IV. INVENTAIRE FORESTIER OUTRE-MER : LE GOUVERNEMENT DOIT ACCÉLÉRER SUR LA MISE EN oeUVRE DE CETTE MESURE DÉFENDUE DE LONGUE DATE PAR LE SÉNAT

Votée dans la loi d'avenir agricole en 2014, puis à nouveau dans la loi climat et résilience en 202116(*), la réalisation d'un inventaire forestier Outre-mer est une nécessité tardant à se concrétiser, inapplicable faute de moyens, au mépris de l'impulsion donnée par le Parlement.

Les rapporteurs notent que le Secrétariat général à la planification écologique a repris cette proposition17(*), qui répond à deux objectifs :

Ø le suivi du puits de carbone, la forêt ultramarine et notamment guyanaise, très dense, stockant autant de CO2 que la forêt hexagonale avec une surface pourtant deux fois moindre (8 millions d'hectares contre 16 Mha). Cela urge d'autant plus que le puits de carbone forestier hexagonal a, lui, été divisé par deux en 10 ans ;

Ø la mobilisation du bois et la valorisation de la forêt par des paiements pour services environnementaux, pour le développement économique ultramarin.

Un inventaire par Lidar (télédétection par laser), financé par le Fonds de transformation de l'action publique, devait couvrir les Outre-mer (hors Guyane) mais, sous-financé, il n'a pas permis à l'IGN de le réaliser. 

La création, dans le cadre de la planification écologique, d'une sous-action « forêt en Outre-mer », dotée de 15 M€, semble finalement concourir au financement d'un tel inventaire à hauteur de 6,2 M€, en dépit de ce qui était indiqué dans le projet annuel de performance :

Cependant, si 24 ETPT sont jugés nécessaires pour la réalisation de cet inventaire (18 pour les observations de terrain de l'ONF et 6 pour le traitement cartographique au siège de l'IGN), les plafonds d'emplois du PLF ne traduisent pas ce besoin. Or il est plausible que ces postes parfois très spécialisés et dans les Outre-mer ne soient pas pourvus rapidement. Un inventaire complet ne pouvant être réalisé qu'en 4 à 5 ans, cela renverrait l'effectivité de la mesure à 2030 au moins, date-clé pourtant de notre trajectoire de décarbonation. C'est aussi une question de principe pour le Sénat, la mesure ayant été votée il y a bientôt 10 ans.

Amendement n° 5 : augmenter dès 2024 le plafond d'emplois du programme 149 de 24 ETPT (18 pour l'ONF et 6 pour l'IGN) afin d'accélérer la réalisation d'un inventaire forestier Outre-mer.

Il est difficilement entendable d'attendre 2030 pour cette mesure vitale pour le développement économique des outre-mer et le suivi du puits de carbone guyanais, équivalent, à lui seul, à celui de la forêt hexagonale

Effectifs de l'ONF et du CNPF : après la stabilisation,
le besoin d'une inflexion

Concernant les moyens humains des deux établissements chargés de la forêt publique et privée, les rapporteurs se satisfont de la « prise de conscience de la nécessité de stopper l'hémorragie et de mettre les moyens en adéquation avec les missions » évoquée l'an dernier au Sénat par le ministre de l'agriculture. Cela se traduit pour 2024 par de premiers timides efforts budgétaires dans le PLF avec + 5 ETP pour le CNPF et une seconde « suspension » consécutive du schéma d'emplois de l'ONF de - 95 ETP18(*).

Alors que le président de la République a fixé l'objectif de planter 1 milliard d'arbres d'ici à 2030 et que le rapport « Objectif forêt » remis au Gouvernement cet été estime que 10 % des forêts hexagonales (1,6 M ha) devront être renouvelés d'ici à 2030, les rapporteurs :

- accueillent avec soulagement l'amendement finançant 16 ETPT supplémentaires pour le CNPF dès 2024 (en plus de 5 financés et de 5 à financer par des conventions dans le PLF initial), sur 50 demandés à horizon 2027 pour la bonne application de la loi d'initiative sénatoriale « feux de forêt » du 10 juillet 202319(*) ;

- regrettent le vocable retenu de « suspension » du schéma d'emplois de l'ONF, laissant planer la menace d'une reprise des suppressions en 2025, la stabilité des effectifs devant au contraire être durablement garantie à l'établissement, son président et sa directrice générale ayant confirmé qu'elle avait rejailli positivement sur le climat général en son sein. Ils préviennent par ailleurs que le contrat État-ONF post-2025 devra mettre un terme à la suppression des postes de techniciens et, plus encore, d'ouvriers forestiers, qui a cours actuellement pour réallouer des postes à la défense des forêts contre l'incendie (DFCI), dans un contexte où le maillon ETF/ouvriers est fragilisé.

Les rapporteurs appellent en somme à faire de ce levier, préconisé par le SGPE, une réalité :


* 16 Article 151-1 du code forestier.

* 17 SGPE, « La planification écologique pour la forêt - Principaux enjeux et leviers », 26 juillet 2023, p. 22.

* 18 Ce schéma d'emplois avait dès 2022 été ramené à -80 ETP pour accompagner le développement de la contractualisation en forêt publique, qui implique plus de main-d'oeuvre notamment pour le façonnage du bois.

* 19 Loi n° 2023-580 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Constitution d'un réseau de référents DFCI au sein du CNPF (art. 33), aide à la constitution d'ASA de DFCI (art. 3), agrément du flux de documents de gestion durable lié au passage du plancher d'obligation de 25 à 20 ha (art. 30), visites à mi-parcours des documents de gestion durable (art. 32).

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