II. LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
A. UNE IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE QUI SE MAINTIENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ
Les flux d'immigration irrégulière sont en hausse constante depuis la fin de la pandémie de la covid-19. Les indicateurs traditionnellement utilisés pour objectiver ce phénomène sont parlants. Le nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État se porte à 441 228 en 2023, soit une augmentation de plus de 10 % par rapport à 2022 (400 327). Par ailleurs, 72 589 étrangers ont été contrôlés en situation irrégulière au premier semestre 2024, contre 123 800 sur l'année 2023. La première nationalité concernée est, de loin, algérienne (15 875), devant les nationalités tunisienne (6 783), marocaine (6 270) et soudanaise (3 617).
Si le volume de mesures de non-admission aux frontières est quant à lui en recul en 2023 (80 346, - 11,8 %), ce léger retrait s'explique, selon la police aux frontières, principalement par la mise en place de dispositifs de régularisation des étrangers en situation irrégulière en Italie et en Espagne ainsi que par une intensification des patrouilles à la frontière franco-italienne. En outre, la police aux frontières doit désormais composer avec les conséquences de l'arrêt dit « ADDE » du 21 septembre 2023 de la Cour de justice de l'Union européenne, qui limite drastiquement les possibilités d'édiction de refus d'entrée aux frontières intérieures. La directrice nationale de la PAF a ainsi indiqué au cours de son audition que cette jurisprudence multipliait par 8 le temps de travail des agents sur chaque dossier.
Au niveau européen, on constate a contrario une diminution nette des entrées irrégulières détectées (191 900 sur les 10 premiers mois de l'année 2024, - 43 %). Cette tendance recouvre toutefois des réalités contrastées. Le fort décrochage de la route de la méditerranée centrale (- 62 %) est notamment contrebalancé par des augmentations d'ampleur variable sur les routes de de la méditerranée orientale (+ 14 %) et d'Afrique de l'ouest (+ 14 %), ainsi qu'à la frontière franco-britannique (+ 5 %).
B. UNE REVALORISATION INDISPENSABLE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE DE RETOUR
1. Des éloignements qui n'évoluent pour le moment qu'à la marge
Le volume des éloignements réalisés n'a que marginalement évolué en 2023 et reste loin de son niveau prépandémique. La PAF a ainsi procédé à 11 722 retours forcés en 2023 contre respectivement 11 410 en 2022 et, surtout, 18 906 en 2019. Selon les données communiquées par la DGEF, un léger regain d'efficacité est observé sur le premier semestre 2024, avec 6 405 éloignements réalisés (+ 9,8 %). Les rapporteurs regrettent en revanche que, contrairement aux années précédentes, les données relatives au taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne leur aient pas été communiquées.
Les explications avancées à cette stagnation des éloignements dans les documents budgétaires mentionnent notamment le manque de coopération de certains États d'origine, au premier rang desquels les trois États du Maghreb. Pour rappel, le taux de délivrance global des laissez-passer consulaires dans les délais s'établit à 57,5 %6(*) en 2024.
Si ce bilan quantitatif est, en tout état de cause, encore très insuffisant, une analyse qualitative laisse entrevoir quelques points de satisfaction. La limitation des protections contre l'éloignement opérée par la loi du 26 janvier 2024 précitée a permis l'édiction d'un nombre significatif de mesures d'éloignement à l'encontre d'étrangers parfois auteurs d'importants troubles à l'ordre public. Selon les données transmises par la DGEF, 2 195 mesures d'éloignement ont été prononcées dans ce cadre entre le 28 janvier et le 1er octobre 2024, dont 106 effectivement exécutées (à raison de 1 940 OQTF et 255 expulsions).
Le bilan est enfin en demi-teinte s'agissant des retours aidés. Leur nombre constaté en 2023 (4 467) s'est établi très en deçà de la prévision initiale (7 200). La réforme de l'allocation au retour n'est toutefois intervenue qu'à compter du mois d'octobre, si bien que ses premiers effets n'interviendront probablement qu'en 20247(*). Dans ce contexte, la cible de 8 000 retours aidés ne devrait probablement pouvoir être atteinte qu'à horizon 2025.
2. Un plan « CRA 3000 » qui doit impérativement être sacralisé
Après plusieurs années d'augmentation lente mais continue, la capacité totale du parc de rétention n'évoluera pas en 2025. Pour rappel, celle-ci a atteint 1 959 places en 2024 du fait de la livraison du CRA d'Olivet et de l'extension de celui de Perpignan (respectivement 90 et 12 places). La prochaine livraison est attendue en 2026 avec un nouveau CRA de 140 places à Bordeaux. Des opérations d'ouverture et d'extension de CRA sont d'ores et déjà engagées à Périchet ainsi qu'à Vincennes. Par ailleurs, la DGEF a indiqué aux rapporteurs que la création de trois CRA supplémentaires serait engagée en 2025 (Béziers, Nantes et Mayotte) tandis que deux autres projets étaient en cours de développement (Dijon et Dunkerque). S'il n'est pas inaccessible, l'objectif de 3 000 places à horizon 2027 fixé par la LOPMI apparaît à tout le moins ambitieux. À cet égard, les rapporteurs se félicitent de l'engagement pris par le ministre de l'intérieur d'augmenter les crédits correspondants au cours des débats budgétaires. La commission suivra avec une attention particulière l'avancement de ce dossier, qui se situe aujourd'hui à un point de basculement. Le moindre retard pris aujourd'hui dans ce chantier au long cours se traduira en effet immédiatement par l'obsolescence de fait de l'objectif de 3 000 places à horizon 2021.
L'autre point d'intérêt concerne l'important recul du taux d'éloignement des étrangers placés en rétention (35,2 % en 2023 contre 43,2 % l'années précédente)8(*). Le Gouvernement estime néanmoins que l'intensification des efforts de coopération diplomatique sur la dernière pourrait permettre un rebond, avec des cibles rehaussées à 50 % en 2024 et 60 % en 2026.
Source : Commission des lois, à partir des données budgétaires
* 6 2 329 pour 4 025 demandes.
* 7 Celle-ci consistait principalement à augmenter le montant de l'aide au retour en contrepartie d'une plus grande dégressivité.
* 8 Outre l'évolution du profil des étrangers retenus, le Gouvernement explique également cette hausse par la persistance ponctuelle de contraintes sanitaires ainsi que par une coopération laissant à désirer des États d'origine, en particulier les trois États du Maghreb.