bis et VI).
Selon les chiffres pour 1997 fournis par le ministère de l'emploi et de
la solidarité, 74 % des apprentis préparaient une
qualification équivalente à un niveau V.
22,5 % des apprentis préparaient une qualification de niveau IV
(baccalauréat), III, II ou I (enseignement supérieur long et
diplômés bac + 2).
Une projection de ces pourcentages sur les effectifs d'apprentis prévus
en 1999, soit 230.000, montre que la mesure toucherait environ 50.000 apprentis.
Compte tenu du caractère saisonnier des entrées dans le
dispositif d'apprentissage, qui s'effectuent surtout dans le dernier trimestre
de l'année, l'économie espérée est estimée
à 61 millions de francs sur l'article 11 du chapitre 43-70
-financement de la formation professionnelle.
*
Votre
commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article
80.
Cette discrimination à l'égard des apprentis
diplômés est justifiée par le Gouvernement au nom de la
nécessité de concentrer les moyens sur les publics prioritaires.
En réalité, le Gouvernement limite le développement de la
formation en alternance. Ceci est d'autant plus vrai que celui-ci
prévoit un nombre d'entrées de jeunes dans l'apprentissage en
baisse de 4,2 %, passant de 240.000 prévu en 1998 à 230.000
pour 1999.
Ces décisions donnent le sentiment très fort que des arbitrages
ont été faits qui tendent à financer en priorité le
dispositif emplois-jeunes dont la pérennisation est aléatoire, de
préférence aux dispositifs structurants comme l'alternance. Si
cette tendance devait se confirmer, elle constituerait un motif sérieux
d'inquiétude.
Sensible à cette argumentation, la commission des Finances de
l'Assemblée nationale a décidé de suivre son rapporteur,
M. Jacques Barrot, qui lui proposait de supprimer ce recentrage et de le
compenser par un prélèvement de 60 millions de francs sur
les excédents de trésorerie de l'AGEFAL. Le rapporteur avait
notamment mis en avant
26(
*
)
que
" cette mesure conduisait à diminuer l'attractivité du
dispositif de l'apprentissage pour les employeurs à un moment où
les effectifs entrant en apprentissage connaissaient une légère
baisse ".
Votre rapporteur souhaite à nouveau faire siens les propos
27(
*
)
du rapporteur de la commission des
Finances de l'Assemblée nationale :
" diminuer le montant de
cette prime revient à revenir sur tous les efforts de promotion de
l'image de marque de l'apprentissage effectués par tous les
gouvernements depuis une dizaine d'années. Ne pas encourager les
formules " pointues " d'apprentissage pourrait conduire à
renforcer le sentiment de relégation ressenti par les jeunes entrant en
apprentissage ".
L'Assemblée nationale n'a pas suivi sa commission des finances et a
adopté l'article 80 du Gouvernement sans le modifier.
Votre commission a estimé qu'il aurait été
préférable que le Gouvernement s'abstienne de présenter
une telle disposition, c'est pourquoi elle a adopté un amendement de
suppression de cet article.
Ceci d'autant plus qu'une étude de la DARES vient de montrer que les
aides à l'embauche pour l'apprentissage étaient parmi les aides
à l'emploi les plus efficaces : 65 % des employeurs
considèrent que ces aides ont un effet positif
sur la
décision d'embauche, seulement 26 % mettent en avant l'effet de
l'aide sur le profil des candidats embauchés.
Les effets des aides à l'emploi 28( * )
(en %)
|
Apprentissage |
Contrat de qualification |
CIE |
Exonération 1 er salarié |
|||||
En l'absence de tout dispositif d'aide à l'emploi : |
|
|
|
|
|||||
1. L'embauche n'aurait pas eu lieu (effet emploi brut) |
46 |
37 |
21 |
20 |
|||||
2. L'embauche aurait eu lieu, mais plus tard (effet d'anticipation) |
19 |
25 |
18 |
16 |
|||||
3. L'embauche aurait eu lieu au même moment, et l'aide... |
|
|
|
|
|||||
a) ... a influé sur le profil du salarié embauché (effet profil) |
26 |
26 |
45 |
|
|||||
b) ... n'a pas influé sur le profil du salarié embauché (aucun effet) |
9 |
12 |
16 |
64 |
|||||
|
100 |
100 |
100 |
100 |
Les
exonérations de charges sociales et, pour les contrats d'apprentissage,
les indemnités de formation, restent applicables à l'ensemble des
contrats.
On peut s'interroger sur les choix du Gouvernement : ne constituent-ils
pas l'ébauche d'un désengagement de l'Etat d'un dispositif
passé dans le champ de compétences des régions alors
même qu'il réinvestit par ailleurs la politique de l'emploi des
jeunes à travers des dispositifs dont il est le maître d'oeuvre,
le plan emplois-jeunes ? Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, a déclaré devant votre commission que
l'alternance et les emplois-jeunes étaient des dispositifs
complémentaires. Pourtant, des responsables d'entreprises publiques ont
déclaré à vos rapporteurs que les seconds avaient pris la
place des premiers.
Sur le plan budgétaire, on observe que les crédits
consacrés aux primes à l'apprentissage passent de 4,77 milliards
de francs en 1998 à 4,66 milliards de francs en 1999, le recentrage
correspond donc bien à une économie pour le budget de l'Etat. Le
montant des exonérations de charges sociales afférentes aux
contrats d'apprentissage devrait représenter 4,587 milliards de
francs en 1999 contre 4,545 en 1998.
Montant des engagements
(en milliards de francs)
|
1996 |
1997 |
Prévisions OCPA 1998 |
Hypothèses 1999 |
|
|
|
|
Déclarées au 01.01.98 |
Actualisées au 30.09.98 |
Actualisées (1) au 30.09.98 |
Contrats de qualification |
4,770 |
5,081 |
5,392 |
5,472 |
6,128 |
Contrats d'adaptation |
0,501 |
0,653 |
0,714 |
0,740 |
0,829 |
Contrats d'orientation |
0,030 |
0,027 |
0,042 |
0,050 |
0,056 |
Tuteurs |
0,007 |
0,027 |
0,030 |
0,037 |
0,041 |
TOTAL |
5,308 |
5,788 |
6,178 |
6,299 |
7,054 |
Source : AGEFAL
(1) Méthode d'actualisation : Taux moyen de
variation
des 12 derniers mois (+ 1 % par mois) appliqué aux
données de 1998 = + 12 % pour 1999.
Concernant les 130.000 contrats de qualification prévus en 1999, ils
devraient bénéficier de 343 millions de francs sous la forme de
primes et de 2,6 milliards de francs sous la forme d'exonérations
de charges sociales.
L'ouverture des contrats de qualification aux adultes constitue une
expérimentation intéressante, ce dispositif ayant pour objectif
de donner une qualification reconnue sur le marché du travail. Le
coût des 10.000 contrats est évalué à
près de 350 millions de francs pour 1998.
Il reste à trouver la bonne formule car on ne peut imaginer
transférer le dispositif destiné aux jeunes sans tenir compte des
spécificités attachées à un public composé
d'adultes en difficulté.