B. ...QUE VOTRE COMMISSION SOUHAITE AMENDER AFIN DE METTRE EN OEUVRE LES PRINCIPES QUI ONT GUIDÉ SON ANALYSE
Les principes qui ont guidé l'analyse de votre commission sont au nombre de trois. Il s'agit respectivement, de simplifier et réduire les délais, de garantir l'équité et les droits de chacun et, enfin, d'allier prudence et humanité.
1. Simplifier les procédures et réduire les délais
• Pour votre commission, il s'est agi de rendre ce
« parcours du combattant » qu'est encore l'adoption pour les
postulants moins long et plus supportable. Attendre entre deux et cinq ans pour
pouvoir adopter apparaît excessif. On doit donc agir du côté
des adoptés, en facilitant l'adoption des deux tiers des pupilles de
l'État qui ne le sont pas mais aussi en réduisant autant que
possible, et en leur fixant des bornes claires, les délais
administratifs.
Six mois plutôt que neuf pour octroyer ou refuser un agrément semble donc un temps suffisant à votre commission pour les services de l'aide sociale à l'enfance afin de se rendre compte si telle ou telle famille répond aux conditions fixées pour pouvoir adopter. Ainsi, à défaut d'une notification dans le délai précité, l'agrément sera réputé intervenu.
Parallèlement, lorsqu'un enfant aura été remis explicitement en vue d'adoption par l'un de ses parents, le délai de recherche du consentement de l'autre parent par le service de l'aide sociale à l'enfance devrait être réduit d'un an à six mois, le délai de huit mois proposé par la proposition de loi n'apparaissant pas véritablement pertinent à votre commission.
À notre époque, compte tenu des moyens de communication et d'accès aux documents, un délai de six mois pour contacter le parent qui n'a pas fait connaître son avis sur l'admission de son enfant en tant que pupille de l'État apparaît amplement suffisant.
• Par ailleurs, la mise en oeuvre du principe de
simplification a conduit votre commission à faire de l'Autorité
centrale le référent unique en matière de
données : décisions relatives aux agréments, dossiers
de pupilles non adoptés, et autorisation pour les organismes
intermédiaires en matière d'adoptions plutôt que de
demander pour ces derniers une double transmission au Ministre chargé de
la Famille, et, le cas échéant, au Ministre des Affaires
étrangères.
2. Garantir l'équité et les droits de chacun
a) Garantir les droits de chacun
Le souci de votre commission a, en effet, été de préserver les droits de chacun, qu'il s'agisse de l'enfant, des parents adoptifs ou des parents biologiques et, en particulier, des femmes accouchant secrètement.
S'agissant de l'enfant, votre commission a articulé son analyse et ses propositions autour de deux points principaux : les droits des pupilles de l'État et l'accès pour tous les enfants à un accompagnement pour faciliter leur intégration.
Pour les pupilles de l'État, votre commission a, tout d'abord, souhaité que l'enfant, pupille de l'État, lorsqu'il est considéré comme capable de discernement, soit, préalablement, entendu par le tuteur ou le conseil de famille avant toute décision concernant son avenir et, notamment, le lieu et le type de placement envisagé pour lui. Ceci apparaît de bon sens et de nature à responsabiliser le pupille.
Parallèlement, votre commission a souhaité réaffirmer le droit des pupilles de l'État, quel que soit leur âge, à être adoptés, sauf exception dûment motivée par le tuteur et réexaminée chaque année. À cet égard, elle a approuvé l'initiative de son rapporteur, M. Lucien Neuwirth, de demander au Ministre chargé du dossier de diligenter une enquête par l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) afin de connaître plus précisément les causes de la non-adoption actuelle des deux tiers des pupilles de l'État. Votre commission considère, en effet, que l'obligation faite par la proposition de loi, au tuteur de transmettre les dossiers des pupilles de l'État qui n'ont pas fait l'objet d'un projet d'adoption six mois après leur admission au Ministre chargé de la Famille -qu'elle transforme en transmission à l'Autorité centrale- sera insuffisante pour remédier à cet état de fait.
Elle a souhaité, cette fois-ci, que tous les enfants, qu'ils soient étrangers ou français, puissent prétendre à un accompagnement la première année de leur arrivée au foyer adoptif. La nature de cet accompagnement serait déterminée par les services de l'aide sociale à l'enfance, selon les besoins constatés. Il pourrait être a minima, s'il n'y a aucun problème, ou plus important, s'il y a difficulté d'intégration de l'enfant, qu'il soit étranger, âgé ou psychologiquement perturbé.
S'agissant des mères qui accouchent secrètement et qui se trouvent dans une grande détresse psychologique, votre commission a porté ses propositions également dans deux directions.
Tout d'abord, elle a souhaité ne pas brusquer ces femmes déjà très perturbées en raccourcissant à l'excès un délai de rétractation et les forçant à prendre dans la précipitation une décision qui peut engager leur vie entière et celle de leur enfant. Toutefois, il est apparu nécessaire également de raccourcir le délai actuel de trois mois, mais sans le porter au délai prévu par la proposition de loi à six semaines, pour prendre en compte également les besoins affectifs du nourrisson pour lequel les semaines passées en pouponnière constituent, à son échelle, un temps très long. Souhaitant conjuguer ces deux exigences apparemment contradictoires, droit de la mère, intérêt de l'enfant, votre commission a souhaité, finalement, porter le délai de rétractation à deux mois, qui est, de plus, un « chiffre rond » qu'il est plus facile de mémoriser lorsque l'on est en situation de grand trouble psychologique, ce qui est le cas de ces femmes.
La deuxième proposition de votre commission, compte tenu précisément de la grande détresse de ces femmes, est de leur offrir la possibilité, sur leur demande, d'un accompagnement social et psychologique, pour les aider à retrouver un équilibre.
Concernant les parents adoptifs ou futurs adoptants, votre commission a souhaité entourer la procédure d'octroi d'agrément d'un certain nombre de garanties : possibilité d'être accompagnés dans les démarches par une personne de leur choix, information du déroulement de la procédure, faculté de prendre connaissance des documents figurant dans le dossier conformément aux dispositions de la loi du 17 juillet 1978 et de faire consigner ses observations en annexe, possibilité que les investigations soient menées une seconde fois et par une autre personne que lors de l'enquête initiale. Enfin, votre commission a souhaité mentionner explicitement la faculté, en cas de refus, de faire un recours devant le tribunal administratif.
b) Garantir l'équité
L'équité doit être assurée, selon votre commission, à trois niveaux : entre la naissance et l'adoption, entre l'enfant adopté dans le cadre de l'adoption internationale et le pupille de l'État, et entre le secteur privé et les différentes fonctions publiques.
Votre commission a, en effet, souhaité, autant que faire se pouvait, assimiler l'adoption à une naissance. Ceci l'a conduite à poser le principe de la parité de l'accès aux droits sociaux entre l'adoption et la naissance. Pour votre commission ceci ne peut aller, en toutes circonstances, jusqu'à une égalité parfaite, mais cela permet, dans le cadre des prestations explicitement visées par la proposition de loi, soit l'allocation parentale d'éducation (APE) et l'allocation d'adoption, de les adapter aux particularités de l'adoption, ceci, afin, notamment, de favoriser l'adoption d'enfants déjà âgés. Toutefois, compte tenu des difficultés transitoires de la branche famille et des mesures douloureuses prises sur ce point par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale, votre commission a estimé qu'il fallait ouvrir ces prestations avec tact et mesure. C'est pourquoi elle a prévu un âge limite -celui de l'obligation scolaire- pour l'ouverture de l'APE et du congé parental d'éducation. Elle n'a pas souhaité une rétroactivité de l'APE qui pouvait aller jusqu'à deux années de prestations. En l'absence de ces dispositions correctrices, les familles biologiques auraient pu en effet, compte tenu de l'ordonnance précitée, se sentir moins bien traitées que les familles adoptives alors que le but de la proposition de loi et de votre commission est, tout de même, d'assimiler le plus possible naissance et adoption.
Votre commission a, également, souhaité que l'adoption internationale ne soit pas favorisée explicitement par rapport à l'adoption des pupilles de l'État alors que les deux tiers de ceux-ci ne sont pas adoptés. C'est pourquoi elle n'a pas voulu créer une nouvelle prestation familiale, les prêts aux familles adoptantes, destinée clairement à favoriser l'adoption d'enfants à l'étranger alors même que la branche famille connaît des difficultés. Cette création ne lui est pas apparue cohérente, compte tenu de ces éléments. De même, elle a étendu le bénéfice de l'accompagnement à l'ensemble des enfants et non plus aux enfants étrangers.
Parallèlement, elle a eu à coeur d'instaurer l'équité en matière de congés non rémunérés pour aller chercher des enfants à l'étranger, que l'on appartienne au secteur public ou au secteur privé, alors que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale étaient beaucoup plus favorables aux fonctionnaires et assimilés qu'aux salariés.
3. Allier prudence et humanité
Cela a été le souci constant de votre commission concernant le sujet extrêmement délicat du secret des origines. Votre commission souhaite, à cet égard, réaffirmer son attachement au principe de l'accouchement secret.
Elle a estimé que limiter la possibilité de remise de l'enfant avec demande de secret aux un an de l'enfant apparaissait de bon sens, dans la mesure où ensuite l'enfant concerné aurait des souvenirs et risquerait d'être profondément perturbé. De plus, le fait de ne plus permettre que le secret de l'identité du ou des parents au lieu de l'état-civil de l'enfant qui comprend la possibilité de modifier ses lieu et date de naissance, lui a semblé de nature à interdire les errements passés à juste titre dénoncés par le rapport « Pascal ». Elle s'accorde, également, sur le fait qu'il n'est pas besoin de fixer, par décret en Conseil d'État, la liste des renseignements qui pourraient être recueillis et qui ne porteraient pas atteinte au secret. En effet, eu égard aux expériences menées dans nombre de départements, elle a estimé qu'il fallait laisser toute latitude, sur ce point, aux services de l'aide sociale à l'enfance.
Sur le point, également très important, de la communication de ces renseignements, elle a souhaité véritablement faire preuve d'humanité et de prudence vis-à-vis de la demande croissante des anciens pupilles de l'État qui veulent connaître leurs origines. Elle a, certes, pris en compte la jurisprudence, de plus en plus favorable à l'égard de ceux-ci et de leurs ayants droit, du Conseil d'État et de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Mais, elle n'a pas souhaité remettre en cause l'équilibre construit par les lois du 1er mars 1963 et 11 juillet 1966, adoptées, il faut le rappeler, dans le contexte de l'affaire Novack précitée, et revenir à l'insécurité juridique antérieure. À cet égard, l'arrêt de la Cour d'Appel d'Agen du 14 décembre 1995 ne laisse pas d'être inquiétant en ce qu'il ordonne la restitution de l'enfant à la mère biologique ayant accouché secrètement, au motif qu'elle était mineure au moment des faits, alors qu'il est déjà adopté plénièrement. Elle n'est, donc, pas favorable à la création d'une instance de médiation, prônée, en particulier, par le rapport « Pascal » et dont les contours lui semblent particulièrement imprécis. Il lui est apparu, en effet, très difficile de souhaiter maintenir l'accouchement secret et d'instaurer un organe susceptible d'en « saper » le fondement.
Il s'est, donc, agi pour votre commission, dans le cadre de la communication et de la conservation des renseignements recueillis, qu'elle a voulu confier à l'autorité concernée, en l'occurrence, le président du Conseil général, eu égard à l'importance de ces documents, de permettre à l'enfant, devenu majeur ou étant mineur émancipé, la consultation desdits documents. L'accès des parents adoptifs lui est apparu important dans la mesure où, dans la vie quotidienne, ils seront amenés à répondre aux interrogations de l'enfant. Elle a souhaité conserver l'accès du mineur à ces renseignements mais dans des conditions définies : s'il est capable de discernement, avec l'assistance d'une personne habilitée par le président du Conseil général et avec l'accord du représentant légal. Elle a, toutefois, fait deux remarques. Tout d'abord, la formation à cette tâche d'assistance lui est apparue fondamentale. Ensuite, il est bien évident que si les parents adoptifs souhaitent répondre aux inquiétudes et à la curiosité de leur enfant, il apparaît nécessaire qu'ils permettent la consultation de ces documents. Un refus de leur part pourrait laisser présager des conflits futurs de nature à remettre en cause la réussite de l'adoption. S'agissant des renseignements à caractère médical, votre commission s'est contentée de prévoir le cas du mineur émancipé.
Avant que de conclure, votre commission a souhaité préciser qu'elle souhaitait vivement la ratification de la Convention de La Haye et qu'en toute rigueur, elle ne pouvait mentionner celle-ci à l'article 51 du présent texte relatif à l'Autorité centrale pour l'Adoption.
Votre commission, constamment guidée par le souci de simplifier les procédures, de garantir les droits de chacun dans le processus de l'adoption, de mettre en oeuvre la parité des droits sociaux entre la naissance et l'adoption, et d'agir avec prudence et humanité dans la difficile question de l'accès aux origines, eu égard aux évolutions de la société constatées depuis une quinzaine d'années, estime ce texte tout à fait nécessaire.
Votre commission vous demande donc d'adopter la partie du texte pour laquelle elle était saisie pour avis, sous réserve de ses observations et des amendements qu'elle vous propose d'examiner maintenant.