EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le 18 novembre 1998, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jacques Valade sur les crédits de l'enseignement supérieur pour 1999 .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean Louis Carrère a fait observer que le projet universitaire du Gouvernement n'était sans doute pas encore clairement finalisé mais que des incertitudes encore plus grandes pouvaient être constatées s'agissant des propositions du rapporteur pour avis et du sort que la majorité du Sénat entendait réserver au budget de l'enseignement supérieur et à l'ensemble du projet de budget de la Nation.

M. Ivan Renar a exprimé son inquiétude devant la chute brutale des effectifs étudiants dans la filière des sciences exactes et naturelles, qu'il a imputée aux méthodes d'enseignement des sciences dans le secondaire, à une inadaptation des programmes et aussi au développement de l'irrationnel au sein de notre société. Il a également évoqué l'insuffisance de l'investissement dans le domaine de la culture scientifique et a souhaité que l'Etat participe financièrement au fonctionnement des centres de province qui sont actuellement confrontés à des difficultés financières.

M. Xavier Darcos a observé que la baisse des effectifs constatée dans les filières scientifiques devait être nuancée puisqu'elle résulte aussi du fait que certains élèves de classes préparatoires ne sont pas décomptés par les universités.

Évoquant la mise en place inégale de la réforme pédagogique des premiers cycles initiée par le gouvernement précédent, il a indiqué que les semestres de réorientation n'avaient pas été mis en oeuvre dans toutes les universités et que ce dispositif avait conduit les établissements à organiser une session d'examen au mois de janvier qui avait eu pour conséquence de réduire la durée de l'année universitaire.

Il a remarqué que le rapport Fauroux et le rapport Attali ne procédaient pas de la même inspiration, ce dernier proposant un premier cycle en trois ans qui risque de remettre en cause l'ensemble du système d'équivalence et, plus largement, l'organisation de notre système universitaire.

Il a ensuite évoqué le bouleversement de la carte universitaire qui pourrait résulter de la mise en oeuvre du programme U3M et s'est interrogé sur les suites qui pourraient être données à différents projets consistant, par exemple, à implanter une université par département ou par bassin d'emploi.

Sans remettre en cause le projet de budget proposé, il a jugé indispensable que les grandes orientations à moyen terme de notre système universitaire soient précisées par le ministre et, par exemple, que l'avenir des classes préparatoires soit clairement défini.

M. Franck Sérusclat a indiqué que le projet d'ouverture de l'université sur l'extérieur, notamment par le biais de l'agence Edufrance, avait suscité l'intérêt de nombreux étudiants. Il a également souligné les conséquences de l'utilisation de l'enseignement à distance sur la répartition territoriale des établissements, la taille des universités et l'organisation des enseignements.

M. Jacques Legendre s'est inquiété de l'avenir des délocalisations universitaires qui répondaient à la fois à une demande des villes moyennes, à un besoin de démocratisation de l'enseignement supérieur, à un souci de répartition de la matière grise sur le territoire et à la saturation des premiers cycles dans les universités existantes.

Dans une conjoncture nouvelle de stabilisation ou de réduction des effectifs étudiants, qui peut conduire à s'interroger, au moment de l'élaboration du programme U3M, sur la pérennisation de l'actuel réseau universitaire, il a souhaité que le rapport de la commission souligne le bilan positif de ces délocalisations qui ont permis d'implanter des premiers cycles de proximité et non pas des mini universités de plein exercice comportant des activités de recherche.

Évoquant la création de l'agence Edufrance, il a estimé que cette ouverture de l'université sur l'extérieur constituait aussi un outil de développement de la francophonie et s'est demandé si les formations proposées aux étudiants étrangers seraient payées à leur juste prix.

Il a enfin exprimé ses réserves sur un allongement des cycles d'études initiaux qui résulterait de la mise en oeuvre d'un cursus de type européen et a souligné au contraire l'intérêt d'une formation permanente tout au long de la vie professionnelle.

M. André Maman a souligné le caractère irréaliste des objectifs annoncés par le ministre qui conduiraient notre pays à accueillir autant d'étudiants étrangers que les États-Unis qui pratiquent un recrutement intensif dans le monde entier, via leurs entreprises, et qui accordent des bourses aux étudiants sélectionnés.

Il a émis des doutes sur les possibilités d'accueil et d'intégration de notre pays pour des effectifs aussi considérables, et a rappelé que l'Australie s'était spécialisée dans l'accueil des étudiants des pays du Pacifique.

Il a indiqué que les doctorats français n'avaient pas d'équivalents aux États-Unis et que le PhD (Philosophy Doctorat) constituait un cursus pour les étudiants américains qui souhaitent s'engager dans une carrière d'enseignant chercheur.

M. Jean Pierre Fourcade a suggéré que le rapport de la commission comporte une sorte de mode d'emploi des contrats de plan pour définir les priorités d'une politique de l'enseignement supérieur : développement des enseignements de proximité dans une perspective d'aménagement du territoire, désignation d'un responsable pour le montage de projets intéressant plusieurs collectivités, prise en compte de la mondialisation des formations, utilisation des nouvelles technologies, développement de pôles scientifiques permettant de regrouper universités, laboratoires de recherche, centre d'accueil pour les étudiants étrangers, entreprises centrées sur les technologies nouvelles.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Valade, rapporteur pour avis , a notamment apporté les précisions suivantes :

- il n'appartient pas à la commission de se substituer au gouvernement mais celle ci a vocation à formuler des propositions au cours de la discussion budgétaire, plutôt qu'à refuser le débat. La commission des finances est tout particulièrement compétente pour proposer des modifications budgétaires et, en particulier, les réductions de dépenses qu'elle estime nécessaires ;

- il convient de lever certaines incertitudes qui pèsent sur le devenir de l'enseignement supérieur et de savoir si, par exemple, le ministre a l'intention de poursuivre l'application de la réforme pédagogique des premiers cycles universitaires ;

- le rapport de la commission insistera sur la nécessité de pérenniser les délocalisations universitaires existantes, qui ont fait la preuve de leur utilité ;

- l'agence Edufrance permettra d'assurer la promotion de notre système universitaire et d'attirer vers nos universités et nos laboratoires les étudiants étrangers mais elle n'a pas vocation à prendre en charge ces étudiants, sauf à introduire une discrimination choquante à l'égard des étudiants nationaux ;

- l'ouverture de l'enseignement supérieur sur l'extérieur passe par un développement des échanges entre les universités mais n'implique pas nécessairement un alignement, par exemple, sur les diplômes américains dont le niveau est sans doute surestimé par rapport aux diplômes français ;

- la mise en place du programme U3M et des contrats de plan devra se réaliser dans une étroite concertation avec les collectivités locales dans un souci de cohérence géographique ;

- les premiers cycles universitaires délocalisés constituent désormais " un tissu social " permettant d'assurer une continuité entre le baccalauréat et l'université et permettent aux familles modestes d'envoyer plus aisément leurs enfants dans l'enseignement supérieur ;

- la création d'universités ne peut se faire qu'en fonction de choix réalistes, ce qui exclut, par exemple, l'implantation systématique d'une université de plein exercice dans chaque département ;

- la baisse des effectifs d'étudiants dans les filières scientifiques s'explique aussi par la prolifération des formations professionnalisées qualifiantes qui détournent de trop nombreux étudiants de leur vocation scientifique ;

- les centres de culture scientifique ne bénéficient pas de crédits suffisants notamment en matière de formation et d'information.

A l'issue de ce débat, la commission , suivant la proposition de son rapporteur pour avis, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement supérieur pour 1999 , les commissaires socialistes et communistes ne prenant pas part au vote.

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