V. LA NOUVELLE AMBITION POUR LA VILLE S'ENGAGE SUR DES OBJECTIFS CONTRADICTOIRES ET NE DONNE PAS SUFFISAMMENT SA PLACE AU RÉTABLISSEMENT DE LA SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS ET AU DÉVELOPPEMENT DE L'OUTIL ÉCONOMIQUE
A. LE NOUVEAU CADRE CONTRACTUALISÉ DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, QUI APPELLERAIT DES SIMPLIFICATIONS, S'ENGAGE SUR DES OBJECTIFS TROP COMPLEXES
Parmi
les multiples instruments contractuels de la politique de la ville, le contrat
de ville joue un rôle essentiel. Signé entre l'Etat et les maires
des communes concernées et, le cas échéant, les
représentants du conseil régional, du conseil
général et du FAS, il met en oeuvre les diagnostics et
arrête les choix stratégiques ainsi que les programmes d'action
sur cinq ans pour lutter contre l'exclusion dans les quartiers.
Les contrats de ville présentent l'avantage d'ouvrir la voie à
une démarche globale et de présenter une grande souplesse dans
l'intervention des signataires dans le respect des règles de la
décentralisation.
1. La lourdeur du dispositif actuel est incontestable
La
lourdeur de la mise en oeuvre pratique des contrats de ville a soulevé
diverses critiques
qui sont évoquées notamment dans le
rapport de M. Jean-Pierre Sueur.
Certaines de ses objections rejoignent celles qui avaient été
formulées dans les avis présentés au nom de notre
commission par Mme Hélène Missoffe.
Trois catégories de critiques peuvent être formulées.
Tout d'abord,
la multiplicité des partenaires
engagés
dans la politique de la ville
rend relativement complexe la gestion des
réunions de concertation et de pilotage. Il est à noter que la
multiplicité des centres de décision n'est pas uniquement le fait
des collectivités locales mais aussi des services de l'Etat pour lequel
chaque service déconcentré tend à vouloir faire respecter
son autonomie de décision.
Ensuite,
la juxtaposition de procédures financières
distinctes est source de retards de paiement des subventions. Les
procédures financières sont lourdes et la
généralisation des cofinancements joue comme un frein dans la
mesure où doivent être attendues les diverses
délibérations des collectivités locales parties prenantes
au projet qui souhaitent, de manière assez légitime, qu'il soit
fait état du montant de leur financement.
Enfin,
la multiplicité des procédures sur un même site
urbain
malgré la vocation globale du contrat de ville est un facteur
de complexité : les communes dotées d'un GPU voient se
développer un circuit de réunions et de financement pour les
projets d'investissement différent de celui appliqué pour les
dépenses de fonctionnement de droit commun dans le cadre des contrats de
ville.
En prenant la décision de prolonger d'un an les actuels contrats de
ville, le Gouvernement a pris une décision qui semble justifiée
par le souci d'agir en cohérence avec la mise en place du
XII
ème
Plan (2000-2006) et d'assurer la mise en phase avec
les cycles d'intervention des fonds structurels européens.
Toutefois, il est dommage que ce délai supplémentaire ne soit pas
mis à profit pour préparer la mise en place des nouveaux contrats
de ville dans des conditions moins précipitées que celles qui
avaient pesé, pour des raisons tenant au calendrier, sur Mme Simone Veil.
Au contraire, les récentes déclarations du ministre
délégué à la ville laissent à penser que la
nouvelle négociation sera ralentie, en pratique, par la
redéfinition du rôle des nouveaux contrats de ville auxquels
semblent avoir été assignés de multiples
objectifs.
2. Une certaine confusion sur les futurs objectifs des contrats de ville
Les
déclarations du ministre délégué à la ville
et le CIV du 30 juin dernier montrent qu'il est souhaité :
- que les contrats de ville s'intègrent dans les
contrats
d'agglomération,
tel que prévu par le projet de loi sur le
développement durable du territoire dans les aires urbaines où de
tels contrats seront négociés et dès leur conclusion ;
- qu'une réflexion s'engage sur
les modalités
d'association et de consultation formelle des habitants
dans le cadre des
articles L. 2143-2 et L. 2142-1 du code général des
collectivités territoriales.
- et que les départements soient plus fortement associés aux
contrats de ville.
Conscient de la difficulté de sa démarche, le Gouvernement a
choisi d'expérimenter seize sites pilotes sur lesquels des projets de
contrats de ville préfigurant la contractualisation 2000-2006 doivent
être lancés en septembre 1998.
Les 16 sites pilotes de la politique de la ville
Amiens |
Orléans |
Bastia |
Perpignan |
Boucle nord 92 (Asnières, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne) |
Poitiers |
Grenoble |
Port de Bouc, Martigues |
Le Mantois |
Rennes |
Les portes de Paris (Bry-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Villiers-sur-Marne) |
Saint-Dizier |
Lille, Roubaix, Tourcoing |
Val-de-Marne centre (Alfortville, Bonneuil, Créteil, Maisons-Alfort) |
Mulhouse |
Saint-Denis-de-la-Réunion |
Un
groupe de travail interministériel doit étudier la
géographie d'intervention de l'Etat, le contenu des futurs contrats et
les modalités d'association des habitants à l'élaboration
des contrats, les modalités d'intégration des contrats de ville
aux futurs contrats d'agglomération. Un prochain CIV doit arrêter
avant la fin de 1998 le dispositif et les orientations retenues pour
préparer les contrats de ville.
La valorisation du niveau de l'agglomération notamment semble
particulièrement préconisée dans les travaux du
Gouvernement.
La presse s'est récemment fait l'écho d'un rapport d'étape
sur la mission de préfiguration des nouveaux contrats de ville de
M. Georges Cavallier, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui
aurait été remis à M. Claude Bartolone.
Ce rapport, destiné à la préparation d'un CIV
programmé pour le mois de décembre, indique nettement que
" l'échelle territoriale pertinente du contrat de ville est
celle de l'agglomération urbaine dès lors que ce contrat n'est
pas seulement destiné à mettre en oeuvre une politique
localisée et catégorielle de traitement d'urgence des quartiers
en crise, mais qu'il doit aussi constituer un véritable contrat global
de solidarité urbaine "
.
Il serait donc proposé un système à deux étages
: " Un contrat-cadre, politique et stratégique, serait
signé à l'échelle de l'agglomération entre l'Etat
et le président de l'établissement public de coopération
intercommunale (EPCI). Sujet à d'éventuelles révisions, il
fixera, sur une longue période, les grandes orientations. S'y ajouteront
des contrats particuliers engageant des partenaires multiples (mairies,
conseils généraux, conseils régionaux, bailleurs sociaux)
mais essentiellement territoriaux et exceptionnellement thématiques et
pouvant être conclus pendant toute la période "
.
Dans un récent entretien
6(
*
)
, M. Claude Bartolone,
interrogé sur le point de savoir s'il pouvait s'engager dans une logique
résolument intercommunale alors qu'aucun texte n'était
voté, a répondu qu'il était demandé aux élus
" de définir un projet politique de solidarité pour leur
territoire qui serait l'objet du projet de ville présenté en
commun par l'ensemble des responsables des collectivités locales
concernées "
.
Il convient de souligner en effet que si le Gouvernement a adopté le 28
octobre dernier en Conseil des ministres un projet de loi relatif à
l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération
intercommunale, aucune disposition législative n'est aujourd'hui
votée modifiant institutionnellement le rôle des
agglomérations.
En fait, le
ministère semble poursuivre des objectifs institutionnels
éloignés des actuels contrats de ville
: la question du
développement de la notion d'agglomération est importante mais
elle passe par une réflexion institutionnelle préalable sur
l'intercommunalité. De même, la participation des habitants peut
s'exprimer par des voies juridiques qui n'obèrent pas le travail
d'élaboration des contrats de ville.
Enfin, s'il est nécessaire d'associer le plus large nombre de
collectivités possibles, il importe de souligner que la dimension
communale demeure essentielle et que, plus se multiplient les participations
formalisées, plus la préparation des documents contractuels est
retardée.
Il serait erroné de vouloir utiliser les contrats de ville comme un
levier pour faire avancer la coopération intercommunale et la
participation des habitants. A poursuivre trop d'objectifs, l'instrument
déjà critiqué que constitue le contrat de ville risque de
se fragiliser encore plus.
B. LA POLITIQUE DE LA VILLE N'ACCORDE PAS AU RÉTABLISSEMENT DE LA SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS LA PRIORITÉ QUI DEVRAIT LUI REVENIR.
Le ministre met presque exclusivement l'accent sur les mesures prises en matière de prévention de la délinquance qui font largement appel à l'intervention des communes dans le cadre de la politique contractuelle.
1. La montée de la délinquance et de la violence urbaine
La
question de la montée de la délinquance et de la violence urbaine
se pose avec toujours autant d'acuité.
Il est à noter de manière liminaire qu'en réponse à
une demande statistique sur les taux de délinquance dans les quartiers,
il a été indiqué à votre rapporteur que
" les statistiques de la police et de la gendarmerie recouvrent des
zones géographiques qui s'apparentaient le plus souvent au
découpage administratif ; l'exploitation des données fournies sur
la base d'une codification d'infractions permet d'observer l'aspect de la
criminalité et de la délinquance pour l'ensemble du territoire,
par régions, départements ou circonscriptions que ces
statistiques ne permettaient pas d'établir le taux de délinquance
dans les quartiers ".
Le manque d'information de la DIV, ainsi qu'apparemment du ministère de
l'intérieur, peut soulever quelques interrogations du point de vue de
l'évaluation de l'action publique.
Comme on le sait, les faits constatés de criminalité et de
délinquance n'ont cessé d'augmenter depuis un quart de
siècle. Le seul point positif constaté est la
décélération de la hausse apparue notamment entre 1994 et
1997 qui conduit à une baisse des faits enregistrés de
criminalité et de délinquance respectivement de 2,88 % en
1996 et de 1,86 % en 1997.
Bien entendu, ces améliorations statistiques n'ont pas
automatiquement à court terme un effet sur le sentiment
d'insécurité qui règne dans les quartiers
, d'autant
plus que certaines catégories d'infractions ont continué à
augmenter sur la période et en particulier les atteintes à la
personne, les vols avec violence avec ou sans arme à feu, les
destructions et dégradations, comme le souligne notre collègue M.
Jean-Patrick Courtois dans son avis
7(
*
)
sur la police et la
sécurité.
Enfin,
les actes d'incivisme ou d'incivilité
qui se multiplient
dans les quartiers sensibles et exaspèrent les populations ne sont pas
pris en compte car ils ne donnent pas toujours lieu à déclaration
et au dépôt d'une plainte.
Sur ce point, des expériences étrangères ont
été conduites pour tenter d'apporter une réponse plus
claire des forces policières et conjurer ainsi le sentiment
d'impunité des agresseurs que ressentent les victimes.
La théorie du " carreau cassé "
Dans la
ville de New York qui compte environ 7 millions d'habitants, la
délinquance a baissé de 10 % par an au cours des sept
dernières années.
Les policiers s'efforcent d'appliquer la théorie du " carreau
cassé " : la moindre infraction doit faire l'objet d'une
réponse policière. En vertu de ce principe de
" tolérance zéro ", aucune infraction ou
déprédation ne doit rester impunie.
La théorie du " carreau cassé " est accompagnée
de trois méthodes :
- un recrutement important de policiers : de 1994 à aujourd'hui le
nombre de policiers en service à New-York est passé de 22.000
à 38.000 environ ;
- un contrôle des résultats à échéance
régulière pouvant donner lieu à la mise en jeu du mandat
du responsable policier local ;
- un renforcement des liens avec la population (
community policing
)
par l'intermédiaire d'associations de quartiers et de vigiles non
armés.
Une mission du ministère de l'intérieur s'est rendue aux
Etats-Unis en février 1998 pour étudier les résultats.
Trois propositions ont été suggérées au
ministre : désigner des sites-pilotes où seraient promues
des associations de rue en contact avec un correspondant policier ; rendre
chaque policier en charge de ces secteurs responsable par rapport à sa
hiérarchie ; réaliser un sondage auprès des policiers et
de la population pour déterminer les attentes de chacun.
En octobre 1998, la police d'Amsterdam a été invitée
également à sanctionner par des amendes les infractions ou les
déprédations même mineures commises sur la voie publique.
La violence urbaine est
aggravée par deux phénomènes
préoccupants
pour l'avenir.
• La violence affecte par un effet de " tache d'huile "
des quartiers voisins de ceux où elle était enracinée. Tel
est notamment le cas des franges agricoles des grandes villes des espaces dits
périurbains où vivent 9 millions de Français et sur
lesquels se maintiennent des exploitations représentant 10 % de la
surface agricole utile nationale.
Les actes de déprédation et les actes de vandalisme gratuit
semblent se développer sur les exploitations agricoles
périurbaines.
Il convient également de souligner les " bouffées "
de violence qui frappent des communes suburbaines moyennes jusqu'ici
épargnées par ces phénomènes.
• Le second phénomène inquiétant est
la
montée d'une délinquance qui est le fait de mineurs,
souvent en bandes organisées
; la part des mineurs dans les vols
avec violence est passée de 19 à 31 % sur les vingt
dernières années ; leur part dans les actes de vandalisme est
passée de 23 à 40 %. Ceci pose la question de l'organisation
de notre système judiciaire et son aptitude à répondre
à cette nouveauté ; cela pose également la question de
savoir si le système social d'aide aux familles ne devrait pas
rechercher dans certains cas à mieux responsabiliser les familles en
ouvrant la voie à un dialogue dans la dignité avec les
parents.
2. Une politique fortement axée sur la dimension préventive
Le
Gouvernement souligne que la politique de la prévention de la
délinquance est mise en oeuvre sur la totalité du territoire
national mais qu'elle s'attache à intensifier ses interventions dans les
sites prioritaires de la politique de la ville.
Cette politique est élaborée au sein de 850
conseils communaux
de prévention de la délinquance
dont 345 dans les communes
ayant signé un contrat de ville.
La circulaire du Premier ministre du 13 février 1997 instituant la
généralisation des
plans départementaux de
prévention de la délinquance
a indiqué que ces plans
devraient accorder une priorité à la prise en charge des jeunes
les plus en difficulté.
Le Gouvernement met également en avant :
- les initiatives visant à responsabiliser la
génération adulte,
- les mesures de prévention de la toxicomanie,
- le développement des mesures alternatives à la
détention dans le cadre des plans départementaux pour
prévenir les récidives,
- le développement de la justice de proximité et l'aide aux
victimes,
- des initiatives locales pour assurer la sécurité dans
certains lieux sensibles (gares et transports, centres commerciaux).
Par ailleurs, le CIV du 30 juin 1998 a chargé la DIV de présenter
des propositions visant à la simplification des dispositifs de
prévention et de sécurité. Celle-ci doit également
faire une étude sur les réponses à apporter aux
incivilités. Un séminaire national doit être
organisé pour refonder la question de la prévention de la
délinquance.
En matière de lutte contre la délinquance, le ministère
rappelle que sept
brigades anti-criminalité
départementales
(BAC) fonctionnent dans les départements de
la région parisienne. Ces unités ont été
créées à partir de 1996.
Il est indiqué que les
contrats locaux de sécurité
-dont 400 sont en cours d'élaboration-, doivent conduire au
développement d'une véritable sécurité de
proximité.
En revanche, s'agissant des effectifs, le ministère renvoie au
redéploiement prévu dans le cadre de la
réforme de la
carte des services de police et de gendarmerie
visant à
redéployer 3.000 policiers en zones sensibles et 1.200 gendarmes en
zones périurbaines et qui, à ce jour, n'est pas entrée en
vigueur.
Pour mémoire, il n'est pas inutile de rappeler que dans le cadre du
pacte de relance pour la ville, M. Alain Juppé, alors Premier ministre,
avait envisagé d'affecter 4.000 policiers supplémentaires en
trois ans dans les départements comportant des quartiers difficiles.
La présence supplémentaire d'agents sur le terrain repose donc
aujourd'hui quasi exclusivement sur l'arrivée des adjoints de
sécurité, qui ne peuvent, en tout état de cause,
participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre
et des agents locaux de médiation sociale qui ne disposent d'aucune
compétence judiciaire, d'aucun pouvoir réglementaire et qui ne
peuvent en aucun cas être armés.
Ces emplois de proximité ne peuvent remplacer l'expérience des
policiers et gendarmes qui présentent de toute manière un taux de
rotation très élevé lorsqu'ils sont affectés en
zone urbaine sensible.
La situation dans les quartiers apparaît donc menaçante du point
de vue de la sécurité.
Certes, une circulaire du ministère de l'intérieur du 11 mars
1998 a défini quatre orientations sur la lutte contre les violences
urbaines :
- renforcer la recherche et l'exploitation du renseignement en recourant
à des matériels adaptés (caméscope, appareil photo,
etc.) ;
- amplification de la recherche des situations de flagrant délit en
améliorant la rigueur professionnelle des interpellations ;
- concentrer les moyens d'investigation sur les banlieues sensibles pour
mettre un terme aux nombreux trafics ;
- conforter l'ordre public pour s'opposer aux exactions et
" manifester à la population, la volonté de l'Etat
d'assurer sa mission régalienne ".
Si les formules semblent pertinentes, la circulaire risque fort de demeurer
à l'état de voeu pieux si des effectifs supplémentaires de
policiers ne sont pas affectés dans les zones sensibles pour assumer les
missions envisagées.
C. UNE ATTENTION INSUFFISANTE PORTÉE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
A la
lecture du rapport Sueur, il apparaît que la politique
d'exonération fiscale et de charges sociales dans les quartiers,
lancée par le pacte de relance pour la ville, ne suscite pas une
adhésion de la part des pouvoirs publics.
Pourtant la redynamisation de l'économie dans les zones sensibles est
une des conditions essentielles pour réussir le retour des quartiers
dans le droit commun.
1. Le scepticisme du rapport Sueur
Lorsque
nous avions souhaité, l'année dernière, obtenir des
informations sur les résultats des ZFU, le Gouvernement nous avait
renvoyés au rapport à venir de M. Jean-Pierre Sueur.
Ce dernier ne semble pas avoir obtenu d'informations particulières de la
part de l'Administration et constate l'absence de statistiques fiables. Il
s'interroge sur le respect de la clause d'embauche des habitants des quartiers
en zone franche dues au faible niveau de qualification des chômeurs.
Il met l'accent également sur la petite taille des entreprises
installées qui seraient peu créatrices d'emplois ainsi que sur
les transferts qui auraient lieu à l'échelon communal.
En définitive, M. Jean-Pierre Sueur tranche dans ses propositions pour
le maintien des ZRU et des ZFU
" jusqu'au terme du dispositif ayant
entraîné leur création "
, c'est-à-dire au
moins pendant cinq ans.
2. La nouvelle dynamique des zones franches urbaines
Votre
rapporteur a reçu en audition l'Association nationale des villes zones
franches urbaines (ANVZFU) qui a procédé à un bilan
d'étape après 18 mois de mise en oeuvre du dispositif.
Au 1
er
novembre 1998,
4.622 entreprises
se sont
installées en ZFU dont 2.194 sont des créations.
Un constat analogue apparaît en matière d'emplois : depuis le
1
er
janvier 1996,
20.125 emplois nouveaux
sont mis en
place dans les quartiers dont 10.308 créations nettes.
La clause dite d'embauche locale est bien respectée : 37 % des
embauches se font au niveau de la zone.
Ce chiffre est d'autant plus spectaculaire qu'il fait suite à une baisse
continue de l'emploi dans les quartiers défavorisés depuis ces
dernières années, ce qui avait abouti à un stock de 35.000
emplois à la veille de l'instauration du pacte de relance pour la ville.
A Roubaix, dans la zone sensible, qui n'avait plus connu d'emplois nouveaux
depuis 15 ans, 2.500 emplois ont été implantés en 18 mois.
De même, la zone Garges-Sarcelles a connu 2.400 emplois nouveaux et les
communes concernées ne disposent plus actuellement des moyens fonciers
nécessaires pour fournir des locaux aux entreprises
intéressées.
Par ailleurs, il s'agit bien, dans 50 % des cas, de
créations
nettes d'emplois nouveaux,
ce qui conduit à relativiser le discours
qui voulait que les zones franches ne feraient que le bonheur des chasseurs de
primes. Des comités d'agrément informels se sont mis en place
dans la quasi-totalité des villes pour éviter les abus. Les
contrôles effectués par les services de l'Etat semblent avoir
été particulièrement attentifs.
S'agissant des emplois transférés, il est difficile de les
considérer comme de simples " délocalisations ". Un
examen attentif montre souvent que l'entreprise transférée a
suivi une logique de développement d'activité. Parfois, le
déménagement vise à éviter une fermeture qui
risquait d'être irréversible sans les aides sociales ou fiscales.
Il est regrettable, dans ce contexte, que le Gouvernement ait mis en place
l'établissement de restructuration des espaces commerciaux (EPARECA)
avec un retard de près d'un an et demi sur le programme initial. Ainsi,
selon l'ANVZFU, la première réunion de l'établissement
public s'est tenue seulement en octobre 1998.
Au total, malgré les réticences, le dispositif du pacte de
relance pour la ville apparaît bien comme le plus lisible et le plus
efficace qui a été mis en place depuis quinze ans pour relancer
l'activité économique dans des zones en situation
désespérée : les entreprises sont venues malgré la
réputation parfois déplorable des quartiers et
génèrent des flux économiques ; les habitants
bénéficient de ce regain d'activité et l'image du quartier
est revalorisée à l'intérieur comme à
l'extérieur ; la défiscalisation revient moins chère
à l'Etat qu'une subvention.
C'est pourquoi on ne peut que regretter que le Gouvernement actuel ne cherche
pas à accompagner, en facilitant les investissements commerciaux, le
mouvement de reprise qui s'est déclenché.
*
* *
Pour les raisons exposées ci-dessus, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la ville dans le projet de budget pour 1999.