N° 455

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 mars 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire
et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à
convertir
des
centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde
de
carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement (procédure accélérée),

Par Mme Christine HERZOG,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; Mmes Nicole Bonnefoy,
Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier,
Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir le numéro :

Sénat :

324 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le 18 mars 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon1(*) vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, sur la proposition de Christine Herzog, rapporteure pour avis.

La fermeture des dernières centrales à charbon d'ici 2027 impose à la France d'engager de nécessaires mutations. La centrale de Saint-Avold (Moselle) illustre, s'il en était besoin, les défis d'une transition énergétique parfois insuffisamment planifiée : après une fermeture fin mars 2022, elle a été remise en service en urgence face à la crise énergétique2(*). Un projet de conversion à la biomasse envisagé par la suite n'a pas permis d'en assurer la viabilité économique.

Cet échec a conduit à explorer la solution d'une conversion au gaz naturel et au biogaz qui présente plusieurs avantages : réduire les émissions de dioxyde de carbone, garantir la continuité de l'emploi et maintenir la stabilité du réseau électrique.

Cette proposition de loi, déposée conjointement par les cinq sénateurs de Moselle3(*), sera de nature à assurer la viabilité économique de cette transition en intégrant les centrales converties au mécanisme de capacité, dispositif de soutien aux moyens de production d'électricité de pointe.

Dans ces conditions, la commission soutient cette initiative transpartisane, méthode pragmatique qui permet de concilier trois impératifs : climatiques, de sécurité énergétique et de justice sociale.

I. UNE SORTIE DU CHARBON ENGAGÉE DEPUIS 2019, À CONCILIER AVEC LA PRÉSERVATION DE L'EMPLOI

La production d'électricité en France repose à 95 % sur des énergies bas-carbone (nucléaire et renouvelables), le charbon représentant désormais une part marginale dans le mix électrique.

Notre engagement consécutif à la COP26 de Glasgow en 2021 a conduit la France à décider l'arrêt total des centrales à charbon à l'horizon 20304(*). Le charbon est en effet le mode de production d'électricité le plus polluant, incompatible avec nos objectifs climatiques.

Dès 2019, dans son avis sur le projet de loi énergie-climat5(*), la commission avait mis en garde sur les défis de cette transition énergétique : la sortie du charbon ne doit fragiliser ni l'emploi ni la sécurité d'approvisionnement énergétique, notamment en cas de pics de consommation hivernaux. Elle avait également émis des doutes sur la viabilité d'une éventuelle conversion à la biomasse des dernières centrales à charbon.

Ces points de vigilance n'ont malheureusement pas été entendus :

- en 2022, dans un contexte de crise énergétique liée à l'indisponibilité croissante et persistante du parc nucléaire et aux incertitudes liées à la guerre en Ukraine, la centrale de Saint-Avold a dû rouvrir en urgence, quelques mois seulement après sa fermeture ; « le risque avéré pesant sur l'approvisionnement en électricité de la France [a amené] [...] la commission à considérer le rehaussement du plafond d'émissions des centrales à charbon comme un mal nécessaire. »6(*) ;

- en septembre 2023, le Président de la République a annoncé la conversion des deux dernières centrales à la biomasse d'ici 2027. Ce choix politique s'est révélé financièrement peu opérationnel : pour la centrale de Saint-Avold, il aurait été moins coûteux de construire une nouvelle centrale que d'opérer cette conversion.

« Depuis l'annonce en 2019 de la fermeture progressive des centrales à charbon, les plus de cent salariés de la centrale de Saint-Avold vivent dans une incertitude permanente, cette situation est inacceptable. »

Christine Herzog, rapporteure

II. CONVERTIR AUX GAZ ET BIOGAZ : UNE VOIE PRAGMATIQUE POUR ASSURER LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE ET PRÉSERVER LES EMPLOIS

Face à l'échec de la conversion à la biomasse à laquelle a été confrontée la centrale de Saint-Avold, les auteurs de la proposition de loi, soutenus par le Gouvernement7(*), ont recherché des leviers pour garantir la viabilité économique des centrales à charbon, identifiant la conversion au gaz naturel et au biogaz comme une piste opportune.

Deux fois moins émetteurs en gaz à effet de serre, le gaz naturel présente un avantage comparatif par rapport au charbon et, en ce sens, est une solution de transition acceptable.

La centrale de Saint-Avold n'a, au demeurant, pas vocation à fonctionner en continu, mais seulement en période de pointe, pour garantir la stabilité du réseau électrique.

Cette proposition de loi garantit enfin la protection du bassin d'emploi de Saint-Avold, où près de 500 emplois directs et indirects dépendent de la survie de la centrale, qui salarie quelque 150 personnes8(*), ainsi que la préservation des savoir-faire industriels. La conciliation entre environnement et justice sociale proposée par les auteurs du texte est donc un compromis bienvenu.

III. UN CADRE LÉGISLATIF GARANTISSANT LA VIABILITÉ ÉCONOMIQUE DES CENTRALES CONVERTIES

La proposition de loi vise opportunément à garantir la viabilité économique d'une centrale à combustibles fossiles qui se convertit en lui permettant d'accéder au mécanisme de capacité9(*). Ce dispositif, récemment réformé par la loi de finances pour 2025, soutient les moyens de production de pointe, essentiels en périodes de forte demande hivernale.

Les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles converties pour réduire les émissions de CO2 seraient considérées comme de nouvelles installations de production (article 1er). Cette condition est nécessaire pour permettre un rattachement au mécanisme de capacité. En effet, RTE10(*) organise une sélection des installations rattachées au mécanisme dans le cadre de procédures concurrentielles. Une exception est toutefois prévue pour les nouvelles installations : pour encourager le développement de nouvelles capacités, des « contrats pour différence » peuvent être conclus. Ces contrats permettent une rémunération pluriannuelle stable des installations, pour sécuriser les investissements réalisés. Pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles converties pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, la sélection par RTE de l'installation au sein du mécanisme de capacité vaudrait autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité (article 2). L'objectif louable de simplification serait d'éviter à une centrale qui engage une telle démarche d'effectuer une demande d'autorisation pour bénéficier de l'application du dispositif, comme c'est le cas pour toute nouvelle installation.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation du rapporteur pour avis
(Mercredi 19 février 2025)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons à présent procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

En septembre 2023, le Président de la République s'était engagé à soutenir la conversion d'ici à 2027 à la biomasse des deux dernières centrales à charbon en service en France métropolitaine, situées à Cordemais, en Loire-Atlantique et à Saint-Avold, en Moselle, qui représentent 0,16 % de la production d'électricité nationale. Cette annonce, nécessaire pour assurer l'atteinte des objectifs climatiques de la France, se faisait attendre après un report de la fermeture des centrales à charbon en 2022, dans le contexte de crise énergétique de l'époque.

La conversion de la centrale de Saint-Avold en faveur de la production de biomasse est toutefois apparue plus complexe que prévu. Il aurait coûté moins cher de construire une nouvelle centrale que d'opérer cette conversion ! Face à cette situation, l'exploitant de la centrale GazelEnergie a proposé un projet de conversion vers le gaz naturel et le biogaz, qui a recueilli, le 12 février 2025, le soutien du ministre de l'économie, Éric Lombard.

Afin d'être viable économiquement, la nouvelle centrale devra bénéficier du mécanisme de capacité. Ce dispositif, qui a fait l'objet d'une refonte dans la loi de finances initiale pour 2025 qui vient d'être validée par le Conseil constitutionnel, vise à soutenir les moyens de production de pointe, c'est-à-dire les installations de production d'électricité extrêmement flexibles destinées à ne fonctionner qu'en de rares périodes de fortes tensions sur le réseau, en France en période hivernale.

C'est l'objet de cette proposition de loi transpartisane déposée par les cinq sénateurs de Moselle, Khalifé, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti, Christine Herzog et Michaël Weber, qui apporte les aménagements législatifs nécessaires au rattachement de la centrale convertie au mécanisme de capacité.

Cette proposition de loi a été envoyée à la commission des affaires économiques, au titre de sa compétence énergie. En parallèle, étant donné l'enjeu majeur lié à la transition énergétique et, donc, à la lutte contre le dérèglement climatique, notre commission a toute légitimité pour se saisir pour avis sur ce texte. Il ne fait aucun doute que le croisement de l'expertise des deux commissions permettra d'enrichir les travaux du Sénat.

La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi n° 324 (2024-2025) visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, présentée par M. Khalifé et plusieurs de ses collègues, et désigne Mme Christine Herzog rapporteure pour avis.

Examen du rapport pour avis
(Mardi 18 mars 2025)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous commençons notre programme de la semaine par l'examen de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

Notre commission s'est saisie pour avis de ce texte visant à faciliter la conversion de la centrale thermique à charbon de Saint-Avold, en Moselle. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteure pour avis, Christine Herzog, qui s'est pleinement investie sur ce sujet technique, dans un délai particulièrement contraint. Son engagement et sa collaboration étroite avec la commission des affaires économiques, saisie au fond, méritent d'être soulignés. Ils s'inscrivent dans l'esprit de collaboration fructueux qui prévaut entre nos deux commissions depuis plusieurs mois.

Notre commission suit la fermeture des centrales à charbon avec une attention constante depuis plusieurs années. En juillet 2019, nous avions déjà apporté notre expertise pour avis sur ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, dit Énergie-climat, qui prévoyait l'extinction progressive des dernières centrales en activité. Puis, en juillet 2022, le contexte de crise énergétique a rendu nécessaire de remettre en activité les centrales à charbon pourtant fermées quelques mois auparavant, l'article 36 de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Muppa) sur lequel nous avions obtenu une délégation au fond, ayant défini le cadre pour ce faire.

Depuis cinq ans, notre position sur ce sujet est constante : la sortie du charbon est un impératif environnemental pour la France, à la fois pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, conformément aux engagements internationaux pris en 2019. Notre commission est très attachée à l'objectif qu'elle s'est fixé, mais elle est également pragmatique et attentive aux préoccupations des Français. Aussi, elle a toujours veillé à ce que les enjeux de sécurité d'approvisionnement énergétique, de viabilité économique et de justice sociale soient bien pris en considération.

Le projet de transition de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold, que cette proposition de loi a vocation à faciliter, répond précisément à ces impératifs. Il s'appuie sur une solution économiquement durable, qui permettra à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de préserver des capacités de production d'électricité de pointe et de garantir l'ensemble des emplois de la centrale.

Le Gouvernement partage ces préoccupations : il a d'ailleurs engagé la procédure accélérée sur ce texte transpartisan déposé par les cinq sénateurs de Moselle, signe de la priorité qu'il y attache, ce dont je me félicite.

Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis. - Le rapport pour avis que je vous présente ce matin est crucial pour la Moselle et me tient particulièrement à coeur. En effet, cette proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement porte sur la conversion de la centrale thermique à charbon de Saint-Avold. J'ai pris l'initiative de la présenter avec mes collègues sénateurs de Moselle pour défendre la vitalité économique de notre département.

Avant d'aborder l'objet même de ce texte de circonstance, il me semble indispensable d'évoquer les plus de cent salariés de cette centrale. Depuis l'annonce, en 2019, de la fermeture progressive des centrales à charbon, ces travailleurs vivent dans une incertitude permanente. Ils ont tout connu : une fermeture en février 2022, une réouverture quelques mois plus tard, l'échec d'un projet de conversion à la biomasse et, enfin, un projet de conversion au gaz et au biogaz qui est aujourd'hui porteur de nombreuses espérances. La situation d'inertie actuelle est inacceptable. Il est donc de notre responsabilité d'envoyer un signal clair à ces salariés, trop souvent soumis aux aléas des décisions politiques.

La fermeture des centrales thermiques à charbon est une nécessité. Actuellement, 95 % de la production d'électricité en France est bas-carbone grâce à notre parc nucléaire et au développement des énergies renouvelables. Le charbon ne représente plus qu'une part infime de notre mix électrique : seules deux centrales restent en activité, à Cordemais, en Loire-Atlantique, et à Saint-Avold, en Moselle ; elles ne contribuent à la production nationale qu'à hauteur de 0,1 %.

Nous devons arrêter de produire de l'électricité à partir du charbon pour deux raisons majeures : limiter nos émissions de gaz à effet de serre - il s'agit du mode de production d'électricité le plus polluant - et nous montrer exemplaires à l'échelle internationale. En effet, dans le cadre de la COP26 de Glasgow, qui a eu lieu en 2021, la France s'est engagée à sortir du charbon d'ici à 2030, dans la continuité de l'engagement majeur que nous avions pris en 2015 en signant l'accord de Paris, à l'issue de la COP21.

Dès 2019, notre commission avait mis en garde sur les défis de la transition énergétique. Dans son avis sur le projet de loi Énergie-climat, notre collègue Pascale Bories avait soulevé plusieurs points cruciaux à prendre en compte dans l'élaboration des plans de fermeture : la sécurité d'approvisionnement électrique en hiver, l'accompagnement des salariés et la faisabilité d'une conversion à la biomasse.

Force est de constater que ses mises en garde n'ont pas été entendues : en 2022, dans un contexte de crise énergétique liée aux incertitudes consécutives à la guerre en Ukraine, la centrale de Saint-Avold a dû rouvrir en urgence, quelques mois seulement après sa fermeture. Puis, en septembre 2023, le Président de la République a annoncé la conversion des deux dernières centrales à charbon en centrales à biomasse d'ici à 2027. Il s'agit d'une solution peu opérationnelle d'un point de vue financier, puisque dans le cas de la centrale de Saint-Avold, il aurait été moins coûteux de construire une nouvelle centrale que d'opérer une telle conversion...

Face à cette impasse, l'exploitant de cette centrale a proposé une conversion au gaz naturel et au biogaz, à laquelle le ministre de l'Économie Éric Lombard s'est déclaré favorable le 12 février dernier. Nous en convenons, le gaz naturel reste une énergie fossile et le recours à ce type d'énergie ne saurait être considéré comme une solution optimale. Toutefois, une telle conversion constitue un pas en avant.

Tout d'abord, le gaz naturel émet près de trois fois moins de gaz à effet de serre que le charbon. Ensuite, la centrale n'a pas vocation à fonctionner en continu : elle ne le fera qu'en période de pointe, afin de garantir la stabilité du réseau électrique. Enfin, nous devons toujours concilier impératif climatique et justice sociale pour assurer l'acceptabilité des mesures que nous proposons. À cet égard, ce projet est une solution de compromis, car il préserve l'emploi, tout en réduisant l'empreinte carbone de la production électrique. Il mérite donc notre soutien.

C'est dans cette logique que j'ai déposé cette proposition de loi transpartisane avec mes collègues sénateurs de Moselle, Khalifé Khalifé, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti et Michaël Weber. Il y a quelques mois, après avoir été alertée par l'exploitant sur l'urgence de cette reconversion, j'avais interpellé le Gouvernement, qui m'avait encouragée à légiférer sur le sujet. Le choix d'un dépôt collectif, à plusieurs auteurs qui apparaissent dans l'ordre décroissant des âges respectifs traduit un fort engagement commun.

Ce texte, composé de deux articles, vise à garantir la viabilité économique de la centrale à combustion fossile convertie en lui donnant accès au mécanisme de capacité. Ce dispositif, récemment réformé par la loi de finances pour 2025, soutient les moyens de production de pointe, lesquels sont essentiels en période de forte demande hivernale.

L'article 1er établit que les centrales à charbon qui se convertissent dans le but de réduire les émissions de dioxyde de carbone sont considérées comme de nouvelles installations. Ce critère de nouveauté est une condition indispensable pour les rattacher au mécanisme de capacité. Ce faisant, elles pourront bénéficier de contrats pour différence, qui garantissent une rémunération stable et sécurisent les investissements.

L'article 2 prévoit que ces installations seront automatiquement autorisées à produire de l'électricité dès lors qu'elles auront été intégrées au mécanisme de capacité, ce qui évitera une procédure administrative lourde, susceptible de retarder leur mise en service.

Avant de conclure, je tiens à saluer la qualité de la collaboration avec mon collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, Patrick Chauvet. Les auditions conjointes que nous avons conduites dans des délais très courts nous ont permis d'entendre les principaux acteurs concernés par ce dossier crucial pour la Moselle et pour notre mix énergétique.

Je vous invite donc à émettre un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi et je forme le voeu que le Parlement l'adopte rapidement afin de répondre aux attentes légitimes des salariés de Saint-Avold et de contribuer efficacement à notre transition énergétique.

M. Ronan Dantec. - Nous comprenons la mobilisation des salariés et des syndicats de Saint-Avold. J'ai moi-même suivi avec une grande attention une situation très similaire à Cordemais.

Toutefois, la proposition de conversion est en contradiction avec le contexte de la production électrique française. En effet, revenir à une production de gaz à l'heure actuelle n'a aucun sens. Nous sommes dans une situation de surproduction électrique : la production nucléaire a repris plus rapidement que prévu et le photovoltaïque et l'éolien se développent très rapidement, car ils sont les moyens de production d'électricité les moins chers. Alors que l'État appelle à ralentir sur le photovoltaïque - ce que je n'approuve pas -, il n'est pas souhaitable, d'un point de vue climatique, de mettre en activité une nouvelle centrale à gaz.

C'est tout le sens de l'amendement que nous avons déposé au sujet de la centrale de Cordemais, dont la philosophie est de faire évoluer ces sites vers le stockage d'électricité, sur lequel il convient d'investir. Le gaz ne doit plus servir qu'à se chauffer, et non à produire de l'électricité. L'ouverture d'une nouvelle centrale à gaz pourrait assécher nos capacités en biogaz et nous conduire à importer du gaz de schiste canadien ou du gaz russe. Cela n'a pas de sens !

Tout en soutenant la mobilisation des salariés et une partie de leurs propositions pour l'avenir du site, il nous faut tenir un langage de vérité et reconnaître que nous n'avons pas besoin d'une centrale à gaz supplémentaire dans notre pays.

Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis. - Il ne s'agit pas de faire un pas en arrière. Je rappelle que les salariés de Saint-Avold ont répondu présents lorsqu'ils ont été rappelés pour rouvrir l'usine, car nous manquions d'électricité. Afin de garantir la sécurité d'approvisionnement énergétique, les capacités de production d'électricité de pointe restent nécessaires.

Je vous rappelle également, mon cher collègue, qu'il y a des emplois à la clé.

M. Ronan Dantec. - C'est le cas dans tous les domaines !

M. Jean-François Longeot, président. - C'est bien le problème !

Je comprends votre réaction et vos arguments, M. Dantec, mais il s'agit avant tout d'un choix politique, partagé par l'ensemble des sénateurs du département, et non d'un enjeu d'efficacité énergétique.

M. Ronan Dantec. - En réalité, nous votons des emplois subventionnés...

Mme Christine Herzog, rapporteure pour avis. - Nous cherchons effectivement à préserver l'emploi.

M. Jean-François Longeot, président. - Le caractère transpartisan de cette proposition de loi prouve sa justesse d'un point de vue tant climatique que social.

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Cette proposition de loi pragmatique revient sur la suppression des centrales à charbon à l'horizon 2022 prévue en 2019. Deux d'entre elles ont été fermées - celle du Havre et celle de Gardanne - et il en reste deux autres, dont nous avons besoin pour écrêter les pics de production. J'ai eu l'occasion d'entendre les représentants de Réseau de transport d'électricité (RTE) au cours d'une audition, qui en conviennent tous. Il faut relativiser !

La dynamique est la même pour nos centrales à fioul : nous en avions treize, il n'en reste plus que deux. Celles-ci ne tournent que durant un faible nombre d'heures dans l'année, mais nous en avons besoin pour suppléer le réseau lors des pics de consommation.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne porte pas seulement sur la centrale de Saint-Avold. À titre personnel, je la vois comme la solution sociale et humaine à un plan social ; ce n'est pas rien ! Il est important de donner des perspectives aux salariés de cette centrale.

Ce texte sera soumis à l'autorisation de l'Europe a posteriori, car il peut être considéré comme une subvention de la France à sa politique énergétique. Il restera donc du chemin à parcourir après l'adoption de la proposition de loi.

En tant que rapporteur de la commission des affaires économiques, j'y suis tout à fait favorable et je défendrai des amendements pour en renforcer la rédaction. Je précise par ailleurs que, dans leur grande majorité, les personnes que nous avons reçues en audition y sont elles aussi favorables.

M. Hervé Gillé. - Pour ma part, j'ai un avis différent de celui de Ronan Dantec.

Tout d'abord, la plupart des projets de reconversion des centrales à combustion fossile ont été abandonnés. Le périmètre a donc été considérablement réduit par rapport à l'objectif initial.

Ensuite, il s'agira bien d'une centrale de relève, qui aura vocation à produire de l'énergie lors de pics de consommation, dont 60 % à base de biométhane. Certes, il serait préférable de pousser cet objectif à 70 %, voire à 80 % à moyen et long terme, mais j'estime que cette production d'appoint est nécessaire.

En revanche, je suis d'accord avec Ronan Dantec sur le fait qu'il nous faut développer nos capacités de stockage. La surproduction actuelle entraîne une facture négative et donc coûteuse pour l'État, car nous ne parvenons pas à améliorer nos capacités de recharge et de production d'hydrogène.

Cela étant dit, la proposition de loi me semble pertinente et le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la soutiendra.

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je félicite Christine Herzog pour son travail et je vous propose de suivre son avis sur la proposition de loi en émettant un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à la proposition de loi.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

AUDITIONS CONJOINTES AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Mardi 4 mars 2025

- GazelEnergie : Mme Camille JAFFRELO, directrice de cabinet du président, directrice de la communication et des affaires publiques.

Mercredi 5 mars 2025

- Réseau de transport d'électricité (RTE) : MM. Olivier HOUVENAGEL, directeur Économie du système électrique et Philippe PILLEVESSE, directeur des relations institutionnelles.

M. Khalifé KHALIFÉ, Sénateur de la Moselle, premier signataire de la proposition de loi.

- Électricité de France (EDF) : MM. Olivier LAMARRE, directeur du parc nucléaire et thermique, division thermique, expertise et appui industriel multi-métiers et Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-324.html


* 1 La France ne compte plus que deux centrales à charbon sur son territoire : la centrale Émile-Huchet à Saint-Avold (Moselle) et la centrale de Cordemais (Loire-Atlantique).

* 2  La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat « MUPPA » a permis cette réouverture d'urgence.

* 3 MM. Khalifé Khalifé, Jean-Marie Mizzon et Michaël Weber, et Mmes Catherine Belrhiti et Christine Herzog.

* 4  Rapport d'information n° 279 (2021-2022) au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable relatif au bilan des négociations climatiques de Glasgow (COP26), par MM. Didier MANDELLI, Guillaume CHEVROLLIER et Ronan DANTEC.

* 5 Projet de loi n° 622 (2018-2019) relatif à l'énergie et au climat.

* 6  Avis n° 826 (2021-2022) de M.  Bruno BELIN, déposé le 25 juillet 2022.

* 7 Le 12 février 2025.

* 8 Source : Agence France-Presse, le 23 janvier 2025.

* 9 Ce dispositif s'appuie sur l'obligation de couverture de la consommation en heure de pointe par les acteurs obligés et sur la certification et la valorisation des capacités de production et d'effacement (source RTE).

* 10 RTE (Réseau de Transport d'Électricité) gère le réseau public de transport d'électricité haute tension en France, assurant l'équilibre entre production et consommation en temps réel.

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