N° 593

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France,

Par M. Claude MALHURET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, M. Philippe Folliot, Mme Annick Girardin, M. Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

2150, 2343 et T.A. 269

Sénat :

479 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France déposée à l'Assemblée nationale par Sacha Houlié, Thomas Gassilloud et Constance Le Grip, membres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), a pour objet de donner une traduction législative à certaines des 22 propositions formulées par le rapport d'activité1(*) de la DPR, dont la thématique pour l'année 2022-2023 était les ingérences étrangères et les moyens dont disposent les services de renseignement français pour les détecter, les surveiller et les entraver.

Les 4 principales recommandations mises en oeuvre sont les suivantes :

? la création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger ;

? la remise d'un rapport au Parlement sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale en raison d'ingérences étrangères ;

? l'extension aux cas d'ingérence étrangère de la technique de « l'algorithme » ;

? le gel des avoir des personnes physiques et morales se livrant à des actes d'ingérence.

I. LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT : SORTIR DU DÉNI ET AGIR CONTRE LES OPÉRATIONS D'INGÉRENCES ÉTRANGÈRES

A. LA DPR A FAIT LE CONSTAT DE MENACES PROTÉIFORMES ET OMNIPRÉSENTES PROVENANT DE RUSSIE, DE CHINE, DE TURQUIE ET D'IRAN, MAIS AUSSI DE CERTAINS ALLIÉS

· La Russie, dans la tradition soviétique, a recours à l'infiltration et à l'espionnage ; le déclenchement de la guerre en Ukraine a conduit à l'expulsion de France de 41 espions russes sous couverture diplomatique. Les opérations de propagande et de manipulation de l'information, couplées à des ingérences fréquentes dans les processus électoraux, sont également caractéristiques de la « signature » russe. Depuis la publication du rapport de la DPR, ces phénomènes ont été précisément documentés par le service de vigilance contre les ingérences numériques (Viginum) et attribués par le ministère des affaires étrangères à la propagande russe dans le cadre de l'opération « Portal Kombat » destinée à perturber le débat public dans la perspective des élections européennes et à affaiblir dans l'opinion le soutien à la résistance ukrainienne2(*) ;

· S'agissant de la Chine, une loi du 28 juin 2017 sur le renseignement national a considérablement étendu les pouvoirs des services de renseignement et fait de tout ressortissant chinois, dans son pays comme à l'étranger, un espion potentiel. La Chine utilise différents leviers d'action pour mener ses opérations d'ingérence : le recours aux diasporas, l'utilisation des médias, la captation de données économiques et scientifiques, la prédation économique. La face émergée de l'action des services chinois, y compris sur le sol français, prend la forme de « commissariats » clandestins oeuvrant au retour forcé en Chine de dissidents3(*).

Le rapport précise également que d'autres puissances étrangères ont recours à des actions d'ingérence : Turquie, Iran, autres États du Maghreb et du Golfe...

En matière d'ingérences économiques il n'y a pas non plus d'ami. Des alliés, en particulier les États-Unis, utilisent divers modes opératoires comme la captation de données ou l'extraterritorialité du droit pour porter atteinte à la sécurité économique d'autres États, y compris alliés.


* 1 Rapport n° 810 (2022-2023) du 29 juin 2023.

* 2 Déclaration de Jean-Noël Barrot, ministre délégué, chargé de l'Europe, sur la désinformation et les ingérences informationnelles au sein de l'Union européenne, à Bazoches-sur-Guyonne le 29 avril 2024.

* 3 Reportage diffusé le 2 mai 2024 par France Télévision dans le magazine « Envoyé spécial ».

Partager cette page