III. UN RECUL IMPORTANT DU BUDGET DE L'ASILE DONT IL FAUDRA VEILLER À LIMITER AUTANT QUE POSSIBLE LES CONSÉQUENCES
A. UNE PROGRESSION CONSTANTE MAIS FRAGILE DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES
Les rapporteurs ont relevé avec satisfaction que la dynamique de réduction des délais de traitement des demandes d'asile amorcée en 2020 s'était poursuivie en 2024. S'il est encore loin de l'objectif assigné de 6 mois, le délai moyen de traitement des demandes d'asile est en amélioration constante à 9,1 mois en août 2024, contre 10,9 mois en 2023 et 13,2 mois en 2022. La situation est toutefois contrastée selon les étapes de la procédure et appelle à la prudence compte tenu de l'augmentation régulière de la demande d'asile :
· en GUDA : après une augmentation conjoncturelle en 2022 due à la crise ukrainienne (4,1 j), le délai d'enregistrement en GUDA est progressivement revenu à la normale (3,8 jours en 2023 et 2,2 jours sur les 8 premiers mois de l'année 2024). On constate par ailleurs une diminution des demandes sur la période récente (98 100 en 2024, - 8 %) ;
· à l'OFPRA : le
délai moyen était de 132 jours sur les huit premiers mois
de l'année 2024, en légère augmentation par
rapport à 2023 (127 jours) mais encore très inférieur aux
niveaux relevés sur les années précédentes (159
jours en 2022 et 261 jours en 2021). La capacité décisionnelle de
l'OFPRA est en effet inférieure à la demande depuis la fin 2022,
ce qui explique à la fois cette rechute des délais et
l'augmentation du stock de dossiers (65 000 aujourd'hui contre 53 370
fin 2023 et 47 296 fin 2022). L'apport de 29 ETP
supplémentaire pourrait néanmoins permettre de renouer avec la
dynamique baissière des dernières années et de
respecter l'objectif de 160 000 décisions annuelles en 2025. Ces
renforts seront d'autant plus bienvenus que, comme l'a souligné le
directeur général de l'OFPRA au cours de son audition, la
réduction des demandes observées en 2024 dans les GUDA ne s'est
pas encore répercutée sur
les demandes
enregistrées par l'OFPRA (142 649 demandes d'asile y ont
été enregistrées en 2023 et la barre des 100 000
a été franchie dès août 2024, en augmentation de
11 %)9(*) ;
· à la CNDA : la baisse ces deux dernières années du nombre de décisions rendues (66 358 contre 67 142 en 2022 et 68 403 en 2021) a été compensée par un important tassement du nombre de recours enregistrés en 2022 (61 552 contre 68 243 en 2021), partiellement rattrapé en 2023 (64 685). Tirant parti de ce contexte favorable, la CNDA traite depuis 2022 plus de dossiers qu'elle n'en enregistre, ce qui se traduit par une diminution des délais et une réduction du stock. Tout indique que cette dynamique devrait se poursuivre en 2024. Au premier semestre, la CNDA a ainsi traité 34 053 dossiers, pour un délai de jugement annuel moyen de 5 mois et 9 jours (6 mois et 3 jours en 2023) et un stock de 21 908 dossiers (contre 26 132 en 2023 et encore 33 353 en 2021). Si le délai de 5 mois en procédure normale est désormais quasiment respecté (5 mois et 19 jours), une difficulté subsiste toutefois s'agissant du délai de procédure accélérée (4 mois et 16 jours).
* Délai constaté au 31 août pour l'OFPRA et au 31 juin pour la CNDA
Source : Commission des lois, à partir des données budgétaires
Dans ce contexte, les objectifs de délais de traitement des demandes d'asile doivent nécessairement être envisagés à moyen terme et leur satisfaction est étroitement liée aux fluctuations de la demande d'asile (avec une prévision d'évolution annuelle de 5 % par an d'ici 2027 qui semble ambitieuse et devra être confirmée). À cet égard, un effort de sincérité du Gouvernement doit être salué. Le renvoi en 2027 de l'objectif d'un délai d'examen de 60 jours à l'OFPRA semble en effet plus conforme aux réalités observées sur le terrain que les projections des dernières années.
S'il est encore trop tôt pour mesurer précisément leurs effets, les innovations introduites par les articles 62 et 70 de la loi du 26 janvier 2024 précitée pourraient contribuer à accentuer la réduction des délais. Leur déploiement est toutefois encore inégal à ce stade :
· une expérimentation des espaces « France Asile » qui n'a pas encore démarré : au cours de son audition, le directeur général de l'OFPRA a indiqué que les trois sites pilotes prévus par l'expérimentation avaient bien été identifiés (à Cergy, Metz et Toulouse) et les aménagements effectués. L'entrée en service de ces nouveaux espaces rassemblant les services d'enregistrement du préfet, les agents de l'OFII (pour l'octroi des conditions matérielles d'accueil) ainsi que les services de l'OFPRA (pour la réalisation des premières démarches d'entrée dans la procédure d'asile) est toutefois conditionnée à l'achèvement des discussions en cours pour l'attribution des moyens requis à l'OFPRA ;
· un recul encore insuffisant sur les nouvelles chambres territoriales de la CNDA : cinq chambres ont d'ores et déjà été créées (deux à Lyon, une à Nancy, une à Bordeaux et une à Toulouse), tandis que deux autres ouvertures sont programmées en septembre 2025 (à Marseille et Nantes). Au cours de son audition, le président de la CNDA a dressé un bilan relativement positif de cette réforme, in fine plutôt bien acceptée par les personnels. Les craintes initiales sur l'indisponibilité des interprètes ne semblent, à ce jour, pas s'être concrétisées, tandis que les premières audiences décentralisées ont fait l'objet d'un taux de renvoi inférieur à la moyenne. Compte tenu des enjeux, les rapporteurs suivront ce dossier avec attention sur l'année à venir.
* 9 Cela s'explique, d'une part, par le nouvel essor de demandeurs d'asile ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire (8 000 demandes sur les huit premiers mois de l'année 2024) et, d'autre part, par l'importance des « réadmissions éteintes » qui rendent, à échéance d'un délai de 6 mois, la France responsable de l'examen de la demande d'asile d'un étranger théoriquement soumis à la procédure « Dublin ».