II. LA RÉORIENTATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ANNONCÉE AU CIADT DU 15 DÉCEMBRE 1997
Le
premier ministre avait, le 19 juin 1997, dans sa déclaration de
politique générale, affirmé sa volonté de
réformer la loi n° 95-115 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire
" afin
que toutes les dimensions -écologiques, culturelles et
économiques- du développement soient prises en compte dans les
régions ".
Votre commission n'avait pas manqué de souligner qu'une telle
réforme était un bien maigre programme dans un domaine aussi
essentiel que l'aménagement du territoire.
Le Gouvernement a, depuis lors, précisé les orientations qu'il
souhaitait conférer à la politique d'aménagement du
territoire, lors du comité interministériel d'aménagement
et de développement du territoire, tenu à l'hôtel Matignon
le 15 décembre 1997.
A. LES PRINCIPES D'ACTION DU GOUVERNEMENT JOSPIN EN MATIÈRE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE.
1. La
"
consolidation des systèmes urbains à vocation
internationale
" affirme la prééminence du fait urbain
au détriment de la ruralité
-
La prééminence du fait urbain
Deux priorités gouvernementales sur quatre, affirmées lors du
CIADT de décembre, concernent les systèmes urbains
: "
le maillage de tout le territoire national pour un
développement solidaire, notamment en s'appuyant sur l'organisation des
agglomérations et des villes moyennes "
et
" la
valorisation de systèmes urbains dans la compétition
mondiale "
Le CIADT affirme également que "
c'est en travaillant sur
l'armature urbaine et sur un nombre réduit de possibles alternatives
à Paris qu'à long terme (2015), la géographie de la France
pourra se trouver modifiée, plus équilibrée et plus
polycentrique ".
-
L'abandon du plan pour les espaces ruraux
Le projet de loi sur les espaces ruraux, prévu par la loi d'orientation
de 1995, est abandonné. Le Gouvernement considère par ailleurs
qu'il est prioritaire de promouvoir l'organisation d'agglomérations sur
le rayonnement desquelles repose à son sens l'essentiel des chances de
compétitivité de la France et dont les capacités à
entraîner les territoires qui les entourent sont nécessaires pour
organiser une géographie solidaire. Il considère en outre que
"
les oppositions spatiales traditionnelles entre l'urbain et le rural
ou encore le centre et la périphérie ne rendent plus compte
aujourd'hui des enjeux de proximité, de quotidienneté, de
cohésion sociale, de dynamique économique et d'identité
territoriale ".
Votre commission ne souscrit qu'en partie à cette analyse et
s'insurge contre la contrepartie que semble y mettre le Gouvernement : celle de
l'abandon du plan pour les espaces ruraux, réclamé avec
insistance par votre commission, et symétrique du Pacte de relance pour
la ville, adopté en 1996.
2. Le " développement durable " et la " croissance
soutenable " comme seuls horizons
-Une " nouvelle approche spatiale "
Souhaitant assurer les conditions d'un développement durable, le
Gouvernement entend préserver les ressources pour les
générations futures. Dans ce cadre, le milieu doit être
considéré comme "
une ressource à part
entière ".
Il
estime, en particulier, prioritaire
" d'orienter les politiques agricoles vers des formes de production et
de consommation de l'espace moins intensives et plus soucieuses de
l'environnement et respectueuses des équilibres territoriaux ".
Votre commission souscrit à cet objectif mais rappelle qu'il figurait
déjà à l'article 2 de la loi n° 95-115
précitée et craint que sa " redécouverte " ne
sonne le glas du développement économique, notamment rural.
3. Une volonté de " contractualisation " et de
" démocratie participative "
Le CIADT a estimé que
" Les Français ne doivent plus
avoir le sentiment d'être exclus des décisions concernant
l'aménagement de leur cadre de vie. L'Etat ne sera le garant de
l'intérêt général que s'il ne s'en considère
pas comme le dépositaire exclusif. C'est à ce prix qu'il pourra
non seulement faire percevoir les effets des mutations mais qu'il pourra
également en faire partager les conséquences par l'ensemble du
corps social. "
Votre commission s'interroge sur la cohérence entre l'affirmation de
cet objectif de participation et l'abandon du débat parlementaire -que
prévoyait la loi précitée de 1995-, pour l'adoption du
schéma national d'aménagement du territoire
(SNADT).
B. LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DU PROGRAMME GOUVERNEMENTAL
1. Une réforme de la loi d'orientation du 4 février 1995
Le
comité interministériel de décembre 1995 a
décidé la révision de la loi d'orientation.
Votre
commission ne reviendra pas sur les raisons de son profond désaccord
avec cette démarche, déjà largement exposées
ci-dessus.
L'analyse du projet de loi gouvernemental figure, quant à elle, au
chapitre suivant du présent rapport.
2. La réforme annoncée des zonages
Relevant
la complexité du dispositif actuel de zonage, à son sens
insuffisamment orienté vers les zones défavorisées, le
Gouvernement a affirmé son intention de mettre en oeuvre une
réforme d'ensemble de ce système.
Cette réforme devait s'attacher à :
- prendre en compte la
spécificité des DOM
;
- faire porter les aides sur des
territoires cohérents
(bassins de vie, agglomérations, pays) jugés seuls capables
d'être " porteurs de projets " de développement local ;
-
concentrer les efforts de solidarité nationale
et
optimiser les engagements financiers consacrés à ces politiques ;
- s'assurer du
caractère transitoire
et donc de la
réversibilité des zonages institués, "
condition
de la compatibilité des mesures de discrimination positive avec le
principe d'égalité qui fonde la Constitution
".
Le CIADT a chargé M. Jean Auroux, ancien ministre, maire de Roanne et
Président de l'Association des villes moyennes, d'une réflexion
en la matière. Le rapport qui a conclu sa réflexion est
analysé plus loin.
3. La " réorientation " des instruments financiers
Le
Gouvernement a entendu que soient "
réexaminées les
conditions d'emploi et de fonctionnement des fonds créés par la
loi du 4 février 1995
".
Votre commission n'a en la matière pas obtenu de réponse
définitive quant à leur devenir.
En outre, la mise en place d'un fonds consacré au développement
des technologies de l'information, décidée en décembre
1995, n'a pas encore été menée à bien.
4. La création de l'Institut des Hautes Etudes de Développement et d'Aménagement du Territoire
Le CIADT
a annoncé la création d'un Institut des Hautes Etudes de
Développement et d'Aménagement du Territoire " (IHEAT).
Pourtant, comme l'indiquait récemment le Gouvernement
18(
*
)
, l'IHEAT n'est encore qu'un projet
-même si la ministre l'a qualifié de projet
" avancé "- et il ne devrait pas être mis
définitivement en place avant l'an 2000.
5. Les zones de reconversion
Le CIADT
a annoncé une première série de mesures territoriales. Il
s'agit d'abord de décisions en faveur de
cinq zones de
reconversion
qui souffrent des conséquences de la restructuration de
l'appareil de défense : bassins de Brest et Lorient, le Cotentin et
Cherbourg, le département de la Loire et le Bassin de Longwy. Enfin,
dans le Nord-Pas-de-Calais, la démarche commune de développement
du littoral, dans le cadre du syndicat mixte de la Côte d'Opale, sera
encouragée et devrait faire l'objet d'une convention pour 1998-1999. De
même, une convention de développement sera passée avec les
collectivités du bassin minier.
Trois programmes d'action ont également été lancés
en faveur du développement du Pays Basque et de l'aménagement de
la vallée du Doubs.
6. La relance de la politique de délocalisation d'emplois publics
Le CIADT
a annoncé une quinzaine d'opérations de délocalisation,
portant sur un total de 1.880 emplois environ, en faveur des zones de
restructuration de la défense.
Seront ainsi étudiés : le transfert de l'Ecole nationale
supérieure des techniques avancées à Brest, la
création en Bretagne, d'un centre d'ingénierie dans le domaine
des bâtiments de surface, le renforcement de l'Ecole de Gendarmerie de
Tulle, la faisabilité d'un pôle de soutien logistique des
Armées dans la Loire. Par ailleurs, l'antenne de Brest du comité
d'études des termes médico-français sera renforcée
ainsi que l'établissement national des invalides de la marine à
Lorient. Des opérations sont confirmées : l'Ecole nationale des
Douanes à Tourcoing, le Centre national de formation et d'étude
de la protection judiciaire de la jeunesse à Roubaix, la création
d'une cour administrative d'appel à Douai, le centre national pour
l'aménagement des structures des exploitations agricoles à
Limoges, le transfert de l'agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat sur un site prioritaire d'Ile-de-France.
Votre commission
:
-
déplore le manque d'ambition de la vision gouvernementale en
matière d'aménagement du territoire, la réforme d'une loi
ne suffisant pas à son sens à constituer un programme ;
-
s'inquiète de l'oubli des zones rurales et de la
prééminence du fait urbain dans les annonces gouvernementales
;
-
demande qu'un volet " développement économique"
soit rajouté au programme du Gouvernement.
Le CIADT du 15 décembre 1997 a également fourni au
Gouvernement l'occasion de demander à certaines personnalités des
rapports sur des sujets majeurs ayant trait à l'aménagement du
territoire.