III. LES INCIDENCES DE LA RÉFORME DES LYCÉES SUR L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL
Présenté à Lyon le 11 mai 1998
à la
suite d'une consultation nationale, le rapport Meirieu comporte
49 principes qui ont inspiré les onze principes de
références pour l'avenir du lycée présentés
par le ministre devant la commission des affaires culturelles du Sénat
le 1er juillet 1998.
Les voies technologiques et professionnelles sont largement concernées
par ces nombreuses propositions, que celles-ci s'appliquent à l'ensemble
des lycées ou au seul enseignement technique et professionnel.
A. LES PRINCIPES DU RAPPORT MEIRIEU VISANT L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL
1. Les orientations générales
-
Le
principe n° 3
réaffirme le caractère unique du
lycée qui offre des filières de formation générale
technologique et professionnelle et par le principe d'une valorisation des
lycées professionnels et de leur égale dignité avec les
lycées d'enseignement général et technologique : le
lycée professionnel doit ainsi " permettre de combattre l'exclusion
et s'inscrire dans une politique d'aménagement du territoire qui vise
à la suppression de toute structure de relégation ".
-
Le principe n° 4
, relatif à la définition
d'une culture commune et des cursus de formation précise que les
études en lycée professionnel doivent être plus lisibles et
permettre une meilleure information des champs professionnels.
-
Le principe n° 7
stipule qu'une culture commune est
définie nationalement pour tous les élèves de lycée
quels que soient leur filière, leur série et le choix de leurs
options.
-
Le principe n° 15
prévoit un programme d'information
sur l'orientation après le lycée qui s'inscrit dans le cadre
défini par le projet d'établissement.
- Le principe n° 27
indique que l'épreuve sur dossier
personnel interdisciplinaire doit notamment permettre l'approche d'un
métier ou d'un secteur professionnel.
-
Les principes n° 29, 30 et 32
précisent que les
obligations scolaires des élèves ne doivent pas excéder
35 heures en moyenne par semaine, mais que ceux-ci doivent pouvoir
accéder au lycée pendant cette durée hebdomadaire, et que
le temps de présence en enseignement technologique et professionnel est
fixé entre 28 heures et 32 heures de cours (en tenant compte
des options) alors que cet horaire varie entre 26 et 28 heures en enseignement
général.
2. Les orientations spécifiques aux voies technologique et professionnelle
-
Le
principe n° 13
précise que la classe de seconde
professionnelle, qui constitue la première année de
préparation au BEP, est une classe de détermination, qu'elle
participe à l'acquisition d'une culture professionnelle
générale et permet à chaque élève de choisir
sa voie de formation en évitant des orientations
précipitées.
-
Le principe n° 14
souligne la nécessité de
mettre en place des passerelles entre les filières (de la seconde
professionnelle et du BEP vers la première générale ou
technologique et de la seconde générale et technologique vers la
terminale BEP).
-
Le principe n° 22
a trait aux relations entre les
entreprises et le lycée, celui-ci devant se tenir informé des
innovations technologiques et de l'évolution des métiers et
constituant un centre de ressources dans les domaines de la formation et de
l'enseignement technologique.
Le lycée professionnel a l'exclusivité des stages en entreprises,
les lycées technologiques et d'enseignement général
pouvant, pour leur part, organiser dans le cadre de l'orientation de courtes
séquences de découverte de l'entreprise.
-
Le principe n° 23
précise que le lycée
professionnel est pour tous le lieu de préparation à l'insertion
et à l'activité professionnelle et qu'il joue le rôle d'un
conservatoire des métiers et de leur culture professionnelle en
articulant formation initiale et continue.
-
Le principe n° 24
rappelle que le lycée professionnel
prépare à des formations diplômantes ainsi qu'à des
spécialisations complémentaires ; son offre de formation
doit être cohérente avec son environnement socio-économique
et avec le schéma des formations professionnelles défini au plan
académique et régional.
B. LES PRINCIPES DESTINÉS À SERVIR DE BASE À LA RÉFORME DU LYCÉE : LES INCIDENCES POUR LES VOIES TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNELLE
A partir des 49 principes du rapport Meirieu, le ministre a retenu onze principes de référence destinés à servir de base à l'organisation et au contenu des études au lycée dont certains ont des incidences directes pour les voies technologique et professionnelle.
1. Le lycée, cycle de la diversification
Outre la poursuite d'études ultérieures, le lycée doit permettre l'entrée dans la vie professionnelle et aucune sortie du système scolaire ne doit se faire sans une qualification attestée.
2. Le lycée, lieu d'apprentissage de la citoyenneté
Les contenus disciplinaires à enseigner au lycée, tout en favorisant la spécialisation progressive dans un champ disciplinaire ou professionnel, doivent contribuer à la construction de la cohésion sociale.
3. La modulation de l'éducation et de la formation selon les types d'établissement
Les trois voies d'enseignement sont distinctes, mais d'égale dignité, et doivent inclure dans leur enseignement des éléments d'éducation générale et des éléments de formation, tels l'apprentissage des nouvelles technologies dans une vision pratique.
4. Une orientation progressive, positive et réversible
Cet objectif implique que les cursus et les filières ne soient pas excessivement cloisonnés et qu'existent des passerelles pour permettre des rattrapages à des orientations perçues comme des constats d'échec : dès la classe de seconde, les professeurs en liaison avec les conseillers d'orientation psychologues devront traiter de l'orientation en sensibilisant les élèves aux métiers.
5. La réduction des horaires et des programmes
Les horaires d'enseignement en classe ne pourront pas dépasser 26 heures dans la voie générale et 30 heures dans les voies technologique et professionnelle, auxquels peuvent s'ajouter deux heures d'option.
6. Le baccalauréat
Ce diplôme national doit comporter obligatoirement des épreuves nationales anonymes et identiques pour tous, même si, en raison des spécificités des disciplines, une partie du contrôle en cours de formation peut en constituer un élément.
7. La formation technique est constituée de deux voies, technologique et professionnelle
Si ces
formations doivent comporter une large part de formation
générale, nécessaire à la capacité
d'évolution des diplômés et à
l'élévation du niveau culturel des citoyens, la formation
qualifiante doit comporter un temps suffisant passé au sein de la
production des biens ou des services.
Cette alternance doit être articulée avec la formation en
établissement pour constituer un ensemble coordonné et
cohérent et se situer au moment le plus bénéfique,
c'est-à-dire le plus souvent dans les dernières phases de la
formation.
C. LES INCIDENCES DU PLAN D'URGENCE DU 21 OCTOBRE 1998 POUR L'AVENIR DES LYCÉES
Présenté le 21 octobre 1998 à l'issue de plusieurs semaines de manifestations lycéennes, ce plan d'urgence tend notamment à accélérer la mise en oeuvre de certaines mesures annoncées dans le droit fil de la consultation Meirieu et s'ordonne autour de cinq objectifs, dont certains concernent plus particulièrement les voies technique et professionnelle et constituent autant de réponses aux revendications des lycéens professionnels.
1. Le développement de la démocratie lycéenne
Les
mesures rangées sous ce chapitre bénéficient à
l'ensemble des lycéens, quelle que soit leur filière, mais la
plus importante pour les lycéens professionnels est sans doute celle qui
consiste à développer le rôle du conseil de la vie
lycéenne en l'informant et en l'associant à la préparation
des emplois du temps des classes.
La lourdeur des horaires et une mauvaise organisation des emplois du temps ont
en effet souvent été dénoncées par les
lycéens professionnels. Pour ceux-ci, souvent majeurs, l'exercice de la
citoyenneté, avec ses droits et ses devoirs, doit être rendu
effectif dans ces établissements.
2. Le renforcement de la présence des adultes
Les
besoins en matière d'accueil, de surveillance et d'animation ne sont pas
suffisamment pris en compte dans les lycées professionnels.
Le recrutement de 3 000 surveillants et de 1 000 appelés du
contingent devrait permettre d'y réduire les types de violences
spécifiques auxquels ces établissements sont confrontés et
l'on peut espérer que les 10 000 emplois-jeunes prévus
seront en priorité affectés dans des lycées professionnels
situés dans des zones difficiles, ce qui n'exclut pas un recrutement
d'adultes spécifiquement formés pour ces tâches d'accueil,
de surveillance et d'animation.
3. L'aménagement des locaux et les travaux de sécurité
Ce
chapitre est également important pour les lycées professionnels
qui manquent notamment de lieux de vie et de salles informatiques.
En outre, la construction de bureaux destinés aux enseignants
permettront à ceux-ci de recevoir les familles de lycéens souvent
défavorisés qui sont parfois réticentes à franchir
les portes des établissements.
Enfin il n'est pas douteux qu'une partie importante des crédits du fonds
exceptionnel d'aménagement des lycées, c'est-à-dire
4 milliards de francs sur quatre ans financés par les
régions à l'aide de prêts à taux zéro,
devrait être consacrée à la remise aux normes, en
matière de sécurité, des équipements des
lycées professionnels et de ceux destinés aux enseignements
technologiques, ainsi qu'à la construction d'internats qui sont tout
particulièrement nécessaires dans ces établissements
compte tenu de leur inégale répartition sur le territoire
national.
4. Les réformes pédagogiques
Si,
conformément aux voeux des lycéens, aucune option ne devrait
être supprimée, des allégements de programmes seront
appliqués dès le début du mois de novembre et les
enseignants des lycées professionnels sont d'ores et déjà
consultés pour aménager leur emploi du temps et réduire
les horaires de leurs élèves.
Publiés le 29 octobre dernier dans le Bulletin officiel de
l'éducation nationale, les aménagements de programmes des
lycées, hormis, la physique, la chimie ou les SVT sont limités ou
renvoyés à une refonte ultérieure.
5. L'égalité des chances face aux études
Les voies technologique et professionnelle bénéficient de l'ensemble de ces mesures (ouverture de listes complémentaires pour les disciplines déficitaires, remplacements prioritaires dans les classes à examen, cours de langue dédoublés ...) parce qu'elles sont plus particulièrement concernées par la vacance de postes dans de nombreuses disciplines.
*
* *
Après avoir tenté de dégager les
principales
orientations de ces multiples propositions de réforme, votre commission
n'est évidemment pas en mesure de porter une appréciation globale
sur ce qui ne constitue pas encore un plan finalisé de valorisation de
l'enseignement professionnel.
Elle se permettra cependant de nuancer le discours quelque peu optimiste du
ministre qui souligne peut-être avec excès la qualité de
cet enseignement, en formulant quelques remarques qui sont le plus souvent
autant d'interrogations :
•
L'éducation nationale et la formation professionnelle
Les travaux de la table ronde et le rapport Marois indiquent clairement que la
formation professionnelle, notamment dans le domaine de la formation initiale,
doit rester de la compétence de l'éducation nationale et qu'elle
ne saurait relever, de manière exclusive, des entreprises comme certains
le préconisent.
•
La nécessité d'une orientation choisie
L'affirmation d'une égale dignité des trois voies du lycée
implique nécessairement de développer une orientation positive
vers l'enseignement professionnel, notamment par une éducation
précoce à l'orientation dès le collège avant que
n'apparaissent éventuellement les premières difficultés
scolaires des élèves ; en conséquence, le
lycée professionnel ne doit plus être une voie de
relégation pour les élèves en situation d'échec
dans l'enseignement général. Il est cependant indéniable
que cette voie offre actuellement à nombre d'entre eux une
possibilité de remotivation, de remise en confiance et de
réussite, pouvant à terme déboucher sur une
réorientation et une poursuite d'études en cycle long. Le
maintien d'un enseignement général de qualité et le
développement de classes passerelles apparaissent indispensables pour
assurer cette fluidité d'orientation tandis que l'enseignement
professionnel doit conserver sa fonction promotionnelle pour des jeunes en
difficulté scolaire passagère.
- une classe de troisième professionnelle, destinée à
préparer le choix des élèves entre les trois voies des
lycées, qui avait d'ailleurs été préconisée
par le précédent gouvernement, pourrait constituer l'amorce d'un
cycle professionnel individualisé ; par ailleurs, le transfert des
classes de 4e et de 3e technologiques au sein des lycées
professionnels apparaît souhaitable, les collèges ne disposant pas
des moyens d'assurer aux élèves une véritable
" immersion professionnelle " ;
•
Le maintien de la spécificité de l'enseignement
professionnel
Alors que certains proposent un lycée unique et polyvalent, il
apparaît nécessaire de maintenir la spécificité des
lycées professionnels et de renforcer la formation pédagogique
des PLP en IUFM, qui sont recrutés à bac + 3.
L'adéquation de cette offre de formation avec les évolutions
économiques, les besoins régionaux et les choix d'orientation des
jeunes doit être recherchée en permanence et les créations
de sections qui en résultent doivent pouvoir être
réalisées dans les meilleurs délais possibles.
La commission a noté avec intérêt le projet de créer
une structure qui serait à la fois observatoire et instance de
programmation des filières scolaires.
•
Le développement de l'alternance en lycée
professionnel
Les formations actuelles de CAP en lycée professionnel comportent
déjà des stages d'observation tandis que celles menant au BEP et
au " bac pro " prévoient de vrais stages de plusieurs semaines
étalés sur la durée de la scolarité : est-il
réaliste de développer ces périodes de stage alors que les
établissements éprouvent des difficultés à trouver
des entreprises acceptant de recevoir des stagiaires et, qu'en dessous du bac
professionnel, l'acquisition des prérequis par les élèves
peut être considérée comme insuffisante ?
Il convient également de noter que le BEP apparaît de plus en plus
comme une préparation au baccalauréat professionnel et de moins
en moins comme un diplôme d'insertion.
•
La place de l'apprentissage au sein de la formation en
alternance
La place de l'apprentissage dans les formations professionnelles devra
être précisée : on ne peut que regretter que la mise en
place de sections d'apprentissage dans les établissements scolaires
s'accompagne de fermetures de sections existantes à temps plein dans les
lycées professionnels et que les élèves les plus
défavorisés soient dirigés vers ces sections
d'apprentissage qui ne dispensent pas une formation générale
suffisante pour permettre de combler des lacunes importantes ; en outre,
ne conviendrait-il pas de réserver l'apprentissage aux formations
complémentaires, par exemple au-delà du CAP ou du bac
professionnel obtenus en milieu scolaire ?
•
Un soutien financier spécifique aux lycéens
professionnels
Le profil spécifique des lycéens professionnels, tant en raison
de leur âge plus élevé que de leur origine souvent modeste,
impose que soit mis en place un dispositif de soutien financier particulier
leur permettant de s'orienter vers les formations de leur choix, sans tenir
compte des coûts spécifiques de scolarité et de
privilégier la formation professionnelle en milieu scolaire plutôt
qu'en apprentissage qui, elle, est rémunérée.
•
La création d'une direction de l'enseignement
professionnel au ministère de l'éducation nationale
La réorganisation de l'administration centrale du ministère de
l'éducation nationale, engagée en 1997 ne s'est pas traduite par
la création d'une direction spécifique pour l'enseignement
professionnel : la commission demande depuis plusieurs années une telle
création qui consacrerait, sur le plan institutionnel, la revalorisation
attendue de cet enseignement.
A l'évidence, le rétablissement d'un secrétariat d'Etat
à l'enseignement technique traduirait encore plus fortement une telle
volonté.
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