II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le
mercredi 4 novembre 1998
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président,
la
commission a enfin procédé à
l'examen du rapport pour
avis de M. Louis Souvet
sur les
crédits consacrés au
travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 1999
.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a tout d'abord
déclaré que les moyens du ministère de l'emploi devraient
atteindre 161,8 milliards de francs en 1999, soit une hausse de 3,9 %
par rapport à 1998. Compte tenu du niveau très
élevé du chômage dans le pays, il a estimé que le
niveau des crédits semblait correspondre globalement à
l'importance de l'enjeu et que ses remarques porteraient sur l'utilisation que
comptait faire le Gouvernement de ces moyens considérables afin
d'obtenir des résultats tangibles et surtout durables, sur le front du
chômage.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a indiqué qu'il avait
souhaité faire le point, un an après le vote de la loi sur les
emplois-jeunes, sur ce dispositif en procédant à un important
programme d'auditions. Il a déclaré que les réserves
formulées par la commission lors de la discussion parlementaire se
trouvaient validées aujourd'hui par les dysfonctionnements qu'il avait
constatés.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a rappelé que
l'environnement international s'était fortement dégradé,
de telle sorte que les prévisionnistes français s'attendaient
à un fort ralentissement de la croissance mondiale, qui passerait de
4 % en 1997 à 2 % en 1998. Il a observé que la
croissance française, qui devrait atteindre les 3 % en 1998,
pourrait se trouver ramenée à 2,7 % en 1999 selon le
Gouvernement, ce qui permettrait encore la création de 100.000 emplois.
Pourtant le rapporteur pour avis a remarqué que de nombreux instituts
considéraient que la croissance française devrait se situer entre
2,3 % et 2,5 %, ce qui ramènerait la croissance en emplois
en-dessous de 100.000.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a insisté sur l'importance
de ces prévisions économiques, considérant qu'elles
déterminaient très largement le sort de la loi d'orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail. Il a
estimé qu'une moindre croissance ne pourrait que renforcer les conflits
sur l'évolution des salaires compatible avec la réduction du
temps de travail.
Plus généralement, le rapporteur pour avis a rappelé que
le nombre de créations d'emplois était directement lié au
taux de croissance et que c'était pour une large part la baisse du
coût du travail des salariés les moins qualifiés, obtenue
à travers les allégements de charges sociales et le
développement du travail à temps partiel, mis en place en 1993,
qui avaient permis que le taux de croissance à partir duquel
l'économie créait des emplois dans le secteur privé soit
ramené à 1,5 %, contre 2 % dans les années 1980.
Dans ces conditions, il a observé que de fortes variations pouvaient
être observées dans le rythme des créations d'emplois.
Ainsi, dans la foulée de la forte reprise de l'activité au
printemps 1997, il a rappelé qu'on avait assisté presque
immédiatement à une traduction en termes d'emplois, du 30 juin
1997 au 30 juin 1998 le secteur privé ayant gagné près de
280.000 emplois.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a déclaré que,
toutefois, ces créations d'emplois avaient le plus souvent pris la forme
de contrats d'intérim ou de contrat à durée
déterminée, de telle sorte qu'un retournement de conjoncture se
traduisait également immédiatement sur les statistiques. Ainsi,
le rapporteur pour avis a observé que, si 104.600 emplois avaient
été créés au premier trimestre 1998, ce qui
constituait une performance remarquable, le second trimestre avait
été moins dynamique, avec la création de 64.000 emplois.
Il a rappelé que la hausse du nombre de demandeurs d'emplois de
catégorie I de 33.000 en août 1998, illustrait le caractère
extrêmement fragile et volatil de la reprise et que les dernières
statistiques relatives au mois de septembre, si elles étaient plus
favorables, méritaient d'être confirmées.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a observé que, grâce
à la reprise de l'activité, le taux de chômage au sens du
Bureau International du Travail (BIT) avait pu être ramené
à 11,7 % au mois de septembre 1998 contre 12,5 % un an plus
tôt, soit une baisse de 5,8 %.
Il a déclaré que ce recul bénéficiait
principalement aux jeunes, ce qui était cohérent avec un
retournement conjoncturel, auquel s'ajouteraient les effets d'un important
programme d'emplois publics destiné aux jeunes. Toutefois, le rapporteur
a souligné que le chômage de longue durée restait quasiment
stable, avec toutefois une hausse de 3 % des demandeurs d'emploi ayant
deux à trois ans d'ancienneté et que cela signifiait que la part
du chômage structurel ne baissait pas dans le chômage total.
Il a considéré que l'évolution du chômage de longue
durée constituait le véritable enjeu de la politique de l'emploi,
puisqu'elle déterminait l'évolution à moyen terme du taux
de chômage, hors variations conjoncturelles.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a déclaré que le
maintien à un niveau élevé du nombre de chômeurs de
longue durée semblait démontrer que ce Gouvernement n'avait pas,
plus que ses prédécesseurs, réussi à traiter
convenablement la question du chômage.
Puis
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis,
a souhaité revenir
sur les trois priorités de la ministre de l'emploi : la réduction
du temps de travail, les emplois-jeunes et le volet emploi du programme de
lutte contre les exclusions.
Il a déclaré que les crédits inscrits dans le projet de
loi de finances au titre de l'aide incitative prévue par la loi du 13
juin 1998 se montaient à 3,5 milliards de francs, auxquels il
convenait d'ajouter 200 millions de francs d'aide à
l'élaboration de conventions. Compte tenu des reports de la dotation
prévue au titre de 1998, il a rappelé que la ministre estimait
que 5 milliards de francs devraient être consacrés à
la réduction du temps de travail dans le budget pour 1999.
Evoquant le dernier bilan effectué par le ministère recensant
434 accords d'entreprise concernant 57.851 salariés et 4.460
emplois créés ou réservés, le rapporteur a
jugé ces résultats modestes, notamment dans la perspective de la
discussion de la seconde loi d'ici un an, juste avant l'entrée en
vigueur de la nouvelle durée légale du travail pour les
entreprises de plus de vingt salariés.
Il a déclaré que la loi sur les 35 heures semblait être
à la croisée des chemins, les partenaires sociaux s'étant
saisis du dossier, mais en adoptant des solutions parfois
éloignées des attentes gouvernementales.
Il a considéré qu'une tendance se dessinait à travers les
accords de branche signés, ceux-ci prévoyant le plus souvent un
aménagement du temps de travail accompagné d'un relèvement
des contingents d'heures supplémentaires ainsi bien souvent qu'un
recours à un surcroît de souplesse, solution que le Gouvernement
avait rejetée. Le rapporteur a observé que les salaires
semblaient devoir être préservés au prix d'une absence
d'engagements formels en termes d'emploi. Il s'est interrogé, dans ces
conditions, sur l'utilité de cette loi.
Il a observé que les négociations se trouvaient
contrariées par les incertitudes qui demeuraient quant au contenu de la
seconde loi, notamment sur les heures supplémentaires et sur la
rémunération mensuelle minimale.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur l'attitude de
Mme la ministre de l'emploi, qui distribuait des satisfecit aux partenaires
sociaux selon le contenu des accords de branche signés, comme si la
négociation collective était sous la tutelle de l'Etat.
Concernant la deuxième priorité du Gouvernement,
c'est-à-dire le programme " nouveaux services - nouveaux
emplois ",
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a
déclaré que le premier bilan était plus nuancé,
138.250 emplois ayant été créés au
30 septembre dernier et 88.853 jeunes ayant été
embauchés.
Il a remarqué que, si les embauches de 1997 et début 1998 avaient
toutes été concentrées dans l'Education nationale et la
Police nationale, les associations, les collectivités locales et les
établissements publics avaient, depuis, pris le relais.
Il a estimé que, sur le plan quantitatif, le dispositif constituait
indubitablement un succès, ce qui n'était pas étonnant
compte tenu du fort taux de chômage des jeunes existant dans notre pays.
Il a remarqué que ces emplois, payés au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC), avaient constitué une
véritable aubaine, nombre de ces emplois étant apparus, à
juste titre, comme une voie d'entrée par la petite porte dans la
fonction publique.
Si ce n'était le coût budgétaire qui se monte au total
à environ 17 milliards de francs pour 250.000 emplois fin
1999, compte tenu de la dotation budgétaire de 13,8 milliards de
francs et des reports de crédits de 1998, le rapporteur a
considéré que l'on pourrait se satisfaire de ce dispositif
d'emplois publics d'urgence.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a observé que le jugement
était cependant nécessairement plus prudent lorsque l'on rentrait
dans le détail des emplois créés et plus encore lorsque
l'on envisageait leur pérennisation.
Evoquant les auditions auxquelles il avait procédé, il a
estimé que, souvent, les représentants du Gouvernement avaient
été assez peu regardants sur l'utilité des emplois ou
même sur leur caractère nouveau ou encore émergent.
Il a déclaré que les entreprises publiques, comme la SNCF et la
RATP, avaient été fermement invitées à accueillir
des emplois-jeunes et qu'on ne pouvait parler d'une démarche volontaire
de leur part. Il a estimé que l'entreprise ferroviaire avait saisi
l'opportunité de l'aide de l'Etat pour renforcer la présence en
personnels dans les gares et qu'il s'agissait pour elle d'un pur effet
d'aubaine. Evoquant la RATP, le rapporteur a déclaré qu'elle
avait créé des associations employant les jeunes avant de les
mettre à sa disposition pour occuper des fonctions qui relevaient,
à l'évidence de son métier (nettoyage, orientation,
accompagnement, " présence "). Il s'est interrogé sur
la légalité de cette pratique au regard de l'article
L. 125-1 du code du travail qui interdit le marchandage.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a déclaré que ces
remarques avaient pour objet d'illustrer dans quelle mesure le dispositif
emplois-jeunes se situait, sur bien des points, en contravention avec le droit
du travail qui s'appliquait pourtant à l'ensemble des employeurs
privés.
Il a estimé que cette contradiction n'était nulle part aussi
évidente que dans le cas des emplois-jeunes à l'Education
nationale où 40.000 jeunes avaient déjà
été embauchés.
Il a observé que le mode de recrutement employé -des contrats de
droit privé- était une source majeure de dysfonctionnements et
d'ambiguïtés. Il a regretté que, trop souvent, les
tâches qui étaient confiées aux jeunes empiétaient
sur des compétences d'autres personnels, que ce soient les maîtres
d'internat ou les surveillants d'externat (MI-SE), les documentalistes des
centres de documentation et d'information (CDI) ou encore les psychologues ou
les assistantes sociales à travers les tâches de médiation.
Par ailleurs, il a déclaré que le droit du travail n'était
ni appliqué, ni contrôlé. Il s'est interrogé sur la
légalité des mises à disposition de personnels
employés par les collèges dans les écoles
élémentaires. De même, il a estimé que le champ de
la responsabilité de l'employeur semblait encore
indéterminé, comme celui des emplois-jeunes eux-mêmes, qui
devraient toujours être encadrés par des " tuteurs "
responsables. Il a souligné enfin que l'inspection du travail n'avait
pas accès -à l'heure actuelle- aux locaux de
l'éducation nationale, ce qui signifiait que ce ministère
était de facto exempté du respect du droit du travail hors
contentieux devant les prud'hommes.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a rappelé que la
commission des Affaires sociales avait préconisé que les
emplois-jeunes soient recrutés sur la base de contrats de droit public,
en observant que cela aurait évité bien des incertitudes.
Concernant la pérennisation des emplois,
M. Louis Souvet, rapporteur
pour avis
, a évoqué l'existence d'un malentendu entre, d'une
part, le ministre de l'éducation nationale et, d'autre part, les jeunes
et certains syndicats, le ministre ayant déclaré qu'au terme des
cinq ans les jeunes seraient remplacés dans leurs fonctions par de
nouveaux postulants alors que les emplois-jeunes souhaitaient, quant à
eux, être recrutés et titularisés. Le rapporteur a
estimé que le ministre en charge en 2003 devrait faire face à ce
qui constituait déjà une véritable " bombe à
retardement ".
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a finalement évoqué
les dysfonctionnements dans la mise en place des adjoints de
sécurité dans la police nationale.
Il a déclaré qu'en contradiction avec la loi et les
décrets d'application, il lui avait été rapporté
que nombre d'adjoints de sécurité étaient laissés
sur la voie publique sans aucun encadrement. Il a observé que le niveau
de recrutement était considéré par les syndicats comme
moyen, voire médiocre, et qu'il avait été abaissé
pour engager des jeunes des quartiers difficiles.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a estimé que le
déficit de formation et d'encadrement constituait la principale
faiblesse du dispositif.
Evoquant la troisième priorité du projet de budget du
ministère concernant le recentrage des dispositifs d'aide publique
à l'emploi sur les publics les plus en difficulté,
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a déclaré que
le nombre des contrats emplois-consolidés (CEC) était
doublé par rapport à 1999. Il a observé que le programme
trajet d'accès à l'emploi (TRACE) devrait permettre d'accueillir
40.000 jeunes en grande difficulté pour un " parcours "
accompagné.
Concernant les allégements de charges sur les bas salaires,
M. Louis
Souvet, rapporteur pour avis
, a noté que le projet de budget pour
1999 reconduisait le dispositif de la " ristourne dégressive "
dans la configuration adoptée en 1998, pour un montant de
43 milliards de francs.
Il a regretté que cette politique ne soit pas renforcée,
l'article 81 du projet de loi de finances supprimant même
l'exonération de cotisations d'allocations familiales.
Il a rappelé que le Sénat avait adopté, le 29 juin
dernier, une proposition de loi à l'initiative de M. Christian
Poncelet, alors président de la commission des Finances, visant à
porter à 1,4 fois le SMIC le seuil des exonérations de
charges sociales.
Il a observé que le rapport du professeur Malinvaud sur la
réforme des cotisations patronales n'avait pas encore donné lieu
à des propositions concrètes de la part du Gouvernement.
Concernant les autres grands postes du projet de budget de l'emploi,
M.
Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a observé que la subvention
à l'agence nationale pour l'emploi augmentait de plus de 10%, ce qui
devait lui permettre de poursuivre l'augmentation de ses effectifs et
d'atteindre les " objectifs de Luxembourg ", qui lui donnaient le
soin d'offrir un " nouveau départ " à 1,8 million
de personnes d'ici à 2002.
Il a estimé que cette augmentation de crédits serait insuffisante
pour rattraper les engagements partiellement tenus de l'Etat dans le cadre du
précédent contrat de progrès. Il a déclaré,
à titre d'exemple, que l'ANPE estimait qu'il lui manquait
60 millions de francs pour mettre à niveau son parc informatique.
Il a observé également que les conditions d'accès aux
allocations spéciales du Fonds national de l'emploi (FNE) et aux
préretraites progressives devraient être durcies en 1999, alors
qu'un effort devrait être fait en matière de prise en charge du
chômage de solidarité et de reclassement des travailleurs
handicapés.
En conclusion,
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a
déclaré que les incertitudes sur les trente-cinq heures et les
emplois-jeunes, comme l'absence de signe fort en faveur d'un renforcement des
allégements de charges sociales sur les bas salaires, avaient
achevé de le convaincre de proposer à la commission de formuler
un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget de
l'emploi et d'adopter un amendement de suppression de l'article 81
rattaché à la discussion de ce budget.
Puis la commission a examiné le
rapport pour avis de Mme Annick
Bocandé
sur les
crédits consacrés à la
formation professionnelle dans le projet de loi de finances pour 1999
.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
après avoir
rendu un hommage chaleureux à l'action de son
prédécesseur, M. Jean Madelain, a observé que le niveau
des crédits attribués à la formation professionnelle
devrait s'avérer satisfaisant en 1999 et que la seule véritable
nouveauté comprise dans ce projet de budget résidait dans le
recentrage des aides publiques à l'alternance. Elle a
déclaré que les crédits de la formation professionnelle
devraient représenter 26,42 milliards de francs en 1999, soit une
hausse de 5,3 %, et 31 milliards de francs, si l'on y ajoutait les
4,5 milliards de subventions à l'Association pour la formation
professionnelle des adultes (AFPA) et les autres organismes de formation.
Elle a déclaré que les crédits alloués au soutien
de la formation en alternance augmentaient de 10,2 % à
12,653 milliards de francs.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a estimé qu'avec
plus de 200.000 nouveaux contrats signés en 1997, l'essor du
dispositif, amorcé en 1993, se confirmait.
Elle s'est étonnée, dans ces conditions, que le Gouvernement ait
décidé d'opérer un recentrage des aide publiques aux
contrats en alternance.
Elle a observé que déjà, le mois dernier, le Gouvernement
avait modifié par décret les conditions d'attribution de l'aide
forfaitaire liée à l'embauche en contrat de qualification et que,
depuis le 15 octobre, le versement de l'aide forfaitaire liée à
l'embauche en contrat de qualification intervenait pour les seuls jeunes de
niveaux VI, V bis et V de l'Education nationale, ainsi que pour les jeunes
dépourvus du baccalauréat.
Elle a considéré que l'article 80 du projet de loi de finances,
rattaché au budget de la formation professionnelle avait un objet
identique au décret du 12 octobre 1998 pour ce qui concernait, cette
fois, l'aide à l'embauche d'un apprenti.
Elle a estimé que ces économies limitaient le
développement de la formation en alternance, le nombre d'entrées
de jeunes dans l'apprentissage étant en baisse de 4,2 %, passant de
240.000 entraides en 1998 à 230.000 pour 1999. Elle a fait part de son
sentiment que des arbitrages avaient été faits qui tendaient
à financer en priorité le dispositif emplois-jeunes dont la
pérennisation était aléatoire, de préférence
aux dispositifs structurants comme l'alternance. Elle a affirmé que si
cette tendance devait se confirmer, elle constituerait un motif sérieux
d'inquiétude.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a déclaré
que la commission des finances de l'Assemblée nationale avait
décidé de suivre son rapporteur, M. Jacques Barrot, qui lui avait
proposé de supprimer ce recentrage et de le compenser par un
prélèvement de 60 millions de francs sur les
excédents de trésorerie de l'Association de gestion du fonds des
formations en alternance (AGEFAL). Elle a souhaité que cet amendement
soit adopté, en considérant toutefois qu'il aurait
été préférable que le Gouvernement s'abstienne de
présenter une telle disposition ou que la commission des Finances aurait
pu choisir de réduire d'autres postes de dépense comme les
emplois-jeunes.
Elle a rappelé que les exonérations de charges sociales et, pour
les contrats d'apprentissage, les indemnités de formation, restaient
applicables à l'ensemble des contrats.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a précisé
que les crédits consacrés aux primes à l'apprentissage
passaient de 4,77 milliards de francs en 1998 à 4,66 milliards
de francs en 1999 et que le montant des exonérations de charges sociales
afférentes aux contrats d'apprentissage devrait représenter
4,587 milliards de francs en 1999 contre 4,545 en 1998.
Concernant les 130.000 contrats de qualification prévus en 1999, elle a
estimé qu'ils devraient bénéficier de 343 millions de
francs sous la forme de primes et de 2,6 milliards de francs sous la forme
d'exonérations de charges sociales.
Elle a souligné l'intérêt que pouvait présenter
l'expérimentation des contrats de qualification aux adultes, ce
dispositif ayant pour objectif de donner une qualification reconnue sur le
marché du travail. Elle a déclaré que le coût des
10.000 contrats était évalué à près de
350 millions de francs pour 1998 et qu'il restait à trouver la
bonne formule pour tenir compte des spécificités d'un public
composé d'adultes en difficulté.
Concernant le prélèvement de 500 millions de francs sur les
fonds de la formation en alternance,
Mme Annick Bocandé, rapporteur
pour avis,
a observé qu'il faisait suite à deux
prélèvements antérieurs, le premier de 1,73 milliard
de francs en 1997 et le second de 500 millions de francs en 1998.
Elle a rappelé que la commission des Affaires sociales s'était
opposée à ces deux prélèvements, en
considérant qu'ils mettaient en péril le financement des contrats
de qualification et qu'ils permettaient de financer le budget
général sans aucune assurance que les fonds
bénéficient à la formation.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a estimé que le
nouveau prélèvement était entouré de garanties qui
pouvaient apparaître comme rassurantes, les 500 millions de francs
devant être affectés à un fonds de concours qui ferait
l'objet d'une utilisation concertée avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs,
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a
observé que, par un courrier adressé le 19 octobre 1998 au
Comité paritaire national pour la formation professionnelle,
Mmes Martine Aubry et Nicole Pery avaient déclaré que
" la constitution de ce fonds (de concours) ne devait en aucune
manière contraindre le développement actuel des formations
professionnelles en alternance. Le cas échéant, toutes les
dispositions nécessaires seront prises par les pouvoirs publics pour
assurer la couverture effective des dépenses exposées par les
entreprises dans le cadre de ces contrats ".
Elle a estimé que cette garantie de l'Etat supprimait, de fait, les
risques financiers relatifs à la couverture du paiement des contrats de
qualification ; elle a rappelé que cette garantie était attendue
depuis plus de trois ans par les partenaires sociaux.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a toutefois
considéré comme dommageable que le fonds de concours ne soit
mentionné nulle part dans le projet de loi de finances et qu'aucune
indication n'ait transparu sur l'" utilisation concertée " des
fonds.
Concernant les autres programmes de formation, elle a souligné une
baisse de 55 % des crédits alloués à la formation des
cadres.
Elle a observé que les effectifs des stages de formation (stages
d'insertion et de formation à l'emploi et stages d'accès à
l'emploi) devraient baisser de 12,5 % en 1999, ces coupes participant aux
redéploiements décidés par la ministre pour permettre le
bouclage du financement du plan emplois-jeunes.
Concernant les actions de formation à la charge de l'Etat, elle a
noté une baisse des crédits alloués à la politique
contractuelle et la reconduction des crédits alloués aux contrats
de plan Etat-régions.
Par ailleurs, elle a déclaré que l'Etat devrait verser
2,71 milliards de francs à l'Union nationale pour l'emploi dans
l'industrie et le commerce (UNEDIC) au titre de l'allocation de
formation-reclassement (AFR), soit un montant comparable à celui de 1998.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a
considéré que les quatre dotations de décentralisation
seraient reconduites en 1999 dans des proportions proches de celles de 1998 ;
la dotation de décentralisation prévue dans le cadre de la loi du
7 janvier 1983 devrait se monter en 1999 à 3,2 milliards de francs,
contre 3,136 milliards en 1998, celle au titre de la loi de 1987 étant
reconduite à un montant proche de celle de 1998, soit 107 millions
de francs. Pour ce qui est de la dotation de décentralisation des
actions de type qualifiant pour les jeunes prévue par la loi
quinquennale, elle a déclaré que 1,847 milliard de francs
était prévu, contre 1,797 milliard de francs en 1997. Elle a
observé également que l'enveloppe de rééquilibrage
au titre de l'aménagement du territoire dans un nombre restreint de
sites, était portée à 55 millions de francs contre
54,11 millions de francs en 1998.
Evoquant le réseau des missions locales et des permanences d'accueil,
d'information et d'orientation (PAIO), elle a observé que les
crédits alloués à la délégation
interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des
jeunes en difficulté augmentaient sensiblement pour atteindre
416 millions de francs en 1999.
Elle a considéré que cette hausse des crédits s'inscrivait
dans le cadre d'un contrat de progrès qui visait à
compléter le réseau par le renforcement des missions locales et
le développement des espaces jeunes, le réseau étant
appelé à jouer le rôle de pilote et d'opérateur du
programme TRACE.
Evoquant l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA),
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis
, a
déclaré que sa subvention était en hausse de
140 millions de francs à 4,128 milliards de francs pour 1999,
cette dotation s'inscrivant dans le cadre des nouveaux objectifs fixés
à l'Association par le contrat de progrès.
Elle a déclaré que l'AFPA devrait voir sa collaboration avec
l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) se renforcer afin de proposer aux
demandeurs d'emploi des projets personnalisés, cet objectif marquant une
rupture avec la politique suivie les années précédentes
par l'Association qui était plus tournée vers le marché de
la formation.
En conclusion,
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
a
déclaré que les incertitudes concernant la réforme en
préparation comme le recentrage des aides à l'alternance
l'amenaient à proposer à la commission de se rallier, pour les
crédits de la formation professionnelle, à l'avis
défavorable formulé par M. Louis Souvet en ce qui concernait les
crédits de l'emploi et à proposer un amendement de suppression de
l'article 80 du projet de loi de finances.
M. Gilbert Chabroux
a estimé que les analyses des rapporteurs
mériteraient d'être nuancées en prenant plus en compte les
résultats de la politique du Gouvernement. Evoquant la loi sur les 35
heures, il a précisé qu'il était nécessaire de lui
laisser du temps pour donner toute sa mesure.
Il a observé que le plan emplois-jeunes, après des débuts
hésitants, constituait un succès, notamment dans les
collectivités locales. Il a considéré que le Gouvernement
avait réussi à redonner confiance aux acteurs de
l'économie.
M. André Jourdain
a déclaré que l'essentiel des
créations d'emplois observés depuis un an était dû
aux allégements de charges sociales. Il a regretté que le
Gouvernement ait suspendu le développement de cette politique, et qu'il
n'ait pas repris la proposition du président Christian Poncelet. Il a
considéré que cela constituait un motif suffisant pour rejeter
les crédits. Il a observé que les petites entreprises
hésitaient à s'engager dans le processus de réduction du
temps de travail dans l'attente de la deuxième loi. Il a
déploré plus généralement que le Gouvernement
prône des formes d'assistance là où il convenait de
redonner du dynamisme à l'économie.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a considéré que le
rapporteur pour les crédits du travail et de l'emploi avait fait preuve
d'un pessimisme exagéré dans ses appréciations sur la mise
en oeuvre des 35 heures et des emplois-jeunes. Elle a souligné que le
Gouvernement avait insisté sur la formation et sur la
pérennisation des emplois-jeunes. Sur les 35 heures, elle a
observé que nul ne s'attendait à des résultats rapides.
Evoquant la formation professionnelle,
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a
souhaité que la réforme à venir clarifie l'ensemble du
système.
M. Guy Fischer
a déclaré que la politique du Gouvernement
devait être confortée. Evoquant le recentrage des
préretraites du Fonds national de l'emploi (FNE), il a acquiescé
au souhait du Gouvernement de ne pas faire reposer le coût des
restructurations sur l'Etat. Il a estimé que le plan emplois-jeunes
permettait de mettre aux jeunes le " pied à l'étrier ".
Il a considéré que les 35 heures constituaient une
véritable révolution culturelle dont il conviendrait
d'apprécier toutes les conséquences notamment en termes de
flexibilité et d'annualisation. Il s'est également
interrogé sur le devenir des 350.000 emplois-jeunes prévus dans
le secteur privé en observant qu'aucune loi n'avait été
votée les concernant.
M. Jacques Machet
a considéré que l'alternance devait
continuer à être privilégiée. Il a regretté
l'arbitrage du Gouvernement entre les emplois-jeunes et l'alternance.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur le moyen
d'assurer la transition vers la fin du service national, en constatant que
nombre d'appelés occupaient des fonctions civiles, pour lesquelles ils
n'étaient pas remplacés.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, répondant aux
intervenants, a déclaré que l'examen du contenu des accords sur
les 35 heures nuançait l'enthousiasme dont faisaient preuve les
défenseurs du texte.
Il a évoqué les problèmes liés à
l'indemnisation des emplois-jeunes qui se retrouveraient au chômage. Il a
déclaré qu'il serait attentif aux problèmes posés
par la suppression du service national.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis,
répondant aux
intervenants a déclaré qu'elle attendait avec impatience la
publication du " livre blanc " sur la formation professionnelle et
qu'elle ne souhaitait pas que l'on revienne sur le développement des
formations en alternance.
A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de ses
rapporteurs,
a émis un avis défavorable sur les crédits
consacrés au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle dans le projet de loi de finances pour 1999 ; elle a
également adopté deux amendements de suppression des articles 80
et 81 rattachés à la discussion de ces crédits
.